Date de début de publication du BOI : 01/10/1996
Identifiant juridique : 13E3385
Références du document :  13E3385

SOUS-SECTION 5 EFFETS DE L'APPEL. POUVOIRS DES JUGES

SOUS-SECTION 5

Effets de l'appel. Pouvoirs des juges

1L'appel et le délai d'appel suspendent l'exécution du jugement rendu en première instance (effet suspensif) conformément à la règle qui veut qu'en matière répressive en général, toutes les voies de recours exercées contre une décision qui n'a pas acquis l'autorité de la chose jugée aient cet effet.

Après dessaisissement du tribunal, la cour examine à nouveau les mêmes faits dans les limites du recours exercé (effet dévolutif).

En cas d'appel pour irrégularité de forme, la cour, après avoir annulé la première décision, a l'obligation de statuer sur toute l'affaire, par dérogation à la règle du double degré de juridiction (évocation).

  A. EFFET SUSPENSIF

  I. Principe

2Pendant les délais d'appel et durant l'instance d'appel, il est sursis à l'exécution du jugement (Code de Proc. pén., art. 506).

L'effet suspensif concerne les condamnations tant pécuniaires que corporelles.

En. revanche, les jugements de relaxe, dans l'intérêt du prévenu, sont immédiatement exécutoires (Code de Proc. pén., art. 471).

  II. Exceptions

1° Dommages-intérêts

3Le versement de dommages-intérêts ou de provision ordonné par le tribunal est exécutoire nonobstant appel (Code de Proc. pén., art. 464).

2° Détention

4Le prévenu peut être maintenu en détention (Code de Proc. pén., art. 464-1).

L'appel ne suspend pas l'exercice de la contrainte par corps (LPF, art. L 240).

Nonobstant appel, le prévenu détenu qui n'a pas été condamné à une peine d'emprisonnement sans sursis est mis en liberté immédiatement après le jugement (Code de Proc. pén., art. 471).

3° Jugements distincts des jugements sur le fond

5Articles 507 et 508 du Code de Procédure pénale, voir ci-dessus E 3384, n°s 20 et 21 .

4° Appel du procureur général

6Le délai d'appel de deux mois accordé au procureur général ne fait point obstacle à l'exécution de la peine (Code de Proc. pén., art. 708).

  B. EFFET DEVOLUTIF

7L'acte d'appel, en plus de son effet suspensif, dessaisit le premier juge et l'examen de l'affaire est dévolu à la chambre des appels correctionnels, juridiction de second degré, dans la limite fixée par l'acte d'appel et par la qualité de l'appelant (Code de Proc. pén., art. 509 et 515).

Les iuges du second degré ont, par l'effet dévolutif de l'appel, les mêmes pouvoirs que les premiers juges pour apprécier souverainement la valeur des éléments de preuve produits par les parties à l'instance (voir E 3363 , Pouvoirs des juges ; E 3351, Preuve des contraventions ; E 3362, Forme et contenu des jugements et arrêts).

  I. Limite fixée par l'acte d'appel

8Conformément à la règle « tandum devolutum quantum appellatum », le juge d'appel n'est saisi que par l'acte d'appel et sa juridiction est limitée par les termes mêmes de cet acte.

Il est le plus souvent admis que la portée de l'acte d'appel est, à priori, générale et que c'est seulement dans l'hypothèse où l'appelant a expressément manifesté sa volonté de limiter son recours qu'il peut en être autrement (voir, par exemple, Merle et Vitu, Traité de droit criminel, 2e éd., t. II, p. 672).

9Cette manière de voir est au demeurant partagée par la chambre criminelle elle-même qui, dans différents arrêts :

- énonce que « les limitations et restrictions doivent ressortir nettement des termes mêmes de l'appel » (Cass. crim., part. 26 mai 1959, Bull. crim. 276, p. 564 ; Cass. crim., part. 2 mars 1961, Bull. crim. 135, p. 261, D. 1961-295 ; Cass. crim., 12 novembre 1974, Bull. crim. 324, p. 829) ;

- exige que ces limitations et restrictions soient expressément formulées (cf. par exemple s'agissant de l'appel du prévenu : Cass. crim., part. 27 octobre 1971, Bull. crim. 284, p. 698 et s'agissant de l'appel du ministère public : crim. rejet, 29 avril 1960, Bull. crim 218, p. 457).

10Dans le même sens, la cour suprême a jugé :

- que le fait, par l'appelant, de ne pas viser dans son appel certains des prévenus ou des responsables de l'infraction ne saurait être interprété comme la manifestation de sa volonté d'exclure du recours qu'il exerce les dispositions du jugement concemant ces prévenus ou responsables et, que l'appel ainsi rédigé, ne contenant ni restriction ni réserve, avait eu pour objet comme pour effet de déférer à la juridiction supérieure la prévention tout entière (Cass. crim. rejet, 10 juin 1959, Bull. crim. 303, p. 614) ;

- que l'énonciation, dans l'acte d'appel, d'une partie seulement du dispositif du jugement entrepris, n'implique pas pour autant une limitation de l'effet dévolutif en l'absence d'une volonté formellement exprimée (Cass. crim., 22 juillet 1970, Bull. crim. 241, p. 575, Rev. sc. crim. 1971, Chron. jur., p. 435).

11Toutefois, il arrive que la cour suprême considère comme définitive les dispositions, non expressément visées dans l'acte d'appel, des jugements rendus en premier ressort (Cass. crim. rejet, 11 février 1965, Bull. crim. 45, p. 99 ; Crim. rejet, 23 avril 1975, Bull. crim. 105, p. 293).

Dans une espèce plus récente, la chambre criminelle a débouté l'Administration dans les termes suivants.

Lorsqu'un jugement contient des dispositions distinctes sur des chefs de prévention également distincts et qu'il n'y a appel que de certaines d'entre elles, la juridiction du second degré ne peut statuer que sur celles dont elle est saisie.

En conséquence, l'acte par lequel l'Administration interjette appel d'un jugement qui, en lui accordant des circonstances atténuantes, a condamné un prévenu pour exercice du commerce de gros des alcools sans déclaration préalable, lorsqu'il n'y est pas fait mention de la relaxe dont l'intéressé et deux coprévenus ont bénéficié du chef de transport, d'eau-de-vie sous le couvert d'acquits-à-caution inapplicables, ne saisit les deuxièmes juges que des dispositions dudit jugement portant condamnation. Celles relatives à la relaxe des trois prévenus deviennent ainsi définitives (Cass. crim., 7 avril 1976, RJ , I, p. 105).

Mesures pratiques

12Pour tenir compte de la jurisprudence susvisée, les agents chargés d'exercer au nom de l'Administration, les voies de recours contre les jugements ou arrêts défavorables doivent prêter la plus grande attention aux déclarations qu'ils souscrivent la moindre négligence ou imprécision étant susceptible d'entraîner des conséquences très regrettables.

En particulier, il convient non seulement de ne pas limiter, par une mention expresse, la portée du recours (appel ou pourvoi en cassation), mais encore de s'assurer que, par une reproduction incomplète du dispositif de la décision attaquée, il ne se trouve pas restreint à certaines dispositions seulement.

Pour éviter toute difficulté, il apparaît d'ailleurs préférable - lorsque, tout au moins, la décision porte sur plusieurs chefs d'infraction et concerne différents prévenus - d'indiquer, dans la déclaration d'appel ou de pourvoi, que l'Administration exerce son recours contre toutes les dispositions du jugement ou de l'arrêt qui lui font grief. Cette manière de procéder lui laisse bien entendu entière liberté pour ne conclure, ultérieurement, à la réformation ou à la cassation de la décision attaquée que sur un point déterminé, si l'examen du dossier en fait apparaître l'opportunité.

  II. Qualité de l'appelant

L'affaire est dévolue à la cour d'appel dans la limite fixée par l'acte d'appel et par la qualité de l'appelant (Code de Proc. pén., art. 509 et 515 précités).

1. Appel du prévenu

13La cour ne peut, sur le seul appel du prévenu aggraver son sort (Code de Proc. pén., art. 515).

En effet, le prévenu en interjetant appel a pour but d'obtenir l'exemption ou la diminution des condamnations prononcées contre lui.

a. Non-aggravation de son sort

14La cour ne peut retenir un chef de prévention que les premiers juges ont écarté ou sur lequel ils ont omis de statuer (Cass. crim., 23 avril 1923, Bull. crim. 323).

Sur le seul appel du prévenu, la cour ne peut prononcer une peine qui n'avait pas été prononcée par les premiers juges, ni aggraver la peine appliquée, ni ajouter une peine accessoire à une peine principale (Cass. crim., 22 juillet 1830, Mém. 13, 132 ; Cass. crim., 22 novembre 1912, Bull. crim. 573 ; Cass. crim., 13 décembre 1924, Bull. crim. 443 ; Cass. crim., 18 février 1962, Bull. crim. 46).

Il importe peu qu'en élevant la peine d'emprisonnement, infligée par les premiers juges, la cour d'appel ait accordé au prévenu le bénéfice du sursis à l'exécution, ni qu'elle ait abaissé le taux de l'amende, l'aggravation de la pénalité prononcée devant, dans ce cas, s'apprécier au regard de l'emprisonnement (TGI, Appel n° 71 ; Cass. crim., 26 juillet 1939, Bull. crim. 170).

En revanche, le principe que la peine ne peut être aggravée sur le seul appel du prévenu n'est pas violé, lorsque le juge d'appel, tout en élevant le chiffre de l'amende prononcée par les premiers juges, supprime la peine de l'emprisonnement que ceux-ci avaient également infligé au prévenu (TGI, Appel n° 64 Cass. crim., 4 février 1938, Bull. crim. 33).

b. Modification de l'exécution de la peine

15La cour peut, en revanche, modifier l'exécution des condamnations prononcées sans les aggraver. Ne constitue pas une aggravation de peine, un mode d'exécution qui est impérativement imposé par la loi et dont les juges ne peuvent s'affranchir (TGI, Appel n° 89 ; Cass. req., 30 avril 1945, Sir. 1945, I, 92).

La cour peut prononcer la solidarité en ce qui concerne la condamnation à l'amende et aux frais lorsque les premiers juges ont omis de l'ordonner car il ne s'agit pas d'une peine au sens strict. Ce mode d'exécution légale de la peine est prévu à l'article 55 du Code pénal (Cass. crim., 19 juillet 1855, DP 55, 1, 376 ; Cass. crim., 3 décembre 1892, DP 93, 1, 238).

La cour peut ordonner la contrainte par corps qui est une voie d'exécution garantissant le recouvrement des amendes, frais et autres paiements au profit du Trésor public (Cass. crim., 14 juillet 1824, Rep. Alp. Dalloz V Appel crim., n° 362 ; Cass. crim., 23 juin 1837, ibid. Ve vol., n° 77, S. 38, 1, 138 ; Cass. crim., 27 avril 1894, DP 34, 1, 493).

c. Changement de qualification

16La cour peut restituer aux faits leur qualification exacte, mais elle doit en circonscrire les conséquences pénales dans les limites fixées par le jugement même si le fait autrement qualifié est puni d'une peine plus forte (Cass. crim., 14 juin 1872, DP 74, I, 94 ; Cass. crim., 12 janvier 1923, Bull. crim. 10 ; TGI. Appel n° 66 ; Cass. crim., 11 mai 1938, BCI 16, Bull. crim. 135 ; Cass. crim., 20 décembre 1956, Bull. crim. 864).

d. Limitations fixées par le prévenu

17Le prévenu peut limiter son appel, soit aux condamnations pénales, soit aux intérêts civils.

Par suite, lorsque le prévenu a précisé dans l'acte d'appel que son appel concernait les condamnations pénales, c'est à bon droit que les juges du second degré se considèrent saisis des seules condamnations prononcées à la requête du ministère public, à l'exclusion des sanctions fiscales également infligées à l'intéressé (Cass. crim., 13 janvier 1965, RJCI 1 ).

e. Caractère personnel de l'appel

18L'appel interjeté par un prévenu ne peut pas nuire ni profiter à un coprévenu ou complice ( TGI, Appel n° 70 ; Cass. crim., 30 juin 1939, Bull. crim. 147 ; Cass. crim., 10 juin 1959, Bull. crim. 304).

La condamnation ne peut être diminuée qu'à l'égard de celui des prévenus qui a fait appel.

Dans le même sens : Cass. crim., 2 août 1912, GP 1912, 2, 349 ; Cass. crim., 13 décembre, Bull. crim. 260.

L'appel du prévenu ne peut profiter à la personne civilement responsable non appelante (Cass. crim., 26 octobre 1971, Bull. crim. n° 283).

2. Appel de la partie civilement responsable

19La cour ne peut sur le seul appel du civilement responsable modifier le jugement dans un sens défavorab !e à celui-ci (Code de Proc. pén., art. 515, 2e al.).

Cet appel permet à la cour de réduire les condamnations civiles mises à la charge de la personne déclarée civilement responsable ou de la décharger de cette responsabilité (Cass. crim., 18 juillet 1930, Bull. crim. 206, DH 1930, 525).

L'appel de la seule partie civilement responsable - droit général, absolu et exercé indépendamment de tout autre appel - ne permet pas au juge de modifier la condamnation pénale. Cet appel est limité aux intérêts civils (Cass. crim., 18 juillet 1930 précitée ; Cass. crim., 14 mai 1934, DH 382 ; Cass. crim., 31 octobre 1956, Bull. crim. 693, D. 1957, Somm. 39 ; Cass. crim., 4 mai 1957, Bull. crim. 360).

3. Appel de la partie civile et de l'Administration

20La faculté d'appeler appartient à la partie civile quant à ses intérêts civils seulement (Code de Proc. pén., art. 497, 3°).

Sur le seul appel de la partie civile, le prévenu ne peut être condamné pénalement s'il a été relaxé en première instance, ni subir une aggravation de la sanction pénale s'il a été condamné.

Ainsi, lorsqu'à propos d'une infraction mixte, punie de peine d'emprisonnement et d'amende fiscale, l'Administration interjette seule appel, c'est à tort que la cour statue sur la peine d'emprisonnement en même temps que sur les pénalités fiscales (TGI, Appel n° 43 Cass. crim., 22 février 1924, BCI 8).

De même, encourt la cassation l'arrêt qui, sur le seul appel de l'Administration... condamne un prévenu relaxé par les premiers juges aux peines correctionnelles d'amende et d'affichage du jugement prévus par l'alinéa 1er de l'article 125 du Code du vin (Cass. crim., 22 octobre 1957, RJCI 57, p. 168).

21 La cour ne peut, sur le seul appel de la partie civile, modifier le jugement dans un sens défavorable à celle-ci (Code de Proc. pén., art. 515, 3e al.).

Ainsi, sur le seul appel de l'Institut national des appellations d'origine et du syndicat général des vignerons des Côtes-du-Rhône, parties civiles, la cour d'appel ne peut supprimer ni réduire le montant des réparations civiles que le premier juge leur a accordées (TGI, Appel n° 115 ; Cass. crim., 30 janvier 1957, RJCI 11, p. 30. Quatre autres arrêts identiques ont été rendus à la même date par la chambre criminelle).

De même, encourt la cassation l'arrêt qui, sur le seul appel de l'Administration à l'égard de certains prévenus condamnés en première instance, relaxe, même partiellement ceux-ci, car il ne pouvait qu'aggraver ou maintenir les condamnations fiscales prononcées par les premiers juges (TGI, Appel n° 123 ; Cass. crim., 17 décembre 1958, RJCI 125, p. 329).

Dans le même sens, la cour suprême a jugé que l'appel interjeté par l'Administration seule, qui a pour objet d'obtenir une plus complète réparation du préjudice causé au Trésor par la fraude, ne permet pas au juge d'appel de réviser, dans un sens contraire aux intérêts représentés par l'appelante, les condamnations prononcéees par les juges du premier degré (TGJ, Appel n° 65 ; Cass. crim., 5 mai 1938, BCI 13).

Jurisprudence constante : Cass. crim., 7 mai 1813, Sir. Chr. 11 février 1897, Bull crim., 45 ; Cass. crim., 29 octobre 1914, Bull. crim. 415, BCI 1915, 7 ; Cass. crim., 22 juillet 1933, BCI 23 ; TGI, Appel n° 77 ; Cass. crim., 29 avril 1942, BCI 53 ; TGI, Appel n° 92 ; Cass. crim., 20 juillet 1945, BCI 22).

Mais, la juridiction d'appel, saisie par le seul appel de l'Administration contre un jugement de relaxe, est légalement fondée à prononcer les peines (sanctions fiscales) légalement encourues à raison de l'infraction fiscale poursuivie (TGI, Appel n° 117 ; Cass. crim., 18 juin 1957, RJCI 39).