Date de début de publication du BOI : 01/10/1996
Identifiant juridique : 13E3351
Références du document :  13E3351

SOUS-SECTION 1 PREUVE DES CONTRAVENTIONS

d. Pouvoir d'appréciation des juges

30Le fait que le tribunal ait autorisé le prévenu à rapporter la preuve contraire ne préjudicie en rien au droit souverain d'appréciation des juges quant à l'existence des faits mentionnés au procès-verbal.

La Cour de cassation a jugé notamment :

- que les juges peuvent, en vertu de leur pouvoir souverain d'appréciation, faire prévaloir les constatations des verbalisants sur les pièces opposées au procès-verbal (Cass, crim., 22 novembre 1930, BCI 1931-1, p. 3) ou sur les déclarations d'un témoin venu affirmer, sans pouvoir apporter de justification, que la voiture ayant servi au transport d'alcool incriminé était en réparation chez lui à l'époque des faits (Cass. crim., 10 juillet 1958, RJCI 88, p. 234) ;

- qu'en vertu du principe général selon lequel les témoignages se pèsent et ne comptent pas, il suffit d'un seul témoignage reçu sous la foi du serment pour faire échec au procès-verbal (Cass. crim., 11 décembre 1855) ;

- qu'une cour d'appel ne saurait relaxer un prévenu poursuivi pour défaut de déciaration d'exercice de commerce de gros des boissons aux motifs, d'une part, que, s'il n'avait pas contesté devant les premiers juges l'infraction qui lui était reprochée, il avait en revanche affirmé devant elle avoir rempli l'obligation lui incombant, d'autre part qu'à défaut de tout autre élément de preuve et compte tenu du caractère contradictoire des attestations fournies par le receveur buraliste les faits n'étaient pas suffisamment établis. Il se déduit d'ailleurs de ces dernières énonciations que la preuve contraire des contestations des verbalisants n'a pas été rapportée (Cass. crim., 21 mai 1979, RJ n° 1, p. 92).

Lorsque le tribunal accueille la preuve administrée par le prévenu, son jugement doit énoncer clairement en quoi cette preuve lui paraît ébranler la foi due au procès-verbal (Cass. crim., 26 mars 1858, Dal. 58.1.231) et il ne peut baser une relaxe sur un simple doute (Cass. crim., 19 janvier 1889, Bull crim. 26, p. 36).

S'il appartient aux juges de ne pas autoriser la preuve contraire lorsqu'elle leur paraît inutile ou inopérante, ils ne peuvent la rejeter sans motiver leur décision à cet égard, et l'arrêt qui laisse sans réponse les conclusions prises de ce chef doit être cassé (Cass. crim., 28 mars 1914, BCI 15, p. 84, Bull. crim. 176, p. 330).

4. Conséquences de la force probante

1er cas : - Le procès-verbal contient la constatation matérielle et directe des faits constitutifs de l'infraction fiscale.

31Lorsque les verbalisants ont personnellement et matériellement constaté les faits constitutifs de l'infraction, le procès-verbal à fins fiscales qui relate leurs constatations constitue la preuve parfaite de l'infraction.

Le juge doit tenir les faits pour constants et ne peut obliger l'Administration de corroborer par d'autres preuvescelles résultant du procès-verbal, ni relaxer le prévenu sous aucun motif ou prétexte contredisant ledit procès-verbal, tant que la preuve contraire n'a pas été administrée (Cass. crim., 15 mars 1863, D. 64.5.300 ; Cass. crim., 19 mars 1874, Mém. Cl 20, p. 119).

2e cas :- Le procès-verbal relate la constatation d'agents d'autres services.

32L'article L 213 du LPF, qui exige à peine de nullité, que les procès-verbaux soient exclusivement rédigés par les agents qui ont pris une part personnelle et directe à la constatation du fait qui constitue la contravention, ne fait pas obstacle à ce que les agents des Impôts relatent dans un procès-verbal les constatations d'agents d'autres services, à condition qu'ils ne présentent pas ces constatations comme les leurs.

La Cour de cassation a ainsi affirmé la validité :

- d'un procès-verbal basé sur les constatations d'un expert-comptable commis dans une instruction et relatées dans le rapport de cet expert (Cass. crim., 22 novembre 1912, BCI 1913-5, p. 26, Bull. crim. 569, p. 1045) ;

- d'un procès-verbal rapportant les renseignements recueillis par un commissaire de police dans l'exercice de ses fonctions (Cass. crim., 18 novembre 1920, BCI 1921-2, p. 8) ;

- d'un procès-verbal basé sur les renseignements puisés dans les procès-verbaux de prélèvement d'échantillons opéré par le laboratoire départemental (Cass. crim., 7 janvier 1922, Bull. crim. 9, p. 14, BCI 10, p. 50) ;

- d'un procès-verbal rédigé par un agent des Impôts qui s'est borné à relever dans le dossier d'une information judiciaire les éléments propres à caractériser l'infraction fiscale (Cass. crim., 13 mai 1976, RJ n° 1, p. 132, Bull. crim. 158, p. 392).

33Dans toutes ces affaires, le juge recouvre alors sa pleine liberté d'action et il peut décider que la preuve de l'infraction n'est pas rapportée. En effet, les procès-verbaux ainsi établis ne font pas foi jusqu'à preuve contraire des constatations d'agents étrangers qui peuvent toutefois être appelés en témoignage pour corroborer le procès-verbal, lorsque les prévenus nient les faits.

3e cas. : - Procès-verbal ne contenant que la constatation de faits d'où peut être déduite l'existence de l'infraction.

34Il est de jurisprudence constante que les procès-verbaux de contributions indirectes ne doivent pas nécessairement contenir la constatation directe et immédiate des faits constitutifs de l'infraction. Il suffit que les faits ou circonstances qui y sont énoncés et que les juges apprécient souverainement soient de nature à établir l'existence de la fraude. D'ailleurs, l'article 427 du Code de Procédure pénale dispose que, " hors le cas où la loi en dispose autrement " , les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve (jurisprudence constante : Cass. crim., 30 juillet 1880, Mém. Cl 21, p. 179, Bull. crim. 153, p. 268 ; Cass. crim., 23 janvier 1975, RJ n° 1, p. 18, et les arrêts cités).

35Toutes les preuves de droit commun peuvent donc être invoquées en matière de contributions indirectes (Code de Proc. pén., art. 427 et 537). Elles peuvent aider à compléter le procès-verbal et convaincre le juge.

Il s'agit :

- des témoignages (cf. ci-après, n°s 41 et suiv. ) ;

- des aveux ou déclarations des coïnculpés (cf. ci-après, n°s 54 et suiv. ) ;

- des rapports d'expertise (cf. ci-après, n°s 67 et suiv. ) ;

- des autres preuves diverses telles que les présomptions, les documents administratifs, la comptabilité commerciale, les résultats des analyses et tous autres documents écrits ou saisis (cf. ci-après, n°s 99 et suiv ).

A défaut de constatation matérielle des faits contraventionnels, les juges conservent leur pouvoir d'appréciation. L'appréciation des preuves sur lesquelles ils fondent leur intime conviction échappe au contrôle de la Cour de cassation.

  III. Mesures pratiques (cf. également ci-devant E 154).

1. Rédaction et forme des procès-verbaux.

36Pour la rédaction des procès-verbaux, le service doit s'attacher à présenter les faits dans l'ordre où ils se sont produits, avec une précision parfaite et un souci scrupuleux d'exactitude de tous les détails. Les rédacteurs n'insèrent rien dans leurs actes qu'ils ne soient en mesure de prouver, soit par des témoignages, soit par des écrits. Tous les faits relatés dans le procès-verbal doivent tendre à établir avec le maximum de force et de précision l'existence matérielle de l'infraction fiscale.

Les agents doivent relater les aveux que les contrevenants font de la fraude qui leur est reprochée. Si les constatations des agents portent sur des différences de volume, d'espèce ou de degré, ils ne manquent pas de décrire minutieusement les objets de fraude saisis, les moyens de vérification employés et de mentionner le prélèvement des échantillons.

37On ne doit recourir à la saisie réelle des objets en contravention qu'en cas de nécessité absolue, par exemple quand les délinquants sont inconnus des agents de l'Administration ou notoirement insolvables Lorsque le contrevenant est inconnu et dans le cas où il y a lieu à arrestation, les verbalisants doivent relater le signalement des prévenus. Celui-ci est consigné à la suite de la signature des verbalisants et présente les indications ci-après : âge, taille, cheveux, sourcils, front, yeux, nez, bouche, menton, visage, mentions particulières.

2. Preuve contraire.

38Les directeurs des Services fiscaux doivent inviter les défenseurs de l'Administration à leur rendre compte sans le moindre retard des incidents qui ont pu survenir à l'audience : spécialement, lorsqu'un prévenu demande à faire la preuve contraire, les avocats de l'Administration doivent avertir le directeur en indiquant les points qui paraissent devoir être contestés et la date de l'audience à laquelle la cause reviendra devant le tribunal.

Ainsi mis au courant des faits, le directeur fait prendre copie au greffe du tribunal des nom, prénoms, profession et domicile des témoins désignés par le contrevenant. Il charge le service local de vérifier l'exactitude des indications fournies, de le renseigner sur l'état civil et la moralité des témoins dont les antécédents au point de vue de la fraude seront révélés par les fiches n° 4664 1 .

Muni de ce renseignement, le directeur établit pour chacun des témoins, une fiche sur laquelle sont portées les mentions le concernant. Cette pièce est remise au défenseur de l'Administration qui aura à discuter la valeur des témoignages. Au besoin, des extraits du casier judiciaire sont demandés au procureur de la République.

En même temps qu'il recueille sur les témoins les renseignements ci-dessus indiqués, le directeur invite les verbalisants à se présenter à l'audience de renvoi afin qu'ils soient entendus,.si le tribunal le désire ou si le prévenu le demande, ou encore si le représentant de l'Administration le juge utile au soutien de la prévention.

3. Rôle des supérieurs hiérarchiques,

39L'Administration rappelle que les rédacteurs du procès-verbal doivent mentionner toutes les circonstances matérielles qui constituent la contravention, en ayant soin de mentionner le rôle de chaque agent dans les diverses phases des opérations. Lorsque les procès-verbaux reposent sur des constatations successives faites par plusieurs employés, il convient d'exposer fidèlement tous les faits dans leur ordre chronologique et de faire ressortir d'une manière explicite, le moment où chaque agent est intervenu. Le procès-verbal doit refléter la physionomie exacte de l'affaire ainsi que la participation effective de chacun des signataires 2 .

Les supérieurs hiérarchiques doivent s'attacher à guider leurs subordonnés, à diriger leurs opérations, à intervenir personnellement lorsque le concours de leurs connaissances et de leur expérience est nécessaire, à leur communiquer les documents utiles.

  C. TÉMOIGNAGES

  I. Généralités

40Témoigner c'est attester la vérité d'un fait dont on a la connaissance personnelle soit pour l'avoir vu, soit pour l'avoir entendu.

Le témoignage peut porter sur les faits les plus divers.

Le témoignage est direct lorsque les témoins ont assisté aux faits délictueux eux-mêmes, le témoignage est indirect, si les témoins ont recueilli de tiers, ou même de l'auteur de l'infraction, le récit de tout ou partie des faits délictueux.

Le droit d'appeler des témoins appartient au ministère public, au prévenu et à la partie civile. Le tribunal a le droit d'ordonner d'office que soient cités devant lui les témoins qu'il désigne.

L'appréciation des témoignages est laissée à l'entière liberté du juge, Il peut, notamment :

- écarter les témoignages qu'il juge suspects et fonder sa conviction sur un seul d'entre eux, alors même qu'il ne serait pas confirmé par les déclarations des autres témoins ;

- baser sa décision sur les témoignages à charge sans tenir compte des témoignages à décharge qui les contredisaient (Cass. crim., 27 mars 1936, BCI 10, p. 148) ;

- écarter les témoignages contredisant les énonciations des verbalisants et retenir ces dernières (Cass. crim., 29 février 1940, BCI 8, p. 87) ;

- baser la culpabilité du prévenu sur des témoignages reçus à l'audience et notamment sur ceux des personnes ayant participé au délit, mais soustraites aux poursuites en raison d'une transaction (Cass. crim., 7 janvier 1944, Bull. crim. 12, p. 16).

  II. Personnes pouvant ou non être entendues comme témoins devant la juridiction de jugement

1. Principe

41D'une manière génerale, toutes les personnes, quels que soient le sexe, l'âge et la nationalité, peuvent être entendues comme témoins, sauf exceptions limitatives.

2. Exclusions.

Ne peuvent être entendues comme témoins par le tribunal correctionnel, les personnes visées ci -après.

42 a. Les interdits de droits civiques (nouveau Code pénal, art. 131 - 6 4°)

43 b. Les mineurs de seize ans de l'un et l'autre sexe (Code de Proc. pén., art. 108 et 447)

44 c. Les proches parents ou alliés du prévenu

La liste en est donnée limitativement par l'article 448 du Code de Procédure pénale. Ce sont :

- les ascendants du prévenu ;

- ses descendants ;

- ses frères et soeurs ;

- ses alliés aux mêmes degrés ;

- sa femme ou son mari, même après divorce.

Non seulement les parents et alliés au degré prohibé d'un prévenu ne peuvent témoigner pour ou contre lui, mais encore leur déposition ne peut être admise à l'égard de ses coprévenus présents et soumis au même délai. Toutefois, il a été jugé que lorsqu'un individu est poursuivi à la fois avec un coïnculpé pour une contravention commune, et personnellement pour des contraventions qui lui sont propres, rien ne s'oppose à ce que la soeur du co ;nculpé, si elle ne peut êtle entendue comme témoin sur la contravention commune, ne dépose sur les autres contraventions (Cass. Crim., 2 avril 1914, BCI 16, p. 90).

Les diverses personnes énumérées ci-dessus peuvent être entendues sans prestation de serment, mais à titre de simple renseignement.

d. Les parties à l'instance et certaines personnes qui y participent

45Ce sont notamment :

La partie civile (Code de Proc. pén., art. 422) 3  ;

Le juge, l'officier du ministère public et le greffier, en ce qui concerne l'instance à laquelle ils participent ;

Le coprévenu vis-à-vis des autres prévenus, mais à condition qu'il soit et demeure inculpé à l'occasion de la même poursuite devant le même tribunal ;

Les experts, lorsqu'ils ont participé à une expertise contradictoire entachée de nullité (Cass. crim., 28 février 1957, RJCI 19, p. 65).

En revanche, la jurisprudence a décidé que les agents rédacteurs d'un procès-verbal peuvent être entendus comme témoins dans l'instance, engagée sur les contraventions constatées dans ce procès-verbal, pour la raison qu'ils ne se confondent pas avec l'Administration à laquelle ils appartiennent, qu'ils ne sont pas dès lors parties à l'instance et qu'enfin ils ne sont pas visés par les articles., 335, 448 et 449 du Code de procédure pénale dont les dispositions sont limitatives (Cass. crim., 12 juin 1914, BCI 1915-1, p. 5).

Remarque. : L'audition sous serment d'une personne frappée de déchéance, d'un enfant au-dessous de l'âge de seize ans, d'un parent ou allié n'entraîne aucune nullité lorsque ni le ministère public ni aucune des parties ne s'y sont opposés (Code de Proc. pén., art. 449).

1   Fiche relatant les antécédents contentieux des contrevenants : exemplaires cartonné, 4664-129 ; exemplaire papier ordinaire, 4665-129 bis.

2   Cf. Instruction du 21 juin 1972, BODGI *2 L-2-72 ; et Cass. Crim., 26 juin 1979, RJ n° 1, p. 122 où la chambre criminelle a sanctionné le non-respect des dispositions légales.

3   Toutefois, la victime ayant la possibilité de se conparait partie civile à l'audience, devant le tribunal, tant que le ministère public n'a pas pris ses requisitions (cf. Code. De Proc. Pén., art. 421), elle peut attendre d'avoir déposé avant de se constituer.