SOUS-SECTION 3 LA PHASE JURIDICTIONNELLE
b. Etendue de la compétence
65Les juges de l'ordre judiciaire sont seuls compétents pour se prononcer sur la validité ou les effets des voies d'exécution utilisées pour le recouvrement d'impôts, sauf à renvoyer les parties à faire trancher par la juridiction administrative exclusivement compétente, les questions préjudicielles dont dépend la solution du litige et, en ce cas, à surseoir à statuer (Cass. com. 19 février 1991, Gaz. Pal. 1992 - Panorama p. 13).
66N'ayant de compétence en matière de poursuites fiscales que pour apprécier la régularité des actes eux-mêmes, les juridictions judiciaires ne sauraient y faire obstacle en accordant un sursis à exécution (Cass. com. 27 novembre 1978, Bull. civ. IV n° 280 p. 230) ou des délais de paiement en se fondant notamment sur les articles 1244-1 et 1244-2 du Code civil (Cass. com. 23 novembre 1993, R.J.F. 1994 p. 123 et VERSAILLES 17 septembre 1987, Mémorial des percepteurs 1988 p. 203).
Le comptable public est seul compétent pour différer le recouvrement en accordant des délais (PARIS 12 juin 1987, D. 1987 I.R. 174).
En effet, suivant le principe de la séparation des fonctions administrative et judiciaire édicté par l'article 13 de la loi des 16 et 24 août 1790, puis rappelé par le décret du 16 fructidor an III, les magistrats de l'ordre judiciaire ne peuvent intervenir dans les questions relatives à la perception de l'impôt (Cass. civ. 15 mars et 17 octobre 1922, DP 1922-1-176, PARIS 27 avril et 4 octobre 1960, R.J.C.I. n°s 46 et 66 p. 126 et 193).
2. Compétence territoriale
67En l'absence de dispositions contraires édictées dans le Livre des procédures fiscales, ce sont les règles de droit commun définies dans le décret du 31 juillet 1992 qui s'appliquent (à rap. Com. 6 décembre 1978, Bull. civ. IV n° 299 p. 246 et 18 avril 1989, ibid IV n° 124 p. 83).
Le principe général est défini à l'article 9 du décret qui prévoit que le juge de l'exécution compétent est, au choix du demandeur, celui du lieu où demeure le débiteur ou celui du lieu d'exécution de la mesure.
Si le débiteur demeure à l'étranger ou si le lieu où il demeure est inconnu, le juge compétent est celui du lieu d'exécution.
Toutefois, de multiples dérogations sont apportées par ce décret qui fixe pour plusieurs procédures une compétence unique, sans possibilité d'option.
Ainsi, est toujours compétent :
- le juge du lieu d'exécution de la mesure en matière de saisie-vente (art. 98 et 117) ;
- le juge du lieu où demeure le débiteur en matière de saisie-attribution (art. 65), de saisie de droits d'associé et de valeurs mobilières (art. 183), de saisie des véhicules terrestres à moteur par déclaration à la préfecture (art. 166).
En revanche, pour la saisie par immobilisation du véhicule, l'option de compétence demeure : juge de l'exécution du lieu où demeure le débiteur ou du lieu d'immobilisation du véhicule (art. 174).
68S'agissant des poursuites par voie d'avis à tiers détenteur, le principe général défini à l'article 9 du décret précité est applicable.
Cela étant, lorsque l'opposition concerne plusieurs avis à tiers détenteur délivrés dans des endroits différents, il conviendra, pour des raisons d'ordre pratique, de n'indiquer, sur la décision prise par le directeur, que le recours devant le juge du lieu du domicile du débiteur, solution d'ailleurs retenue par le texte pour la saisie-attribution.
Bien entendu, si le redevable poursuivi saisissait les différents juges des lieux d'exercice de la poursuite, l'affaire devrait être défendue par le receveur des impôts chargé du recouvrement, contre lequel est dirigée l'action (art. R* 281-4, dernier alinéa), devant chacun des juges.
69 Cas particulier : En matière de saisie de rémunérations du travail, la compétence territoriale du juge d'instance est définie par l'article R 145-5 du Code du travail (cf. supra n° 53 ).
Le juge d'instance compétent est celui où demeure le débiteur.
Si celui-ci n'a pas de domicile connu, la procédure est portée devant le juge d'instance du lieu où demeure le tiers saisi.
II. Tribunal administratif
1. Compétence d'attribution
a. Domaine de compétence
70Il résulte des dispositions des articles L 281 et L 199 du Livre des procédures fiscales, que les tribunaux administratifs sont habilités à connaître des contestations liées à l'exercice des poursuites pour le recouvrement des taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées qui portent sur l'existence de l'obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués, sur l'exigibilité de la somme réclamée ou sur tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette et le calcul de l'impôt.
71Dès lors, les juridictions administratives sont compétentes pour trancher les contestations portant sur :
- l'existence de l'obligation de payer, telles que :
* la réalité de l'imposition litigieuse (CE 29 octobre 1980, req. n° 15871, D.F. 1981 c. 366 et R.J.F. 1981 p. 48) ;
* la mise à la charge d'une personne physique d'impositions établies au nom d'une société (CE 30 janvier 1987, req. n°s 35186 et 35187, R.J.F. 1987 p. 155) ;
* la disparition d'une dette fiscale résultant de l'absence de déclaration de la créance par le receveur après l'ouverture d'une procédure collective (CE 9 mars 1988 req. n° 58822, R.J.F. 1988 p. 369) ;
72 - le montant de la dette (CE 29 octobre 1980, req. n° 15871 précité ; 18 mai 1984, req. n° 39050, R.J.F. 1984 p. 457), par exemple lorsque la personne déclarée solidairement tenue au paiement d'impositions prétend que l'administration aurait étendu la solidarité au-delà de celle que la juridiction pénale a prononcée (CE 3 juillet 1985, req. n° 52011, R.J.F. 1985 p. 728 ; 12 octobre 1992, req. n° 86514, RJF 1992 p. 1023).
En revanche, si le redevable fait valoir que le magistrat a retenu le principe de solidarité, sans fixer l'étendue, laquelle reste donc à déterminer, la contestation relève du juge pénal qui a prononcé la solidarité (CE 29 novembre 1991, req. n° 68591, Mémorial des percepteurs 1992 p. 87) ;
73 - l'exigibilité de l'imposition, telles que :
* l'opposition dans laquelle l'intéressé soutient avoir régulièrement obtenu le sursis de paiement (CE 10 juin 1983, req. n° 26504, R.J.F. 1983 p. 486) ou lorsque le redevable, bien que bénéficiant du sursis de paiement (garanties suffisantes constituées), fait l'objet de poursuites (CE 27 avril 1994, R.J.F. 1994 p. 430) ;
* la poursuite du recouvrement d'une imposition qui a déjà été acquittée (CE 29 octobre 1984, req. n° 41986, R.J.F. 1984 p. 786) ;
* la prescription de la créance visee par les poursuites (CE 20 mai 1985, req. n° 45651, R.J.F. 1985 p. 577 ; 10 juillet 1989, req. n° 92975, R.J.F. 1989 p. 597 - cf. aussi supra n° 54 ) ;
* la contestation d'un tiers solidaire qui se plaint d'être le seul redevable poursuivi (CE Plèn. 6 juillet 1979, req. n° 99012, R.J.F. 1979 p. 335) ;
* la contestation portant sur l'exigibilité des pénalités (CE 19 décembre 1979, req. n° 13072, R.J.F. 1980 p. 73) ;
* l'existence d'une compensation (CAEN 31 juillet 1950, Mémorial des percepteurs 1950 p. 249) ou l'exigibilité de la dette à la date de la compensation (CE 13 mars 1964, req. n° 45650 Lebon p. 183 ; 6 janvier 1965, req. n°s 36433 à 36435, Lebon p. 1 ; 19 avril 1989, req. n° 44590, R.J.F. 1989 p. 380) ;
* le double emploi des sommes réclamées par deux avis à tiers détenteur portant chacun sur le total dû (C.A.A. PARIS 27 mars 1990, req. n° 882, R.J.F. 1990 p. 447).
b. Etendue de la compétence
74Le juge administratif n'est jamais compétent pour annuler un commandement ou une mise en demeure tenant lieu de commandement, même lorsque la décision rendue par le juge sur l'opposition a pour effet de supprimer la base légale les actes de poursuites qui procèdent de la contrainte (CE 29 juillet 1983, req. n° 33553, R.J.F. 1983 p. 655).
D'une manière générale, les conclusions tendant à l'annulation d'actes de poursuites ne ressortissent pas à la compétence de la juridiction administrative (CE 16 janvier 1985, req. n° 60845, R.J.F. 1985 p. 624).
Par ailleurs, lorsqu'un tiers, mis en cause en vertu de dispositions autres que celles du Code général des impôts (caution, associés de sociétés civiles ....), conteste son obligation d'acquitter la dette, le tribunal administratif, lorsqu'il est compétent, attend pour statuer que la juridiction civile ait tranché la question de l'obligation (article L 282 du Livre des procédures fiscales).
2. Compétence territoriale
75Aucune disposition particulière n'étant prévue par le Livre des procédures fiscales, ce sont les règles définies par le Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel (décret n° 89-641 du 7 septembre 1989) qui sont applicables.
Ainsi, l'article R 46 de ce code dispose que le tribunal administratif territorialement compétent est celui dans le ressort duquel l'autorité qui a pris la décision attaquée a son siège.
Le même texte précise qu'en cas de recours préalable à celui introduit devant le tribunal administratif, la décision à retenir pour déterminer la compétence territoriale est celle qui a fait l'objet du recours préalable.
Il résulte de ce texte que le tribunal administratif compétent devant lequel le recours devra être porté est celui dont relève le directeur qui a pris la décision.
III. Tribunal de grande instance
76En application du dernier alinéa de l'article L 281 du L.P.F., le tribunal de grande instance est compétent pour se prononcer sur les oppositions concernant l'obligation de payer, la quotité et l'exigibilité de la dette lorsque les impositions sont constituées par des droits d'enregistrement, des droits de timbre, et des taxes assimilées à ces droits.
77A cet égard, la Cour de cassation considère que les voies d'exécution, détachables du contentieux d'assiette de ces droits, sont soumises aux règles ordinaires, sans application de la procédure spéciale visée par l'article L 199 alinéa 2, de sorte que l'appel contre les décisions rendues par les juges judiciaires de premier degré est recevable (Cass. com. 11 octobre 1983, Bull. civ. IV n° 262 p. 226 ; 3 janvier 1985, ibid. IV n° 5 p. 4 ; 4 janvier 1985, ibid. IV n° 10 p. 8 ; 18 juillet 1989, ibid. IV n° 234 p. 157 ; 26 avril 1994, R.J.F. 1994 p. 548).
1. Compétence d'attribution
78Les solutions données dans les développements consacrés à la compétence du tribunal administratif (cf. supra n°s 71 à 73 ) sont transposables pour les contestations entrant dans la compétence du tribunal de grande instance.
2. Compétence territoriale
79Aucune disposition particulière n'étant prévue par le Livre des procédures fiscales, ce sont les règles du droit commun définies par le nouveau code de procédure civile qui sont applicables.
Ainsi, l'article 42 de ce code dispose que la juridiction territorialement compétente est celle du lieu où demeure le défendeur.
En matière d'opposition à poursuites, le défendeur est dans tous les cas le receveur des impôts.
C'est donc devant le tribunal dont celui-ci relève que le recours doit être porté.
C. AUTRES JURIDICTIONS COMPETENTES EN MATIERE DE CONTENTIEUX LIE AU RECOUVREMENT DE L'IMPOT MAIS NE RELEVANT PAS DE L'OPPOSITION A POURSUITES
I. Le tribunal de commerce
80Les tribunaux de commerce sont compétents pour statuer sur les litiges dont la connaissance leur est expressément attribuée par la loi.
81En matière de procédures collectives, la juridiction saisie du redressement ou de la liquidation judiciaire d'une personne physique ou morale est seule compétente pour statuer sur une demande fondée sur le principe de la suspension des poursuites individuelles dirigées contre le débiteur, prévu par l'article 47 de la loi du 25 janvier 1985, lorsqu'elle concerne les effets d'un avis à tiers détenteur délivré avant le jugement d'ouverture, pour obtenir le recouvrement d'une créance soumise à déclaration, que cet acte ait acquis, ou non, un caractère définitif avant l'ouverture de la procédure collective. La Cour de cassation a estimé que cette contestation n'entre pas, en effet, dans les prévisions de l'article L 281 du Livre des procédures fiscales (Cass. com. 2 octobre 1990, Bull. civ. IV n° 224 p. 155).
82En revanche, lorsque le comptable exerce son droit de poursuite individuelle, notamment dans le cadre des dispositions de l'article 40 de la loi, les organes de la procédure ne peuvent, pour leur part, s'opposer aux poursuites que dans le respect de la procédure prévue par les articles L 281 et R* 281-1 et suivants du Livre des procédures fiscales (Cass. com. 19 janvier 1988, Bull. civ. IV n° 35 p. 24 ; 20 juin 1989, ibid. IV n° 196 p. 130).
II. Le juge de l'exécution
83Dans le cadre de la procédure d'opposition à poursuites prévue aux articles L 281 et R* 281-1 et suivants du Livre des procédures fiscales, le juge de l'exécution est compétent pour apprécier la régularité en la forme d'un acte de poursuites (cf. supra n° 52 et s. ).
84Cela étant, certaines contestations qui peuvent être élevées par le débiteur n'entrent pas, en raison de leur nature, dans le champ d'application de l'article L 281 et sont portées directement devant le juge de l'exécution, sans saisine préalable du directeur des services fiscaux.
1. Contestation portant sur la saisissabilité des biens
85Lorsque le débiteur entend contester le caractère saisissable ou non des biens placés sous main de justice, il peut saisir le juge de l'exécution dans le délai d'un mois à compter de la signification de l'acte de saisie.
Cette faculté est prévue par l'article 130 du décret du 31 juillet 1992.
2. Contestation portant sur la propriété des objets saisis
86 L'article 127 du même décret donne au débiteur la possibilité de demander la nullité de la saisie lorsqu'elle porte sur un bien dont il n'est pas propriétaire.
L'engagement de l'action n'est soumis à aucun délai spécial.
87 Remarque : Lorsqu'elle porte sur la propriété ou la saisissabilité, la demande du débiteur ne fait pas obstacle à la saisie mais suspend la procédure pour les biens qui en font l'objet (art. 126 du décret).