SOUS-SECTION 3 LA SAISIE IMMOBILIÈRE
4. Le jugement de la demande en distraction.
220.La demande en distraction est jugée comme un incident de la saisie immobilière.
Si la distraction n'est pas ordonnée, la procédure se poursuit.
Si la distraction est ordonnée sur la totalité des biens saisis, il n'y a plus lieu de continuer la procédure car la saisie tombe entièrement.
Si la distraction partielle est ordonnée, la procédure est poursuivie pour le surplus des immeubles saisis. Dans ce cas, le poursuivant est admis à modifier la mise à prix portée au cahier des charges (C. pr. civ., art. 726 al. 2). Il doit également modifier la désignation de l'immeuble saisi.
Le jugement rendu n'est pas susceptible d'opposition (C. pr. civ., art. 731).
En revanche, la demande en distraction soulevant une question de propriété, le jugement pourra être frappé d'appel (Cass. civ. 30 novembre 1988, Bull. civ. II n° 243 ; 29 octobre 1990, Gaz. Pal. 1991, somm. 270).
La décision statuant sur la demande en distraction est publiée en marge du commandement de saisie.
VI. La demande de sursis aux poursuites de saisie
221.Une demande de sursis aux poursuites de saisie immobilière peut être formulée dans divers cas prévus par le Code de procédure civile, à savoir :
- lorsque plusieurs immeubles étant saisis, le débiteur soutient que leur valeur est supérieure au total des créanciers du poursuivant et des créanciers inscrits (art. 676) ;
- en cas de demande en résolution de vente pour défaut de paiement du vendeur (art. 695), ou de poursuite en folle enchère ;
- en cas de remise de l'adjudication pour causes graves et dûment justifiées (art. 703) ;
- en cas de demande en distraction des biens saisis (art. 726).
En outre l'article 730 du code susvisé prévoit que si, antérieurement aux sommations aux créanciers inscrits, il a été rendu un jugement prescrivant la vente en justice des immeubles compris dans la saisie, le saisi peut assigner le saisissant en référé devant le président du tribunal de la situation des biens pour obtenir, s'il y a lieu, un sursis aux poursuites de saisie immobilière, pendant un délai qui est fixé par ce magistrat.
La continuation de la procédure de saisie immobilière est en effet inutile si une autre procédure permet de réaliser la vente des immeubles saisis dans des conditions présentant les mêmes garanties qu'une vente sur saisie.
Par « jugement prescrivant la vente en justice des immeubles », il faut entendre toute décision ordonnant la vente judiciaire d'immeuble (vente de biens de mineurs, biens dépendant d'une succession bénéficiaire ou vacante, jugement sur liquidation judiciaire des biens)
La suspension est demandée par voie de référé, selon la procédure ordinaire. Seul le créancier saisissant est mis en cause par voie d'assignation. L'ordonnance du président du tribunal n'est susceptible d'aucun recours.
Enfin, en application de l'article L 331-5 du Code de la consommation, le juge de l'exécution peut, à la demande de la Commission de surendettement, prononcer la suspension provisoire des procédures d'exécution portant sur les dettes autres qu'alimentaires.
Cette suspension des voies d'exécution s'applique également à la procédure de saisie immobilière et peut concerner une saisie effectuée par un comptable public.
La suspension provisoire n'est acquise que pour la durée de la procédure devant la Commission sans pouvoir excéder un an.
Toutefois, postérieurement à la publication du commandement aux fins de saisie immobilière, le juge de la saisie immobilière est seul compétent pour prononcer la suspension de cette procédure.
La loi du 29 juillet 1998 (n° 98-657) a ajouté qu'en cas d'urgence, le juge peut également être saisi par le Président de la Commission, son délégué, le représentant local de la Banque de France ou le débiteur lui-même.
VII. Nullités
222.Le régime général des nullités de procédure, qui fait l'objet des articles 112 à 121 du nouveau code de procédure civile, est applicable en matière de saisie immobilière. Ainsi, sont applicables les articles 114 , aux termes duquel « aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public » et 115 selon lequel « la nullité est couverte par la régularisation de l'acte si la forclusion n'est pas intervenue et si la régularisation ne laisse subsister aucun grief ».
Outre ces principes, les articles 715, 727 et 728 du Code de procédure civile définissent les conditions de l'action en nullité de la saisie immobilière.
Les textes font une distinction, en matière d'incident de saisie, entre les incidents antérieurs et postérieurs à l'audience éventuelle prévue par l'article 690 du Code de procédure civile.
Les moyens de nullité antérieurs à l'audience peuvent concerner tant la forme que le fond du droit (C. pr. civ. art. 727). En revanche, les moyens soulevés après l'audience ne peuvent viser que des vices de forme (C. pr. civ., art. 728).
1. Les causes de nullité.
223.Les causes de nullité peuvent être très diverses ; ainsi la nullité de la saisie peut être encourue pour violation d'une condition de fond (tenant soit à la créance invoquée par le créancier saisissant, soit à sa capacité ou sa qualité, soit à l'insaisissabilité de l'immeuble saisi) ou d'une condition de forme .
La nullité pour vice de forme résulte :
- soit de l'inobservation d'un délai (C. pr. civ., art. 715) ;
- soit d'une irrégularité quelconque dans le déroulement de la procédure.
a. Déchéance des actes accomplis hors délai.
224.L'article 715 du Code de procédure civile dispose que sont prescrits à peine de déchéance les délais prévus aux articles :
674 : Péremption du commandement par 90 jours ;
688 : Dépôt du cahier des charges dans les 40 jours ;
689 : Délai de 8 jours pour sommer et de 3 jours avant l'audience éventuelle pour les dires ;
690 : Délai de l'audience (30 jours) et de l'adjudication (30 et 60 jours) ;
692 : Délai de 3 jours avant l'audience éventuelle pour former la demande en résolution ;
694, paragraphes 2 et 3 : Délai de 8 jours pour mentionner les notifications et délai de 3 ans de péremption du commandement ;
696 : Délai de 30 jours au plus tôt et 15 jours au plus tard avant l'adjudication pour procéder aux formalités de publicité ;
699 : Apposition des placards (même délai que ci-dessus) ;
703, paragraphes 4 et 5 : Remise de l'adjudication. Délai de 15 jours pour la publicité ;
708 : Délai de 10 jours pour former la surenchère ;
709 : Délai de 5 jours pour la dénoncer ;
710 : Délai de 5 jours avant l'audience éventuelle pour contester la validité de la surenchère.
L'inobservation de ces délais est sanctionnée par la déchéance, mais celle-ci n'entraîne pas nécessairement la nullité de la procédure. En effet le tribunal n'est pas obligé de constater la déchéance de l'article 715 du Code de procédure civile si personne ne l'invoque (CA AIX, 21 mars 1950, JCP 1950, IV éd., A, n° 1488 ; RTD Civ., 1950, p. 561).
Mais lorsque la déchéance est invoquée, le tribunal ne peut relever les demandeurs de la forclusion encourue (Cass. civ., 3 mai 1972, Bull. cass. 1972, II, p. 104) sauf en cas de dol ou de fraude (même arrêt), sans que ceux-ci aient à faire la preuve d'un préjudice.
La déchéance encourue pour l'inobservation des délais impartis par l'article 689 du Code de procédure civile est encourue de plein droit, en l'absence de tout préjudice (Cass. civ. 29 juin 1994, Gaz. Pal. 1995, somm. 321).
b. Nullité des actes irréguliers.
225.L'inobservation des formalités prescrites aux articles susvisés ainsi qu'aux articles 673 (formes du commandement), 697 et 699 (formes de la publicité), 702 à 706 (formes des enchères et de l'adjudication) et 711 (incapacités d'enchérir des avoués) est sanctionnée par la nullité lorsqu'elle a eu pour effet de causer un préjudice aux intérêts des parties en cause (C. pr. civ., art. 715).
Mais la nullité prononcée faute de désignation suffisante de l'un ou de plusieurs des immeubles compris dans la saisie n'entraîne pas nécessairement la nullité de la poursuite en ce qui concerne les autres immeubles (C. pr. civ., art. 715 précité).
2. Les personnes qui peuvent demander la nullité.
226.La nullité peut être invoquée par toutes les personnes qui y ont intérêt et qui ont subi un préjudice .
L'action en nullité est réservée aux parties en cause dans l' intérêt desquelles le délai ou la formalité sont prescrits. Ainsi, ne peuvent invoquer la nullité :
- l'adjudicataire, car celui-ci n'a pas été partie à la saisie. De plus ce serait pour lui un moyen trop commode de revenir après coup sur son enchère (rap. Cass. civ. 14 janvier 1987, RTD civ. 1987, 608) ;
- l'auteur de l'irrégularité : celui-ci ne peut se prévaloir d'une nullité due à sa négligence ou à sa propre faute (Cass. civ. 4 mai 1987, Bull. civ. II n° 89 p. 54).
En outre les personnes qui peuvent demander la nullité doivent justifier d'un préjudice (pour les vices de forme seulement, voir Cass. civ. 7 novembre 1988, Rev. huissiers 1989, 396 ; 16 mai 1990, Bull. civ. II n° 109).
L'article 715 du Code de procédure civile dispose en effet que « les formalités prescrites par les mêmes articles ne seront sanctionnées par la nullité que si l'irrégularité a eu pour effet de causer un préjudice aux intérêts des parties en cause ». Il s'agit là de l'application d'un principe général applicable à la nullité des actes pour vice de forme (cf. art. 114 NCPC).
3. Moment auquel la nullité doit être invoquée.
227.Le moment auquel la nullité doit être invoquée est fixé par les articles 727 et 728 du Code de procédure civile qui distinguent les nullités antérieures à l'audience éventuelle de celles concomitantes ou postérieures à cette même audience.
NOTA : Les délais des déchéances prévus auxdits articles ne s'appliquent pas aux demandes en distraction de tout ou partie des biens saisis, ni aux demandes en revendication contre les adjudicataires des immeubles saisis (C. pr. civ. art., 729).
Les forclusions édictées par les articles 727 et 728 précités ne concernent que les moyens de nullité, tant en la forme de l'acte qu'au fond, mais non les déchéances prévues par l'article 715 qui peuvent être invoquées en tout état de cause (Cass. civ. 25 octobre 1995, JCP 1996, éd. N., II, 276 ; Rev. huissiers 1996 p. 249).
a. Nullités antérieures à l'audience éventuelle.
228.« Les moyens de nullité, tant en la forme qu'au fond, contre la procédure qui précède l'audience éventuelle... devront être proposés à peine de déchéance,... cinq jours au plus tard avant le jour fixé pour cette audience » (C. pr. civ., art. 727).
Le moyen de nullité est invoqué par un dire annexé au cahier des charges ou par acte d'avocat à avocat.
La date à prendre en considération pour le décompte du délai est le jour où l'audience éventuelle a réellement eu lieu, et non, en cas de report, celui auquel elle avait été primitivement fixée (PARIS 8 mars 1937, Gaz. Pal. 1937, II, p. 644).
Ainsi est irrecevable à contester, le jour même de l'adjudication, la régularité du commandement initial, le saisi qui n'avait pas contesté la régularité des sommations de prendre connaissance du cahier des charges (Cass. civ. 10 novembre 1982, D. 1983, IR p. 172, Bull. civ. II n° 143).
Le tribunal ne peut relever les demandeurs de la forclusion encourue, sauf en cas de dol ou de fraude (Cass. civ., 3 mai 1972, Bull. civ. II, p. 104). La déchéance s'applique même aux moyens de nullité absolue, tel celui tiré de l'absence de signature d'un exploit d'huissier (Cass. civ. 4 avril 1957, JCP 1957, IV, p. 74).
La déchéance prévue à l'article 727 du code précité s'applique à toutes les nullités de forme ainsi qu'aux moyens de nullité au fond contre la procédure qui précède l'audience éventuelle (Cass. civ. 9 novembre 1983, rev. huissiers 1984, 668).
En revanche la déchéance n'est pas applicable aux contestations portant sur le fond même du droit, telles que celles portant sur la validité de la convention en vertu de laquelle la saisie a eu lieu (Cass., 10 juillet 1959, D. 1960, p. 7).
b. Nullités concomittantes ou postérieures à l'audience éventuelle.
229.L'article 728 du Code de procédure civile dispose que « les moyens de nullités contre la procédure suivie à l'audience prévue par l'article 690 et contre celle postérieure à cette audience devront être proposés à peine de déchéance, au plus tard cinq jours avant l'adjudication. Il sera statué au jour fixé pour l'adjudication immédiatement avant l'ouverture des enchères ».
En principe, il ne peut s'agir que de vices de forme, les vices de fond étant couverts par l'audience éventuelle.
230. Remarque : L'action en nullité de la décision d'adjudication se prescrit par 5 ans en application de l'article 1304 du Code civil. Mais cette action n'est plus recevable s'il a été acquiescé au jugement d'adjudication, même de manière implicite, en laissant notamment poursuivre sans protestation l'ordre ouvert sur le prix d'adjudication (TGI NEVERS, 16 avril 1975, JCP 1975, IV, p. 6527).
4. Procédure.
231.Les nullités antérieures à l'audience éventuelle doivent être proposées par un dire annexé au cahier des charges par avocat constitué (C. pr. civ., art. 727 ; Cass. civ. 14 janvier 1981, Bull. civ. II n° 9).
Les nullités concomittantes ou postérieures à cette audience sont proposées par acte d'avocat à avocat.
5. Effets de la nullité.
a. Nullités antérieures à l'audience éventuelle.
232.Si les moyens de nullité sont admis, « la poursuite pourra être reprise à partir du dernier acte valable et les délais pour accomplir les actes suivants courront à dater de la signification du jugement ou arrêt qui aura définitivement prononcé sur sa nullité » (C. pr. civ. 727, 2ème al.).
Bien entendu, si la nullité est prononcée pour vice de fond, la poursuite tombe d'elle-même.
Si la demande en nullité est rejetée, la procédure de saisie suit son court (C. pr. civ., art. 727, 3 ème alinéa).
b. Nullités concomittantes ou postérieures à l'audience éventuelle.
233.Si la nullité est rejetée, il est immédiatement procédé aux enchères et à l'adjudication, puisque le tribunal statue au jour fixé pour l'adjudication et avant l'ouverture des enchères (C. pr. civ., art. 728, 3ème alinéa).
Par ailleurs, le jugement sur incident n'étant susceptible ni d'opposition ni d'appel, il n'y a pas de raison de retarder la suite de la procédure.
Si la nullité est admise, « le tribunal annule la poursuite à partir du jour de l'audience éventuelle, en autorisera la reprise à partir du même jour et fixera de nouveau le jour de l'adjudication » (C. pr. civ., art. 728).