SECTION 5 RESPONSABILITÉ CIVILE DU FAIT D'AUTRUI
SECTION 5
Responsabilité civile du fait d'autrui
A FONDEMENT
1La responsabilité civile du fait d'autrui est prévue par l'article 1384 du Code civil ainsi rédigé : « On est responsable, non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui causé par le fait des personnes dont on doit répondre :
- le père et la mère, en tant qu'ils exercent le droit de garde, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux ;
- les maîtres et les commettants, du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés ;
- les instituteurs et les artisans, du dommage causé par leurs élèves et apprentis pendant le temps qu'ils sont sous leur surveillance ;
- la responsabilité ci-dessus a lieu, à moins que les père et mère, et les artisans ne prouvent qu'ils n'ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité » ;
- en ce qui conceme les instituteurs, les fautes, les imprudences ou négligences invoquées contre eux comme ayant causé le fait dommageable, devront être prouvées, conformément au droit commun, par le demandeur, à l'instance.
2En ce qui concerne les contributions indirectes, la responsabilité civile du fait d'autrui trouve, en outre, sa justification dans le fait que la jurisprudence a toujours considéré que les peines pécuniaires fiscales ont un caractère essentiel de dommages-intérêts.
3Par ailleurs, en vertu de la jurisprudence résultant de l'arrêt du 18 mars 1965 (Cass. crim., RJCI 12, Bull. crim. 81), les dispositions de l'article 1805-1, 1er alinéa du CGI constituent le fondement de la responsabilité civile du propriétaire des marchandises lorsque la responsabilité pénale établie par ce texte ne peut être mise en jeu par suite de l'existence de l'excuse absolutoire prévue par le 2e alinéa du même article (cf. 13 E 2312, n° 8 ).
B. CAS DE RESPONSABILITE CIVILE DU FAIT D'AUTRUI
I. Responsabilité civile des père et mère
4Le père et la mère sont solidairement responsables. En cas de décès du père, la responsabilité pèse sur la mère. En cas de divorce ou de séparation de corps, c'est celui des époux qui a la garde de l'enfant qui peut être mis en cause. Pour que la responsabilité des père et mère puisse être mise en jeu il est nécessaire que l'enfant soit mineur et qu'il habite avec ses parents.
Le père ou la mère ne peuvent être déchargés de l'obligation de réparer le dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux que s'ils peuvent prouver qu'ils n'ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité.
La responsabilité des père et mère repose donc sur une présomption de faute. Il ne suffit pas que les parents prouvent que le fait s'est produit à leur insu.
Cependant, cette présomption tend à devenir de plus en plus fragile d'après la jurisprudence qui considère que la présomption de faute doit être écartée dès qu'il est établi que tant du point de vue de l'éducation que de la surveillance, le père s'est comporté comme une personne prudente et n'a pu empêcher ainsi le fait dommageable.
II. Responsabilité civile des instituteurs et des artisans
5Les instituteurs et les artisans ne peuvent être rendus responsables des dommages causés par les élèves et les apprentis que pendant les heures où ces derniers sont sous leur surveillance.
A la responsabilité de l'instituteur est substituée celle de l'Etat contre lequel l'action doit être engagée dans tous les cas.
III. Responsabilité des maîtres et commettants
6Trois conditions doivent être réunies afin que soit effectivement engagée la responsabilité des intéressés pour la réparation des dommages causés par leurs domestiques ou préposés. Il faut :
a. Que l'on se trouve en présence d'un préposé librement choisi par la personne qui l'emploie. Cependant, les actes d'un sous-préposé engagé par un préposé principal ou directeur pour le compte du commettant engagent la responsabilité de ce dernier (Cass. crim., 5 novembre 1855, S-57-1-375) ;
b. Qu'il existe un lien de subordination entre le commettant et son préposé ; la responsabilité mise à la charge du commettant par l'article 1384 du Code civil, du dommage causé par son préposé dans les fonctions dans lesquelles il l'a employé suppose, comme condition essentielle, le droit pour le commettant de donner à son préposé des ordres ou des instructions ; sans cette autorité et cette subordination corrélatives, il n'y a pas de commettant et de préposé au sens de la loi (Cass. crim., 9 janvier 1931, Bull. crim. 6 ; 17 avril 1931, Bull. crim. 106, 25 juin 1932, Bull. crim. 159).
Par ailleurs, il doit être bien établi que le préposé était sous les ordres du commettant - et non d'une tierce personne - au moment où le fait dommageable a été commis (Cass. crim., 29 novembre 1917, BCI 2). Néanmoins, un commettant a été jugé civilement responsable des conséquences de la faute de ses employés qu'il avait momentanément mis à la disposition d'un tiers, mais sur lesquels il avait conservé un droit de surveillance et d'autorité (Cass. crim., 8 mai 1908, Bull. crim. 186) ;
c. Que le fait dommageable ait été commis à l'occasion de l'exécution du mandat de préposé et qu'il se rattache au travail confié (Cass. crim., 2 juillet 1914, BCI 1915, 6, Bull. crim. 310). Selon une jurisprudence constante, la faute du préposé engage la responsabilité du commettant envers les tiers lésés, non seulement quand elle s'est produite dans l'exercice normal de la fonction confiée audit préposé, mais même quand elle a eu pour occasion des actes auxquels ce dernier se livrait par abus de ses fonctions, en usant des facilités que celles-ci lui procureraient (Cass. crim., 24 octobre 1962, RJCI n° 30, p. 100 ; dans le même sens : Cass. crim., 3 février 1911, Bull. crim. 78 ; 9 décembre 1915, BCI 1916-2 ; 8 décembre 1933, Bull. crim, 235 ; 9 juin 1944, BCI 1947, 23 ; 15 juillet 1948, Bull. crim., 196 ; 22 novembre 1961, RJCI n° 34, Bull. crim. 480, p. 919). Tel est le cas lorsqu'un préposé a commis une infraction (transport frauduleux d'alcool) alors qu'il effectuait un transport pour lequel il avait été commandé, dans le temps de ce transport, sur le parcours prévu, au moyen de véhicules à lui confiés (Cass. crim., rejet, 30 octobre 1963, RJCI n° 20 p. 72).
7Dès l'instant où les trois conditions susvisées sont réunies, les maîtres et commettants sont civilement responsables du dommage causé, alors même que le fait dommageable aurait été commis à leur insu (Cass. crim., 7 octobre 1954, RJCI n° 39) ou qu'il résulterait d'une désobéissance aux ordres qu'ils avaient donnés à leur préposé (Cass. civ., 26 mai 1975, S. 76-1-13), ou même encore qu'ils prouveraient n'avoir pu l'empêcher (Cass., 11 juin 1836, S, 1837-1-452). Peu importe, également, que le fait dommageable leur ait porté personnellement préjudice (Cass. crim., 18 mai 1933, BCI n° 13).
8La présomption de responsabilité des maîtres et commettants est irréfragable et les personnes mises en cause ne peuvent s'exonérer de leur responsabilité en prouvant qu'elles n'ont commis aucune faute. En effet, les maîtres et commettants ne peuvent invoquer les alinéas 7 et 8 de l'article 1384 du Code civil qui affranchit de la responsabilité les pères, mères et artisans lorsqu'ils prouvent qu'ils n'ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité (Cass. crim., 11 juin 1836, Mém. 16. p. 1).
C. PORTÉE DE LA RESPONSABILITÉ DU FAIT D'AUTRUI EN MATIERE DE CONTRIBUTIONS INDIRECTES
9L'article 1384 du Code civil est d'une portée générale. Il permet à la personne lésée d'obtenir réparation quand le fait dommageable ne constitue pas une infraction pénale, comme lorsqu'il constitue un crime, un délit ou une contravention déjà sanctionné par une peine. Le principe de la responsabilité écrit dans l'article 1384 du Code civil est général et s'étend même aux administrations et régies investies du droit de poursuivre la répression des contraventions fiscales (Cass. crim., 15 juin 1872, Bull. crim. 144).
10Il en résulte que l'Administration peut, comme toute personne lésée, invoquer cette responsabilité lorsqu'elle y a intérêt, c'est-à-dire dans tous les cas où la responsabilité pénale ne peut s'appliquer : condamnation des parents comme civilement responsables des peines pécuniaires prononcées contre leurs enfants mineurs ; condamnation des employeurs lorsque les contraventions commises par leurs préposés n'ayant pas porté sur des objets ou marchandises dont les employeurs étaient propriétaires, la responsabilité pénale de l'article 1805-1, 1er alinéa du CGI ne peut jouer ; condamnation des directeurs et exploitants de spectacles pour des fraudes commises par leur personnel, la Cour de cassation n'ayant pas admis en matière de taxe sur les spectacles, la responsabilité pénale prévue par l'article 1805-1, 1er alinéa précité.