CHAPITRE DEUXIEME MODIFICATION DE LA DUREE D'EXERCICE DE L'ACTION EN RECOUVREMENT
CHAPITRE DEUXIEME
MODIFICATION DE LA DUREE D'EXERCICE DE L'ACTION EN RECOUVREMENT
49.En principe, l'accomplissement du délai de quatre ans visé à l'article L 275 du Livre des procédures fiscales a pour effet de frapper de prescription le droit à agir de l'Administration. Cependant, ce délai n'est pas fixé une fois pour toutes et des événements sont susceptibles de modifier la durée de la prescription.
50.Ces événements vont entraîner soit l'interruption soit la suspension de la prescription, celles-ci se traduisant chacune par l'arrêt momentané du cours de la prescription mais dans des conditions différentes.
51.L'interruption de la prescription enlève toute valeur au délai déjà écoulé et fait courir un nouveau délai de même nature et de même durée.
52.La suspension de la prescription entraîne quant à elle l'arrêt du cours de la prescription tant que le créancier se trouve dans l'impossibilité d'agir - le délai déjà écoulé est maintenu - et le délai recommence à courir à la date à laquelle la cause de la suspension a disparu.
SECTION 1
Interruption de la prescription de l'action en recouvrement
53.La prescription de l'action en recouvrement que l'Administration peut engager pendant quatre années après qu'un avis de mise en recouvrement a été délivré, se distingue notamment de la prescription de l'action en répétition par le fait qu'elle est soumise, en ce qui concerne le mode de son interruption, non aux règles de l'article L 189 du Livre des procédures fiscales, mais à celles du droit commun.
En effet, les actes interruptifs particuliers visés à l'article L 189 du Livre des procédures fiscales précité, tels que la notification de redressements, la déclaration ou la notification de procès-verbaux, ne concernent que la prescription de l'action en répétition.
54.La prescription de l'action en recouvrement, ouverte le plus fréquemment par la notification de l'avis de mise en recouvrement prévue à l'article L 275 du même Livre, ne peut être interrompue que par des actes de poursuites ou une citation en justice dirigée contre le redevable ou encore par la reconnaissance faite par ce dernier du droit de l'Administration à le poursuivre, conformément aux articles 2244 et 2246 à 2250 du Code civil.
SOUS-SECTION 1
Evénements susceptibles d'interrompre la prescription
A. ACCOMPLISSEMENT D'ACTES DE POURSUITE
55.C'est par l'accomplissement de tels actes, caractéristiques d'ailleurs de l'action en recouvrement forcé, que les comptables des impôts peuvent, le plus souvent, interrompre la prescription.
56.Le Code civil, dans son article 2244 en énumère deux : le commandement et la saisie.
57.Cette énumération a toujours été considérée comme limitative par les tribunaux, qui ont dès lors refusé de la compléter d'autres actes ou d'étendre la portée de ceux qu'elle vise.
La prescription ne peut donc être interrompue par des démarches ou de simples pourparlers (ROUEN, 12 juillet 1850, DP 51-2-49 ; req. 10 mai 1876, DP 78-5-113). L'envoi d'une lettre, même recommandée, n'interrompt pas non plus la prescription (Com. 13 octobre 1992, Bull. civ. IV n° 237 p. 166).
58.De même, des mesures préalables aux poursuites, telles que lettres de rappel ou avis avant poursuites adressés aux contribuables, ne peuvent interrompre la prescription.
59.Par ailleurs, pour avoir un effet interruptif, l'acte de poursuite doit avoir été notifié dans des conditions régulières.
Ainsi, un procès-verbal dressé sur le fondement de l'article 659 du nouveau code de procédure civile par un huissier de justice qui s'est présenté à la dernière adresse connue du comptable n'interrompt pas la prescription de l'action en recouvrement prévue à l'article L 274 du Livre des procédures fiscales, dès lors que le redevable avait fait connaître sa nouvelle adresse au centre des impôts (CAA PARIS 30 avril 1996, Droit fiscal 1996 n° 1362).
60. Remarque : La date de l'interruption par un acte de poursuites est, sauf exception prévue par la loi, celle de l'acte de saisie et non sa dénonciation au débiteur.
Ainsi, la Cour de cassation a jugé que l'article 2244 du Code civil, sans exiger que l'acte interruptif soit porté à la connaissance du débiteur dans le délai de prescription, entend seulement préciser qu'un tel acte doit s'adresser à celui que l'on veut empêcher de bénéficier de la prescription et non pas à un tiers. L'interruption de la prescription trouve donc son fondement dans l'initiative du créancier et non dans la connaissance qu'en reçoit le débiteur (Cass. civ. 2ème 11 décembre 1985, JCP 1986 Il 20677 ; Civ. 1er 10 juillet 1990, Bull. civ. I n° 194 p. 138 et Civ. 2ème 29 novembre 1995 n° 294 p. 173).
61.D'une manière générale, la jurisprudence ne retient comme interruptifs que les actes qui sont réellement au nombre de ceux que le Code civil énumère comme tels.
I. Commandement de payer signifié par huissier
62.Le commandement est par lui-même interruptif de prescription. Il n'est pas nécessaire qu'il soit suivi d'une saisie dans un certain délai et il conserve un effet interruptif alors même que la saisie dont il a été suivi aurait été déclarée nulle.
63.Ne peut, en principe, être qualifié de commandement et valoir comme tel, que l'acte extrajudiciaire qui, à la fois, donne l'ordre de payer et énonce la sanction dont cet ordre est assorti. En revanche, une simple sommation de payer, qui ne porte en elle aucune menace de sanction, n'est pas interruptive de prescription (cf. supra n° 58 ).
64.Mais on admet généralement qu'équivaut à un commandement au regard de l'interruption de la prescription, tout acte qui, sans en avoir la forme, en a les buts et les effets.
Ainsi, la sommation de payer ou de délaisser faite par un créancier hypothécaire au tiers détenteur équivaut à un commandement, car si elle n'en a pas la forme, elle en a le but et les effets à son égard (Req. 27 décembre 1854, D.P. 55.1.52).
65.La date d'interruption est celle de la signification du commandement ou de l'établissement du procès-verbal par l'huissier lorsque le débiteur n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus conformément aux articles 653 et 659 du nouveau code de procédure civile.
II. La mise en demeure
66.L'effet interruptif de prescription de la mise en demeure trouve son fondement dans le fait que cet acte a valeur de commandement lorsqu'il est suivi d'une saisie mobilière dans le nouveau délai qu'elle a pour effet d'ouvrir (art. L 258 et L 261 du Livre des procédures fiscales).
67.Dès lors, la notification d'une mise en demeure, qui est le préalable obligatoire à l'engagement de la totalité des poursuites, n'a aucun effet interruptif immédiat sur la prescription. Elle n'acquiert cet effet que rétroactivement par une saisie.
68.Les règles applicables diffèrent selon que la saisie en cause relève de l'ancienne ou de la nouvelle législation.
→ En présence d'une saisie-exécution - procédure qui était applicable avant le 1er janvier 1993 - la mise en demeure doit intervenir, au plus tard, quatre ans après la notification d'un avis de mise en recouvrement et être suivie dans les quatre ans d'une saisie-exécution pour être interruptive de prescription.
→ En présence d'une saisie-vente - procédure applicable depuis le 1er janvier 1993 - la mise en demeure doit intervenir, comme auparavant, au plus tard quatre ans après l'avis de mise en recouvrement.
Au surplus, conformément aux articles 85 et 297 du décret du 31 juillet 1992, la mise en demeure doit être renouvelée avant l'engagement de la saisie-vente si elle n'est pas suivie dans les deux ans de sa notification, d'un acte de poursuite ou d'un paiement partiel.
Toutefois, cette deuxième mise en demeure n'aura pas pour effet d'ouvrir un nouveau délai de prescription.
Dès lors, en l'absence d'un autre acte de poursuites ou d'un paiement après une première mise en demeure, le délai maximal entre celle-ci et une saisie-vente est de quatre ans.
III. Les procédures de saisie
69.Toutes les procédures de saisie sont interruptives de prescription dès lors qu'elles sont régulières.
70.L'effet interruptif ainsi attribué à la saisie se produit quand bien même il n'y aurait pas eu de commandement préalable si, bien entendu, celui-ci n'était pas nécessaire.
Lorsqu'un tel commandement a été notifié, la saisie interrompt à nouveau la prescription et chacun des actes de cette saisie renouvellera l'interruption et la prolongera jusqu'à l'intervention du dernier.
1. La saisie-vente
71.Chaque acte de la procédure de saisie-vente (procès-verbal de saisie, de vérification des objets saisis et de vente) est interruptif de prescription.
72.Il convient de retenir, comme point de départ du nouveau délai de quatre ans, la date d'établissement de l'acte par l'huissier.
73. Cas particulier :
→ Procès-verbal de carence :
74.Lorsqu'il n'y a aucun bien saisissable l'huissier dresse un procès-verbal de carence conformément à l'article 92 du décret du 31 juillet 1992.
Cet acte est interruptif de prescription dès lors qu'il marque la volonté du Trésor de poursuivre le recouvrement de sa créance (Trib. de MOISSAC 24 avril 1944, Mémorial des percepteurs 1958 p. 165 et CAA de PARIS 23 décembre 1994 - Droit fiscal 1995 n° 1554).
→ Procès-verbal de recherche :
75.Il est établi par l'huissier qui se trouve dans l'impossibilité de dresser un procès-verbal du fait de la disparition du débiteur.
76.Il est interruptif de prescription s'il donne lieu à l'accomplissement des formalités prévues à l'article 659 du nouveau code de procédure civile.
77.En revanche, lé simple relevé de recherches infructueuses prévu à l'article 39 de la loi du 9 juillet 1991 n'est pas interruptif de prescription.
→ Procès-verbal de difficultés :
78.Lorsqu'un incident relatif à la saisissabilité des biens survient, le redevable peut présenter ses observations à l'huissier qui doit alors dresser un procès-verbal de difficultés et saisir le juge compétent (juge de l'exécution sur le fondement de l'article 130 du décret du 31 juillet 1992 pour la saisie-vente).
79.La prescription est interrompue par le procès-verbal de difficultés car la saisie a, malgré tout, été effectuée. L'article 126 du décret précité précise d'ailleurs que « les demandes relatives à la propriété ou à la saisissabilité ne font pas obstacle à la saisie, mais suspendent la procédure pour les biens saisis qui en font l'objet ».
2. La saisie-attribution
80.L'acte de la saisie-attribution signifié au tiers par l'huissier interrompt la prescription.
3. La saisie des rémunérations
81.La requête aux fins de conciliation (art. R 145-10 du Code du travail) n'est pas interruptive de prescription (Cass. civ. 8 juin 1988, Bull. civ. II n° 137 p. 73).
82.En revanche si, à l'audience de conciliation, le débiteur prend des engagements de paiement acceptés par le créancier, ceci constitue une reconnaissance de dette interruptive de prescription (cf. infra n° 106 ).
83.A défaut de conciliation, la notification par le greffe de l'acte de saisie à l'employeur est interruptive de prescription.
84.Par ailleurs, tout versement obtenu a un caractère interruptif (cf. infra n° 88 ).
85.Lorsque la saisie des rémunérations intervient par voie d'avis à tiers détenteur, il convient de se reporter aux règles définies dans la partie correspondante.
4. L'avis à tiers détenteur
86.La notification d'un avis à tiers détenteur régulier est interruptive de prescription.
87.En l'absence de notification au redevable de l'envoi d'une opposition, l'avis à tiers détenteur ne produira toutefois aucun effet interruptif (CAA PARIS 4 juin 1992, JCP ed. N II p. 340).
88.Par ailleurs, un avis à tiers détenteur portant sur un compte bancaire débiteur a un effet interruptif (CAA LYON 20 juin 1996 n° 93 LY 00985).
En revanche, l'avis à tiers détenteur n'a pas d'effet interruptif lorsque, au jour de la notification, le tiers détenteur n'est pas en relation d'affaires avec le débiteur (ex. : compte bancaire clôturé).
89.Enfin, les prélèvements successifs opérés en exécution d'un avis à tiers détenteur sont interruptifs de prescription (CE 2 juillet 1990, RJF 1990 n° 1282).
5. Les mesures d'exécution sur les véhicules terrestres à moteur.
a. La saisie par déclaration à la préfecture.
90.L'acte interruptif est constitué par la signification au débiteur de la déclaration valant saisie qui a été signifiée à la préfecture conformément à l'article 166 du décret du 31 juillet 1992.
91.C'est en effet la notification au débiteur qui produit tous les effets d'une saisie (art. 57 de la loi du 9 juillet 1991), par exception à la règle exposée ci-dessus (cf. supra n° 60 ).