SOUS-SECTION 3 DISCUSSION DES MOYENS DE PREUVE
SOUS-SECTION 3
Discussion des moyens de preuve
43Celui qui se prétend propriétaire d'objets saisis et en demande la distraction à son profit peut administrer la preuve de sa propriété par tous moyens lesquels sont laissées à l'appréciation des juges du fond (Cass. com. 15 décembre 1987, D.F. 1988 c. 976).
A. LES PRESOMPTIONS DE PROPRIETE
44Dans la majorité des cas, le revendiquant se borne à invoquer la présomption de propriété énoncée à l'article 2279 alinéa 1 du Code civil selon lequel en fait de meubles, la possession vaut titre, ou bien, lorsqu'il est le conjoint du débiteur saisi, marié sous le régime de la séparation des biens, les stipulations de son contrat de mariage.
45En effet, l'article 1538 alinéa 2 du Code civil prévoit : « Les présomptions de propriété énoncées au contrat de mariage ont effet à l'égard des tiers aussi bien que dans les rapports entre époux, s'il n'en a été autrement convenu. La preuve contraire sera de droit et elle se fera par tous les moyens propres à établir que les biens n'appartiennent pas à l'époux que la présomption désigne, ou, même s'il lui appartiennent, qu'il les a acquis par une libéralité de l'autre époux ».
46La présomption de propriété énoncée par l'article 2279 du Code civil ou par le contrat de mariage peut être combattue non seulement par des preuves ou commencements de preuve en la possession du service mais également par des présomptions contraires (Cass. civ. 19 juillet 1988, Bull. civ. I n° 250 p. 173 ; VERSAILLES 12 décembre 1988, D. 1989 p. 601).
47La diversité des situations en matière de revendication d'objets saisis ne permet pas de fournir une énumération exhaustive des arguments qui pourraient être opposés.
48Toutefois, différents exemples tirés de la jurisprudence permettent de constater qu'afin d'écarter les demandes de pure complaisance présentées par des parents ou alliés du saisi à seule fin de différer ou de faire échec à la vente des objets mis sous main de justice, les juridictions sont relativement exigeantes sur la qualité des preuves fournies.
49C'est ainsi que les juges ont rejeté les prétentions d'un requérant en relevant :
- la cohabitation du revendiquant avec le débiteur saisi qui rend la possession équivoque (Cass. 1er juillet 1948, Mémorial des percepteurs 1949 p. 169 ; 31 janvier 1951, Bull civ. I n° 44 p. 36 ; PARIS 23 juin 1988, D. 1988 IR p. 232).
S'il ne peut produire un inventaire dressé avant sa demande, le revendiquant doit démontrer le vice éventuel ou la précarité de la possession du débiteur saisi (PARIS 3 octobre 1990, Gaz. Pal. 1991.1.113) ;
50- l'absence de ressources nécessaires du revendiquant pour acquérir les biens (AGEN 21 juillet 1941, Mémorial des percepteurs 1941 p. 256 ; à rappr. Cass. civ. 28 janvier 1953, Bull. civ. I n° 38 p. 35).
51De même, n'a pas été admise l'argumentation selon laquelle le revendiquant avait laissé au débiteur saisi la disposition des biens en vertu d'un prétendu prêt gratuit (PARIS 18 décembre 1981, Mémorial des percepteurs 1982 p. 25) ou d'un bail fictif (T.G.I. PARIS 8 juillet 1986, Mémorial des percepteurs 1986 p. 234).
52 Remarque :
En matière de saisie de véhicules automobiles, l'immatriculation est une simple mesure administrative et de police qui ne règle pas la question de la propriété (RIOM 20 mars 1953, Mémorial des percepteurs 1953 p. 121).
Dès lors , la carte grise établie au nom du revendiquant ne peut, à défaut d'autres documents, constituer une preuve suffisante du droit de propriété, alors surtout que la possession par le saisi du véhicule revendiqué réunit les conditions prescrites par l'article 2279 du Code civil (MONTPELLIER 20 mai 1969, R.J.C.A. 3ème partie n° 49).
Au demeurant, la jurisprudence considère qu'un même véhicule peut avoir plusieurs propriétaires, et donc que la carte grise peut mentionner plusieurs noms (CE 31 octobre 1990, 5e et 10e s.s., D. 1991 p. 220).
53Par ailleurs, en matière de séparation de biens, l'article 1538 alinéa 3 prévoit que les biens sur lesquels aucun des époux ne peut justifier de propriété exclusive sont réputés leur appartenir indivisément, à chacun pour moitié.
Ainsi, à défaut pour le comptable public d'apporter la preuve de la propriété privative de son débiteur, la présomption légale de propriété indivise édictée par cette disposition joue.
Dans cette situation, en application de l'article 815-17 du Code civil, le receveur des impôts ne peut procéder à la saisie directe de la part d'un indivisaire sans engager au préalable une action en partage, le recouvrement forcé de la créance fiscale s'exerçant en définitive sur la part échue à son débiteur (PARIS 25 février 1986, D. 1986 IR p. 286).
En l'absence d'une telle procédure préalable, il doit être fait droit au revendiquant qui se prévaudrait de cette présomption légale.
B. JUSTIFICATIONS AUTRES QUE LES PRESOMPTIONS DE PROPRIETE
54La présentation de factures établies au nom du revendiquant est de nature à établir la propriété de ce dernier sur les meubles saisis et à permettre d'accueillir la demande en distraction.
55Cela étant, à elles seules, les quittances de prix d'achat d'objets mobiliers peuvent ne pas être suffisantes si un doute existe sur l'origine des sommes ayant permis l'acquisition, toute personne, payant avec les fonds d'autrui, pouvant obtenir du fournisseur une quittance à son propre nom.
56Ainsi, le juge a souverainement apprécié la valeur probante des pièces justificatives et rejeté la demande en relevant :
57- l'incertitude de la date de certaines justifications tendant à établir que le demandeur avait effectivement réglé le coût des objets qu'il revendiquait (Cass. civ. 13 juin 1963, Bull. civ. II n° 450 p. 332) ;
58- que les éléments de preuve étaient insuffisants pour établir le droit du demandeur sur les objets revendiqués et la précarité de la possession des biens par le débiteur saisi (Cass. civ. 19 décembre 1978, Bull. civ. I n° 396 p. 308) ;
59- que l'acte, bien qu'enregistré, était manifestement de pure complaisance, ou présentait un caractère douteux, compte tenu des éléments de l'affaire -acte de vente enregistré postérieurement à la mise en recouvrement des impôts, maintien sur les lieux des meubles vendus...- (AIX-EN-PROVENCE 1er octobre 1974, Mémorial des percepteurs 1974 p. 187 ; Juge de l'exécution de DIJON 1er février 1994, ibid. 1994 p. 182), - contrat de dépôt dont la date est proche du redressement fiscal - (Cass. com. 15 février 1994, R.J.F. 1994 p. 432).
60Toutefois, l'absence de date certaine d'un document produit par un requérant pour justifier de sa propriété des biens saisis n'est pas à lui seul un motif suffisant de rejet de sa demande, les juges devant rechercher si, compte tenu des circonstances de l'espèce, le document ne constitue pas en lui-même un élément de preuve (Cass. civ. 4 novembre 1987, Mémorial des percepteurs 1987 p. 247), cette appréciation relevant de leur pouvoir souverain.
C. REGIME DE COMMUNAUTE LEGALE
61Le paiement des dettes dont chaque époux est tenu pendant la communauté peut être poursuivi sur les biens communs (art. 1413 du Code civil) et tout bien est réputé commun s'il n'est prouvé qu'il est propre à l'un des époux par application d'une disposition de loi (art 1402 alinéa 1 du Code civil).
62Ainsi, l'époux revendiquant peut combattre cette présomption et établir que tel bien est sa propriété personnelle. Si ce bien est de ceux qui ne portent pas en eux-mêmes preuve ou marque de leur origine, elle devra être établie par tout espèce d'écrits, et même, à défaut, par témoignage ou présomptions si le juge constate l'impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit (art. 1402 alinéa 2).