SOUS-SECTION 6 EFFETS DE L'INSCRIPTION DES HYPOTHÈQUES
2. Conditions d'exercice du droit de suite.
21Deux conditions sont nécessaires pour que le créancier puisse exercer son droit de suite :
a. La créance garantie par l'hypothèque doit être exigible.
22Selon les dispositions de l'article 2167 du Code civil, le tiers détenteur jouit des termes et délais accordés au débiteur originaire.
En conséquence, le créancier hypothécaire, qui n'a pas plus de droits contre le tiers détenteur que contre le débiteur lui-même doit attendre l'échéance de la créance pour engager son action.
b. L'hypothèque doit avoir été inscrite en temps utile.
23Il est indispensable que l'inscription hypothécaire ait été opérée avant la publication du titre du tiers acquéreur (Code civ., art. 2147). Le conflit qui peut surgir entre le créancier hypothécaire et le tiers acquéreur est résolu par la priorité des publications conformément aux articles 30 et 31 du décret du 4 janvier 1955.
3. Mise en oeuvre du droit de suite.
24Le créancier hypothécaire exerce son droit de suite au moyen de la procédure de la saisie immobilière dirigée contre le tiers détenteur de l'immeuble.
Aux termes de l'article 2169 du Code civil, il est tenu de faire, après l'échéance de la créance, une double signification :
- il adresse au débiteur, tenu personnellement de la dette, un commandement de payer qui constitue le premier acte de la saisie (Code de proc. civ., art. 673) ;
- il fait, au tiers détenteur de l'immeuble, une sommation de payer la dette exigible ou de délaisser l'immeuble.
A défaut de paiement dans les trente jours de la signification du commandement et de la sommation, le créancier a le droit de procéder à la saisie.
Il est à noter qu'à défaut de paiement, la sommation de payer ou de délaisser entraîne une limitation des droits d'administration ou de jouissance du tiers détenteur : elle interrompt la prescription qui courait à son profit et immobilise les fruits de l'immeuble entre ses mains.
4. Les diverses issues de la procédure engagée.
25Le tiers détenteur, touché par la sommation qui lui est faite peut, le cas échéant, se prévaloir :
- soit de la nullité de l'hypothèque ;
- soit de la nullité de l'inscription ;
- soit encore de l'extinction de l'hypothèque par l'effet de la prescription ;
- soit enfin du bénéfice de discussion qui permet au tiers détenteur de l'immeuble d'exiger du créancier titulaire d'une hypothèque générale inscrite sur plusieurs immeubles, qu'il poursuive d'abord la procédure sur les autres immeubles grevés (Code civ., art. 2170 et 2171). Pendant cette discussion, il est sursis à la vente de l'immeuble hypothéqué.
En dehors de ces cas opposables au créancier, le tiers détenteur de l'immeuble n'a d'autres ressources que de :
- payer les créanciers ;
- purger l'immeuble de l'hypothèque ;
- délaisser l'immeuble ;
- ou se laisser saisir.
a. Paiement des créanciers.
26Le paiement des créanciers libère l'immeuble de l'hypothèque qui le grevait. Le tiers détenteur peut avoir avantage à adopter cette solution lorsqu'il n'a pas encore payé le prix de vente et que le montant des créances garanties est inférieur à ce prix. Il peut encore avoir intérêt à payer les créanciers lorsqu'il a reçu, à titre gratuit, un immeuble dont la valeur est supérieure au montant des créances qu'il garantit.
b. Purge des hypothèques.
27La purge est une procédure, réglementée par les articles 2181 à 2192 du Code civil, qui permet à l'acquéreur d'un immeuble grevé d'hypothèques de l'affranchir de ces sûretés en offrant aux créanciers son prix d'acquisition ou sa valeur estimative dans le cas où il a été acquis à titre gratuit.
L'acquéreur peut recourir à la purge des hypothèques soit à titre préventif, soit pour répondre à la sommation de payer ou de délaisser, à la condition qu'il soit détenteur de l'immeuble ; le droit de procéder à la purge lui serait refusé s'il avait revendu l'immeuble grevé auquel cas ce droit appartiendrait au nouvel acquéreur.
Par ailleurs le bénéfice de la purge est réservé aux seuls acquéreurs non tenus personnellement à la dette ou à la garantie hypothécaire.
Pour purger l'immeuble grevé trois conditions sont imposées aux acquéreurs :
- ils doivent publier leur titre (Code civ., art. 2181) ;
- ils sont tenus de notifier aux créanciers hypothécaires, dans le mois de la première sommation qui leur est faite, un extrait du titre d'acquisition, un certificat de publication de l'acte de vente ainsi qu'un tableau des inscriptions hypothécaires relatives à l'immeuble (Code civ., art. 2183) ;
- ils doivent enfin payer le prix de l'immeuble ou le consigner lorsque les créanciers inscrits ont accepté leur offre.
Les créanciers qui estiment l'offre faite par le tiers détenteur insuffisante ont, dans le délai de quarante jours, le droit de requérir la mise aux enchères de l'immeuble mais en s'engageant eux-mêmes à faire une surenchère du dixième en sus du prix offert.
Dans cette dernière hypothèse les créanciers sont payés sur le prix d'adjudication résultant de la vente aux enchères.
c. Délaissement de l'immeuble.
28Le délaissement est l'abandon de la possession de l'immeuble. Il consiste dans une déclaration faite au greffe du Tribunal de grande instance de la situation du bien et permet au tiers détenteur d'éviter que la procédure ne soit dirigée contre lui.
La juridiction qui reçoit la déclaration rend un jugement donnant acte du délaissement et nomme un curateur, chargé de l'administration de l'immeuble, contre lequel la procédure de saisie sera poursuivie jusqu'à son terme.
Il est précisé que le délaissement ne peut être valablement effectuée que par le tiers détenteur non tenu personnellement à la dette et capable d'aliéner (Code civ., art. 2172) et que ce dernier, jusqu'à l'adjudication de l'immeuble, peut reprendre le bien en payant toute la dette et les frais engagés par les créanciers saisissants (Code civ., art. 2173).
d. L'adjudication de l'immeuble.
29L'adjudication de l'immeuble est l'aboutissement de la procédure de saisie immobilière (cf. supra C 2213) lorsque le tiers détenteur ne répond pas à la sommation de payer ou de délaisser.
La publication du jugement d'adjudication purge automatiquement toutes les hypothèques, même celles qui ont été inscrites postérieurement à la délivrance des états d'inscription, et les créanciers n'ont plus d'action que sur le prix (Code de proc. civ., art 717) sur lequel ils peuvent exercer leur droit de préférence.
Cependant, le tiers détenteur dispose de possibilités de recours contre le débiteur principal, vendeur de l'immeuble :
- il dispose de l'action née de la subrogation légale (Code civ., art. 1251-3°) ;
- il a, aux termes de l'article 2178 du Code civil, le recours en garantie. Celui-ci ne peut toutefois être exercé que lorsque l'acquisition de l'immeuble adjugé résulte d'une vente ou d'un échange.
Il en va autrement pour une donation à moins que le donateur ne se soit spécialement engagé à garantie.