CHAPITRE 2
CHAPITRE 2
CIRCULAIRE DU 16 OCTOBRE 1972
relative aux conseils juridiques
(J.O. du 25 octobre 1972)
Paris, le 16 octobre 1972.
Le Garde des Sceaux, ministre de la Justice,
à MM. les procureurs généraux.
La loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques réglemente dans son titre 2 l'usage du titre de conseil juridique.
Les dispositions de ce titre sont complétées par les décrets et arrêtés d'application énumérés ci-dessous :
- décret n° 72-670 du 13 juillet 1972 relatif à l'usage du titre de conseil juridique ( J.O. du 18 juillet 1972) ;
- décret n° 72-671 du 13 juillet 1972 relatif à l'obligation d'assurance et de garantie financière des personnes inscrites sur la liste des conseils juridiques ( J.O. du 18 juillet 1972) ;
- décret n° 72-698 du 26 juillet 1972 portant règlement d'administration publique pour l'application aux conseils juridiques de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles ( J.O. du 30 juillet 1972) ;
- arrêté du 4 août 1972 fixant la liste des écoles supérieures de commerce dont le diplôme est admis en équivalence à la licence en droit pour l'inscription sur la liste des conseils juridiques ( J.O . du 19 août 1972) ;
- arrêté du 4 août 1972 fixant respectivement les titres et diplômes relatifs à l'usage du titre de conseil juridique et fiscal ou de conseil fiscal, de conseil juridique en droit social et de conseil juridique en droit des sociétés (même J.O. ) ;
- arrêtés du 4 août 1972 relatifs à l'attestation d'assurance de responsabilité civile professionnelle, à l'attestation de garantie financière, au taux maximal des versements que les conseils juridiques sont autorisés à recevoir en espèces, à la comptabilité des conseils juridiques (même J.O., rectificatif publié au J.O. du 30 août 1972).
Les autres arrêtés prévus par les décrets précités interviendront ultérieurement.
La présente circulaire est essentiellement consacrée au décret n° 72-670 du 13 juillet 1972 relatif à l'usage du titre de conseil juridique qui détermine le statut de ces professionnels. Les autres textes, dont l'application nécessite une moindre intervention des parquets, seront évoqués plus brièvement. Toutefois, si des difficultés particulières se révélaient à l'occasion de leur mise en oeuvre, il y aurait lieu de m'en référer aussitôt.
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Introduction
Avant de traiter des questions que peut soulever l'interprétation et l'application du décret relatif à l'usage du titre de conseil juridique, il m'apparaît nécessaire de rappeler brièvement l'économie générale des titres 2 et 3 de la loi précitée du 31 décembre 1971 ainsi que les principes qui ont inspiré l'élaboration des textes réglementaires pris pour leur application :
1° L'exercice des activités de consultation et de rédaction d'actes demeure, en principe, libre.
La loi du 31 décembre 1971, telle qu'elle a été votée par le Parlement, ne confère aux membres des professions judiciaires et juridiques réglementées aucun monopole en matière juridique. Toute personne, association, syndicat, société, entreprise ou service public ou privé, quel qu'en soit l'objet ou la nature, peut donc, comme par le passé, donner des consultations et rédiger des actes sous seing privé, à titre exclusif, principal ou accessoire, sans être inscrit sur la liste des conseils juridiques prévue à l'article 54 de la loi précitée.
A. Toutefois, une exception est apportée à ce principe par l'article 55 (alinéa 1 er ) de la même loi en ce qui concerne les juristes de nationalité étrangère : sous réserve des exceptions prévues par le 2 e alinéa du même article et par l'article 64 de la loi, ceux-ci ne sont admis à exercer à titre professionnel les activités juridiques susmentionnées que s'ils sont inscrits sur la liste des conseils juridiques. Ils sont, en outre, tenus de se consacrer à titre principal à l'application des droits étrangers et du droit international.
Compte tenu de la complexité des questions que soulève l'application de ces dispositions, elles font l'objet d'un commentaire détaillé dans le cours de la présente circulaire.
B. Des mesures d'assainissement et de clarification apportent, par ailleurs, certaines limitations à la totale liberté d'exercice qui existait dans le domaine des activités juridiques avant l'entrée en vigueur de la loi du 31 décembre 1971 :
a. L'article 67 de cette loi interdit aux personnes qui ont encouru certaines sanctions pénales, disciplinaires, administratives ou civiles de donner, à titre professionnel, des consultations juridiques et de rédiger des actes.
Il permet, en outre, au Tribunal de grande instance de prononcer une telle interdiction à titre temporaire ou définitif, à l'égard de ceux qui se sont rendus coupables de faits contraires à l'honneur, à la probité ou aux bonnes moeurs, même si ces faits n'ont pas été sanctionnés autrement.
Ce texte a pour effet d'interdire, sous peine des sanctions pénales prévues à l'article 72 auquel renvoie l'article 73 de la loi, aux anciens membres des professions judiciaires et juridiques ou des autres professions réglementées comportant des activités juridiques (avocats, avoués, notaires, huissiers, conseils juridiques, conseils en brevet, agents immobiliers ou administrateurs de biens, etc.) exclus définitivement de leur profession pour des faits contraires à l'honneur, à la probité ou aux bonnes moeurs, d'exercer ces activités après leur exclusion.
Mais l'interdiction ainsi prévue - qui, aux termes de l'article 68, peut être étendue aux personnes morales - vise également tout autre professionnel, même s'il n'appartient pas à une profession réglementée, qui exercerait une activité de consultation ou de rédaction d'actes à titre principal ou accessoire (agent d'affaires, agent d'assurances, cabinet de recouvrement de créances, etc.).
Les dispositions dont s'agit doivent, notamment, permettre d'écarter du secteur des activités juridiques les professionnels qui se livrent à des pratiques malhonnêtes à l'égard de leurs clients tout en prenant soin d'échapper à la loi pénale.
Il doit être observé que la rigueur de la sanction est tempérée par la possibilité donnée à celui qui en fait l'objet de demander à tout moment à la juridiction qui l'a condamné, sanctionné ou interdit d'exercice de le relever de cette interdiction (art. 67, dernier alinéa).
. Le requérant peut formuler sa demande soit par l'intermédiaire du parquet qui saisira lui-même la juridiction compétente, soit directement auprès de cette juridiction.
b. L'article 75 de la loi du 31 décembre 1971 et le décret n° 72-785 du 25 août 1972 ( J.O. du 29 août 1972) interdisent le démarchage et réglementent la publicité en matière de consultation et de rédaction d'actes.
L'article 1 er du décret du 25 août 1972 précité énumère un certain nombre d'interventions qui doivent être considérées comme des actes de démarchage interdits par l'article 75 de la loi.
Entrent, notamment, dans cette catégorie, les sollicitations faites personnellement ou par mandataire au domicile ou à la résidence d'une personne, à ses lieux de travail, de repos ou de traitement (hôpitaux, établissements de cure, etc.).
L'article 2 du même décret prohibe certains modes de publicité lorsque celle-ci est faite en vue de donner des consultations juridiques, de rédiger des actes pour le compte d'autrui ou de proposer son assistance en matière juridique. Est notamment interdite la publicité par lettres, tracts ou affiches ; en revanche, les annonces et communiqués publicitaires par voie de presse demeurent autorisés.
Les dispositions restrictives ne s'appliquent ni aux administrations publiques et aux organismes à but non lucratif (syndicats, associations, fondations, etc.), ni aux entreprises qui donnent des renseignements juridiques à titre purement incident ou accessoire d'une activité principale. Tel est le cas, notamment, des sociétés qui effectuent pour le compte d'industriels et de commercants des études techniques pouvant comporter certaines informations d'ordre juridique.
Enfin, l'article 4 réprime toute publicité mensongère ou contenant des renseignements inexacts ou fallacieux, quel qu'en soit le mode.
Les infractions à ces dispositions sont sanctionnées par les peines d'amende et d'emprisonnement prévues pour les contraventions de 5 e classe.
Ce texte concerne l'ensemble des professionnels exerçant à titre principal ou accessoire des activités juridiques. Les interdictions prévues sont, notamment, applicables aux membres des professions juridiques et judiciaires réglementées (dans ce cas, la sanction pénale s'ajoute à celle encourue à titre disciplinaire) mais également aux professionnels pratiquant la consultation et la rédaction d'actes sans être inscrits sur une liste de conseils juridiques. Compte tenu de la nécessité de réprimer les abus actuellement constatés dans ce domaine, vous n'hésiterez pas à engager des poursuites lorsqu'une infraction de cette nature aura été constatée.
c. Le titre de conseil juridique ainsi que les titres de spécialisation juridique prévus à l'article 8 du décret du 13 juillet 1972 (conseil juridique et fiscal ou conseil fiscal, conseil juridique en droit social, conseil juridique en droit des sociétés) sont désormais réservés aux personnes physiques et morales inscrites sur la liste des conseils juridiques.
Mais la loi ne se borne pas à réglementer l'usage de ces seuls titres. Il résulte, en effet, des dispositions de l'article 74, éclairées par celles de l'article 54, qui se réfère à l'usage « d'un titre équivalent ou susceptible d'être assimilé au titre de conseil juridique ou fiscal », que les peines de l'article 259 (alinéa 1 er ) du Code pénal sont applicables à quiconque aura fait usage, sans être inscrit sur une liste de conseils juridiques, d'un titre de nature à créer dans l'esprit du public une confusion avec celui de conseil juridique ou de conseil fiscal.
J'appelle tout particulièrement votre attention sur ces dispositions. Le but de clarification et d'assainissement qui a inspiré le législateur ne serait pas atteint s'il était suffisant, pour échapper aux exigences d'aptitude, de moralité et de déontologie professionnelle (assurance et garantie financière, notamment) requises des personnes inscrites sur la liste des conseils juridiques, de se présenter à la clientèle sous un titre similaire pouvant faire illusion sur la véritable qualité de celui qui s'en prévaut.
C'est pourquoi je vous demande de vous montrer vigilants et d'engager des poursuites lorsque vous constaterez des abus qu'une mise en demeure de votre parquet n'aura pas suffi à faire cesser.
Il appartiendra, bien entendu, aux tribunaux de fixer la portée du texte dont s'agit.
Toutefois, je vous indique ci-après un certain nombre de dénominations dont l'usage me paraît de nature à créer une confusion avec les titres juridiques réglementés : « jurisconsulte », « juriste », « défenseur », « cabinet de défense », « contentieux », « conseil de société », « conseil d'entreprise », « conseil social », « conseil fiscal », « expert ou mandataire fiscal », ainsi que toute appellation comportant l'emploi des mots « juridique » ou « fiscal » ou toute juxtaposition de termes tendant à accréditer l'idée que son utilisateur est un conseil juridique ou fiscal.
En revanche, les professionnels qui exercent des activités juridiques pour le compte d'entreprises de toute nature (industrielles, commerciales, bancaires, etc.) et qui ne sont pas admis, en raison de leur situation de salarié, à être inscrits sur la liste des conseils juridiques (art. 58, alinéa 1 er , de la loi du 31 décembre 1971, cf. infra ), peuvent faire usage du titre de juriste d'entreprise puisque cette dénomination a été consacrée par le législateur lui-même dans l'article 50-III in fine de la loi pour désigner cette catégorie de personnes.
En cas de difficulté, vous ne manquerez pas de me saisir sous le double timbre de la direction des affaires criminelles et des grâces et de la direction des affaires civiles et du sceau. Vous me rendrez compte également, dans les mêmes conditions, de toute poursuite que vous seriez amenés à engager.
d. Je vous rappelle, en outre, que la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce ( J.O . du 4 janvier 1970) et le décret d'application du 20 juillet 1972 ( J.O . du 22 juillet 1972) astreignent à certaines obligations (obtention d'une carte professionnelle, justification d'une garantie financière et d'une assurance, etc.) les personnes qui, à titre habituel, se livrent ou prêtent leur concours aux opérations mentionnées à l'article 1 er de la loi précitée.
Les dispositions de ces textes sont notamment applicables aux professionnels qui rédigent pour autrui des actes de vente ou de location d'immeubles, ou de fonds de commerce, même s'ils ne pratiquent pas la négociation, à l'exception toutefois des membres de certaines professions judiciaires ou juridiques réglementées (notaires, avoués, avocats, huissiers) et des personnes physiques et morales inscrites sur la liste des conseils juridiques (art. 95 du décret précité).
2° Particularisme de la réglementation des conseils juridiques.
L'intitulé du titre 2 de la loi du 31 décembre 1971 précise l'intention du législateur de limiter la réglementation qu'il établit à l'usage du titre de conseil juridique. Il a, en conséquence, exclu toute organisation de la professsion du type ordinal (comme il en existe, notamment, pour les avocats ou les experts comptables) et toute représentation de celle-ci par des organismes élus, tels les conseils de l'ordre des avocats ou les chambres de notaires.
Le Parlement, écartant l'institution des commissions d'admission et de discipline, a confié aux procureurs de la République la charge de statuer sur les inscriptions et aux tribunaux de grande instance celle d'exercer la discipline des conseils juridiques. Il a, par ailleurs, dans la perspective de l'unification éventuelle des professions d'avocat et de conseil juridique (art. 78 de la loi), soumis cette dernière catégorie professionnelle à des règles d'exercice strictement définies et proches de celles imposées aux membres des barreaux.
Les préoccupations qui ont inspiré le législateur expliquent le caractère particulier - unique en l'état actuel de la réglementation des professions - des dispositions prises ; d'une part, la réglementation, prévue par la loi (art. 66) et traduite dans les décrets, confère, en fait, aux personnes inscrites sur la liste des conseils juridiques un véritable statut professionnel ; mais, d'autre part, en l'absence de toute organisation de la profession officiellement consacrée, le procureur de la République se voit confier, en ce qui concerne les conseils juridiques, un rôle de contrôle direct et exclusif.
Consciente de l'ampleur de la charge nouvelle ainsi donnée aux parquets, la chancellerie, pour la mise en oeuvre de la réforme, s'est efforcée de faciliter et d'alléger, dans toute la mesure du possible, la tâche de vos substituts.
Des liaisons ont été établies avec les principales associations de conseils juridiques et fiscaux existantes afin, notamment, de « normaliser » la constitution des dossiers d'inscription, d'assurer l'information des intéressés et d'offrir à ceux-ci la possibilité de constituer en temps utile les garanties financières requises.
En outre, par lettre-circulaire du 27 juillet dernier, je vous ai fait parvenir des modèles types de demandes d'inscription que vous tiendrez à la disposition des candidats.
Dans la présente circulaire, je me propose d'évoquer les principales questions qui pourraient se poser à vos substituts à l'occasion de l'application des textes précités.
TITRE PREMIER
CONDITIONS REQUISES POUR ÊTRE INSCRIT SUR LA LISTE DES CONSEILS JURIDIQUES
CHAPITRE PREMIER
Personnes physiques
SECTION 1