Date de début de publication du BOI : 01/01/1978
Identifiant juridique : 12C5251
Références du document :  12C525
12C5251

Permalien


SECTION 5 LE PRIVILÈGE DE LA SÉPARATION DES PATRIMOINES


SECTION 5

Le privilège de la séparation des patrimoines


A l'ouverture d'une succession acceptée purement et simplement, il se produit une confusion entre les biens du défunt et ceux du ou des héritiers.

Cette réunion des patrimoines entre les mains des héritiers permet aux créanciers personnels de ces derniers de venir en concours avec ceux du défunt sur les biens de la succession. De ce fait, lorsque les héritiers sont insolvables, les créanciers héréditaires voient diminuer le droit de gage général qu'ils tiennent de l'article 2092 du Code civil alors que se trouve augmenté celui des créanciers des héritiers.

Afin de remédier au préjudice que peut ainsi causer cette confusion des biens, l'article 878 du Code civil permet aux créanciers de la succession de demander la séparation du patrimoine du défunt d'avec celui des héritiers.

Cette séparation des patrimoines porte sur tous les biens de la succession, qu'ils soient meubles ou immeubles.

Par ailleurs, en vertu de l'article 2103-6° du même code, les créanciers et légataires d'une personne défunte ont sur les immeubles de la succession un privilège immobilier spécial pour la garantie des droits qu'ils tiennent de l'article 878 précité.

Le privilège de la séparation des patrimoines qui découle des articles 878 et 1203-6° du Code civil ne porte donc que sur les immeubles successoraux 1 .

Comme tout créancier héréditaire, l'Administration peut en réclamer le bénéfice pour garantir les droits de mutation par décès qui constituent une dette des successeurs et de la succession.

Avant d'examiner les modalités pratiques que les comptables des Impôts doivent adopter pour requérir l'inscription du privilège, il convient de préciser les règles générales de cette institution qui se rattache au régime successoral.


SOUS-SECTION 1

Règles générales


Les règles générales gouvernant la séparation des patrimoines qui figure parmi les privilèges spéciaux immobiliers énuméiés à l'article 2103-6° du Code civil, concernent :

- les personnes qui peuvent bénéficier de ce privilège ;

- celles contre lesquelles il peut être invoqué ;

- les biens auxquels il s'applique ;

- les effets qu'il produit.

Comme tout créancier héréditaire, l'Administration est tenue de respecter ces règles lorsqu'elle entend bénéficier du privilège de la séparation des patrimoines.


  A. PERSONNES SUSCEPTIBLES DE BÉNÉFICIER DU PRIVILÈGE DE LA SÉPARATION DES PATRIMOINES


1Le privilège de la séparation des patrimoines peut être revendiqué par tous les créanciers du défunt pour garantir les créances qu'ils possèdent à son égard. L'Administration peut donc invoquer ce privilège pour la garantie :

- des créances que le Trésor possède sur le défunt 2  ;

- ainsi que des droits de mutation par décès qui constituent une dette de la succession.

Selon les dispositions de l'article 878 du Code civil, la séparation des patrimoines doit être demandée par les ayants droit du défunt (créanciers et légataires de sommes d'argent).

Les créanciers des héritiers ne sont pas admis à la demander contre les créanciers héréditaires (Code civ., art. 881).

La demande peut revêtir une forme quelconque. Il suffit qu'elle soit portée à la connaissance des créanciers des héritiers. Cette condition est le plus souvent remplie, lorsque les biens héréditaires sont vendus, au moment de la procédure d'ordre ou de distribution par contribution.

Dans le cas contraire, les créanciers des héritiers sont informés que la séparation des patrimoines est demandée par la publication du privilège à la conservation des hypothèques. Les comptables des Impôts ont recours à cette procédure.

2Toutefois, il est des cas où la séparation des patrimoines existe de plein droit. Il en est ainsi lorsque la succession a été acceptée sous bénéfice d'inventaire ou si elle a été déclarée vacante, ou encore, lorsque la liquidation des biens ou le règlement judiciaire du défunt ont été prononcés après l'ouverture de la succession.

3On notera également que dans certains cas la demande de séparation des patrimoines doit être présentée au tribunal de grande instance du lieu d'ouverture de la succession. Il en est ainsi lorsque les héritiers ne sont pas d'accord (par exemple, si un contredit a été présenté lers de la procédure d'ordre ou de distribution par contribution).


  B. PERSONNES CONTRE LESQUELLES LA SÉPARATION DES PATRIMOINES EST DEMANDÉE


4En raison du droit de préférence que confère aux créanciers de la succession le privilège de la séparation des patrimoines, la demande autorisée par l'article 878 du Code civil vise, en fait, les créanciers des héritiers, bien que l'inscription du privilège à la conservation des hypothèques soit formulée contre les héritiers.

En effet, le créancier héréditaire ne connaît pas nécessairement les créanciers des héritiers. Aussi l'inscription de son privilège ne peut-elle être requise qu'à l'encontre des héritiers qui, en la circonstance, sont considérés comme les représentants de leurs créanciers.

5Le privilège de la séparation des patrimoines peut être inscrit à l'égard de l'un quelconque des successeurs universels (héritiers ab intestat, légataire ou donataire universel).

Par ailleurs, lorsqu'il y a plusieurs héritiers, l'inscription peut n'être requise qu'à l'égard de l'un ou de certains d'entre eux.


  C. ASSIETTE DU PRIVILÈGE DE LA SÉPARATION DU PATRIMOINE



  I. Immeubles grevés


6Le privilège de la séparation des patrimoines prévu à l'article 2103-6° du Code civil s'applique à tous les immeubles qui composent la succession et qui appartenaient au défunt au moment du décès.

En conséquence, le privilège n'atteint pas :

- les immeubles rentrant dans l'actif successoral par suite d'un rapport (immeubles donnés en avancement d'hoirie) dès lors que ces biens ne faisaient plus partie du gage général des créanciers du défunt ;

- les immeubles appartenant pour l'usufruit au défunt et pour la nue-propriété à ses héritiers mais qui sont réputés faire partie de la succession en vertu de la présomption fiscale édictée par l'article 751 du CGI.

Il est à noter que les créanciers, donc l'administration, ne sont pas obligés de faire porter le privilège de la séparation des patrimoines sur tous les immeubles de la succession. Ils peuvent, s'ils l'estiment suffisant, ne le faire jouer que sur l'un ou certains d'entre eux.


  II. Créances garanties


7Le privilège de la séparation des patrimoines profite à tous les créanciers du défunt qui sont devenus créanciers de l'héritier. Il s'ensuit que l'inscription du privilège dans les délais impartis (cf. infra8 ) permet à tous les créanciers de la succession d'être payés avant les créanciers des héritiers.

Bien entendu, dans le cas où le prix des immeubles est inférieur au montant total des sommes dues aux créanciers, la répartition de ce prix s'effectue au marc le franc entre ces derniers.

Il y a lieu de souligner, qu'en cas de pluralité d'héritiers, le privilège inscrit ne permet pas à un créancier de se soustraire à la règle de la division des créances établie par l'article 1220 du Code civil. Chacun des héritiers reste tenu, pour sa part, des dettes du défunt


  D. INSCRIPTION DU PRIVILÈGE DE LA SÉPARATION DES PATRIMOINES


8Le privilège de la séparation des patrimoines doit, pour être conservé, faire l'objet d'une inscription à la conservation des hypothèques dès lors qu'il porte sur des immeubles.

L'article 2111 du Code civil, qui prévoit cette inscription pour la conservation du privilège, énonce, d'autre part, que l'inscription en cause doit être requise dans la forme prévue aux articles 2146 et 2148 du même code. En conséquence pour l'examen des modalités de l'inscription il convient de se reporter à ce qui en a été dit en matière d'hypothèques (cf. supra C 5214 ), notamment pour l'établissement des bordereaux (cf. supra C 5214 n° 7 et suiv. ).

Par ailleurs, ce même article précise que le privilège n'est conservé que si son inscription est prise dans les quatre mois de l'ouverture de la succession, il prend rang à la date de ladite ouverture.

Passé le délai de quatre mois imparti, l'inscription prise a pour conséquence de faire dégénérer le privilège en hypothèque légale (cf. supra C 5213 n° 5 ) dont le rang est déterminé par la date de l'inscription.

Le privilège de la séparation des patrimoines inscrit dans les quatre mois du décès est primé par les privilèges généraux de l'article 2104 du Code civil qui sont dispensés d'inscription. En revanche, il l'emporte sur les hypothèques inscrites postérieurement au décès dès lors qu'il est inscrit dans le délai imparti.


  E. EFFET DE L'INSCRIPTION DU PRIVILÈGE DE LA SÉPARATION DES PATRIMOINES



  I. A l'égard des créanciers des héritiers


9Le privilège de la séparation des patrimoines inscrit dans les quatre mois du décès du débiteur confère aux créanciers un droit de préférence opposable à tous les créanciers personnels des héritiers, même si ces derniers créanciers, privilégiés ou hypothécaires, ont déjà inscrit avant eux leur privilège ou leur hypothèque. Ce droit de préférence ne peut être exercé, bien entendu, que jusqu'à concurrence de la somme due aux créanciers du défunt Le surplus dégagé éventuellement profite aux héritiers.


  II. A l'égard des héritiers


10D'une manière générale, l'inscription du privilège de la séparation des patrimoines n'a aucun effet dans les rapports entre les créanciers de la succession et les héritiers dont les droits et les obligations ne sont pas modifiés.

Toutefois, l'inscription prise dans les délais a pour conséquence d'empêcher pratiquement les héritiers de vendre les immeubles qui leur sont dévolus, en raison du droit de suite conféré aux créanciers, ou de les hypothéquer.


  III. A l'égard des autres créanciers de la succession


11En aucun cas, la séparation des patrimoines ne produit effet dans les rapports des créanciers successoraux entre eux. L'inscription du privilège requise par l'un d'eux, même s'il s'agit de l'Administration, ne lui confère aucun droit de préférence à l'égard des autres, que ceux-ci soient postérieurement inscrits ou non inscrits. Le montant des créances est réparti au marc le franc entre les divers créanciers de la succession.


  IV. A l'égard des ayants cause des héritiers


12L'inscription du privilège de la séparation des patrimoines accorde aux créanciers un droit de suite sur les immeubles grevés. En conséquence, les créanciers héréditaires ayant pris cette inscription ont la possibilité de faire usage de ce droit sur les immeubles grevés qui auraient été aliénés par les héritiers ultérieurement à l'inscription.


  F. EXTINCTION DU PRIVILÈGE DE LA SÉPARATION DES PATRIMOINES


13L'extinction du privilège de la séparation des patrimoines prévu à l'article 1203-6° du Code civil, résulte, soit de la renonciation des créanciers du défunt, soit de l'aliénation des biens héréditaires.


  I. Rénonciation des créanciers


14Les créanciers héréditaires peuvent renoncer expressément au privilège qu'ils tiennent de la séparation des patrimoines qu'ils ont demandée. Lorsqu'il y a plusieurs héritiers, le ou les créanciers peuvent ne renoncer qu'au profit de l'un ou de certains d'entre eux.

Un cas de renonciation tacite découle, par ailleurs, de l'article 879 du Code civil qui énonce que le droit de demander la séparation des patrimoines ne peut plus être exercé lorsqu'il y a novation dans la créance contre le défunt, par l'acceptation de l'héritier pour débiteur.

La jurisprudence considère qu'il y a novation, au sens de l'article 879, lorsque le créancier a pris une inscription d'hypothèque sur l'héritier personnellement ou s'il a accepté un engagement personnel de ce dernier.


  II. Aliénation des biens héréditaires


15Lorsque l'aliénation d'un immeuble successoral a fait l'objet d'une publication, le privilège de la séparation des patrimoines ne peut plus être inscrit à la conservation des hypothèques, donc conservé.

De même, l'inscription du privilège ne peut être requise lorsqu'un commandement de saisie immobilière a été publié.

 

1   Pour son action sur les meubles, le Trésor dispose selon le cas du privilège prévu aux articles 1926. 1927 et 1929-1 du CGI (cf. supra 51).

2   Bien entendu, l'Administration a pu disposer d'autres sûretés du vivant du débiteur (privilège hypothèques).