SOUS-SECTION 2 DÉLAIS DE REPRISE EN MATIÈRE D'IMPÔT SUR LE REVENU, D'IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS ET DE TAXES ASSIMILÉES
3. Omission ou insuffisance d'imposition en matière d'impôt sur le revenu constatée à la suite de l'ouverture de la succession d'un contribuable ou de l'un des époux soumis à une imposition commune (LPF, art. L. 172 ).
21Le 1er alinéa de l'article L. 169 du LPF prévoit que le droit de reprise de l'administration au regard de l'impôt sur le revenu, de l'impôt sur les sociétés et des taxes assimilées peut s'exercer jusqu'à l'expiration de la troisième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due. Aucune disposition ne prévoit que ce délai n'est pas applicable en cas de décès.
L'article L. 172 du LPF aboutit à le prolonger dans certains cas lorsque des omissions ou insuffisances sont constatées à la suite de l'ouverture de la succession. Il est à remarquer que ce délai spécial n'est susceptible de trouver son application que lorsque les insuffisances ou les omissions reposent sur des faits dont l'administration n'avait pas déjà connaissance avant l'ouverture de la succession (CE, arrêt du 24 octobre 1973, req. n° 79260 et req. n° 79468, RJ n° IV, p. 108).
22L'administration peut donc :
1° rectifier les déclarations d'impôt sur le revenu d'un contribuable décédé jusqu'au 31 décembre de la troisième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due (LPF, art. L. 169 , 1er alinéa) ;
2° également rectifier les déclarations d'impôt sur le revenu de l'année du décès et des quatre années antérieures jusqu'au 31 décembre de la deuxième année suivant celle de la déclaration de succession ou, si aucune déclaration de succession n'a été faite, celle du paiement par les héritiers des droits de mutation par décès (LPF, L. 172 ).
23Le délai spécial de prescription prévu par l'article L. 172 du LPF ne s'applique qu'à la réparation des omissions ou insuffisances qui sont venues à la connaissance de l'administration par l'effet de l'ouverture de la succession. Il a toutefois été jugé par le Conseil d'État que toute omission ou insuffisance constatée à la suite de l'ouverture d'une succession peut être réparée dans le délai spécial, quelles que soient les modalités selon lesquelles cette constatation a été effectuée et alors même que celle-ci aurait été provoquée par les héritiers postérieurement à la déclaration de succession (CE, arrêt du 7 novembre 1938, req. n° 59748, RO, p. 483).
24Lorsqu'une déclaration de succession a été souscrite, la date à prendre en considération pour déterminer le point de départ du délai spécial de reprise est celle de l'enregistrement de la déclaration de succession et non celle de sa rédaction (CE, arrêt du 10 juillet 1939, req. n° 66290, RO p. 406).
25Lorsqu'une succession a donné lieu au dépôt de plusieurs déclarations successives, on retient, comme point de départ du délai, la date du dépôt de la déclaration régulière portant sur l'ensemble de l'actif successoral et non celle du dépôt de la déclaration provisoire (CE, arrêt du 5 juin 1930, req. n° 98838, RO, p. 777).
26Si cette déclaration générale est elle-même suivie de déclarations complémentaires, souscrites en vue de réparer l'omission de biens successoraux, chacune de ces déclarations ouvre un nouveau délai pour l'imposition des revenus afférents aux biens qui y sont spécialement énoncés.
27À défaut de déclaration, enfin, c'est la date du paiement des droits de mutation par décès qui détermine le point de départ de la prescription spéciale. Toutefois, le versement d'un simple acompte à valoir sur les droits ne fait pas courir ladite prescription (CE, arrêt du 19 février 1932, req. n° 2865, RO, p. 645).
IV. Autres dérogations au délai général de reprise
28Des dérogations aux dispositions du 1er alinéa de l'article L. 169 du LPF sont également prévues dans les cas particuliers suivants :
- caducité de l'exonération conditionnelle des plus-values de cession des débits de boissons reconvertis (CGI, art. 41 bis-2) ;
- déchéance du bénéfice des avantages fiscaux accordés en matière d'impôt sur le revenu au titre de l'épargne investie dans la construction (CGI, ann. Il, art. 90).
1. Caducité de l'exonération conditionnelle des plus-values de cession des débits de boissons reconvertis (CGI, art. 41 bis-2).
29Le paragraphe 1 de l'article 41 bis du CGI exonère, sous certaines conditions, la plus-value constatée à l'occasion de la cession des éléments corporels et incorporels d'un débit de boissons auquel est attachée une licence de 3e ou de 4e catégorie lorsque le cessionnaire s'engage dans l'acte de cession, soit de le convertir en débit de 1ère ou de 2ème catégorie dans un délai de six mois maximum. soit d'entreprendre, dans le même délai, une profession différente dans les mêmes locaux.
Cette exonération est supprimée si la reconversion n'est pas réalisée dans les délais fixés ou si la transformation d'un débit de boissons est effectuée à la suite d'une condamnation ou transaction définitive pour infraction à la législation des boissons ou des débits de boissons, commise par le cessionnaire dans le délai de trois ans à compter de la mutation et à l'occasion de l'exploitation du débit cédé.
La plus-value est alors rattachée aux résultats de l'exploitation du cédant, mais le complément de droits qui en résulte est recouvré à l'encontre du seul cessionnaire. Pour plus de détails sur cette exonération conditionnelle, on se reportera en tant que de besoin à la DB 4 B . En vertu du paragraphe 2 de l'article susvisé, ce complément de droits peut, sans préjudice du délai de reprise fixé par le 1er alinéa de l'article L. 169 du LPF, être mis en recouvrement jusqu'au 31 décembre de l'année suivant celle de la condamnation ou transaction définitive.
2. Déchéance du bénéfice de la déduction effectuée en matière d'impôt sur le revenu au titre de l'épargne investie dans la construction (CGI, ann. Il, art. 90).
30En vertu des articles 85 à 87 de l'annexe II au CGI, le contribuable qui a obtenu, dans le cadre de la réglementation de l'épargne-crédit 1 ou du crédit différé, un prêt affecté à son habitation principale ou à celle de ses ascendants ou descendants, est autorisé à déduire du revenu net global de l'année au cours de laquelle le prêt a été consenti, une somme déterminée conformément aux dispositions des articles 88 et 89 de l'annexe II précitée.
Sauf circonstance de force majeure, si un immeuble ayant donné droit à déduction fait l'objet d'une aliénation au profit de personnes autres que le conjoint, les ascendants ou descendants du contribuable avant l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de son achèvement ou s'il est affecté dans le même délai à un usage autre que celui défini à l'article 86, dernier alinéa, le montant de l'impôt correspondant à la déduction dont l'intéressé a bénéficié est reversé de plein droit à l'État, sans préjudice de l'application d'une majoration de 25 % et nonobstant éventuellement, l'expiration du délai de reprise visé à l'article L. 169 du LPF.
V. Cas d'inopposabilité de la prescription à l'exercice du droit de vérification de l'administration
31L'expiration des délais de reprise ne met pas obstacle à l'exercice du droit de vérification de l'administration à l'égard de périodes prescrites mais dont les opérations ont une incidence sur les résultats d'une période ultérieure, non couverte par la prescription.
32Cette règle trouve à s'appliquer notamment dans les cas suivants :
- déficits antérieurs reportables ;
- provisions irrégulièrement constituées ou devenues sans objet au cours d'exercices prescrits ;
- reports en arrière des déficits ;
- déficit d'ensemble ou moins-value nette à long terme d'ensemble subis par un groupe mentionné à l'article 223 A du CGI.
33Préalablement à l'examen de chacun de ces cas, il est fait observer que, dans aucun d'eux, il n'est porté atteinte au principe de la prescription, les reprises d'imposition n'étant effectuées, le cas échéant, qu'au titre d'années non prescrites.
1. Déficits antérieurs reportables.
34L'administration est fondée non seulement à remettre en cause le déficit d'un exercice atteint par la prescription lorsque ce déficit, reporté sur les années suivantes, a influencé les résultats d'exercices non prescrits mais elle peut, en outre, vérifier les résultats des exercices suivants, même bénéficiaires, et encore qu'ils seraient eux-mêmes couverts par la prescription, dès lors que, les bénéfices n'ayant pas totalement absorbé le déficit initial, ces exercices ont présenté sur le plan fiscal un solde déficitaire. Mais, bien entendu, aucune imposition ne saurait, sans porter atteinte au principe de la prescription, être établie au titre desdits exercices (CE, arrêt des 25 novembre 1966, req. n° 63522, RO, p. 280 ; 20 décembre 1967, req. n° 70225, et 6 février 1985, n° 43638).
Les principes ainsi posés concernent aussi bien l'impôt sur les sociétés que l'impôt sur le revenu.
C'est ainsi qu'il a été jugé que, lorsqu'en application de l'article 156-I du CGI, un contribuable entend imputer sur ses revenus d'une année déterminée un solde déficitaire déclaré par lui au titre d'une année antérieure pour l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration est en droit de contrôler l'existence et le montant du déficit reportable alors même que les années au cours desquelles se serait produit ledit déficit seraient couvertes par la prescription (CE, arrêt du 27 février 1970, req. n° 76494).
2. Provisions irrégulièrement constituées ou devenues sans objet au cours d'exercices prescrits.
35Les provisions irrégulièrement constituées ou devenues sans objet au cours d'un exercice prescrit, doivent être rapportées aux résultats du plus ancien exercice non atteint par la prescription, lorsqu'elles continuent de figurer au bilan d'ouverture (CE, arrêt du 15 janvier 1962, req. n° 50045, RO, p. 15).
L'application de cette règle implique évidemment la faculté d'exercer un droit de communication et de contrôle sur des exercices prescrits.
3. Report en arrière des déficits (LPF, art. L. 171 A ).
36Pour l'application de l'article 220 quinquies du CGI, l'administration est fondée à vérifier l'existence et la quotité de la créance et à en rectifier le montant, même si l'option pour le report en arrière du déficit correspondant a été exercée au titre d'un exercice prescrit.
Ainsi, nonobstant l'expiration du délai de reprise, l'administration dispose du droit de contrôler :
- la validité de l'option pour le report en arrière des déficits ;
- les éléments constitutifs de la créance et, notamment, les résultats des exercices dont le déficit est reporté en arrière, ainsi que les éléments du calcul de l'impôt sur les sociétés des exercices sur lesquels le déficit est reporté.
Lorsque les éléments de calcul de la créance doivent être recherchés dans les résultats des exercices prescrits, le contrôle ne peut, bien entendu, se traduire que par une réduction du montant de la créance et non pas par une rectification des bases du calcul de l'impôt sur les sociétés dû au titre de ces exercices. La réduction du montant de la créance entraîne :
- l'établissement de droits supplémentaires dans la mesure où la créance a été utilisée pour le paiement de l'impôt sur les sociétés ;
- le reversement des sommes remboursées au Trésor dans la mesure où la créance a été remboursée à tort. Ce reversement procède d'un rôle supplémentaire. Pour effectuer les contrôles l'administration doit observer la procédure contradictoire.
4. Déficit d'ensemble ou moins-value nette à long terme d'ensemble subis par un groupe mentionné à l'article 223 A du CGI (LPF, art. L. 169 , 4ème et Sème alinéas).
37Si le déficit d'ensemble ou la moins-value nette à long terme d'ensemble subis par un groupe mentionné à l'article 223 A du CGI sont imputés dans les conditions prévues aux articles 223 C et 223 D dudit code sur le résultat d'ensemble ou la plus-value nette à long terme d'ensemble réalisés au titre de l'un des exercices clos au cours de la période mentionnée à l'alinéa précédent, les résultats et les plus-values ou moins-values nettes à long terme réalisés par les sociétés de ce groupe et qui ont concouru à la détermination de ce déficit ou de cette moins-value peuvent être remis en cause à hauteur du montant du déficit ou de la moins-value ainsi imputés, nonobstant les dispositions prévues au premier alinéa de l'article L. 169 du LPF.
Si le groupe a cessé d'exister, les règles définies à l'alinéa précédent demeurent applicables au déficit ou à la moins-value nette à long terme définis au quatrième alinéa de l'article 223 S du CGI.
a. Principes.
38Le droit de reprise de l'administration au regard de l'impôt sur les sociétés et des taxes assimilées peut s'exercer jusqu'à l'expiration de la troisième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due (premier alinéa de l'article L. 169 du LPF).
Par ailleurs, les dispositions de l'article 209-I du CGI assimilent le déficit antérieur reporté sur un exercice ultérieur, à une charge de l'exercice d'imputation (cf. DB 4 H 2211, n 0s65 et suiv. ).
L'administration est donc fondée à remettre en cause le déficit d'un exercice atteint par la prescription lorsque ce déficit, reporté sur les années suivantes, a influencé les résultats d'exercices non prescrits. Elle peut en outre vérifier les résultats des exercices suivants, même bénéficiaires et eux-mêmes couverts par la prescription, dès lors que les bénéfices n'ayant pas totalement absorbé le déficit initial, ces exercices ont présenté sur le plan fiscal un solde déficitaire (cf. n° 34 ). Bien entendu, aucune imposition ne peut être établie au titre des exercices prescrits.
Les quatrième et cinquième alinéa de l'article L. 169 du LPF précisent les conditions d'application de ces principes pour les groupes relevant du régime mentionné aux articles 223 A et suivants du CGI.
1 Les comptes d'épargne-crédit ont été transformés de plein droit en comptes d'épargne-logement par l'article 54-II de la loi de finances pour 1980.