SOUS-SECTION 3 COMPLICITÉ
SOUS-SECTION 3
Complicité
1En droit pénal, la complicité est prévue par les articles 121-6 et 121-7 1 du nouveau Code pénal, mais ces textes, qui ne visent que les crimes et les délits, ne s'appliquent pas en matière de contraventions et d'infractions aux lois sur les contributions indirectes.
2En cette dernière matière et jusqu'au 6 avril 1950, date d'entrée en vigueur du CGI, la complicité n'était pas en principe punissable, si ce n'est en vertu de dispositions particulières de la loi fiscale. La chambre criminelle avait, en effet, le 10 janvier 1914 (Bull. crim. 25, p. 41 ; dans le même sens : Crim., rejet 8 janvier 1920, BCI 9, p. 42, Bull. crim. 7, p. 9), déclaré inapplicables aux infractions fiscales les articles 59 et 60 du Code pénal. Mais une jurisprudence très ferme s'était instituée, qui permettait à l'Administration de faire condamner, aux côtés de l'auteur principal, tous ceux qui, d'une manière ou d'une autre avaient participé à l'infraction, c'est-à-dire non seulement les co-auteurs et les complices stricto sensu, mais encore les individus qui avaient inspiré, organisé la fraude, qui en avaient tiré profit, etc. (cf. par exemple, parmi de très nombreuses décisions : rejet, 2 mars 1917, BCI 13, p. 61, Cass. 12 mai 1939, BCI 15, p. 374). Cette jurisprudence conserve toute sa valeur, bien que le législateur ait refondu en un texte unique, de portée générale, - l'article 1799 du CGI -, les principales dispositions législatives réprimant la complicité proprement dite en matière de contributions indirectes.
3L'article 1799 du CGI considère comme complice :
1° Toute personne convaincue d'avoir facilité la fraude ou procuré sciemment les moyens de la commettre ;
2° Toute personne convaincue d'avoir sciemment formé ou laissé former, en vue de la fraude, dans les propriétés ou locaux dont elle a la jouissance, des dépôts clandestins d'objets, produits ou marchandises soumis aux droits ou à la réglementation des contributions indirectes ;
3° Tout négociant qui a incité un viticulteur à fausser sa déclaration de récolte et a lui-même, dans cet objet, altéré ses propres déclarations de réception de vendanges ou de fabrication de vin.
A. COMPLICITÉ VISÉE PAR L'ARTICLE 1799-1° DU CGI
I. Conditions
4L'article 1 799-1° du CGI considère comme complice toute personne qui a facilité la fraude ou qui a procuré sciemment les moyens de la commettre.
5a. La complicité est caractérisée par une assistance consciente apportée à l'auteur principal. La question de savoir si cette condition est réalisée est souvent délicate et il peut être préférable, en cas de pluralité de contrevenants, de se fonder sur la notion largement admise par la jurisprudence de participation à la fraude 2 pour justifier les poursuites exercées contre ceux qui se sont liés aux agissements de l'auteur matériel de l'infraction soit en coopérant à l'action, soit en organisant la fraude ou en en tirant profit, soit enfin de toute autre manière (Crim., rejet 12 novembre 1974, RJCI, p. 125).
La Cour de cassation a décidé depuis longtemps que la connaissance coupable du complice pouvait se déduire de l'ensemble des énonciations des juges du fond, sans qu'il soit nécessaire qu'elle ait été constatée dans les termes mêmes de la loi (cf. Cass. crim., 12 avril 1873, Bull. crim. 99, p. 182 ; rejet 20 avril 1888, Bull. crim. 153, p. 239 ; rejet 25 octobre 1888, Bull. crim. 306, p. 478 ; rejet, 28 février 1889, Bull. crim. 84, p. 123 ; rejet 12 juillet 1913, Bull. crim. 349, p. 677 ; rejet 22 juin 1939, BCI 20, p. 452 ; rejet 3 mars 1965, RJCI 8, p. 30 ; 4 janvier 1974, RJCI, p. 3).
Il n'appartient pas à la Cour de cassation de réviser les constatations sur lesquelles se sont fondés les juges du fond pour asseoir leur conviction dès lors que leurs énonciations ne comportent ni ambiguïté ni contradiction (Crim. rejet 15 février1967, RJCI, p. 15).
Mais, l'erreur sur la qualification donnée par un arrêt aux faits qu'il constate ne peut vicier le dispositif de cet arrêt s'il est légalement justifié. Spécialement la condamnation prononcée contre un prévenu à titre de complice est fondée, bien que celui-ci ne soit pas punissable comme tel, dès lors qu'il ressort des énonciations de l'arrêt qu'il a participé personnellement et directement à la fraude en qualité de co-auteur (Cass, crim., 17 mai 1945, BCI 14).
6b. La complicité n'exige pas obligatoirement un acte positif de coopération, mais peut résulter d'une simple abstention, d'une attitude passive lorsque cette attitude a pu avoir en raison de la qualité de son auteur, une influence sur le comportement de l'auteur principal de l'infraction (Tribunal correctionnel Aix-en-Provence, 14 janvier 1947, D-1947, som. 19, Gaz. Pal., 14-17 juin 1947).
L'application de l'article 1799-1° du CGI n'implique en aucune façon que le prévenu ait matériellement pris part à la fraude L'absence d une telle participation ne fait pas obstacle à la condamnation du prévenu.
II. Cas de complicité
7Parmi de nombreuses décisions jurisprudentielles il y a lieu de retenir les cas suivants où la Cour de cassation a reconnu comme complices :
- plusieurs inculpés ayant participé à un transport frauduleux d'alcool le transporteur, dont la sincérité ne saurait être déniée, ayant déclaré que l'un des prévenus a transvasé l'alcool litigieux à l'aide d'un dispositif spécial, des locaux de la distillerie dans le réservoir d'une voiture aménagée pour dissimuler la fraude pendant qu un deuxième faisait le guet aux alentours de l'usine et qu'un troisième a reçu le prix de l'alcool et donné des indications sur l'itinéraire à suivre pour effectuer le transport sans être inquiété (Cass. crim., 22 juin 1933, BCI 20) ;
- un contrevenant qui a aidé et assisté avec connaissance, l'auteur du transport frauduleux (Cass. crim., 5 mai 1943, BCI 301 ;
- un fournisseur de porcs, complice des abattages irréguliers et minorations de poids de viande net commis par un salaisonnier, ce fournisseur ayant, sur les instructions de son client établi des factures inexactes, sans s'assurer ou même tenter de s'assurer de leur exactitude (Crim. rejet, 30 mai 1969, RJCI p. 72) ;
- un fabricant d'apéritif anisé, complice des faits relevés à l'encontre de son préposé en qualité d'auteur, dès lors que celui-ci locataire de deux garages où d'importantes quantités d'apéritifs anisé d'alcool de fraude et de fournitures diverses avaient été découvertes a déclaré avoir effectué de nombreuses livraisons clandestines de boissons portant la marque de son employeur ; les juges du fond ont estimé inconcevable qu'il ait pu se livrer à l'insu de son patron, à la fabrication et à la commercialisation sur une aussi grande échelle, de similaires d'absinthe et qu'au surplus les deux prévenus sont des trafiquants d'habitude (Crim. rejet 15 février 1967 précité) ;
- un liquoriste qui a commandé une quantité de sucre liquide et en a payé le prix sans ignorer que cette marchandise devait être livrée non à lui-même, mais à un négociant en gros de vins dans les cuves duquel ce sucre fut effectivement déversé (Cass. crim., 4 janvier 1974, précité et Crim, rejet, 10 juillet 1958 ; RJCI 88, p. 234) ;
- l'individu, qui après avoir assisté au chargement de la boisson accompagne avec son propre véhicule le camion enlevant le vin sachant qu'il est transporté sans titre de mouvement participe personnellement et directement à la fraude au sens de l'article 1799 1° du CGI sans qu'il soit d'ailleurs nécessaire que les faits de complicité dans les termes de l'article 60 du Code pénal soient en outre relevés contre lui (Cass. crim., 12 novembre 1974) ;
- le prévenu qui a remis à son père dont il connaissait les activités illicites les papiers et les clés de sa voiture et se doutait en la lui prêtant qu'elle servirait à un trafic de pièces d'or auquel il savait qu'il participait avec des étrangers ; il se rendait ainsi coupable de la fraude à la réglementation fiscale commise par celui-ci (le transport ne constituait pas en lui-même une infraction fiscale ; la complicité du fils a été retenue pour les infractions de défaut d'inscription au registre de police, achat à des inconnus et détention d'ouvrages au-dessous du titre légal ; Cass. crim., 11 février 1975).
B. COMPLICITÉ VISÉE PAR L'ARTICLE 1799-2° DU CGI
8L'article 1799-2° du CGI punit des peines applicables à l'auteur de l'infraction toute personne convaincue d'avoir sciemment formé ou laissé former, en vue de la fraude, dans les propriétés ou locaux dont elle a la jouissance, des dépôts clandestins d'objets, produits ou marchandises soumis aux droits ou à la réglementation des contributions indirectes.
Il a été jugé que ce texte est app !icable à la femme d'un prévenu qui, au courant des agissements de celui-ci, avait loué à son nom de ieune fille un local où il introduisait de l'alcool de fraude, de l'anéthol, et où il fabriquait et détenait, en vue de la vente des similaires d'absinthe (Crim. rejet 23 mai 1970, RJCI, p. 28).
Ont encore été condamnés solidairement avec un débitant, comme complices de celui-ci, deux époux viticulteurs qui avaient autorisé le prévenu à disposer de leur cave, de leur cour et de leur hangar pour y entreposer du vin reçu en fraude, le mettre en bouteilles sur place et procéder à sa vente à emporter, et qui assuraient la garde de capsules représentatives de droits que le débitant s'était procurées en trafiquant avec un négociant. L'article 1799 du CGI, loin d'exiger pour caractériser la complicité, une assistance contante apportée à l'auteur principal, pénalise quiconque a fourni sciemment les moyens de commettre la fraude (Cour d'appel de Nîmes, Chambre correctionnelle, arrêt du 18 février 1975).
Jugé également que celui qui, en toute connaissance de cause, donne en location un hangar à un tiers, acceptant que celui-ci y apporte les aménagements nécessaires à l'exercice de sa coupable activité, se rend complice des infractions de détention illicite d'anéthol et de fabrication d'absinthe ou de liqueurs similaires commises dans ce local par le locataire (Cass. crim., 3 novembre 1976).
C. COMPLICITÉ VISÉE PAR L'ARTICLE 1799-3° DU CGI
9Il s'agit là d'un cas spécial de complicité conservé par le CGI en plus des dispositions générales regroupées sous les deux premiers paragraphes de l'article 1799. Il vise tout négociant qu ; a incité un viticulteur à fausser sa déclaration de récolte et a lui-même, dans cet objet, altéré ses propres déclarations de réception de vendanges ou de fabrication de vin.
D. CONSÉQUENCES DE LA COMPLICITÉ
10Le complice est puni des peines applicables à l'auteur principal de l'infraction. Mais, en raison de la nature des amendes fiscales qui tendent principalement à la réparation du préjudice causé au Trésor, lorsque plusieurs personnes sont poursuivies pour un fait unique constitutif d'une seule contravention, une seule amende est prononcée contre tous, auteurs principaux, co-auteurs ou complices, le recouvrement de cette amende-étant garanti par la solidarité.
La chose jugée ou l'abandon des poursuites à l'égard du complice ne fait pas obstacle à la poursuite de l'auteur principal (Cass. crim., 3 août 1893, Bull. crim. 221).
Par contre, lorsque la condamnation prononcée à l'encontre du complice a pour support nécessaire celle des auteurs principaux, la cassation encourue sur les pourvois de ces derniers doit être étendue au bénéfice du demandeur, condamné comme complice (Cass. crim. partielle, 9 décembre 1970, RJCI, p. 87).
1 Art. 121-6. Sera puni comme auteur le complice de l'infraction, au sens de l'article 121-7. Art. 121-7. Est complice d'un crime ou d'un délit la personne qui sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la préparation ou la consommation. Est également complice la personne qui par don, promesse, menace, ordre, abus d'autorité ou de pouvoir aura provoqué à une infraction ou donné des instructions pour la commettre.
2 Cf. ci-après 13 E 2365 .