CHAPITRE PREMIER ---
DÉCRET N° 72-671 DU 13 JUILLET 1972
relatif à l'obligation d'assurance et de garantie des personnes
inscrites sur la liste des conseils juridiques
Le Premier ministre,
Sur le rapport du Garde des Sceaux, ministre de la Justice, et du ministre de l'Économie et des Finances,
Vu la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, et notamment ses articles 59 et 66 ;
Vu la loi du 13 mars 1917 modifiée ayant pour objet l'organisation du crédit au petit et moyen commerce, à la petite et à la moyenne industrie ;
Vu la loi du 13 juillet 1930 relative au contrat d'assurance ;
Vu la loi du 13 juin 1941 relative à la réglementation et à l'organisation de la profession bancaire ;
Vu la loi du 14 juin 1941 relative à la réglementation et à l'organisation des professions se rattachant à la profession de banquier ;
Vu l'ordonnance n° 45-1355 du 20 juin 1945 relative aux sociétés de caution mutuelle, aux banques populaires et à la caisse centrale de crédit hôtelier, commercial et industriel ;
Vu le décret du 14 juin 1938 modifié unifiant le contrôle de l'État sur les entreprises d'assurances de toute nature et de capitalisation et tendant à l'organisation de l'industrie des assurances ;
Vu l'ordonnance n° 45-2241 du 29 septembre 1945 modifiée portant suppression du comité d'organisation des assurances et complétant le décret-loi du 14 juin 1938 relatif au contrôle de l'État sur les entreprises d'assurances de toute nature ;
Vu le décret du 19 mai 1951 relatif aux sociétés de caution mutuelle instituées par la loi susvisée du 13 mars 1917 ;
Vu le décret n° 72-670 du 13 juillet 1972 relatif à l'usage du titre de conseil juridique ;
Le Conseil d'État (section de l'intérieur) entendu,
Décrète :
TITRE PREMIER
ASSURANCE DE LA RESPONSABILITÉ CIVILE PROFESSIONNELLE
ARTICLE PREMIER.
Toute personne physique ou morale inscrite sur la liste prévue par rarticle 54 de la loi du 31 décembre 1971 et l'article 1 er du décret du 13 juillet 1972 susvisés doit être couverte par un contrat souscrit auprès d'une société d'assurance ou d'un assureur agréé, en application du décret susvisé du 14 juin 1938, contre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile professionnelle définie à l'article 59 de la loi précitée du 31 décembre 1971.
Sans préjudice des dispositions de l'article 8 de l'ordonnance susvisée du 29 septembre 1945, les contrats d'assurance ne doivent pas comporter une limite de garantie inférieure à 500 000 F par année pour un même assuré. lls ne doivent pas prévoir de franchise à la charge de l'assuré supérieure à 10 % des indemnités dues.
ART. 2.
L'assureur doit établir sans frais et remettre à l'assuré, dans le délai de quinze jours à compter de la souscription du contrat, un document justificatif de l'assurance. Ce document est renouvelé lors du paiement des primes ou cotisations. S'il ne peut être établi ou renouvelé dans le délai fixé, l'assureur délivre sans frais une attestation provisoire.
Le document justificatif visé à l'alinéa 1 er doit être conforme à un modèle déterminé par un arrêté conjoint du Garde des Sceaux, ministre de la Justice, et du ministre de l'Économie et des Finances, qui fixe notamment les mentions faisant ressortir la portée de l'attestation.
Des quittances établies en double exemplaire pour l'acquit des primes ou cotisations peuvent tenir lieu de document justificatif si elles comportent référence au présent article et mentionnent la période d'assurance concernée.
ART. 3.
Lorsqu'un conseil juridique est membre d'une société de conseils juridiques ou collaborateur salarié d'un autre conseil juridique, personne physique ou morale, l'assurance est souscrite pour son compte par la société ou par l'employeur.
Toutefois, lorsque le collaborateur d'un conseil juridique exerce des activités de conseil juridique pour son propre compte, il est tenu de souscrire une assurance particulière couvrant les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile professionnelle qu'il peut encourir du fait de ces activités.
TITRE 2
LA GARANTIE FINANCIÈRE
CHAPITRE PREMIER
Dispositions générales
ART. 4.
Toute personne physique ou morale inscrite sur la liste des conseils juridiques doit justifier de la garantie requise par l'article 59 de la loi susvisée du 31 décembre 1971.
Cette garantie ne peut valablement résulter que d'un engagement de caution pris soit par une société de caution mutuelle régie par les dispositions de la loi susvisée du 13 mars 1917, soit par une banque ou un établissement financier habilité à donner caution.
ART. 5.
La garantie prévue à l'article 4 est affectée au remboursement des fonds et à la restitution des effets et valeurs reçus par le conseil juridique à l'occasion des actes et des opérations accomplis dans l'exercice de sa profession, notamment de ceux visés à l'article 47 du décret susvisé du 13 juillet 1972.
Les activités professionnelles annexes compatibles avec l'inscription sur la liste des conseils juridiques ou exercées en vertu d'une dérogation accordée en application des articles 112, 113 ou 114 du décret susvisé du 13 juillet 1972 ne sont pas couvertes par la garantie mentionnée à l'alinéa précédent.
CHAPITRE 2
Dispositions particulières aux différents modes de garantie
SECTION 1
Dispositions relatives aux sociétés de caution mutuelle
ART. 6.
Les sociétés de caution mutuelle visées à l'article 4 ont pour objet exclusif de garantir, dans les conditions prévues par la loi susvisée du 31 décembre 1971 et par le présent décret, les remboursements et restitutions prévus à l'article 5 (alinéa 1 er ) dudit décret.
Toutefois et par dérogation aux dispositions du précédent alinéa ces sociétés peuvent élargir leurs opérations aux garanties concernant les avocats.
ART. 7.
Les sociétés de caution mutuelle sont agréées par la Chambre syndicale des banques populaires.
La chambre peut se faire remettre ou communiquer tous documents qu'elle juge utiles à la mission de contrôle prévue par l'ordonnance susvisée du 20 juin 1945.
Elle nomme un délégué permanent auprès de chaque société de caution mutuelle. Un même délégué peut exercer ses fonctions auprès de plusieurs sociétés.
La participation de chacune des sociétés de caution mutuelle aux charges assumées par la chambre syndicale en raison de sa mission de surveillance et de contrôle est fixée par une convention passée entre la chambre syndicale et la société intéressée.
ART. 8.
Les conditions d'adhésion, de démission et de contrôle des associés ainsi que celles qui sont relatives à la suspension et au retrait de la garantie sont fixées par les statuts et par le règlement intérieur de chaque société de caution mutuelle ; ces conditions doivent être agréées par la Chambre syndicale des banques populaires.
Toute modification aux conditions prévues à l'alinéa précédent doit être approuvée par cette chambre.
SECTION 2
Dispositions concernant les engagements des banques et des établissements financiers
ART. 9.
L'engagement d'une banque ou d'un établissement financier habilité à donner caution prend la forme d'une caution donnée, dans les conditions prévues au présent chapitre, par un établissement ayant son siège ou une succursale en France.
Pour l'application de l'alinéa précédent, les banques inscrites et les établissements financiers enregistrés par le Conseil national du crédit installés dans la principauté de Monaco sont réputés avoir un domicile en France.
La caution résulte d'une convention écrite qui en fixe les conditions générales et précise, notamment, le montant de la garantie accordée, les conditions de rémunération, les modalités du contrôle comptable ainsi que les contre-garanties éventuellement exigées par le garant.
CHAPITRE 3
Détermination de la garantie financière
ART. 10.
Le conseil juridique doit solliciter une garantie financière d'un montant au moins égal au montant maximal des fonds qu'il envisage de détenir.
ART. 11.
Sauf circonstances particulières dûment justifiées, le montant de la garantie accordée à un conseil juridique ayant au moins un an d'activité à ce titre ne peut être inférieur au montant maximal des sommes dont ce conseil juridique est demeuré redevable, à un moment quelconque au cours des douze mois précédents, sur les versements de fonds et remises d'effets et valeurs reçus à l'occasion des opérations visées à l'article 5 (alinéa 1).
Ne sont pas pris en compte, dans le calcul des sommes visées à l'alinéa précédent, les titres nominatifs ainsi que les chèques et les effets payables à l'ordre d'une personne dénommée autre que le conseil juridique.
Lorsque le conseil juridique exerce son activité depuis moins d'une année. il est tenu compte, pour la détermination du montant de la garantie, d'une déclaration sur l'honneur souscrite par l'intéressé et indiquant le montant maximal des sommes qu'il envisage de détenir pendant la période fixée par la convention.
Si le candidat a déclaré son intention de ne pas recevoir habituellement de fonds et si, en outre, exerçant son activité depuis une année au moins, il n'en a pas reçu au cours de la précédente période de garantie, les cotisations et participations qui peuvent lui être réclamées par le garant sont fixées au taux minimal pratiqué soit par la société de caution mutuelle avec l'accord de la Chambre syndicale des banques, soit par l'établissement bancaire.
ART. 12.
Le montant de la garantie est révisé à la fin de chaque période annuelle ou lors de circonstances particulières survenant en cours d'année.
Il peut également être élevé à la demande du conseil juridique pour une période de temps limitée.
ART. 13.
Un conseil juridique n'est autorisé à conclure des conventions de garantie avec plusieurs garants pour l'ensemble des activités visées à l'article 5 (alinéa 1) que dans le cas où le montant des sommes qu'il envisage de recevoir est supérieur au montant de la garantie que chacun des garants peut lui accorder.
Les conditions suivantes doivent être remplies :
1° Chaque garant doit avoir été avisé de toutes les conventions passées avec les autres garants. Chaque garant doit être avisé, le cas échéant, de toute modification qui aurait pour effet de réduire, de suspendre ou de supprimer tout ou partie des garanties initialement accordées par les autres garants ;
2° L'ordre dans lequel interviendront les garants en cas de mise en oeuvre de la garantie et le montant maximal de chaque garantie doivent être clairement indiqués dans un document distinct portant la signature de tous les garants.
Les dispositions du primo de l'alinéa 2 du présent article sont applicables lorsqu'une garantie complémentaire, portant sur une opération déterminée, a été consentie par une société de caution ou un établissement bancaire autre que celui qui garantit l'ensemble des activités du conseil juridique.
Dans tous les cas, l'intéressé et le garant doivent informer le procureur de la République, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, des garanties complémentaires qui ont été consenties et des modalités de leur mise en oeuvre.
ART. 14.
Le conseil juridique ne peut recevoir de fonds, effets et valeurs, à l'exception de ceux qui sont mentionnés au deuxième alinéa de l'article 11, que dans la limite du montant des garanties accordées.
ART. 15.
La société de caution mutuelle, la banque ou l'établissement financier délivre au conseil juridique une attestation de garantie conforme au modèle fixé par arrêté conjoint du Garde des Sceaux, ministre de la Justice, et du ministre de l'Économie et des Finances.
ART. 16.
Le garant peut demander à consulter tous registres et documents comptables tenus par le conseil juridique garanti, notamment ceux qui sont prévus aux articles 24 et 25 ainsi que le relevé intégral, pour l'année écoulée, du compte bancaire prévu à l'article 27.
Il peut également demander au conseil juridique de produire la justification d'assurance prévue par l'article 2.
CHAPITRE 4
Mise en oeuvre de la garantie financière
ART. 17.
La garantie financière s'étend à toute créance ayant pour origine un versement de fonds ou une remise d'effets ou valeurs effectué à l'occasion des actes ou des opérations visés à l'article 5 (alinéa 1).
Elle s'applique sur les seules justifications que la créance soit certaine, liquide et exigible, et que la personne garantie soit défaillante, sans que le garant puisse opposer au créancier le bénéfice de discussion. Dans le cas où la créance fait l'objet d'une contestation en justice, le demandeur à l'instance doit aviser le garant par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
Pour le garant, la défaillance de la personne garantie résulte d'une sommation de payer ou de restituer suivie de refus ou demeurée sans effet pendant un délai d'un mois à compter de la signification de la sommation faite à celle-ci.
Si le garant conteste les conditions d'ouverture du droit au paiement ou le montant de la créance, le créancier peut assigner directement le garant devant la juridiction compétente.
ART. 18.
Le garant informe immédiatement le procureur de la République du ressort dans lequel est inscrit le conseil juridique des demandes en paiement dont il est saisi.
Le procureur de la République indique à toute personne intéressée le nom et l'adresse de rétablissement qui assure la garantie du conseil juridique.
Le garant informe, sur sa demande, toute personne intéressée des garanties constituées.
ART. 19.
Le paiement est effectué par le garant à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la présentation d'une demande écrite sous réserve, le cas échéant, d'une contestation portée devant le juge.
En cas de cessation de la garantie avant l'expiration du délai prévu à l'alinéa précédent, il est fait application des dispositions de l'article 23.
En cas de pluralité de demandes présentées dans les délais prescrits, le paiement a lieu au marc le franc dans le cas où le montant total de ces demandes excède le montant de la garantie.
CHAPITRE 5
Cessation de la garantie
ART. 20.
La garantie cesse à la suite :
1° De la démission de l'adhérent d'une société de caution mutuelle ;
2° Du retrait de garantie prononcé par la société de caution ;
3° De l'expiration du contrat de caution conclu avec une banque ou un établissement financier ;
4° De la dénonciation du contrat de caution, soit par le conseil juridique, soit par la banque ou l'établissement financier.
Elle cesse également par le décès de la personne garantie ou, s'il s'agit d'une personne morale, par la dissolution de la société ainsi que par le retrait de l'intéressé de la liste des conseils juridiques pour une cause quelconque ou par sa radiation de ladite liste.
Toutefois, sauf en cas de radiation, la garantie peut être prorogée à titre provisoire, pour une durée qui ne peut excéder un an mais qui peut être prolongée à titre exceptionnel avec l'autorisation du procureur de la République si la direction du cabinet est assumée par un autre conseil juridique inscrit sur la liste.
Cette prorogation, si elle n'a pas été expressément prévue dans la convention initiale, doit faire l'objet d'un accord entre le garant, le conseil juridique ou ses ayants droit et le conseil juridique assumant la direction du cabinet.
ART. 21.
En cas de cessation de garantie pour quelque cause que ce soit, le garant est tenu d'en informer immédiatement, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par remise d'avis contre récépissé :
1° Le procureur de la République du ressort dans lequel est inscrit le conseil juridique ;
2° L'établissement bancaire dans lequel est ouvert le compte prévu par l'article 27 ;
3° Les personnes dont les noms et adresses figurent dans les documents comptables prévus aux articles 24 et 25, et qui sont soit les auteurs de versements ou de remises, soit les destinataires éventuels de ces versements ou remises.
En outre, dans le cas où la garantie est retirée par le garant et où le conseil juridique ne justifie pas d'une nouvelle garantie, il est procédé, à la diligence du garant, à la publication d'un avis dans deux journaux dont un quotidien paraissant ou, à défaut, distribué dans le département où est situé le domicile professionnel du conseil juridique et, le cas échéant, dans le département où il a établi un bureau annexe.
L'avis doit mentionner, d'une part, la date de cessation de la garantie telle qu'elle est fixée par les dispositions de l'article 22, d'autre part, les délais impartis aux créanciers pour produire, suivant les dispositions énoncées à l'article 23.
ART. 22.
La garantie continue de produire ses effets suivant le cas, soit jusqu'à l'expiration d'un délai de trois jours francs à partir de la publication de l'avis prévu aux deux derniers alinéas de l'article 21, soit, dans les autres cas, jusqu'à l'expiration du même délai à partir de la notification de la cessation de garantie au procureur de la République.
ART. 23.
Les créances mentionnées à l'article 17, qui ont pour origine un versement ou une remise fait antérieurement à la date de la cessation de garantie, restent couvertes par le garant si elles sont produites par le créancier dans le délai de trois mois à compter de la date de réception de la lettre recommandée ou de l'avis prévu à l'article 21-3° pour les personnes qu'elle concerne ou de l'expiration du délai fixé à l'article 22 pour les autres personnes. Ce délai ne court à l'égard des créanciers visés à l'article 21-3° que si l'avis qui leur a été donné mentionne le temps qui leur est imparti pour produire.
TITRE 3
COMPTABILITÉ