SOUS-SECTION 1 PREUVE DES CONTRAVENTIONS
IV. Expertise légale
76Recours à la Commission de conciliation et d'expertise douanière (CCED) siégeant en matière fiscale 1 .
Les matières ressortissant à la D.G.I. n'entrent pas dans le champ d'application de ce recours.
F. AUTRES PREUVES DIVERSES
77Les procès-verbaux peuvent contenir ou être complétés par toutes preuves directes ou indirectes soumises aux débats et contradictoirement discutées.
Le juge du fond décide, d'après son intime conviction (Code de Proc. pén., art. 427).
Le juge du fond peut notamment appuyer sa décision sur les autres. preuves diverses visées ci-après :
- présomptions ;
- documents administratifs ;
- comptabilité commerciale ;
- résultat des analyses ;
- tous autres éléments régulièrement produits aux débats.
Dans les cas exceptionnels où les poursuites ont lieu sans procès-verbal, le juge peut fonder également sa décision sur de telles preuves.
I. Présomptions
1. Présomptions légales
78La présomption est légale lorsque le législateur tire lui-même d'un fait établi un autre fait dont la preuve n'est pas apportée. La présomption légale est simple lorsqu'elle peut être combattue par la preuve contraire (ex : force probante du procès-verbal) : les présomptions simples sont dites également juris tantum. Lorsque la présomption ne peut être renversée, elle est dite irréfragable ou absolue ; les présomptions irréfragables sont désignées parfois par l'expression latine juris et de jure (cf lexique des termes juridiques, Dalloz, p. 272).
Dans l'hypothèse où un débitant ne se conforme pas aux dispositions de l'article 504 du CGI relatives auxcommunications intérieures du débit, le local prétendu loué à un tiers par celui-ci, doit, à défaut de bail authentique, être considéré comme faisant toujours partie de son habitation. Les boissons existant dans ce local sont réputées lui appartenir. Il existe, ainsi, contre le débitant « une présomption légale de fraude » (Cass. crim., 8 juin 1827, Mém. CI 12 p. 69).
2. Présomption de fait
79Les présomptions doivent être graves, précises et concordantes et les faits qui leur servent de base doivent être produits dans le débat oral et soumis à la libre discussion. Le juge du fond apprécie souverainement leur force probante.
C'est pourquoi cette présomption est dite du juge ou de l'homme puisque le magistrat tient lui-même et en toute libertéce raisonnement par induction.
A cet égard, la Cour de cassation a notamment jugé :
- qu'une présomption de culpabilité peut être tirée du refus par le prévenu de produire ses livres de commerce.
La situation d'un compte de gros invoqué à l'encontre d'une inculpation de transport frauduleux, ainsi que le visa du congé en cours de route, ne constituent que des présomptions qui peuvent être écartées à raison de présomptions contraires (Cass. crim., 22 juin 1911 BCI 18 p. 112, Bull. crim. 320, p. 610) ;
- qu'il n'est pas nécessaire qu'un chargement frauduleux d'alcool soit saisi en cours de route ou au moment même où il est reçu par le destinataire, pour que la contravention puisse être établie. Il suffit que la fraude soit constatée à la charge du prévenu d'après les présomptions dont les juges du fond apprécient souverainement la portée. Il suit de là que lorsqu'il est constaté dans l'arrêt (ou dans un jugement), que le prévenu a été trouvé détenteur d'un laissez-passer de l'Administration concernant un transport de 150 litres d'eaux-de-vie et dont il a reconnu la fausseté en niant l'avoir utilisé ; que cependant, il résulte des renseignements recueillis à son sujet qu'il se livre au trafic clandestin de l'alcool, qu'une personne chez laquelle l'intéressé entrepose habituellement la marchandise destinée à son commerce a reconnu spontanément l'avoir accompagné à deux reprises dans un lieu d'où il a rapporté de l'alcool : que le faux laissez-passer a porté successivement deux dates ; qu'enfin, un carnet et divers papiers appartenant au prévenu portent la trace d'achats et de ventes d'alcool, d'ailleurs avoués par celui-ci : une cour d'appel peut léçlalement déduire de ces circonstances la preuve que ledit prévenu a exercé un commerce irrégulier de boissons et réalisé à l'aide du faux laissez-passer, deux transports frauduleux d'alcool d'un montant total de 300 litres (Cass. crim., 28 juillet 1949, RJCI 22 p. 57) ;
- qu'en matière correctionnelle, le juge peut fonder sa conviction sur un ensemble de présomptions pourvu que les faits qui lui servent de base aient été produits à l'audience (Cass. crim., 24 février 1953, RJCI 10, p. 23) ;
- que fait une appréciation souveraine des éléments de conviction soumis aux débats et justifie la condamnation d'un viticulteur pour diverses infractions fiscales et pénales, et notamment pour sucrage illicite, l'arrêt qui, pour retenir la culpabilité de ce prévenu, relève que les inscriptions portées sur le cahier de laboratoire par un négociant mentionne des richesses jamais atteintes dans le département de production qu'une enquête auprès des caves coopératives du département susvisé établissant que le degré moyen des vins était inférieur aux richesses déclarées par le négociant acheteur, et conclut que, si les déclarations de ce négociant et les inscriptions de ce document, tout en constituant des indices sérieux à l'encontre du viticulteur, n'établissent pas à eux seuls la preuve certaine de la culpabilité de ce dernier, leur rapprochement avec les autres éléments de l'enquête et de l'information fait apparaître des présomptions graves, précises et concordantes de nature à entraîner le maintien du prévenu dans les liens de la prévention, (Cass. crim., 3 mai 1972, RJ n° 1, p. 21) ;
- qu'il n'appartient pas à la Cour de cassation de réviser les constatations de fait et l'appréciation de la valeur des éléments de preuve soumis aux débats auxquelles ont procédé les juges du fond en des motifs exempts de toute contradiction : pour déclarer une prévenue coupable d'avoir vendu 3 250 kg de sucre par quantités supérieures à 25 kg sans que les livraisons aient été accompagnées d'acquits-à-caution, les juges d'appel peuvent se fonder sur des présomptions graves précises et concordantes énoncées dans l'arrêt (Cass. crim., 2 décembre 1975, RJ. n° 1, p. 163).
De la jurisprudence de la Chambre criminelle mentionnée ci-avant, il ressort que les procès-verbaux peuvent donc se borner à ne relater que de simples présomptions. D'ailleurs, aucune disposition de la législation fiscale n'oblige les agents à ne relever que des infractions dont les auteurs sont surpris en flagrant délit. S'il en était autrement, les fraudes, non actuelles qui ne peuvent, par définition, faire l'objet de constatations directes et immédiates, échapperaient à toute répression.
Cette jurisprudence est conforme à l'article 427 du Code de Procédure pénale qui dispose que les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve, le juge décidant d'après son intime conviction.
II. Comptabilité commerciale
1. Comptabilité commerciale du redevabl.
a. Comptabilité proprament dite
80La preuve peut résulter de la comptabilité commerciale tenue par les commer,cants assujettis aux droits et de tout document annexe (Cass. crim., 30 janvier 1936, BCI 6, p. 74, Bull. crim. 21, p. 35 ; Cass. crim., 5 janvier 1943, RJCI 1 p. 3 ; Cass. crim., 2 novembre 1960, RJCI 74, p. 21-7).
Les livres de commerce, même irrégulièrement tenus, font foi contre celui qui les a tenus : ce principe, qui ressort, par un argument a contrario de la lecture même de l'article 13 du Code de commerce a été confirmé par la jurisprudence (Cass. req., 7 novembre 1860, DP 61-1-195).
Les tiers ont le droit de demander la représentation en justice des livres irréguliers et de demander que foi y soit ajoutée à leur profit.
En tous cas, l'irrégularité des livres ne peut être invoquée que par les tiers et non par les parties qui ont tenu ces livres (Code de commerce, art. 13).
La Cour de cassation a jugé qu'une présomption de culpabilité peut être tirée du refus par le prévenu de produire ses livres de commerce (Cass. crim., 22 juin 1911, BCI 18, p. 112, Bull. crim. 320, p. 610).
Elle a également jugé qu'un fabricant-bijoutier, trouvé détenteur d'ouvrages d'or non marqués, ne peut, s'il ne s'est point conformé à l'obligation de l'article 538 du CGI, prétendre apporter, par simples attestations et certificats, la preuve que les bijoux appartenaient à des clients qui les avaient remis pour réparation (Cass. crim., 20 octobre 1965, Bull. crim. 204, p. 449, RJCI 24, p. 78).
Les documents comptables et les pièces justificatives doivent être conservés pendant dix ans (CC, art. 16, al. 2ème). Ce délai expiré, le commerçant peut les détruire. Mais, s'il les a conservés, il peut être contraint de les représenter en justice (Dijon, 29 février 1876, DP 77-2-94).
b. Documents annexes à la comptabilité.
81La preuve de la contravention peut également résulter de pièces annexes à la comptabilité.
Parmi la jurisprudence de la Cour de cassation on relèvera les décisions suivantes :
- Cass. crim., 27 mai 1 948, RJCI 17, p. 37 : infraction résultant des mentions de carnets saisis par les verbalisants et des aveux du prévenu : preuve contraire non rapportée : relaxe injustifiée ;
- Cass. crim., 15 mai 1957, RJCI 2fl p. 82, Bull. crim. 413, p. 747 : énonciations d'un carnet saisi chez l'un des coprévenus et de notes détaillées découvertes chez l'autre ;
- Cass. crim., 30 avril 1964, RJCI 10, p. 37, Bull. crim. 143, p. 319 : culpabilité déduite des énonciations des carnets occultes saisis sur un coprévenu ;
- Cass. crim., 3 mai 1972, cf. ci-dessus RJ n° 1, p. 21 : mentions d'un cahier de laboratoire d'un marchand en gros établissant la richesse alcoolique anormalement élevée de vins achetés et laissant présumer le sucrage illicite ;
- Cass, crim., 4 avril 1973, RJ n° 1, p. 38 : mentions relatives aux achats, ventes et analyses consignés sur un cahier par un négociant en vins : présomption établissant l'infraction de sucrage illicite.
La Cour de cassation a jugé que pour déclarer des prévenus coupables d'infractions aux régimes fiscal et économique de l'alcool, un arrêt peut se fonder sur divers documents tels que des jeux de factures, des agendas ou des carnets occultes qui ont été saisis régulièrement, et que les juges décrivent et analysent, ainsi que sur les déclarations d'un ancien caviste du négociant inculpé qui confirment les résultats de l'enquête et de l'information. Ces éléments de preuve, soumis aux débats, relèvent du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond (Cass. crim., 17 octobre 1974, RJ n° 1, p. 121) 2 .
2. Comptabilité.ou documents tenus par un tiers
82Les juges du fond sont souverains pour déduire la preuve de la culpabilité de la comptabilité et de documents réguliers ou occultes, tenus par un tiers.
C'est ainsi que la preuve de la culpabilité d'un contrevenant peut résulter :
- de la comptabilité occulte d'un foumisseur de viandes (Cass. crim., 25 juin 1958, RJCI n° 82, p. 222 et un second arrêt du même jour, Bull. crim. 492, p. 270) ;
- de la comptabilité d'un collecteur de cuirs qui permet de retenir à l'encontre d'un prévenu des abattages clandestins (Cass. crim., 22 janvier1958, RJCI 10, p. 29) ;
- de la comptabilité de ses fournisseurs et de ses clients ou de certains courtiers (Cass. crim., 29 mai 1973, RJ n° 1, p. 67, Bull. crim. 245, p. 584 deuxième arrêt, p. 590) ;
- des inscriptions portées par un négociant, client d'un viticulteur poursuivi pour sucrage illicite, sur un cahier saisi chez lui et sur lequel il notait le résultat de ses analyses (Cass. crim., 27 juin 1977 RJ n° 1, p. 115 ; cf. également : procédure devant le tribunal de grande instance : écritures privées 130-2 361 -2
III. Tous autres éléments régulièrement produits aux débats
83L'Administration est recevable à puiser dans un dossier d'instruction judiciaire régulièrement communiqué par le Parquet, tous les éléments de preuve propres à établir les infractions fiscales (Cass. crim., 31 janvier 1913, BCI 6, p. 32, Bull. crim. 55, p. 112).
Un arrêt qui, pour relaxer un meunier, s'appuie sur un rapport d'expertise dressé à l'occasion d'une autre poursuite est légalement fondé (Cass. crim., 23 septembre 1941, RJCI 1942, 8, p. 13).
La preuve des infractions fiscales peut résulter non seulement des constations matérielles faites par les agents des contributions indirectes, mais encore de tous les éléments régulièrement produits aux débats (Cass. crim., 15 novembre 1956, RJCI 59, Bull. crim. 749, p. 1330, et les arrêts cités).
Cette jurisprudence, et notamment celle ressortant du dernier arrêt cité, est conforme aux dispositions de l'article 427 du Code de Procédure pénale.
1 Cf. Art. 441 et suivant du Code des Douanes.
2 Rapprocher, Cass. crim., 3 mars 1980, RJ n° 1, p. 26.