Date de début de publication du BOI : 01/02/1985
Identifiant juridique : 12C2243
Références du document :  12C2243

SOUS-SECTION 3 RECOUVREMENT DES SOMMES DUES PAR DES REDEVABLES EN INDIVISION

  II. Cas particulier des comptables des impôts : exercice de l'action en recouvrement

33Lorsqu'ils sont mis en présence d'une indivision, les créanciers publics ont en principe le même droit à agir que leurs homologues du droit privé, et obéissent aux mêmes règles. S'il s'élève donc une difficulté d'ordre général, il sera dans la plupart des cas suffisant de se reporter aux indications données plus haut en A et B-I.

Toutefois il a paru utile d'apporter quelques précisions complémentaires intéressant plus spécialement les comptables des impôts et, à cet égard, comme dans le cas général, une distinction est à faire selon que l'indivision elle-même ou une partie des indivisaires seulement est redevable d'impôts.

1. Impôt dû par une indivision.

34Les modalités de notification du titre exécutoire mises à part, les règles du recouvrement de cet impôt sont les mêmes, que la dette préexiste à l'ouverture de l'indivision ou qu'elle naisse dans le cours de celle-ci. Dans le premier cas, le gage dont jouissaient les créanciers sur les biens indivis avant qu'ils le deviennent. subsiste et se reporte d'une manière indivisible sur l'indivision toute entière, et dans le second, l'indivision répond elle-même du passif né de son fonctionnement.

35D'autre part, même dans l'hypothèse où il peut être effectué par prélèvement sur l'actif indivis, le paiement de l'impôt (comme d'ailleurs de toute dette) n'est à la charge de chaque indivisaire que dans la proportion de la part qu'il doit prendre de l'indivision (Code civ., art. 815-10. al. 3 ; cf. n° 19 ).

36Il s'ensuit un certain nombre de conséquences concernant la notification des actes de la procédure de recouvrement et l'exercice même des poursuites :

371° L'avis de mise en recouvrement collectif qui sera établi fera apparaître, outre les éléments de la liquidation globale des droits demeurés impayés, la quote-part exigible auprès de chaque coïndivisaire en proportion de ses droits dans l'indivision.

L'extrait qui sera adressé à chaque codébiteur conjoint reprendra à la fois la liquidation globale et la part due par le destinataire en indiquant comment elle a été déterminée.

382° L'établissement d'un avis de mise en recouvrement collectif et la notification d'un extrait à chaque coïndivisaire s'imposent lorsqu'il n'a pas été délivré d'avis de mise en recouvrement à leur auteur commun (en cas d'indivision successorale par exemple).

39Il peut toutefois être admis qu'un avis de mise en recouvrement individuel soit notifié au seul mandataire, ou à l'un deux, si les indivisaires ont décidé de se faire représenter selon les modalités prévues par l'article 815-3 nouveau du Code civil (cf. n° 14 ). Cette possibilité exige cependant que le mandataire soit muni d'une procuration conçue en termes généraux et qu'il soit visé dans la notification ès qualités.

40La même procédure peut être utilisée avec le gérant de l'indivision conventionnelle visée à l'article 1873-5 (cf. n° 27 ). Concernant les impositions dues par l'indivision postérieurement à sa constitution et qui sont d'origine déclarative. il y a, au reste, lieu de penser que le signataire des déclarations aura déjà justifié de sa qualité de représentant.

413° Dans tous les cas, les poursuites procéderont d'une mise en demeure préalablement notifiée à chaque indivisaire, pour la part de la dette dont il est personnellement responsable, même si une mise en demeure était déjà notifiée à l'auteur commun.

424° Lorsque l'exécution forcée apparaîtra nécessaire, l'article 815-17 du Code civil, applicable à l'indivision légale et à l'indivision conventionnelle (Code civ., art. 1873-15), autorise le créancier à poursuivre la saisie et la vente des biens indivis.

43En ce qui concerne les biens meubles, il conviendra de faire notifier à chaque coïndivisaire une copie du procès-verbal de saisie, à moins qu'un mandataire ou gérant n'ait été désigné, auquel cas la notification lui sera valablement faite pour l'ensemble de l'indivision.

La même attitude pourra être adoptée en matière de saisie immobilière.

44Bien que l'article 815-17 précité ne vise que la saisie et la vente des biens indivis, il y a lieu de considérer que cette formulation n'exclut pas la faculté d'appréhender par voie de saisie-arrêt, ou d'avis à tiers détenteur, les créances que l'indivision aurait sur ses propres débiteurs. Pour la dénonciation de la saisie-arrêt et l'assignation en validité, les mêmes règles que ci-dessus seront observées selon que les indivisaires ont désigné ou non un représentant.

45Lorsque l'indivision comprend un fonds de commerce, la gestion pure et simple de celui-ci par un indivisaire ne confère pas à ce dernier la qualité de commerçant au titre de cette gestion. Il agit en effet en tant que mandataire rémunéré des indivisaires qui supportent les risques du commerce (Code civ., art. 815-12. 1873-10 et 1873-11). Dans ces conditions, l'assignation en liquidation des biens devrait, le cas échéant, viser conjointement tous les indivisaires, à l'exception, toutefois, des incapables et notamment des mineurs (cf. C 3211 n os 26 et 27). Il en serait autrement si le fonds de commerce indivis était donné à bail à l'un des indivisaires, celui-ci qui aurait alors la qualité de commerçant pourrait être assigné en liquidation des biens, à l'exclusion des autres indivisaires, propriétaires du fonds (cf. C 3211, n° 28).

465° L'Administration estime que l'obligation faite à chaque indivisaire de supporter les pertes proportionnellement à ses droits dans l'indivision (Code civ., art. 815-10.3° al.) autorise les comptables des impôts, à poursuivre chacun d'eux sur ses biens personnels, en recouvrement de la quote-part dont il est responsable dans les dettes de l'indivision.

Aucune disposition expresse du texte n'impose de recourir à cette faculté qu'après avoir discuté les biens de l'indivision, mais il paraît résulter de la rédaction du premier alinéa de l'article 815-17 que cet ordre de poursuites correspond à son esprit. Les comptables des impôts ne diviseront donc leur action à l'encontre des indivisaires sans avoir au préalable réalisé les biens de l'indivision que dans les cas où ils se heurteraient à des difficultés sérieuses de poursuivre sur ces biens.

D'autre part. la faculté de poursuivre personnellement les indivisaires doit tenir compte des règles propres à certaines indivisions qui permettent à ceux-ci de limiter leur responsabilité à leur part de l'actif (notamment : bénéfice d'émolument au profit des époux mariés sous le régime de la communauté légale, bénéfice d'inventaire au profit des héritiers).

2. Impôts dus par plusieurs indivisaires.

47L'hypothèse à envisager est celle ou l'un, au moins, des indivisaires n'est tenu à aucun titre au paiement de l'impôt, le comptable n'a de créance qu'à l'encontre des autres participants à l'indivision, voire même n'est créancier que de l'un d'eux.

48Il ne lui est alors pas immédiatement possible d'exercer des poursuites sur les biens compris dans l'indivision, meubles ou immeubles (Code civ., art. 815-17. § 2, voir A-I § 3 : cf n° 22 ).

Un partage est nécessaire, qu'il pourra, d'ailleurs provoquer (Code civ., an 815-17, § 3 ; cf n° 31 ).

49Lorsque, donc, il apprend qu'un débiteur est titulaire de droits dans une indivision, le comptable ne peut agir que dans le cadre du partage 1 . Mais il ne doit pas, alors, songer seulement à le provoquer : il doit aussi chercher à se prémunir contre ses effets.

En pratique, l'obtention de ce double résultat oblige à une triple action :

Prévenir les conséquences du partage.

50Il s'agit essentiellement d'éviter que le partage se consomme sans que la possibilité ait été donnée d'y intervenir ou, pire, sans que le droit puisse être conservé de l'attaquer (Code civ., art. 887). Il est donc nécessaire de pratiquer sans tarder une opposition entre les mains du notaire chargé de la liquidation ou, à défaut, entre celles de tous les indivisaires. Cette démarche s'accomplit sans forme particulière, et il suffira d'un acte indiquant de manière certaine la volonté que l'on a de concourir au partage : toutefois, il est d'usage de faire opposition par acte extra-judiciaire délivré, soit aux coïndivisaires. soit à leur mandataire chargé de la liquidation de l'indivision. Il importe que l'acte soit connu du débiteur et également de tous les coindivisaires.

Dans le même but, il sera prudent d'inscrire sur la fraction indivise de l'immeuble correspondant à la quote-part du débiteur l'hypothèque légale du Trésor, qui permettra le cas échéant, par l'exercice du droit de suite, d'atteindre l'immeuble indivis mis au lot du débiteur, adjugé à un (des) tiers ou repris par un coïndivisaire agissant dans le cadre des dispositions des articles 815-14 et 815-15 nouveaux du Code civil (cf. n° 21 ).

Intervenir au partage lorsqu ' il est provoqué.

51L'opposition précédente (cf. 1°) lui en ayant donné le droit et la possibilité, le receveur ne devra pas manquer d'intervenir au partage provoqué par les indivisaires et auquel il sera invité 2  ; ainsi sera-t-il à même de veiller à la loyauté du partage, comme à l'égalité des lots. En fait, il cherchera surtout à éviter que le partage ne soit fait en fraude de ses droits (attribution au débiteur de valeurs faciles à dissimuler ou insaississables, simulation d'un rapport en moins prenant d'une dette ou d'une donation, etc) : en aucun cas il ne pourra exiger qu'il se déroule dans les conditions qu'il juge les plus favorables aux intérêts du Trésor.

Il est à noter que les frais de cette intervention seront supportés par le Trésor (Code civ., art. 882). Il s'agit de frais engagés par les indivisaires (frais de convocation du créancier). Lorqu'ils auront donné lieu à règlement, justifié par un état de frais de poursuites, ils ne seront donc pas pris en charge.

Provoquer le partage, si les indivisaires restent inactifs.

52Dans le cas où les indivisaires ne provoquent pas eux-mêmes le partage, il n'est pas d'autre solution que de le faire à leur place : le comptable est alors réputé agir au nom de son débiteur (Code civ., art. 815-17. al. 3).

53Il convient à cet égard de fonder les assignations à fin de partage délivrées au débiteur et à ses coïndivisaires sur les dispositions de l'article 815-17, complétées par une référence aux articles 2092 et 2093 du Code civil 3 .

54Il n'y a pas lieu dès lors de mettre au préalable le débiteur en demeure de demander le partage pour justifier l'action sur un refus ou une négligence de sa part mais cette action ne saurait bien entendu être engagée qu'après avoir adressé une mise en demeure à l'indivisaire pour obtenir paiement de sa dette fiscale.

Incidences pratiques en matière de recouvrement.

55Il est rappelé que les coïndivisaires peuvent arrêter le cours de l'action en partage en acquittant l'obligation en nom et en l'acquit du débiteur (Code civ., art. 815-17, al. 3). L'engagement d'une action en partage peut donc dans certaines circonstances suffire à entraîner le paiement de la créance du Trésor.

56Les créanciers n'ont pas le droit d'imposer un partage judiciaire aux indivisaires si ceux-ci sont d'accord pour procéder à un partage amiable. Le comptable ne doit donc pas poursuivre l'instance mais demander au tribunal de fixer un délai aux indivisaires pour procéder à la répartition des biens indivis. L'intention des indivisaires se manifestera par une invitation à assister à cette répartition. l'assignation du créancier valant opposition au sens de l'article 882 du Code civil.

57Si des lots de valeur égale ne peuvent pas être constitués, le comptable a la faculté d'appréhender par voie de saisie-arrêt ou d'avis à tiers détenteur, les soultes dues par les autres coïndivisaires à son débiteur.

58D'autre part, dans l'éventualité où le partage nécessite l'adjudication d'un bien indivis sur lequel le comptable a inscrit l'hypothèque légale du Trésor. il sera désintéressé à son rang sur la portion du prix représentant la part de son débiteur.

59A défaut d'hypothèque ou de toute autre garantie spéciale, il est possible, en cas de réalisation de biens dans le cadre du partage, d'appréhender la portion du prix revenant au débiteur, entre les mains du notaire éventuellement dépositaire de deniers.

60Bien entendu, si le débiteur du Trésor se voit attribuer un lot constitué de biens meubles ou immeubles, ces biens étant entrés dans son patrimoine en toute propriété, il appartient au comptable d'exercer son action dans les conditions habituelles, étant précisé, qu'en ce qui concerne les immeubles, ceux-ci peuvent se trouver grevés rétroactivement à la date de l'acte de partage ou de l'adjudication, du privilège du copartageant pour le paiement des soultes (Code civ., art. 2103-3° et 2109).

Cas particuliers de l'indivision conventionnelle.

61Lorsqu'il est empêché de provoquer le partage par le fait de la conclusion d'une convention d'indivision à durée déterminée, le comptable peut, comme tout créancier dans cette situation, poursuivre la saisie et la vente de la quote-part de son débiteur dans l'indivision, en suivant les formes prévues par le Code de procédure civile (Code civ., art. 1873-15 nouveau ; cf. n° 31 ).

Bien que le législateur n'ait apporté aucune autre précision sur la nature de la procédure à utiliser, il y a lieu de penser, compte tenu de l'analogie qu'il a instituée entre la cession de droits indivis et celle de droits sociaux (Code civ., art. 815-14, 815-15 et 1873-12), que le créancier doit procéder par voie de saisie-arrêt suivie d'une vente aux enchères. comme s'il s'agissait de parts sociales.

L'exploit de saisie-arrêt est notifié soit au gérant de l'indivision s'il en a été désigné un, soit à défaut, conjointement à chacun des coïndivisaires du débiteur poursuivi. Après le jugement de validité il y a lieu de confier le soin à un notaire de procéder à l'adjudication en respectant les formalités prévues par l'article 815-15 destinées à permettre aux coïndivisaires d'exercer leur droit de substitution. Le choix du notaire est laissé à l'appréciation du service. toutefois, il serait préférable de retenir soit l'officier ministériel qui a eu éventuellement à connaître de l'indivision (notaire de la succession, notaire qui a rédigé. le cas échéant, la convention d'indivision par exemple) soit celui du lieu de situation du bien indivis.

1   C'est ainsi, par exemple, qu'il serait sans effet de délivrer un avis à tiers détenteur au notaire chargé dune succession. tant que le partage n'est pas effectif.

2   Sont concernés tous les actes qui ont le caractère d'un partage : partage partiel, attribution des bénéfices annuels, avance sur part... (cf n° 5 ).

3   Les frais de ces assignations, comme d'une manière générale, les frais engagés par le Trésor demandeur au partage. devront être mis à la charge du débiteur ; ces frais se trouvent. en effet. en dehors des prévisions de l'article 882 du Code civil (comp. 2°).