SECTION 3 ÉLÉMENTS CONSTITUTIFS DE L'INFRACTION
SECTION 3
Éléments constitutifs de l'infraction
1En droit commun, pour que l'infraction existe, trois conditions doivent être nécessairement remplies :
- il faut qu'il y ait violation de la loi, c'est-à-dire un élément légal ;
- il faut qu'il existe un fait ayant troublé l'ordre public, c'est-à-dire un élément matériel ;
- il faut, enfin, que ce fait ait été sciemment commis par son auteur, c'est ce qu'on appelle l'élément moral.
En raison du caractère purement matériel des infractions fiscales, l'élément moral n'est pas nécessaire, en général, en matière de contributions indirectes.
Pour le même motif, l'âge du prévenu demeure sans influence sur l'existence de l'infraction ; néanmoins, il en est tenu compte pour la détermination des peines.
SOUS-SECTION 1
Élément légal de l'infraction
1Les articles 112-2 et 111-3 du nouveau Code pénal expose le principe de la légalité criminelle.
L'article 111-2 indique de manière positive que les infractions et les peines ne peuvent être prévues que par un texte : loi pour les crimes et délits, règlement pour les contraventions.
L'article 111-3 reprend de manière négative le principe posé en ce qui concerne d'une part l'incrimination et d'autre part la peine.
Cette règle, qui reçoit une entière application en matière de contributions indirectes, constitue une garantie importante pour les assujettis. Elle se résume en deux propositions complémentaires : « nullum crimen sine lege » et nulla poena sine lege » :
2• « Nullum crimen sine lege » (Nul crime sans loi), c'est-à-dire que le juge répressif ne peut prononcer une condamnation pénale pour un fait qui, lors de sa commission, n'était pas réprimé
3« Nulla poena sine lege » (Nulle peine sans loi), c'est-à-dire qu'il est interdit au juge de réprimer une infraction par une peine qui n'est pas attachée par la loi à cette infraction ; à plus forte raison, ne peut-il inventer une peine dépourvue d'existence légale. Il a été jugé en ce sens que les tribunaux ne peuvent :
- prononcer de peine par induction ou présomption, ni même pour des motifs d'intérêt général ; ils n'ont d'attribution que pour appliquer des condamnations déterminées par la loi (Cass. crim., 11 mai 1949, D. 1949, 261) ;
- prononcer une peine pour inobservation des règlements communautaires avant l'institution de sanctions par un texte de droit inteme (arrêt Cour d'appel de Montpellier, 10 juillet 1974 RJCI, 1974, p. 100).
4En matière de contributions indirectes, il s'agit des lois fiscales. Ces lois se bornent, le plus souvent, à tracer simplement les règles à observer, laissant le soin à un règlement d'administration publique, à un décret, à un arrêté ministériel, de fixer les conditions d'application. En définitive, un texte légal ou réglementaire, prévoyant ou punissant expressément l'infraction, est nécessaire pour que celle-ci puisse être valablement retenue.
Les lois et décrets constituant la source de l'élément légal des infractions fiscales sont, en règle générale, insérés dans le CGI. C'est donc dans ce Code qu'il convient de rechercher, sauf exception, les articles qui prévoient et punissent les infractions.
5Le principe de la légalité des infractions et des peines comporte deux corollaires : la règle de l'interprétation restrictive de la loi pénale et la règle de la non-rétroactivité de la même loi.
A. INTERPRÉTATION RESTRICTIVE DE LA LOI
6La loi pénale est d'interprétation stricte (art. 111-4 du nouveau Code pénal). Il n'appartient pas au juge, en raisonnant par voie de rapprochement, de suppléer au silence de la loi et d'appliquer en dehors des cas limitativement prévus par le législateur une disposition qui fait exception à la règle générale (Cass. crim. 7 janvier 1944, RJCI, 5, Bull. crim. 9).
De même, les textes fiscaux à caractère répressif doivent être interprétés stricto sensu. Il n'est pas permis, comme le précise la jurisprudence à cet égard, de « raisonner d'un cas prévu à un cas imprévu et de décider alors par analogie, car, dans les lois pénales comme dans les lois fiscales, ce qui n'est pas prévu ou n'est pas défendu ne peut être exigé ni puni ».
A ce sujet, il a été jugé notamment :
- qu'il n'est point permis d'interpréter les lois fiscales en introduisant des distinctions qu'elles ne font point elles-mêmes et les exemptions qu'elles édictent ne peuvent être étendues à des cas autres que ceux expressément déterminés par elles (Cass. crim. 25 février 1942, RJCI, 49, Bull. crim., 12) ;
- en matière de cotisation exceptionnelle de résorption (cotisation sur les livraisons de blé), « que les juges ne peuvent, par interprétation, analogie ou similitude de motifs, ajouter ou retrancher aux dispositions des lois fiscales » (Cass. crim., 17 février 1944, RJCI, 16 ; Cass. crim. 31 janvier 1946, RJCI, 11, Bull. Crim., 39) ;
- qu'il n'est pas permis d'introduire dans les textes fiscaux, lorsque leur sens est clair et précis, des distinctions que ces textes ne comportent pas (Cass. crim., 17 octobre 1947, RJCI, 26) ;
- que les juges ne peuvent s'autoriser d'un usage ou d'une tolérance pour se dispenser d'appliquer la loi lorsqu'ils en sont requis (Cass. crim., 7 juillet 1949, RJCI, 19) ;
- que si le juge pénal, appelé à appliquer une loi fiscale, a le devoir d'en rechercher l'objet et d'en délimiter le domaine d'application, il ne peut en restreindre la portée par l'adjonction d'exigences qu'elle ne comporte pas (Cass. crim, 4 novembre 1970 ; RJCI, p. 71 ; Bull. crim., 288, p. 694).
B. NON-RÉTROACTIVITÉ DE LA LOI
I. Principe de la non-rétroactivité de la loi pénale
7Aux termes de l'article 112-1 al. 1 et 2 la loi pénale n'a pas d'effet rétroactif.
Ce principe est applicable aux faits constitutifs de l'infraction ainsi qu'aux peines encourues. Une loi nouvelle, applicable aux opérations futures, ne peut, en l'absence d'une disposition expressément contraire, régir les faits accomplis avant sa mise à exécution et sous l'empire de la loi ancienne (Cass. civ., 7 décembre 1874, Annales, 1876-1877, p. 114 ; Mém., 19, p. 128).
II. Dérogation
8La règle traditionnelle relative à la rétroactivité de la loi pénale plus douce est désormais expressément inscrite dans le nouveau Code pénal à l'article 112-1 alinéa 3 par exception au principe de la non-rétractivité des incriminations et des peines énoncées aux deux précédents alinéas de ce même article.
Les conditions de la dérogation à ce principe sont les suivantes :
• les infractions commises avant l'entrée en vigueur de la loi nouvelle ne doivent pas avoir donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée ;
• les dispositions de la loi nouvelle doivent être moins sévères que les dispositions anciennes.
III. Application en matière de contributions indirectes
a. Régime antérieur à la loi n° 77-1453 du 29 décembre 1977.
9Les peines pécuniaires fiscales (amende, quintuple ou décuple droit, confiscation), prononcées par le tribunal, étaient toujours celles qui étaient en vigueur au moment où l'infraction qu'elles punissaient avait été commise. Aucune dérogation n'était admise pour ces peines, en raison de leur caractère prédominant de réparation civile. La jurisprudence était constante sur ce point. La Cour de cassation avait toujours estimé que les amendes et confiscations en matière de contributions indirectes constituaient des pénalités étrangères au Code pénal et avaient un caractère d'indemnité au profit du Trésor : à ce titre, elles étaient encourues par le fait même qui donnait lieu à la contravention, dans les limites fixées par la loi existant au moment où cette contravention avait été commise (Cass. crim., 17 février 1898, BCI, 6 ; 16 juillet1927, BCI, 19, Bull. crim., 181 ; 21 janvier1928, BCI, 6 ; 7 novembre 1936 BCI, 1937, 2, Bull. crim., 114 ; 3 août 1939 BCI, 20 ; 5 janvier1943, BCI, 1943-I, 2 ; 27 janvier 1959, RJCI, 15).
10Il en était ainsi, non seulement en matière fiscale, mais également en matière économique.
Il était en effet de principe que les textes fiscaux et économiques pénalement sanctionnés n'avaient pas d'effet rétroactif même s'ils comportaient des dispositions plus bienveillantes. La chambre criminelle de la Cour de cassation avait fait de ce principe une application continue (Cass. crim., 4 avril 1960, RJCI, 43 p. 117, Bull. crim., 202 p. 422 ; 6 janvier 1961 RJCI, 2, p. 7 ; 14 octobre 1964, RJCI, 20, p. 68 ; 18 mars 1965 RJCI, 12, p. 42, Bull. crim., 81, p. 176 ; 10 novembre 1970, Bull. crim., 293 p. 708, D 1971, 509, note Mazard ; 22 novembre 1973, Bull. crim., 435, p. 1079, RJCI, 1974, p. 120).
11En outre, en l'absence de dispositions contraires formellement exprimées, les règlements communautaires n'échappaient pas à ce principe. Il avait été jugé que n'étaient pas rétroactives comme plus douces en matière pénale les dispositions du décret du 21 avril 1972 qui, pris en application du règlement communautaire n° 816/70 du 28 avril 1970 autorisant l'augmentation du titre alcoométrique d'un vin titrant naturellement 7° dans la zone dont dépend le département de la Gironde, avait abrogé l'article 18 du décret du 31 août 1964, modifié par le décret du 30 novembre 1967, lequel n'admettait comme propres à la consommation que les vins titrant au moins 9° dans ce même département (Cass. crim., 9 janvier 1974 RJCI, p. 19, Bull. crim., 13, p. 32 ; 5 février 1976 RJCI, 1976, p. 58).
b. Régime issu de la loi n° 77-1453 du 29 décembre 1977
12En principe, ne s'agissant pas de sanctions pénales et dès lors qu'elle ne contenait aucune dérogation sur la date d'entrée en vigueur des nouvelles dispositions, la loi du 29 décembre 1977 n'aurait dû s'appliquer qu'aux infractions commises à compter du 1er janvier 1978.
En fait, tant l'Administration que la Cour de cassation ont conféré à ces dispositions un effet rétroactif.
1° Doctrine administrative
Sans entendre remettre en cause le principe de non-rétroactivité des lois fiscales, l'Administration a néanmoins admis, comme conforme à l'esprit de la loi, de faire bénéficier les contribuables de la nouvelle législation plus bienveillante, même pour les infractions commises avant le 1er janvier 1978.
Cette mesure suppose l'application de l'ensemble des peines prévues par la loi nouvelle et comporte dès lors, en plus des pénalités dont le taux a été réduit, le paiement des sommes fraudées ou indûment obtenues à raison de l'infraction.
2° Jurisprudence de la Cour de cassation
Revenant sur une jurisprudence solidement établie, la Cour suprême a décidé que la loi du 29 décembre 1977 édictant des pénalités moins sévères doit être appliquée aux faits commis antérieurement et donnant lieu à des poursuites non encore terminées par une décision définitive au moment où la loi est entrée en vigueur.
L'abandon du principe de la non-rétroactivité de la loi fiscale se justifie, dans les deux décisions rappelées ci-après, par la circonstance que le législateur a fait prédominer le caractère pénal des amendes fiscales sur leur caractère indemnitaire (Cass. crim., 9 novembre 1978, Bull. crim. n° 310, p. 795 ; Cass. crim., 23 janvier 1979, Bull. crim. n° 30, p. 84).
13La Chambre criminelle n'a cependant pas entendu faire rétroagir que les lois qui atténuent la répression.
Ainsi, en l'absence de dispositions contraires expresses, une loi nouvelle qui abroge une incrimination ou qui comporte des dispositions pénales ou fiscales favorables, s'applique aux faits commis avant son entrée en vigueur et non définitivement jugés (Cass. crim. 3 novembre 1988, Bull. crim. n° 367, p. 975).
c. Autres dérogations
14D'autres dérogations au principe de la non-rétroactivité sont appliquées dans les cas suivants :
- lorsque la loi prévoit expressément son application à des faits antérieurs ;
- lorsqu'il s'agit d'une loi interprétative, son effet part du jour de la loi initiale ;
- enfin, quand il s'agit de lois de procédure.
L'application de ces lois de forme concerne tous les litiges en instance, y compris ceux qui ont pris naissance antérieurement à la nouvelle procédure.
C. DOMAINE DE LA LOI FISCALE
15La loi fiscale ne peut s'appliquer qu'aux contraventions commises sur le territoire national (France métropolitaine et Corse) à moins qu'un texte spécial étende son application aux départements d'outre-mer ou à des territoires dépendant de l'autorité française. Mais leurs auteurs ou les autres personnes responsables des contraventions peuvent être poursuivis, qu'ils soient français ou étrangers.