Date de début de publication du BOI : 30/10/1999
Identifiant juridique : 12C6221
Références du document :  12C622
12C6221

SECTION 2 SUSPENSION DE LA PRESCRIPTION DE L'ACTION EN RECOUVREMENT


SECTION 2

Suspension de la prescription de l'action en recouvrement


126.La suspension de la prescription entraîne l'arrêt du cours de la prescription - le délai déjà écoulé est maintenu - et l'écoulement du délai reprend à la date à laquelle la cause de la suspension a disparu.

127.Bien que le Code civil ne reconnaisse pour cause de suspension de la prescription que celles visées notamment à ses articles 2252 à 2259, les tribunaux ont peu à peu admis que la prescription pouvait être suspendue d'autre manière.

C'est ainsi qu'une jurisprudence bien établie désormais décide que la prescription ne court pas contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant soit de la loi soit de la convention ou de la force majeure.


SOUS-SECTION 1

Causes de suspension de la prescription


128.Le cours de la prescription est arrêté momentanément ou susceptible de l'être, dans les deux cas suivants :

→ impossibilité d'agir ;

→ lorsque le législateur l'a prévu.


  A. IMPOSSIBILITE D'AGIR


129.L'impossibilité d'agir naît de moins en moins, à l'époque actuelle, de circonstances naturelles ou civiles constituant un empêchement général, car, alors, le législateur intervient pour régler la situation. Il en est ainsi pour les catastrophes, la guerre ou l'invasion étrangère, l'insurrection, l'interruption des communications, etc.

130.Plus fréquemment, l'empêchement du créancier trouve sa cause dans un fait juridique établi de la part du débiteur. C'est ainsi que dans le domaine de l'action en recouvrement, il sera invoqué lorsqu'un débiteur d'impôts a, à l'occasion d'une réclamation contre ceux-ci, demandé le bénéfice du sursis de paiement prévu à l'article L 277 du Livre des procédures fiscales et aussi dans certaines hypothèses de redressement ou de liquidation judiciaire.


  I. Suspension de la prescription lorsque le débiteur a déposé une réclamation et bénéficie du sursis de paiement


131.La demande de sursis de paiement présentée dans le cadre d'une réclamation régulière n'interrompt pas la prescription puisque le débiteur, contestant devoir l'impôt, ne se reconnaît pas avoir cette qualité.

132.Mais la prescription n'est pas pour autant susceptible de s'accomplir pendant la durée du sursis dès lors que l'Administration se trouve légalement privée des moyens de forcer le débiteur à s'acquitter des sommes. Une demande de sursis de paiement entraîne donc la suspension de la prescription comme l'a confirmé le Conseil d'Etat dans un avis du 30 avril 1996.

133.Cependant, il est nécessaire, pour qu'il y ait suspension de la prescription, que l'Administration soit véritablement empêchée d'agir, ce qui, en principe ne se produira que si le réclamant a formellement respecté toutes les conditions pour bénéficier du sursis de paiement, telles que les fixent les articles L 277, L 279 et R* 277-1 du Livre des procédures fiscales.

134.Dès lors, il y a suspension de la prescription lorsque :

- une demande expresse de sursis de paiement est produite à l'appui d'une réclamation régulière ;

- des garanties suffisantes sont présentées soit spontanément, soit à la demande du receveur ;

- les garanties sont acceptées.

Ces conditions sont cumulatives.

135.En revanche, la prescription de la créance du Trésor faisant l'objet d'une réclamation assortie d'une demande régulière de sursis de paiement n'est pas suspendue :

- lorsque le receveur dispense le redevable de constituer des garanties ;

- à défaut de constitution de garanties ou si les garanties offertes sont jugées insuffisantes, le comptable ayant la possibilité d'engager des mesures conservatoires à rencontre du débiteur.

136.La prise de mesures conservatoires aura un effet interruptif de prescription.

137.Lorsque le sursis de paiement est acquis au redevable, la prescription ne court pas entre le moment où le sursis prend effet, c'est-à-dire la date de l'acceptation des garanties par le receveur, et la date où le sursis cesse d'avoir effet.

138.Cette date correspond, soit :

→ à l'expiration du délai de deux mois qui court à partir du jour de la réception de la décision expresse du rejet de la réclamation, lorsqu'il n'y a pas de recours devant le Tribunal.

Le défaut de décision dans le délai de six mois prévu par l'article R* 198-10 du LPF ne peut être assimilé à un rejet de la réclamation bien qu'il ouvre au contribuable le droit de saisir le Tribunal. L'expiration de ce délai ne met pas fin au sursis de paiement et donc à la suspension de la prescription.

→ en cas de recours, à la notification du jugement de la juridiction saisie en première instance.

L'effet suspensif ne s'applique plus aux recours ultérieurs devant la Cour administrative d'appel, le Conseil d'Etat ou la Cour de cassation.

139.Si, après la notification du rejet par le Directeur, le redevable n'a pas saisi le Tribunal compétent à l'expiration du délai de deux mois, la décision est définitive et les impositions redeviennent exigibles. La saisine tardive du juge de l'impôt n'a pas pour effet de rouvrir le sursis de paiement.


  II. Ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire (Loi du 25 janvier 1985)


140.Il convient de distinguer les créances nées antérieurement à l'ouverture de la procédure collective, qui sont soumises à déclaration, et celles qui naissent après le jugement (créances de l'article 40).

1. Créances soumises à déclaration.

141.Les procédures de redressement et de liquidation judiciaires sont l'occasion de causes d'interruption et de suspension se succédant entre elles.

Ainsi la prescription est interrompue par la déclaration de créances qui constitue une demande en justice (cf. supra n° 105).

Par ailleurs, la prescription est suspendue tant qu'aucune mesure de poursuite ne peut être exercée, le Trésor étant soumis, comme tout autre créancier, à la règle de la suspension des poursuites individuelles, conformément à l'article 47 de la loi du 25 janvier 1985.

142.Ainsi, en pratique, la prescription ne court pas pendant toute la durée de la procédure et ne recommencera à courir qu'après la clôture de la procédure collective.

143.La durée de la suspension dépend toutefois de la nature de la procédure et de sa solution.

a. En situation de redressement judiciaire.

→ En cas de plan de redressement prévoyant une cession de l'entreprise, la prescription est suspendue jusqu'au jugement de clôture prévu par l'article 92 de la loi du 25 janvier 1985 ;

→ En cas de plan de redressement prévoyant une continuation d'activité, la prescription est suspendue jusqu'au jugement arrêtant le plan pour la totalité de la créance puis, pour chaque échéance du plan, jusqu'à son terme.

Autrement dit, la prescription recommence à courir pour chaque échéance non respectée.

b. En situation de liquidation judiciaire.

144.La prescription est suspendue jusqu'à la clôture de la procédure pour insuffisance d'actif si le receveur n'utilise pas la faculté qui lui est offerte de reprendre les poursuites sur la base de l'article 161 de la loi du 25 janvier 1985, lorsque le liquidateur n'a pas entrepris la liquidation des biens grevés dans le délai de trois mois à compter du jugement de liquidation judiciaire.

En effet, la Chambre commerciale de la Cour de cassation, dans un arrêt du 12 décembre 1995 (Bull. civ. IV n° 299 p. 274) a jugé que l'absence de mise en oeuvre de la faculté ouverte au Trésor public par l'article 161 est sans influence sur la prescription.

Cette décision reprend la solution posée sous l'empire de la loi du 13 juillet 1967 par l'article 80 alinéa 2.

145. Remarques :

→ Indépendamment de l'application des règles relatives à la prescription, les créances qui n'ont pas été déclarées ou qui n'ont pas donné lieu à relevé de forclusion sont éteintes ;

→ Le jugement de clôture pour insuffisance d'actif ne fait recouvrer aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions que dans des cas très limités prévus à l'article 169 de la loi.

2. Autres créances.

146.Il s'agit des créances nées pendant la période d'observation, après l'arrêté du plan de continuation ou dans le cadre des opérations de liquidation.

Les créances pouvant être recouvrées par toutes voies de droit, le délai normal de prescription n'est pas modifié.


  B. SUSPENSION PREVUE PAR LA LOI


147.Si l'on excepte les cas de suspension qu'énumère le Code civil dans les articles 2252 à 2258 et qui ne concernent que rarement le Trésor agissant en recouvrement, la loi a prévu une autre situation dans laquelle la prescription cesserait momentanément de courir au profit de l'Administration : la procédure de règlement amiable régie par la loi du 1er mars 1984 modifiée par la loi du 10 juin 1994.

148.Dans le cadre de cette procédure, le conciliateur, nommé par le Président du Tribunal de commerce, peut faire prononcer la suspension des poursuites à l'encontre de l'entreprise afin de faciliter la conclusion d'un accord avec les créanciers.

149.Lorsque le Président du Tribunal ordonne la suspension des poursuites, le receveur ne doit plus entreprendre de poursuites et il doit suspendre celles qui auraient été engagées.

En contrepartie, l'article 36 sixième alinéa de la loi indique expressément que les délais impartis aux créanciers à peine de déchéance ou de résolution des droits sont suspendus.

Il en résulte que durant la période où le Trésor ne peut exercer ses droits, le délai de prescription visé à l'article L 275 du Livre des procédures fiscales ne court pas, sous réserve, bien entendu, qu'il concerne des créances fiscales antérieures à la décision de suspension.

150.Lorsque la procédure de règlement amiable débouche sur un accord auquel le receveur des impôts s'associe, celui-ci est tenu de ne pas entreprendre de poursuites et de suspendre celles qui avaient été engagées.

L'exécution de l'accord suspend la prescription en application de l'article 36, neuvième alinéa (2ème phrase).

151.Par ailleurs, au préalable, la conclusion de l'accord, et notamment la signature par le redevable du document constatant l'accord (art. 38 du décret du 1er mars 1985), constitue une reconnaissance de dette interruptive de prescription.