Date de début de publication du BOI : 01/10/1996
Identifiant juridique : 13E3362
Références du document :  13E3362

SOUS-SECTION 2 FORME ET CONTENU

b. Réponse obligatoire uniquement pour les moyens péremptoires de défense

30A cet égard il a été jugé :

- que les juges ne sont pas obligés de discuter, par une énumération détaillée, toutes les articulations des conclusions du prévenu, lorsque leurs déclarations catégoriques sur la criminalité des actes compris dans la prévention répondent d'une manière directe à ces conclusions en les contredisant formellement.

Doit par conséquent être rejeté le moyen tiré de ce que l'arrêt attaqué ne s'explique pas spécialement sur certains points de fait énoncés dans les conclusions, si cet arrêt réuni't contre le demandeur au pourvoi les éléments constitutifs de l'infraction (TGI, Jugements et arrêts, II, Motifs n° 174 ; Cass. crim., 19 février 1948, RJCI 7, p. 15) ;

- que les juges sont seulement tenus de s'expliquer sur les chefs de conclusions constituant des moyens péremptoires de défense.

Répond par conséquent suffisamment aux conclusions de prévenus, l'arrêt qui, pour déclarer les intéressés coupables de divers délits de droit commun et infractions fiscales résultant de livraisons irrégulières de bouteilles de similaire d'absinthe, confirme le jugement mentionnant les divers éléments de la cause sur lesquels se sont fondés les premiers juges et y ajoute que sa conviction résulte des accusations formelles du destinataire des boissons, de la présence sur les bouteilles des empreintes d'un prévenu et de son domestique et des manquants d'alcool relevés dans sa comptabilité, dès lors que les conclusions déposées ne contenaient aucun dispositif précis, et que dans l'exposé précédant le dispositif de ces conclusions, les prévenus ne faisaient état que d'arguments inopérants ou présentés en termes incertains (TGI, Jugements et arrêts, II, Motifs n° 265 ; Cass. crim., 3 octobre 1957, RJCI 52, p. 156, Bull. crim. 600, p. 1075).

c. Appréciation souveraine du juge sur le recours aux moyens de preuve proposés

31Il rentre dans les pouvoirs des juges du fond d'apprécier l'opportunité et la néeessité de recourir aux moyens de preuve proposés par les parties.

Dès lors, répond implicitement aux conclusions du prévenu demandant un supplément d'information, l'arrêt qui, passant outre à ladite demande estimée inutile à la manifestation de la vérité, statue sur les faits relevés par la prévention (TGJ, Jugements et arrêts, II, Motifs n° 233 ; Cass. crim., 29 novembre 1955, RJCI 40, p. 229, Bull. crim. 525).

  VI. Motifs implicites

1. Règles

32Conformément à la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation, les motifs des décisions peuvent être implicites.

Ils peuvent résulter de la qualification des faits ou de l'inculpation du prévenu.

Le tribunal peut s'abstenir de répondre expressément à l'un des chefs de conclusion, soit de l'Administration, soit du prévenu, lorsque cette réponse résulte implicitement de celle faite à d'autres chefs de conclusions.

De même l'arrêt qui repousse en bloc toutes les conclusions n'a pas à répondre séparément à chacune, car il les rejette implicitement.

La réponse à un moyen de défense produit en appel peut résulter implicitement des motifs du jugement adopté par la Cour.

2. Jurisprudence

33- Répond implicitement aux conclusions d'après lesquelles en détenant des cartouches remplies de poudre de guerre le prévenu avait en fait détenu de la poudre de guerre, l'arrêt qui déclare que si la détention de poudre de guerre est assimilée en vertu de l'article 4 du décret du 23 pluviôse, an XIII à la fabrication illicite, ces dispositions n'ont pas été étendues à la détention des cartouches de guerre chargées (TGI, Jugements et arrêts, II, Motifs n° 94 ; Cass. Crim., 10 janvier 1931, BCI 4).

- Le prévenu qui a conclu à la constatation de certains points de fait n'est pas fondé à se prévaloir d'un défaut de réponse à ses conclusions lorsque l'arrêt, après avoir, par des motifs précis, repoussé certaines allégations rejette, expressément toutes autres conclusions et, en déclarant l'intéressé coupable d'avoir falsifié le vin destiné à être vendu, repousse la conséquence qu'il entendait tirer du fait articulé (TGI, Jugements et arrêts, II, Motifs n° 102 ; Cass. Crim., 14 janvier 1933, BCI 12).

- En précisant que les intéressés avaient uniquement poursuivi un profit personnel, l'arrêt répond implicitement, mais nécessairement aux conclusions des prévenus tendant à faire juger que les faits incriminés avaient été accomplis pour servir la cause de la libération (TGI, Jugements et arrêts, II, Motifs n° 193 ; Cass, crim 13 juillet 1950, BCI 27, p, 77).

- L'arrêt qui condamne un prévenu pour manquants anormaux, répond implicitement aux conclusions dans lesquelles celui-ci alléguait que la relaxe de ses coprévenus pour détournement de marchandises enlevait toute force probante au procès-verbal de recensement (TGI, Jugements et arrêts, II, Motifs n° 277 ; Cass. crim " 4 mars 1959, RJCI 23, p. 67).

- Répond suffisamment au dispositif des conclusions d'un prévenu tendant à sa relaxe faute de preuves, l'arrêt qui, pour déclarer ledit prévenu coupable de fraude sur les appellations d'origine s'approprie les motifs d'un jugement sur des opérations frauduleuses (TGJ, Jugements et arrêts, II, Motifs n° 267 ; Cass, crim., 21 janvier 1958, RJCI 5, p. 13, Bull. crim. 72, p. 124).

- L'arrêt qui, pour condamner un prévenu pour exercice du commerce de gros sans déclaration ni licence, adopte les motifs du jugement relevant que l'intéressé titulaire d'une licence de débit de boissons a livré des alcools en quantités supérieures à celles qu'un débitant peut régulièrement expédier, et n'a obtenu la licence de marchand en gros que postérieurement aux faits délictueux, répond par la même aux conclusions prises par le contrevenant visant à établir qu'il avait la qualité de marchand en gros au moment des faits reprochés, ainsi qu'aux conséquences que le prévenu entendait déduire des points de fait articulés dans lesdites conclusions (TGI, Jugements et arrêts, II, Motifs n° 241 ; Cass. crim 25 janvier 1g56, RJCI 5, p. 267).

Dans ces deux cas, la réponse à un moyen de défense produit en appel, résulte implicitement des motifs du jugement adopté par la Cour.

De même l'adoption des motifs d'un jugement suffit à justifier la décision rendue sur appel lorsque les conclusions prises devant la Cour se trouvaient déjà implicitement rejetées par les motifs du jugement (Cass. Crim., 4 janvier 1939, DH. 1939, 212).

- que le défaut de réponse aux conclusions ne saurait être invoqué à l'encontre d'un arrêt dès lors que ces conclusions ne se trouvent pas au dossier et ne sont ni inventoriées, ni mentionnées dans l'arrêt (Cass. Crim., 20 décembre 1943, BCI 65 ; Cass. crim., 18 octobre 1946, BCI 36, Bull. crim. 177).

La jurisprudence de la cour suprême n'est pas différente dans une espèce récente rapportée ci-après.

Une société parisienne et une association locale représentées la première par son gérant, la seconde par son président, avaient convenu d'organiser, dans la ville où l'association avait son siège, un spectacle de musique populaire donné par un groupe étranger. Les contractants s'étaient partagé les diverses tâches et entendus sur la répartition des recettes. Une émission globale de 10000 billets était prévue, dont la moitié serait déposée en divers points de vente, et l'autre moitié laissée à la disposition de l'association. Le jour de la représentation, il ne restait pas assez de billets pour répondre à la demande des nombreux spectateurs. Le président de l'association et le gérant de la société, présents sur les lieux du spectacle, prirent alors l'initiative de se procurer et de délivrer des billets non conformes aux prescriptions de l'article 50 sexies B, annexe IV, du CGI. Ils ne purent, d'autre part, produire aux agents, la totalité des talons de contrôle des billets réguliers.

L'Administration ayant poursuivi l'association, son président, la société et son gérant, les juges du fond ne peuvent décharger de cette action les trois derniers, aux motifs que, seule, l'association avait la qualité d'exploitant, laquelle ne pouvait être étendue à son président, pas plus qu'à la société, dont le gérant n'était intervenu dans la préparation du spectacle que comme agent artistique.

Ces motifs ne répondent pas, en effet, aux conclusions de l'Administration qui faisaient ressortir que, liés entre eux tant pour l'organisation de la représentation que pour la répartition des bénéfices, le président de l'association et le gérant de la société avaient pris une participation personnelle et active aux infractions reprochées (Cass. crim., 20 janvier 1978).

  VII. Publicité des motifs

34Tout arrêt ou jugement doit être prononcé à l'audience avec des motifs, et il y aurait violation de la loi si le dispositif de la décision avait seul été prononcé publiquement.

Mais il n'y a point contravention à la règle de la publicité des motifs lorsque des motifs plus complets et plus développés que ceux qui ont été prononcés à l'audience sont postérieurement déposés au greffe (TGJ, Jugements et arrêts, I, Forme et procédure n° 3 ; Cass. crim., 23 avril 1829, Mém, des CI 12, p. 429, Bull. crim. 82).

La même règle est exposée dans un arrêt postérieur qui précisé que " les jugements et arrêts doivent être motivés à l'audience à peine de nullité " (TGI, Jugements et arrêts, I, Forme et procédure n° 5, Cass. crim., 19 août 1930, Mém. des CI 13, p. 137, Bull. crim. 207).

  C. DISPOSITIF

35Le dispositif -partie essentielle dont les motifs sont l'accessoire-, contient la décision proprement dite du jugement ou de l'arrêt, qui bénéficie de l'autorité de la chose jugée 1 .

Il doit correspondre point par point aux motifs dont il tire les conséquences logiques.

Aux termes de l'article 485 du Code de Procédure pénale, il énonce :

- les infractions dont les personnes citées sont déclarées coupables ou responsables ;

- la peine ;

- les textes de loi appliqués ;

- les condamnations civiles.

Le dispositif fixe la durée de la contrainte par corps.

Chaque chef des conclusions régulièrement déposées fait l'objet d'une décision.

  I. Énoncé des infractions (qualification des faits) et déclaration de culpabilité ou de responsabilité

36Le dispositif se réfère et s'unit intimement aux motifs.dont il est la conclusion, il indique donc seulement la qualification très générale de l'infraction retenue.

Il n'y a pas lieu, pour déterminer le sens et la portée du dispositif d'un jugement, de l'isoler des motifs auxquels il se réfère et avec lesquels il forme un tout indivisible (TGI, Jugements et arrêts, II, Motifs n° 143 ; Cass. crim., 21 octobre 1943, RJCI 57, p. 82).

Cependant, le dispositif peut préciser ou compléter les motifs. S'il y a défaut de concordance entre le dispositif et le motif 2 , cette seule lacune ne donne pas lieu à cassation s'il apparaît qu'elle provient d'une simple erreur matérielle 3 (TGJ, Jugements et arrêts, II, Motif n° 97 ; Cass. crim., 18 février 1932, Bull. crim. 44).

Il a été également jugé :

- que les erreurs matérielles commises dans la rédaction de jugements peuvent être éclairées et rectifiées par les motifs dès l'instant que ceux-ci ne laissent aucun doute sur la volonté des juges.

Il en résulte que lorsqu'un jugement prononce un ensemble de pénalités et que l'une de celles-ci a été omise dans l'énumération, bien que comprise dans le total, l'arrêt qui, tout en déclarant adopter les motifs des premiers juges, condamne le prévenu au total des pénalités indiqué dans le jugement, ne peut être annulé ni pour contradiction entre les motifs et le dispositif, ni pour insuffisance de motifs (TGI, Jugements et arrêts, II, n° 112 ; Cass. crim., 2 mars 1935, BCI 10. Voir également Cass. crim., 10 juin 1932, BCI 15 ; Cass. crim., 3 juin 1957, RJCI 341 ;

- qu'en dehors des cas de simples erreurs matérielles, la contradiction entre les motifs et le dispositif d'un arrêt équivaut à un défaut de motifs et la décision rendue doit être cassée (TGJ, Jugements et arrêts, II, n° 266 ; Cass. crim., 23 décembre 1957, RJCI 79, p. 229, Bull. crim. 867, p. 1566. Voir également Cass. crim., 15 mars 1973, RJ n° I, p. 24).

  II. Peines

37Tout jugement ou arrêt portant condamnation doit contenir les énonciations propres à fixer la peine, tant sur les poursuites fiscales que sur l'action publique, conformément aux dispositions de l'article 485 du Code de Procédure pénale.

Après avoir énoncé les infractions (qualification des faits, objet de la poursuite) et déclaré la culpabilité ou la responsabilité du prévenu, le juge doit, statuant sur l'action publique et les poursuites fiscales, prononcer les peines prévues par les dispositions légales applicables.

La Cour de cassation a jugé :

- que ce mode de procéder est substantiel et tient à l'essence même de la procédure en matière correctionnelle .

- qu'encourt la cassation, l'arrêt qui se borne à confirmer un jugement dont le dispositif qu'aucun motif ne complète à cet égard, déclare seulement condamner le prévenu, solidairement avec un coinculpé « aux amendes et pénalités fiscales réclamées par l'Administration » au minimum, sans préciser le chiffre de la condamnation, alors d'ailleurs que l'Administration n'a pas, en cause d'appel, repris sa demande par conclusions écrites (TGI, Jugements et arrêts, I, Forme et procédure n° 75 ; Cass. crim., 6 janvier 1949, RJCI 3, p, 7. Dans le même sens : Cass. crim., 4 juin 1958 RJCI 1958, 66, p. 177) ;

- qu'encourt la cassation, l'arrêt qui, après avoir déclaré le prévenu coupable d'une fausse déclaration de récolte et lui avoir infligé une amende de 500 F, se borne à le condamner, par application des articles 1791 et 1794 du CGI, au quintuple de la valeur des vins sur lesquels a porté la fraude 4 et à la confiscation des vins sans autre précision (Cass. crim., 20 novembre 1978) ;

- que, les juges du fond peuvent se bomer à condamner le prévenu au quintuple des droits fraudés et décimes, sans autre précision, dès l'instant où, d'une part, ils ont souverainement constaté en l'espèce la quantité d'alcool pur et le tarif du droit à la date de l'infraction (En ce sens : TGI, Jugements et arrêts, I, Forme et procédure n° 77 ; Cass. crim., 28 juillet 1949, RJCI 22, p. 57. Rappr. Cass. crim., 22 avril 1959, TGI, Jugements et arrêts, II, Motifs n° 279, RJCI 48, p. 1 57) ;

- qu'est légalement fondé l'arrêt qui prononce les condamnations pécuniaires réclamées par l'Administration dès lors que le détail des amendes réclamées figurait dans un document annexé à ses conclusions, régulièrement visé et produit et qu'il n'a pas été contesté par la défense 5 (Cass. crim., 19 avril 1958, RJCI, 41, p. 108) :

- que doit être annulé, l'arrêt qui se borne, dans son dispositif, à condamner un prévenu a au minimum des amendes prévues par les textes applicables en la matière, ainsi qu'aux décuples ou quintuples droits fraudés et confiscations » alors même qu'il mentionne que ces pénalités sont limitées aux seuls infractions qu'il retient et précise les quantités d'alcool et d'anéthol sur lesquelles a porté la fraude (Cass. crim., 10 novembre 1970, RJ 1, p. 81 ; Bull. crim. 295, p. 717, D. 1971, Somm. 83) ;

- qu'encourt la cassation l'arrêt qui condamne un prévenu pour deux infractions distinctes de fabrication sans déclaration de dilution alcoolique portant l'une et l'autre sur une quantité identique de boisson, mais sans préciser le montant de la pénalité du décuple droit afférente à l'une d'elles dès l'instant où il ne se déduit pas nécessairement de l'arrêt que le montant de cette pénalité soit le même pour les deux condamnations en raison, d'une part, de l'ambiguïté qui résulte de l'indication d'un double titre en alcool pour la dilution faisant l'objet de la condamnation critiquée par le pourvoi et d'autre part, de l'incertitude sur le po'int de savoir si la Cour a tenu compte du minimum d'imposition de 15 degrés prévu à l'article 404 du CGI (Cass. crim., 22 mai 1975, RJ, I, p. 128. Rapprocher : Cass. crim. part., 24 mai 1946, RJCI 27, p. 61 et arrêts précités ; Cass. crim., 6 janvier 1949, RJCI 3, p. 7 ; Cass. crim. part., 4 juin 1958, RJCI 66, p. 177 ; Cass. crim. part., 10 novembre 1970, RJCI 1, p. 81, Bull. crim. 295, p. 717) :

- que la peine ne peut excéder le maximum prévu, mais le juge peut la fixer librement à l'intérieur des limites extrêmes fixées par la loi sans avoir a indiquer les raisons de sa décision (Cass. crim., 11 mars 1942, Bull. crim. 20, p. 35 ; Cass. crim., 11 octobre 1960, Bull. crim. 440).

1   Cette autorité n'existe pas pour les motifs qui étayent le dispositif.

2   Voir Cass. crim., 29 novembre 1917, Bull. Crim. 254.

3   Voir Cass. crim., 3 juillet 1903, Bull. Crim. 239.

4   Ancienne rédaction des articles 1791 et 1794 du CGI.

5   Cette décision qui concerne l'administration des Douanes, est également valable en matière de contributions indirectes.