SOUS-SECTION 3 EFFETS DE L'AVIS À TIERS DÉTENTEUR
3° Obligations du receveur en cas de saisie(s) existante(s).
135.L'article R 145-33 du Code du travail fait obligation à l'employeur d'informer le comptable saisissant de la procédure de saisie en cours ; l'accusé de réception de l'imprimé de l'avis à tiers détenteur a été complété à cette fin.
Dès qu'il a connaissance de l'existence de la saisie en cours, le receveur doit porter à la connaissance du secrétariat-greffe du tribunal qui conduit la saisie des rémunérations les éléments d'information suivants :
• la date de l'avis à tiers détenteur ;
• la date de la dénonciation au redevable.
Dans les deux cas, il y a lieu de prendre en compte la date de réception, c'est-à-dire celle qui figure sur l'avis de réception postal signé par le destinataire.
136.Par ailleurs, dès qu'il constate l'extinction de la dette du redevable par paiement ou par dégrèvement, le receveur doit prévenir le greffe afin qu'il procède à l'information des créanciers quant à la reprise, à leur profit, des versements de la quotité saisissable.
Enfin, le receveur poursuivant devra assurer l'information de l'employeur en cas de diminution importante de la créance fiscale, par voie de dégrèvement notamment.
b. Concours d'avis à tiers détenteur.
137.Pour le règlement des situations de concours entre deux avis à tiers détenteur émanant d'un comptable du Trésor et d'un receveur des impôts, il y a lieu de faire application des articles L 263 alinéa 3 du LPF et L 145-7 du Code du travail.
Par conséquent, si les deux ATD sont reçus par l'employeur « simultanément », c'est-à-dire le même jour, celui-ci doit répartir la portion saisissable entre les deux comptables publics au marc le franc (au prorata de leurs créances).
c. Avis à tiers détenteur et cessions des rémunérations.
1° Principe.
138.Les dispositions du Code du travail issues de la loi du 9 juillet 1991 et du décret du 31 juillet 1992 (art. L 145-12 et R 145-43) prévoient qu'en cas de saisie portant sur une rémunération sur laquelle une cession a été antérieurement consentie et régulièrement notifiée, le cessionnaire est de droit réputé saisissant pour les sommes qui lui restent dues tant qu'il est en concours avec d'autres créanciers saisissants.
Le cessionnaire viendra donc en concours avec le saisissant pour la répartition des sommes saisies. Le règlement des créanciers en concours s'effectue en fonction des causes légitimes de préférence (article L 145-7 du Code du travail).
139.L'article R 145-41 précise que la notification de la cession à l'employeur, qui la rend opposable -au tiers doit être effectuée dans le délai d'un an. A défaut, elle est périmée.
140.A noter cependant qu'en cas de concours avec une saisie opérée par un comptable pour des impositions privilégiées, la cession des rémunérations et la règle du concours qui en résulte n'est pas opposable au comptable pour la moitié de la portion saisissable ou cessible (cf. art. L 264 du LPF). Ce texte n'est en réalité applicable que lorsque la cause légitime de préférence du cessionnaire prime le privilège du Trésor.
2° Conséquences.
141.A réception de l'ATD, l'employeur doit, en application de l'article R 145-33 du Code du travail, suspendre le versement direct au cessionnaire des sommes cédées jusqu'à complet règlement de la créance fiscale et informer le comptable saisissant de la cession en cours (art. L 145-8 du Code du travail). Ce versement direct est effectué en application de l'article R 145-42 du Code du travail.
L'accusé de réception de l'avis à tiers détenteur comporte une mention à cet effet que l'employeur doit remplir s'il y a lieu.
Pour sa part, le receveur doit indiquer au secrétariat-greffe la date de l'avis à tiers détenteur et celle de sa notification au redevable (art. R 145-33 du Code du travail).
III. Avis à tiers détenteur sur créances conditionnelles ou à terme
142.Le 1er alinéa de l'article L 263 du LPF prévoit que l'avis à tiers détenteur a pour effet d'affecter, dès réception, les sommes dont le versement est ainsi demandé au paiement des impositions privilégiées, quelle que soit la date à laquelle les créances mêmes conditionnelles ou à terme que le redevable possède à l'encontre du tiers détenteur deviennent effectivement exigibles.
143.L'avis à tiers détenteur peut ainsi toucher les créances répétitives : loyers, contrats, rémunérations, etc. Dans cette hypothèse, l'effet de l'avis à tiers détenteur se prolonge jusqu'à ce que l'impôt visé par l'avis soit acquitté.
144.En revanche, lorsqu'il vise un compte bancaire, les sommes inscrites ultérieurement au crédit du compte ne sont atteintes par l'avis à tiers détenteur que si elles représentent le dénouement d'opérations déjà engagées entre la banque et son client.
IV. Avis à tiers détenteur sur créances à exécution successive
1. Principe.
145.Le deuxième alinéa de l'article 13 de la loi du 9 juillet 1991 a précisé que les saisies pouvaient porter sur les créances conditionnelles, à terme ou à exécution successive.
Les articles 69 à 72 du décret du 31 juillet 1992 consacrent une section entière à la saisie des créances à exécution successive.
Cette dernière obéit à la procédure ordinaire de la saisie-attribution définie aux articles D 55 à D 68.
Compte tenu que l'effet de l'avis à tiers détenteur est identique à celui d'une saisie-attribution, il convient de considérer que les principes sont transposables d'une mesure de poursuite à l'autre même si dans la forme, l'avis à tiers détenteur conserve son autonomie.
2. Définition et saisie de la créance à exécution successive.
a. Définition.
146.Dans l'ancienne saisie-arrêt, la jurisprudence appliquait le principe selon lequel une saisie pouvait porter sur une créance qui n'était ni certaine ni liquide ni exigible à la date de la saisie, mais qui existait « en germe » dans le patrimoine du débiteur (Cass. civ. 16 février 1978, JCP 1979 II 19055 ; Cass. civ. 13 mai 1987, JCP 1988 II 20923).
Ce principe, transposé aux avis à tiers détenteur, permettait ainsi d'appréhender des créances affectées d'un terme, d'une condition ou dont les modalités d'exécution prévoyaient des échéances successives.
147.Désormais, la loi de 1991 vise expressément ces types de créances sans toutefois en préciser le contenu.
148.La créance à exécution successive peut s'analyser comme une obligation résultant d'un acte juridique contractuel, légal ou juridictionnel isolé, dont les modalités d'exécution échelonnées dans le temps n'affecteraient que l'exigibilité et n'empêcheraient pas la saisie pour la totalité des versements non encore échus.
149.Il a été ainsi jugé que des loyers, afférents à un contrat de bail, constituaient une créance à exécution successive (Cass. avis n° 29, 16 décembre 1994, JCP 1995, éd. G, 22409 ; Cass. civ. 2 ème , 10 juillet 1996, Bull. civ. Il n° 209 p. 127). Les versements périodiques correspondent à des échéances successives mais l'obligation de payer résulte uniquement du contrat initial de location (dans ce sens, note E. PUTMAN sous AIX-EN-PROVENCE, 20 juillet 1994, JCP 1995, éd. G, 22408).
150.L'administration estime que, sous réserve de l'appréciation des tribunaux, un contrat de marché public donne naissance à une créance à exécution successive susceptible d'être appréhendée par voie d'avis à tiers détenteur indépendamment de l'exécution des travaux dès lors que le montant du marché est connu et fixé dès l'établissement du contrat.
Cette solution peut également s'appliquer aux travaux immobiliers ayant donné lieu à l'établissement d'un contrat prévoyant des échéances successives en fonction de l'état d'avancement des travaux.
b. Saisie de la créance à exécution successive.
151.L'avis à tiers détenteur appréhende la « créance en germe » qui existe dans le patrimoine du débiteur et qui résulte d'un acte juridique (contrat), d'une disposition légale, ou d'une décision de justice.
Le deuxième alinéa de l'article D 70 précise que le tiers saisi est tenu de se libérer entre les mains du créancier saisissant, au fur et à mesure des échéances.
152.Les paiements successifs sont faits jusqu'à extinction de la créance du saisissant.
153.En vertu du deuxième alinéa de l'article L 43, la survenance d'une saisie ultérieure n'a pas d'incidence sur l'obligation du tiers saisi tant que la créance du premier saisissant n'a pas été totalement apurée.
Enfin, la saisie cesse cependant de produire effet dès lors que le tiers saisi n'est plus tenu envers le débiteur saisi (ex. : résiliation du bail).
3. Incidence de l'ouverture d'une procédure collective.
a. Principe.
154.Aux termes des deux premiers alinéas de l'article L 43, l'acte de saisie emporte, à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée, attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie disponible entre les mains du tiers. La signification ultérieure d'autres saisies ainsi que la survenance d'un jugement portant ouverture d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire, ne remettent pas en cause cette attribution.
La combinaison des articles L 13 et L 43 de la loi de 1991 permet ainsi d'affirmer que l'ouverture d'une procédure collective n'a aucune incidence sur le résultat de l'avis à tiers détenteur notifié antérieurement (cf. supra n° 76 ).
155.C'est la conséquence directe de l'effet d'attribution immédiate qui fait sortir du patrimoine du débiteur la « créance en germe » appartenant à ce dernier pour la faire entrer immédiatement dans celui du saisissant.
Les modalités de paiement des sommes saisies au fur et à mesure de leur échéance ne sont donc pas influencées par l'ouverture d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire à l'encontre du débiteur puisque ce dernier n'a plus aucun droit de propriété sur la créance saisie, le transfert de propriété étant acquis dès l'avis à tiers détenteur.
b. Apports jurisprudentiels.
156.Les juges ont eu à se prononcer sur l'effet d'attribution immédiate attaché à un avis à tiers détenteur ou une saisie-attribution antérieure à l'ouverture d'une procédure collective lorsque la créance objet de la saisie est, totalement ou en partie, exigible après l'ouverture de cette procédure.
157.Sur ce point, la doctrine a avancé que le dessaisissement du débiteur en liquidation judiciaire et les règles particulières qui gouvernent la poursuite des contrats en cours obligeaient à considérer que la créance à exécution successive, objet de la saisie, n'est plus « disponible » pour les échéances postérieures à l'ouverture de la procédure collective, ces dernières ne pouvant être versées au créancier saisissant.
158.Cette analyse a été confirmée par la chambre commerciale de la Cour de cassation qui a statué sur les effets d'un avis à tiers détenteur notifié antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi de 1991.
Au cas particulier, elle a jugé que la créance au titre de loyers échus dans le cadre d'un contrat de location-gérance, n'avait pris naissance pour la période postérieure au prononcé du redressement judiciaire, qu'en vertu de la continuation du contrat de location décidée par l'administrateur ou le débiteur agissant avec autorisation, conformément à l'article 37 et au deuxième alinéa de l'article 141 de la loi du 25 janvier 1985 (Cass. com. 26 juin 1990, Bull. civ. IV n° 192 p. 131).
La Haute Cour a par la suite retenu qu'une créance de loyers d'immeuble échus postérieurement au prononcé du redressement judiciaire échappait au transport-cession opéré par un avis à tiers détenteur, antérieur à la procédure, en raison de l'indisponibilité dont elle se trouvait frappée dans le patrimoine du débiteur par l'effet de l'interdiction des paiements édicté à l'article 33 de la loi du 25 janvier 1985 (Cass. com. 24 octobre 1995, Bull. civ. IV n° 255 p. 235).
159.Cette analyse n'est pas applicable à une activité salariée (créance conditionnelle subissant les mêmes contraintes que les créances à exécution successive) exercée par le redevable indépedndamment de l'activité commerciale placée en redressement judiciaire (Cass. com. 19 mars 1991, Bull. civ. IV n° 107 p. 75 et note A. HONORAT, D 1991 p. 386).
160.La Cour suprême a cependant rendu des décisions confirmant le plein effet d'une saisie antérieure sur une créance à exécution successive dont les échéances interviennent au-delà de l'ouverture de la procédure collective.
161.Se plaçant du seul point de vue des dispositions de la loi du 9 juillet 1991, un avis de la Cour de cassation a notamment précisé que la saisie-attribution de créance à exécution successive, pratiquée contre les époux communs en biens et codébiteurs solidaires, antérieurement à la mise en liquidation judiciaire de l'un d'eux, poursuit ses effets sur les loyers d'un immeuble dépendant de la communauté, échus après le jugement de liquidation (Cass. avis n° 29, 16 décembre 1994, Bull. inf. 15 février 1995 p. 2 ; JCP 1995, éd. E, Pan. 226 ; D 1995 p. 166 note F. DERRIDA ; Les petites affiches, 22 février 1995, n° 23 ; RPC 1995-3 p. 269, note P. CANET).
La chambre civile de la Cour de cassation a par ailleurs confirmé un arrêt de la Cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE du 20 juillet 1994 (JCP 1995, éd. G, 22408, note PUTMAN) aux termes duquel il a été jugé qu'une créance à exécution successive résultant d'un contrat unique était disponible au même titre qu'une créance immédiatement exigible de sorte que le tiers saisi doit se libérer au fur et à mesure des échéances sans que la saisie puisse être remise en cause par l'ouverture d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire.
162.La Cour de cassation a par la suite considéré, en visant les articles L 13, L 43, D 69 et suivants, que la saisie-attribution d'une créance à exécution successive pratiquée avant l'ouverture du redressement judiciaire de son titulaire, poursuit ses effets sur les sommes échues après le jugement d'ouverture (Cass. civ., 2 ème , 10 juillet 1996, Bull. civ. Il n° 209 p. 127 précité).
163. IMPORTANT :
Dans l'attente d'une jurisprudence mieux affirmée, l'Administration considère qu'un avis à tiers détenteur définitif notifié antérieurement à la procédure collective ne peut être mis en échec pour les échéances postérieures que dans l'hypothèse où la créance, objet de la saisie, se rapporte à une activité exercée dans le cadre de celle pour laquelle le redevable a été mis en redressement ou en liquidation judiciaire et pour laquelle le mandataire de justice dispose du pouvoir de mettre fin au contrat (exemples : contrat de location-gérance où le loueur est débiteur du Trésor ; location d'immeuble inscrit au bilan de l'entreprise ; marchés publics) (Dans le sens de cette analyse, voir P. CANET, Revue des procédures collectives 1995-3 p. 265 « Les voies d'exécution issues de la loi du 9 juillet 1991 face au redressement et à la liquidation judiciaires ».