Date de début de publication du BOI : 30/10/1999
Identifiant juridique : 12C2232
Références du document :  12C2232

SOUS-SECTION 2 VENTE AMIABLE ET APPORT D'UN FONDS DE COMMERCE

SOUS-SECTION 2

Vente amiable et apport d'un fonds de commerce

GENERALITES

1.La législation sur le fonds de commerce, qui repose sur la loi du 17 mars 1909, a pour principal objet la protection des créanciers du propriétaire ou de l'exploitant du fonds de commerce.

Le mécanisme essentiel pour protéger les créanciers du vendeur d'un fonds de commerce consiste à rendre le prix de vente temporairement indisponible entre les mains de l'acquéreur et à soumettre la vente à une publicité afin que les créanciers puissent faire opposition au paiement du prix et même requérir la mise aux enchères du fonds avec surenchère du prix.

2.Par ailleurs, en cas d'apport d'un fonds à une société, qu'il s'agisse d'une société en voie de formation ou d'une société déjà formée, la loi du 17 mars 1909 a prévu que la société bénéficiaire de l'apport serait solidairement tenue des dettes de l'apporteur, celles-ci étant révélées par les déclarations faites par les créanciers à la suite de la publicité donnée à l'apport en société.

3.Pour obtenir le paiement des sommes dues à leur caisse par le vendeur ou l'apporteur d'un fonds de commerce, les comptables des impôts sont tenus en principe de se conformer aux règles édictées par ces textes.

Toutefois, lorsqu'il y a vente du fonds, ils ont la faculté d'appréhender le prix par la procédure d'avis à tiers détenteur pour le recouvrement d'impositions privilégiées.

  A. VENTE D'UN FONDS DE COMMERCE

  I. Publicité de la vente

4.La publicité consiste à informer les créanciers du cédant de la cession du fonds, grâce à des mesures de publicité particulières, et à leur permettre de se faire connaître de l'acquéreur au moyen d'une opposition simplifiée qu'ils doivent pratiquer durant une courte période pendant laquelle le prix demeure indisponible entre les mains de celui-ci.

5.L'acquéreur ne peut donc pas régler le prix au vendeur, tant que n'est pas expiré le délai que fait courir la publication. Il ne peut pas non plus le faire après ce délai si des oppositions se sont manifestées. En payant, l'acquéreur s'exposerait à payer une deuxième fois, puisqu'un tel paiement ne serait pas opposable aux créanciers du vendeur.

6.Dans la pratique, le prix du fonds payable au comptant est remis soit à l'intermédiaire-rédacteur de l'acte soit au notaire et c'est celui-ci qui est séquestre de ce prix pendant le délai des oppositions.

1. Champ d'application.

7.La vente du fonds de commerce a été réglementée par la loi du 17 mars 1909.

8.Le système institué par les articles 3 à 6 de cette loi s'applique à toute vente ou cession d'un fonds de commerce consentie même sous condition ou sous la forme d'un autre contrat, ainsi qu'à toute attribution du fonds par partage ou licitation.

9.Les mesures de publicité prescrites par la loi du 17 mars 1909 doivent être obligatoirement respectées lorsque la cession ou le partage porte sur un fonds de commerce, c'est-à-dire sur une universalité comprenant des éléments corporels, qui ne sont pas essentiels, et des éléments incorporels parmi lesquels figure la clientèle sans laquelle un fonds ne saurait exister.

La doctrine et la jurisprudence s'accordent pour reconnaître que la clientèle est l'élément essentiel du fonds de commerce et que l'existence ou l'absence de la clientèle conditionne donc l'existence de la cession du fonds (Cass, com. 6 février 1973, Bull. civ. IV n° 63 p. 56).

10.Une vente portant sur un élément isolé du fonds de commerce autre que la clientèle n'est pas soumise à publicité (Cass civ. 13 mars 1944, D.P. 1944-1-83).

Ainsi, la vente isolée d'un élément, tel que le droit au bail ou le matériel, ne peut être considérée comme emportant la vente du fonds en son entier que s'il résulte des circonstances de l'affaire que la clientèle est implicitement cédée avec cet élément.

Dans ce cas, le paiement est inopposable aux tiers en l'absence de formalité de publicité (cf. infra n°s 17 et 18 ). Doivent aussi être assimilées à des ventes en bloc du fonds, la cession de la licence de débit de boissons avec la clientèle (rappr. Cass. 29 mai 1953, JCP 1953.II.7720).

Des ventes séparées, et quelquefois échelonnées, à un même acquéreur des différents éléments composant le fonds constituent a fortiori une cession portant sur tous les éléments composant ce fonds.

11.Par ailleurs, la loi du 17 mars 1909 est inapplicable, en l'absence de simulation, au cas de cession de la majorité des parts (Cass. com. 22 janvier 1974, Bull. civ. IV n° 28 p. 22).

De même, il a été jugé que la cession de toutes les parts d'une société à responsabilité limitée à un tiers est pleinement valable comme portant seulement sur des parts sociales et non pas sur un fonds de commerce dès lors que, d'une part, la réunion de toutes les parts ou actions en une seule main n'entraîne plus de plein droit la dissolution de la société, et que, d'autre part, il n'est pas établi que, dans l'esprit des parties, l'acte litigieux ait dissimulé la vente du fonds sous la forme d'une cession de parts (Cass. com. 4 janvier 1971, Bull. civ. IV n° 4 p. 5).

12.En revanche, la publicité est nécessaire lorsque la cession des parts ou des actions d'une société dissimule la vente d'un fonds de commerce (Cass. com. 29 novembre 1971, Bull. civ. IV n° 286 p. 267).

L'existence de la simulation de la vente de fonds de commerce relève de l'appréciation souveraine des juges du fond (Cass. com. 22 janvier 1974, précité).

2. Mesures de publicité.

a. Formes de la publicité.

13.Elles sont prévues aux trois premiers alinéas de l'article 3 de la loi du 17 mars 1909.

La publicité prend la forme de publications dans des journaux d'annonces légales qui doivent être précédées de l'enregistrement de la vente.

1° Enregistrement.

14.La transmission de propriété d'un fonds de commerce doit être enregistrée à la recette des impôts compétente dans le délai d'un mois à compter de sa date (art. 3 al. 2 de la loi du 17 mars 1909 et art. 635-2-5° du CGI).

Les publications dans les journaux d'annonces légales doivent indiquer les références de cet enregistrement et la recette où a eu lieu l'opération.

A défaut d'enregistrement, ou même à défaut de mention dans les publications de cet enregistrement, la publicité est nulle. La vente reste toutefois valable.

2° Publication dans les journaux d'annonces légales.

15.La vente d'un fonds de commerce doit faire l'objet :

- d'une insertion dans un journal d'annonces légales de l'arrondissement ou du département (art. 3 al. 1 de la loi du 17 mars 1909). Cette insertion doit être faite dans la quinzaine du jour de la vente (le texte antérieur prévoyait une deuxième insertion mais l'obligation de celle-ci a été supprimée par le décret du 3 décembre 1987, art. 1er) ;

- d'une publication, dans les quinze jours de cette insertion, au Bulletin Officiel des annonces civiles et commerciales (B.O.D.A.C.C.) (art. 3, al. 4).

16.Les insertions doivent énoncer, outre les mentions d'enregistrement de l'acte :

- la date de l'acte ;

- les noms, prénoms et domiciles de l'ancien et du nouveau propriétaire ;

- la nature et le siège du fonds ;

- le prix stipulé, y compris les charges, ou l'évaluation ayant servi de base à la perception des droits d'enregistrement ;

- l'indication du délai fixé pour les oppositions ;

- une élection de domicile dans le ressort du tribunal (art. 3, al. 2).

b. Sanction du défaut de publication ou omission d'une insertion.

17.L'article 3 de la loi du 17 mars 1909 prévoit dans son dernier alinéa que l'acquéreur, qui n'a pas fait, dans les formes prescrites, les publications, ne sera pas libéré à l'égard des tiers.

Dès lors, en cas de défaut de publication, il y a lieu de considérer que les délais n'ayant pas couru, les créanciers conservent indéfiniment le droit de faire opposition et de réclamer un second paiement.

L'indisponibilité qui frappe le prix peut être invoquée par tous les créanciers du vendeur et elle se prolonge aussi longtemps que la vente n'a pas été publiée. Tout paiement, même partiel, du prix est inopposable à ces créanciers s'il intervient avant la publication de la vente, sans que l'acquéreur puisse d'ailleurs, pour se soustraire à cette sanction, faire valoir qu'il n'a reçu aucune opposition préalable de ces créanciers, puisque, à défaut de publicité, le délai des oppositions n'a pas commencé à courir (cf. Cass. com. 1er juin 1981, JCP 1982.II.19878, comm. X... ).

Le fait que la vente n'ait pas été publiée n'est toutefois pas une cause de nullité, la seule sanction consistant dans la non-libération de l'acquéreur à l'égard des tiers s'il paye son vendeur sans avoir accompli les formalités (PARIS 9 janvier 1929, JCP 1929.347).

18.S'agissant des irrégularités de forme de la publication, il a été jugé qu'en l'absence, dans l'avis de cession, de l'indication du délai légal de dix jours, l'opposition d'un des créanciers du vendeur au paiement du prix, ne peut, du seul fait qu'elle est formée hors de ce délai, être déclarée irrecevable (Cass. com. 16 janvier 1996, Bull. civ. IV n° 17 p. 13).

  II. Opposition au paiement du prix

1. Délais dans lesquels elle doit être formée.

19.Les formalités de publication font courir un délai de dix jours, qui part de la dernière en date des publications, pendant lequel les créanciers du vendeur peuvent faire opposition au paiement du prix. L'acquéreur qui, sans avoir fait dans les formes prescrites les publications ou qui aura payé son vendeur avant l'expiration du délai de 10 jours, ne sera pas libéré à l'égard des tiers (art. 3, al. 4).

20.Le point de départ du délai d'opposition ne dépend pas de l'accomplissement de la formalité d'immatriculation laissée à la discrétion de l'acquéreur qui peut ne pas vouloir exploiter immédiatement le fonds (Rép. min. NEUWIRTH, n° 23676, J.O. Déb. Ass. nat., 4 février 1980, JCP 1980. IV. 188).

De même, le créancier forclos ne saurait se prévaloir du défaut d'insertion au registre du commerce de la cessation d'activité du cédant (Cass. com. 24 février 1981, Bull. civ. IV n° 101 p. 77).

Enfin, si les oppositions doivent être faites au plus tard avant l'expiration du délai, les créanciers peuvent valablement faire opposition avant même que le délai ne coure, c'est-à-dire dès qu'ils ont connaissance de la cession et notamment, s'agissant des receveurs des impôts, après les formalités d'enregistrement.

L'attention est toutefois appelée sur un risque éventuel, dans cette situation, résultant d'un changement dans la personne chargée de recevoir les oppositions.

Dès lors, si l'opposition est effectuée avant la publicité dans les journaux d'annonces légales, il convient de vérifier, après celle-ci, que l'élection de domicile est identique à celle où ont été adressées les oppositions.

En cas de modification, il convient de renouveler l'opposition au paiement du prix auprès de la personne mentionnée dans les insertions.

2. Créanciers pouvant faire opposition.

21.L'opposition peut être faite par tout créancier du vendeur, que sa créance soit exigible ou non. Toutefois, le bailleur ne peut pas faire opposition pour les loyers en cours ou à échoir, mais seulement pour les loyers échus s'ils sont encore dus (art. 3, al. 4).

22.Les créanciers inscrits n'ont toutefois pas besoin de faire opposition pour conserver leur droit, leur inscription ayant précisément pour objet de les garantir en assurant un paiement préférentiel. En effet, en vertu de l'article 22 de la loi du 17 mars 1909, les privilèges du vendeur et du créancier gagiste suivent le fonds en quelques mains qu'il passe.

23.Dès lors que l'opposition peut être formée pour les créances non encore exigibles, elle est susceptible d'être pratiquée pour des impositions non encore définitivement établies.

En particulier, il peut en être ainsi en cas de mise en oeuvre d'une procédure de redressement, lorsqu'au moment de la cession du fonds de commerce, les rappels n'ont pas encore été notifiés au redevable ou, s'il l'ont été, lorsque celui-ci n'y a pas répondu et que le délai de réponse n'est pas expiré.

Dans ce cas, l'absence de titre exécutoire ne fait pas obstacle à la signification d'une opposition au paiement du prix de vente du fonds de commerce établie sur la base d'une liquidation provisoire.

24.Pour que l'opposition soit valable, elle doit impérativement être chiffrée. A défaut, elle est réputée inexistante.

Par conséquent, si au moment de l'opposition la créance n'est pas chiffrée, il convient de demander au service d'assiette de l'évaluer et d'en indiquer le montant dans l'acte d'huissier.

25.Il est toujours possible de renouveler une opposition, pour augmenter la somme déjà déclarée, dans les dix jours de la publication au BODACC, mais passé ce délai il n'est plus possible de parfaire la créance par voie d'opposition.

3. Formes de l'opposition.

a. Opposition dans les formes prévues par la loi du 17 mars 1909.

26.L'opposition doit être faite au domicile élu mentionné dans les insertions. Elle doit être notifiée par exploit d'huissier et doit à peine de nullité contenir (cf. modèle annexe I) :

- l'énoncé du chiffre et des causes de la créance qui motive l'opposition (cf. supra n°s 24 et 25 )

Le montant et surtout la nature des impositions visées ainsi que leur caractère privilégié doivent être expressément mentionnés dans les actes valant opposition.

Par ailleurs, si le séquestre demande des précisions complémentaires sur la créance fiscale quant à son existence, son montant ou sa nature afin de pouvoir procéder régulièrement à la répartition du fonds, le comptable des impôts doit lui adresser les justifications nécessaires en copie, notamment les titres exécutoires.

A défaut de l'indication de ces mentions, le séquestre serait fondé à procéder à la distribution du prix sans tenir compte des droits du Trésor.

- une élection de domicile dans le ressort de la situation du fonds (art. 3, al. 4).

Selon une réponse ministérielle, les frais de l'acte d'opposition sont acquittés par le créancier, auteur de l'opposition mais rien ne s'opposerait à ce que le créancier en demande le remboursement au débiteur à l'occasion de la procédure judiciaire qu'il mettra en oeuvre pour faire reconnaître sa créance (Rép. min. 1358, J.O. Déb. Ass. nat, 14 novembre 1988, p. 3257).