Date de début de publication du BOI : 01/10/1996
Identifiant juridique : 13E311
Références du document :  13E3
13E31
13E311

TITRE 3 CONTENTIEUX REPRESSIF


TITRE 3

CONTENTIEUX REPRESSIF



CHAPITRE PREMIER

INTRODUCTION



SECTION 1

Généralités


1Le contentieux de l'impôt comprend l'ensemble des règles de procédure à suivre, tant auprès de l'administration fiscale - en l'occurrence la DGI - que devant les juridictions compétentes, pour l'examen des réclamations qui mettent en cause le bien-fondé ou la quotité des impôts, droits, taxes et pour l'application des pénalités relatives aux contraventions fiscales soumises à l'appréciation des juges (cf. ci-dessus 21, infractions).

Depuis la loi n° 63-1316 du 27 décembre 1963, il a été procédé à une unification et à une harmonisation profondes des procédures contentieuses en définissant, de façon identique pour tous les impôts, les droits de recours des contribuables ainsi que les modalités de leur exercice ; cependant, des règles particulières subsistent, qui tiennent compte de la nature de certaines catégories d'impôts ou taxes. Il en est ainsi notamment pour les contributions indirectes et les taxes assimilées.

2Les contestations que soulève l'application des lois et règlements qui régissent les contributions indirectes sont portées selon les cas devant le Tribunal de grande instance ou devant les tribunaux de l'ordre administratif.

a. Ordre judiciaire

3Dans l'ordre judiciaire le Tribunal de grande instance peut statuer au civil ou au pénal :

- devant le Tribunal de grande instance statuant au civil ; il s'agit de poursuites engagées pour le recouvrement des droits (art. 88, loi du 5 ventôse an XII, actuellement LPF, art L 199).

- devant le Tribunal de grande instance statuant au pénal ; il s'agit de contraventions régulièrement constatées, en principe par des procès-verbaux (cf. ci-dessus E 1541 et ci-après E 3351, n° 9 , art. 90, loi du 5 ventôse an XII, codifié actuellement à l'art. L 235 du LPF).

b. Ordre adminitratif

4Par exception, certains litiges intéressant le service des Contributions indirectes sont, en vertu des principes généraux du contentieux administratif ou en vertu de dispositions législatives spéciales, lorsqu'elles existent, portés devant les juridictions de l'ordre administratif.

5Le principe de la séparation des pouvoirs, qui domine le droit public français s'opposant à ce que les actes d'autorité de l'Administration puissent être déférés aux tribunaux judiciaires, les litiges auxquels ces actes donnent lieu doivent être portés devant la juridiction administrative ; au contraire, les actes de gestion analogues aux actes des particuliers, ressortissent à la compétence des tribunaux judiciaires.

L'application de ce principe est considérablement restreinte en ce qui concerne les impôts indirects puisque la plupart des actes d'autorité de l'Administration et des agents des impôts sont accomplis en exécution des lois fiscales. Il en est ainsi, par exemple, de la délivrance ou du refus d'une autorisation. Or les litiges auxquels peut donner lieu l'application des lois relatives aux contributions indirectes ont été attribués par le législateur aux tribunaux judiciaires.

6Comme un recours devant le Conseil d'Etat n'est recevable qu'à défaut de recours parallèle, les actes en cause ne peuvent être attaqués devant cette juridiction, ni par la voie du recours de pleine juridiction 1 , ni par la voie du recours en annulation 2 .

Ainsi ont été jugés irrecevables :

- le pourvoi formé par un planteur de tabacs contre une décision refusant de lui verser la valeur des tabacs par lui livrés au service de la culture en raison de la compensation de cette créance avec une dette d'amende (CE, arrêt du 17 juin 1927) ;

- la demande tendant à faire annuler un ordre de visite, prétendu irrégulier (CE, arrêt du 14 mai 1930, BCI, n° 21) ;

- le pourvoi dirigé contre une décision implicite de rejet du préfet à la suite d'une demande de délivrance de laissez-passer, pour le double motif que le préfet n'a pas qualité pour ordonner la délivrance des titres de mouvement et que les litiges de l'espèce sont de la compétence des tribunaux judiciaires.

En ce sens : (CE, arrêts du 22 octobre 1931, X... , BCI, n° 24 et du 15 mars 1945, Gazette du Palais, 6-8 juin 1945).

7Par contre, constitue un acte de puissance publique dont le contrôle appartient à la juridiction administrative :

- une décision de l'Administration refusant des dispenses de distillation obligatoire, cette décision ne se rattachant par son objet ni à l'assiette ni au recouvrement des contributions indirectes, ni à aucune des questions, qui par leur nature ou par détermination de la loi, doivent être soumises aux tribunaux judiciaires (CE, arrêt du 22 novembre 1957, aff. Société Bertagna).

8Par ailleurs c'est par la voie du recours pour excès de pouvoir -constituant le contentieux de l'annulation - que peuvent être attaqués devant la juridiction administrative les décrets et autres décisions réglementaires ; à titre d'exemple :

- décrets ayant ordonné les livraisons obligatoires d'alcool ou le blocage en application des lois sur la viticulture (CE, arrêt du 16 février 1934 , deux arrêts, BCI 1935, n° 6).

Remarque est faite :

- que sont seuls susceptibles de faire l'objet d'un recours les actes qui constituent des décisions exécutoires, à l'exclusion des circulaires, d'instructions administratives, de lettres indiquant l'interprétation administrative d'un texte (CE, arrêts du 11 juin 1958, aff. Fédération nationale de la boucherie en gros, du 1er décembre 1926, Fédération des commerçants et industriels frappés de la taxe de luxe, BCI 1927, n° 4, du 8 février 1958, aff. Fédération française des ciné-clubs et du 21 février 1958, aff. X... ) ;

- que l'existence d'un intérêt direct est nécessaire pour que le recours pour excès de pouvoir soit recevable.

Les requérants sont sans qualité pour critiquer l'application individuelle faite, dans un cas particulier, à un tiers des dispositions de la loi fiscale (CE, arrêt du 4 décembre 1936, X... , Y... et autres, BCI,1931, n° 6).

9Rentrent par ailleurs dans le contentieux de pleine juridiction :

- les recours relatifs à la fixation des parts de saisissants (CE, arrêts du 29 janvier 1931, X... , BCI, n° 7 et du 10 juillet 1934, BCI, 1936, X... , Recueil des arrêts du CE, J 799) ;

- les recours relatifs à la fixation des primes d'indicateur (CE, arrêt du 2 avril 1898, X... , Recueil J 300) ;

- les demandes de dommages-intérêts.

10Sur ce dernier point, l'État et les administrations publiques qui le représentent ne sont pas, en principe, responsables des dommages causés par eux et les agents dans les mêmes conditions que les particuliers : la responsabilité encourue varie selon la nature des actes accomplis.

ACTES DE PUISSANCE PUBLIQUE

11Aucune indemnité n'est due aux victimes des dommages causés par l'exercice de la puissance publique.

ACTES D'AUTORITE

12La responsabilité de l'État est admise en ce qui concerne les dommages occasionnés par les actes d'autorité relatifs à la gestion des services publics. Mais la nécessité de concilier les droits de l'État avec les droits privés, fait que la responsabilité de l'Administration à raison des actes accomplis par ses agents pour l'exécution du service n'est ni générale ni absolue, et ne tombe pas sous le coup des dispositions des articles 1382 et suivants du Code civil.

Une faute de service de la part des agents -la faute personnelle n'engageant que la responsabilité de l'agent - est nécessaire ainsi que l'existence d'un rapport direct de cause à effet entre cette faute et le préjudice subi. La jurisprudence est donc basée sur de simples considérations d'équité.

ACTES DE GESTION

13La responsabilité de l'État à raison desdits actes est admise sans conteste comme le serait celle de particuliers accomplissant des actes identiques.

Les principes généraux susvisés se retrouvent dans la Jurisprudence.

Les actes de souveraineté - actes de puissance publique - ne donnant ouverture à aucune réparation, il a été jugé « que les diminutions d'activités résultant, pour les distillerie, des réductions annuelles progressives des contingents qui devaient être réalisées en matière d'alcool, par application des prescriptions du décret du 09 avril 1953, ne sauraient être regardées » comme ayant fait éprouver à ces entreprises des préjudices tels qu'ils aient été de nature à leur ouvrir droit à indemnité en l'absence d'un texte instituant en leur faveur un droit à obtenir des versements de l'État (CE, arrêt du 2 mai 1958, D. 1958, p. 730).

14La jurisprudence de la Cour de cassation, celle du Tribunal des conflits et celle du Conseil d'État sont concordantes pour confirmer la compétence des tribunaux administratifs relativement aux actes accomplis dans la gestion des services publics.

15 La Cour de cassation a décidé que les « tribunaux judiciaires n'étaient pas compétents pour statuer sur les demandes reconventionnelles formées par les marchands en gros d'allumettes qui, poursuivis en paiement des droits, prétendaient que les agents « des impôts » en ne procédant pas au vignetage des produits qu'ils avaient en magasins lors de la mise en application de la loi établissant l'impôt, leur avait causé un préjudice dont l'État leur devait réparation » (Cass., 30 janvier 1873, S. 74-1-66, Mém. Cl, 19-51 ; Cass 4 avril, 1876, Bull. civ., 44, Mém. Cl, 19-113 ; Cass., 13 juin 1876, S. 77-1-63, Bull. civ., 81, Mém. CI, 19-115).

16 Le Tribunal des conflits a adopté la même solution :

- dans une espèce où le propriétaire d'une maison incendiée par l'alcool que des fraudeurs y avaient déposé accusait les agents qui gardaient cet alcool d'avoir provoqué l'incendie par leur imprudence (Trib. des conflits, 29 mai 1875, S. 77-2-128, Mém. CI, 19-120) ;

- à propos d'une demande d'indemnité fondée sur le préjudice causé par le refus d'un titre de mouvement (Trib. des conflits, 3 décembre 1892, S. 94-3-113).

17 Le Conseil d'Etat a statué :

- sur une demande d'indemnité formée par un « distillateur » à raison d'une perte d'alcool provenant de ce qu'un agent avait manoeuvré le robinet du tube de niveau d'un bac, alors que ce tube de niveau n'était pas étanche (CE, arrêt du 10 janvier 1934, Rec. arrêts du CE, p 48, BCI, 1936-8) ;

- sur une demande formée par un distillateur de genièvre qui prétendait que l'Administration avait commis une faute en ne l'informant pas que sa production devait être réservée à l'État (CE, arrêt du 8 janvier 1926, Recueil, p. 28) ;

- sur les conséquences d'une saisie administrative indépendante des poursuites judiciaires (CE, arrêt du 27 octobre 1944, Gazette du Palais, n° 31-12-1944).

Par son libellé, ce dernier arrêt fait allusion aux cas dans lesquels l'action en dommages-intérêts dirigée contre l'Administration n'est pas de la compétence des tribunaux administratifs : il résulte en effet de la jurisprudence constante de la Cour de cassation et du Conseil d'État que les tribunaux judiciaires sont exceptionnellement compétents pour condamner l'État à des dommages-intérêts quand la demande est l'accessoire d'une action principale dont la connaissance a été donnée par la loi à ces tribunaux (CE, arrêts du 20 avril 1847, S. 47-11492 ; du 30 janvier 1873, S. 74-1-66, Bull. civ., 144, Mém. CI, 19-51).

18C'est en vertu de cette règle que les tribunaux judiciaires statuent sur les demandes en dommages-intérêts formées contre l'Administration à raison :

- de saisies déclarées nulles ou vexatoires ;

- de poursuites correctionnelles ou de saisies mal fondées.

Ces demandes doivent être portées devant le Tribunal de grande instance statuant au correctionnel lorsqu'elles sont formulées reconventionnellement à la poursuite de l'Administration, le requérant pouvant demander que les dispositions de l'article 241 du LPF soient appliquées (Cass. crim., 1er avril 1965).

Exception faite de certains cas où la responsabilité de l'Administration et de ses agents 3 est mise en jeu qui doivent être portés devant les tribunaux administratifs, les contraventions constatées en matière de contributions indirectes ressortissent à la compétence des tribunaux correctionnels (tribunaux de grande instance statuant au correctionnel).

La distinction entre la faute personnelle et la faute de service est délicate. Certains arrêts font comprendre la distinction.

Il a été jugé que constituait une faute personnelle :

- le fait par un agent de commettre un faux dans l'exercice de ses fonctions (Cass. crim., 2 janvier 1845, Bull. crim., n° 1) ;

- le fait par un employé de se livrer sciemment à des irrégularités destinées à masquer les agissements délictueux d'un négociant (CE, arrêt du 17 Janvier 1919, BCI, 5, voir Recueil, p. 44).

19Par contre, il y aurait faute de service lorsqu'un « receveur local des impôts » refuse de délivrer un acquit à une personne qu'il croyait ne pas y avoir droit (Trib. des conflits, 27 juin 1908, BCI, n° 18).

En cas de faute personnelle, les tribunaux judiciaires sont compétents, remarque étant faite que la jurisprudence du Conseil d'État tendrait à admettre que la responsabilité personnelle des agents n'est pas exclusive de celle de l'État, qui aurait dû mieux choisir ses agents ou les surveiller, le requérant lésé ne pouvant cumuler les deux indemnités (CE, arrêt du 26 juillet 1918, DP, 18-3-11).

20L'ensemble des règles qui définissent non seulement la manière de procéder pour la constatation des infractions, mais l'instruction préparatoire et le jugement, forment la procédure pénale.

Ces règles sont actuellement définies par le droit français, compte tenu de la primauté du droit communautaire. Elles constituent le contentieux répressif des contributions indirectes.

 

1   On rappelle qu'en cas de recours de pleine juridiction, une véritable instance naît entre l'Administrateur et l'auteur du recours qui tend à la réparation d'un préjudice résultant de la violation d'un droit.

2   Le recours en annulation, qui n'a pas d'équivalent dans le contentieux judiciaire, vise uniquement à obtenir l'annulation - produisant ses effets erga omnes - d'un acte irrégulier. Il peut être formé par toute personne justifiant d'un « intérêt à agir ». En ce sens CE du 29 juillet 1950, JO 1951-11-6027.

3   La responsabilité des agents - pénale (crime de concussion) ou civile - peut être engagée lorsque ceux-ci ont commis une faute personnelle et non une faute de service.