Date de début de publication du BOI : 30/10/1999
Identifiant juridique : 12C2231
Références du document :  12C223
12C2231

SECTION 3


SECTION 3



PREAMBULE


Le fonds de commerce constitue généralement le gage mobilier le plus important des créanciers du commerçant.

Afin d'assurer la protection de leurs intérêts, le législateur a été amené à entourer la cession ou l'apport de ce bien de formalités particulières.

Par ailleurs, afin d'éviter un démembrement du fonds qui résulterait de la vente séparée des éléments corporels, le législateur a également prévu une procédure de vente globale.

Ces procédures ont été prévues dans la loi du 17 mars 1909 relative à la vente et au nantissement du fonds de commerce.

Pour obtenir le paiement des sommes dues à leur caisse par le propriétaire de fonds de commerce, les receveurs des impôts sont tenus, en principe, de se conformer aux règles édictées par ces textes.

Cependant, les comptables publics peuvent recourir à des procédures spécifiques.

Cette section expose les mécanismes essentiels de ces diverses règles et précise les mesures pratiques auxquelles il convient de se conformer pour exercer les droits du Trésor.


SOUS-SECTION 1

Généralités sur le fonds de commerce



  A. COMPOSITION DU FONDS DE COMMERCE


1.Aucune loi française ne définit le fonds de commerce. La loi fournit seulement un certain nombre de critères permettant de préciser la notion de fonds de commerce.

2.Ainsi, la loi du 17 mars 1909 sur la vente et le nantissement des fonds de commerce énumère les éléments qui composent le fonds et pose certaines règles qui permettent de définir des principes sur les conditions d'existence et la nature du fonds de commerce.

3.Le fonds de commerce n'est pas homogène. Il est composé d'éléments disparates qui peuvent être aisément détachés du fonds et sont essentiellement périssables.

4.La loi distingue les éléments incorporels des éléments corporels et y attache certaines conséquences (par exemple, l'obligation de fixer des prix distincts).


  I. Les éléments incorporels


5.La loi du 17 mars 1909, dans son article 1er, alinéa 2, cite l'enseigne et le nom commercial, le droit au bail, la clientèle et l'achalandage.

L'article 9, alinéa 1er, indique en outre les brevets d'invention, les licences, les marques de fabrique et de commerce, les dessins et modèles industriels et généralement les droits de propriété industrielle, littéraire ou artistique qui y sont attachés.

6.L'énumération donnée par la loi n'est pas limitative.

7.En principe, les créances et dettes de l'exploitant du fonds, les contrats qu'il conclut, ne font pas partie du fonds de commerce.

8.Dans certains cas, créances et dettes deviennent des éléments du fonds.

C'est ainsi que le droit au bail est expressément prévu par la loi du 17 mars 1909 comme un élément du fonds de commerce.

Le Code du travail prévoit également qu'en cas de modification dans la situation juridique de l'employeur, les contrats en cours subsistent entre le nouvel entrepreneur et le personnel de l'entreprise.

De même, en matière d'impôt sur les revenus, l'article 1684-1 du Code général des impôts rend, à certaines conditions, le cessionnaire d'un fonds de commerce solidairement responsable des impôts dus par le cédant pour les bénéfices réalisés pendant l'exercice en cours. La dette d'impôt se trouve ainsi incorporée au fonds et se transmet avec lui.

9.Par ailleurs, un certain nombre de commerces nécessitent pour leur création, leur exploitation, des autorisations, des licences, des agréments, des cartes professionnelles, etc...

Certaines de ces autorisations ont un caractère personnel, de sorte qu'elles ne peuvent être un élément du fonds.

Dans d'autres cas, elles ont un caractère réel car étant acquises pour un fonds de commerce déterminé, elles restent acquises de plein droit pour l'acquéreur du fonds, devenant ainsi un élément du fonds.

Il en est ainsi des licences des débits de boissons. Ces licences, du moins la licence de quatrième catégorie, dite « grande licence », a une importance capitale pour le fonds, puisqu'en principe l'ouverture de tout nouvel établissement de quatrième catégorie est interdite. Elle constitue donc un élément important du fonds de commerce.

De même, les commerçants qui s'établissent ou transfèrent leur fonds dans l'enceinte d'un marché d'intérêt national, le font grâce à un droit d'occupation privative d'emplacement qui est concédé par l'administration du marché.

Le titulaire de l'emplacement peut présenter à l'agrément de l'administration un successeur qui sera subrogé dans ses droits, de sorte que ce droit d'occupation tend à devenir une valeur patrimoniale.

10.Enfin, lorsqu'il existe un droit de concession immobilière, bien qu'il apparaisse que ce droit est un droit réel, le concessionnaire peut donner son droit en location-gérance. Il doit donc être considéré comme un élément du fonds de commerce au même titre que le droit au bail.


  II. Les éléments corporels


11.La loi du 17 mars 1909 indique comme éléments corporels le matériel et les marchandises (art. 1er, al. 3 et 5, art. 15, al. 1er notamment).

Le matériel comprend tous les meubles corporels qui permettent l'exploitation du fonds de commerce : meubles meublants, outillage, machines.

Les marchandises (stocks) comprennent tous les meubles corporels destinés à être vendus, l'achat et la revente de ces meubles étant l'objet même de l'exploitation.

12.La loi du 17 mars 1909 ne mentionne jamais les immeubles et ne les comprend notamment pas dans la liste limitative des éléments pouvant être donnés en nantissement.

En conséquence, le comptable public créancier qui demande la vente en bloc d'un fonds exploité par un commerçant dans un immeuble dont il est propriétaire, ne peut obtenir que le débiteur soit tenu de consentir un bail à l'adjudicataire (ROUEN, 31 janvier 1958, D. 1958.398, LYON, 12 mars 1959, Gaz. Pal. 1959.2.15).

13.Les immeubles par nature et par destination ne constituent jamais un élément du fonds de commerce.


  B. CONDITIONS D'EXISTENCE ET NATURE DU FONDS DE COMMERCE



  I. Conditions d'existence du fonds


1. Eléments essentiels du fonds.

14.Un fonds de commerce peut comprendre un grand nombre d'éléments. Mais il n'est pas nécessaire, pour qu'il y ait un fonds, que tous ces éléments soient réunis.

15.Il est admis que les éléments corporels ne sont pas des éléments essentiels du fonds.

En revanche, la clientèle constitue l'élément essentiel du fonds de commerce (Cass. civ. 3ème 18 mai 1978, RTD Com. 1978.559 ; Com, 16 janvier 1990, JCP 1991.II 21662).

C'est ainsi que dans un arrêt du 14 avril 1992, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a précisé que la cession d'une branche autonome d'activité à laquelle est attachée une clientèle propre constitue une cession de fonds de commerce indépendante (Bull. civ. IV n° 161 p. 113).

16.Le droit au bail ne constitue pas, de plein droit, un élément nécessaire du fonds de commerce (Cass. com. 27 avril 1993, Bull. civ. IV n° 156 p. 108).

Dès lors, la seule cession de bail ne constitue celle du fonds de commerce que lorsqu'elle implique la cession de la clientèle (Cass. civ. 20 juin 1979, Bull. civ. Il n° 186 p. 129).

17.La licence de débits de boissons est un accessoire du fonds de commerce et elle ne peut, à elle seule, constituer un fonds de commerce.

Il a été jugé que la cession distincte du mobilier et d'une licence de débit de boissons ne comportant aucun élément relatif à la nature et à l'importance d'une clientèle, ni au chiffre d'affaires d'un fonds de commerce, ne constitue pas la vente d'un fonds de commerce (Cass. com. 26 mars 1996, D. Affaires 1996.640).

Par ailleurs, en cas de cession du fonds, la licence est présumée être cédée avec le fonds (Cass. com. 26 avril 1984, Bull. civ. IV n° 136 p. 114), mais le fonds peut être cédé sans la licence (Cass. com. 29 mai 1953, JCP 1953.11.7720).

2. Caractère commercial du fonds de commerce.

18.L'objet du fonds doit permettre de faire des actes de commerce de telle façon que celui qui exploite le fond, effectuant des actes de commerce et en faisant sa profession habituelle, ait normalement la qualité de commerçant.

19.Par suite de défaut de caractère commercial ne constituent pas des fonds de commerce :

- les clientèles civiles des avocats, des médecins, des chirurgiens-dentistes, des architectes ;

- les établissements artisanaux.

Les tribunaux de l'ordre judiciaire donnent de la notion d'artisan une définition beaucoup plus restrictive que celle résultant du droit fiscal. La jurisprudence civile exige que l'artisan tire l'essentiel de ses ressources de son travail personnel et ne spécule pas sur la valeur des marchandises (Cass. com. 12 mai 1969, Bull. civ. IV n° 159 p. 154).

En revanche, lorsque l'exploitant ne se contente pas d'une manière générale de commander des marchandises au fur et à mesure de ses besoins, mais fait des achats constituant de véritables approvisionnements dont il peut tirer des bénéfices spéciaux, il est considéré comme faisant des actes de commerce. Dès lors, la vente du fond de ces « artisans-commerçants » est soumise aux formalités de la loi du 17 mars 1909 (Cass. Soc. 24 octobre 1952, JCP 1953. II. 7378).

- les entreprises publiques.

Les établissements publics ne sont pas propriétaires d'un fonds de commerce (Cass. civ. 29 janvier 1952, D. 1952.737).

20. Observation  : il a été jugé que les débits de tabac ne constituent pas des fonds de commerce (Req. 13 mars 1905, D 1907.1.15).


  II. Nature du fonds de commerce


1. Le fonds de commerce, universalité.

21.Le fonds de commerce est une universalité, en ce sens qu'il est un bien distinct des éléments qui le composent, mais il n'est pas une universalité de droit, c'est-à-dire un patrimoine ayant un passif propre.

Il est en outre observé que le fonds considéré globalement a, en fait, une valeur supérieure à la somme des valeurs de ses divers éléments. C'est pour cela que la loi du 17 mars 1909 prévoit, sur poursuites en vue de la vente séparée d'éléments, la possibilité d'une conversion en vente globale du fonds (art. 15 et 20).

2. Le fonds de commerce meuble incorporel.

22.La nature mobilière du fonds est indiscutable, les fonds ne comprennent d'ailleurs que des éléments mobiliers.

Par ailleurs, il résulte de la nature du fonds de commerce, universalité mobilière de nature incorporelle, que l'article 2279 du Code civil, qui prévoit qu'en fait de meuble la possession vaut titre, n'est pas applicable (Cass. civ. 1ère 2 mars 1960, Bull. civ. I n° 141 p. 112). Il ne peut y avoir également prescription acquisitive du fonds.