SOUS-SECTION 3 LA SAISIE IMMOBILIÈRE
2° Attribution de la propriété entre le jour de la première adjudication et celui de l'adjudication sur surenchère.
187.Les droits de l'adjudicataire surenchéri étant résolus rétroactivement et le surenchérisseur devenant propriétaire avec la nouvelle adjudication, la question se pose de savoir qui est propriétaire entre la première adjudication et l'adjudication définitive.
La jurisprudence décide que le saisi redevient propriétaire de l'immeuble pour la période allant de la première à la deuxième adjudication (Cass. civ., 7 décembre 1868, D. 1869, I, p. 31).
C. LES INCIDENTS DE LA SAISIE IMMOBILIERE
188.La procédure de la saisie immobilière peut donner lieu à des incidents. Ceux-ci sont régis par les articles 718 à 748 du Code de procédure civile. Huit incidents sont prévus :
- le concours de plusieurs saisies ;
- la subrogation dans les poursuites ;
- la demande en distraction de la saisie ;
- la demande de sursis aux poursuites ;
- les demandes en nullité de la saisie ;
- la radiation et la péremption de la saisie ;
- la conversion en vente volontaire ;
- la folle enchère.
Cette liste n'est pas limitative ; d'autre incidents peuvent se produire au cours de la procédure. Quels qu'il soient ils obéissent tous aux principes généraux qui seront examinés ci-après.
Il importe donc de définir la notion d'incident avant d'exposer les règles générales applicables à tous les incidents, puis celles spécifiques aux incidents prévues par le Code de procédure civile.
I. Définition des incidents
189.Aucune définition générale n'est donnée par les textes. Selon la jurisprudence, seules constituent des incidents de saisie les contestations qui sont nées de la procédure de saisie et s'y réfèrent directement ; n'ont pas ce caractère les contestations portant sur le fond même du droit (Cass. 14 février 1958, D. 1958, p. 352 ; Cass. civ. 10 juillet 1959, D. 1960, p. 7 ; 12 juillet 1977, Bull. civ. II n° 182 ; 15 janvier 1978, Bull. civ. II n° 12).
Mais tous les incidents de procédure ne sont pas des incidents de saisie.
Le critère de l'incident doit également être recherché dans les causes de la contestation susceptibles d'influer sur la marche de la procédure de la saisie ; en effet si la contestation se rattache à une question de fond, il ne s'agit pas d'un incident de saisie, alors même que la décision aurait une incidence sur le cours de ladite procédure (Cass., 8 novembre 1973, D. 1974, p. 53).
190.Ont ainsi été qualifiées d'incidents :
- les demandes en nullité d'une procédure de saisie immobilière basée uniquement sur les irrégularités dans la rédaction du cahier des charges et dans l'affichage (Cass. civ. 17 avril 1969, Bull. civ. II, p. 76) ;
- les demandes de sursis à l'adjudication à raison de l'attente d'un jugement sur une demande de conversion en vente volontaire (Cass. civ. 18 février 1966, RTD 1966, p. 604) ;
- l'opposition à commandement à partir de sa publication au bureau des hypothèques (Cass. civ., 21 janvier 1976, Gaz. Palais 1976, I, somm. p. 76 ; 12 novembre 1980, Bull. civ. II n° 232 ; 20 février 1985, Bull. civ. II n° 45 ; 5 avril 1991, Gaz. Pal. 1992, pan. 162 ; 22 mai 1995, JCP 1995, éd. G, IV, 1744) ;
- la contestation portant sur le caractère exécutoire d'un titre (Cass. civ. 5 juillet 1972, JCP 1972, éd. A, IV, 1212 ; 27 juin 1990, Bull. civ. II n° 156) ;
- les demandes tendant à faire déclarer irrégulière la procédure de saisie immobilière (Cass. civ. 2e, 8 mars 1989, Bull. civ. II n° 67 p. 32) ;
- la contestation de la régularité de la procédure en raison de l'extinction de la créance par une remise de dette (Cass. civ. 2e, 20 janvier 1983, Bull. civ. II n° 15) ;
- la demande en conversion de la procédure de saisie immobilière de vente volontaire constitue un incident de saisie (Cass. civ. 2ème, 7 janvier 1998, Gaz. Pal. 1998, som. p. 31).
191.En revanche, dans un arrêt du 21 mai 1954 (D. 1954, p. 590), la Cour de cassation exclut du domaine des incidents de la saisie immobilière les contestations relatives au fond même du droit ou qui se rattachent à une question de fond.
Ne présentent donc pas le caractère d'incidents de saisie :
- l'action du saisi tendant à faire déclarer éteinte la créance du poursuivant (arrêt précité) ;
- la contestation des parties posant la question de l'efficacité d'un dire consacrant un pacte de préférence en matière de saisie immobilière et mettant en jeu la validité de ce pacte (TOULOUSE 8 juillet 1963, Gaz. Pal. 1964, I, p. 13) ;
- la contestation à un représentant d'un organisme de sécurité sociale de sa capacité d'agir en justice (Rennes, 5 décembre 1960, D. 1961, somm. p. 92) ;
- l'opposition au commandement fondée sur l'extinction de la créance par une transaction (Cass. civ., 13 mars 1974, Gaz. Palais 1974, somm. p. 31) ;
- une demande de nullité de saisie immobilière basée sur le fait que le jugement dont l'exécution était poursuivie n'était plus exécutoire (Cass. civ., 22 mai 1964, Bull. civ., II, p. 294) ;
- le dire du vendeur de l'immeuble en cause tendant à informer le futur adjudicataire du maintien des garanties prévues à son profit au moment de la vente (Cass. civ. 23 janvier 1973, Bull. civ., III, n° 70, p. 51) ;
- la demande tirée de la compensation entre une dette d'un débiteur et sa créance envers une société d'assurance (CA PAU 2 décembre 1981, Gaz. Pal. 1982, I, somm. 187).
II. Règles communes à tous les incidents
192.Les incidents de la saisie immobilère ouvrent des instances qui aboutissent à des jugements contentieux mais le Code de procédure civile prévoit pour ces litiges une procédure particulière afin d'assurer une solution rapide et à moindre frais.
1. Les parties en cause.
193.En principe, toutes les personnes intéressées et notamment les créanciers inscrits qui ont reçu la sommation prévue à l'article 689 du Code de procédure civile peuvent intervenir dans la procédure relative aux incidents de la saisie.
Il suffit que l'intervenant justifie d'un intérêt légitime ou d'un droit propre à sauvegarder pour que l'intervenant soit recevable.
2. Le tribunal compétent.
194.Le tribunal compétent pour statuer sur les incidents de saisie est le Tribunal de grande instance de la situation des immeubles objets de la procédure de saisie.
Le juge de l'exécution n'est pas compétent en matière d'exécution forcée sur les immeubles à compter de la publication du commandement (cf. art. 88 de la loi du 9 juillet 1991 ; Avis Cass. 5 mai 1995, D. 1995, IR 154 ; TGI ALBERTVILLE 9 avril 1996, Rev. Huissiers 1996, p. 885).
Pour statuer, le Tribunal de grande instance se réunit en « audience des saisies immobilières ». La formation concernée peut être n'importe laquelle des chambres civiles.
Compétence du juge des référés : en matière de saisie immobilière, il a été jugé que les dispositions relatives au sursis à l'adjudication (C. pr civ., art. 702 et 703) dérogeaient au droit commun de sorte que le juge des référés ne pouvait statuer en ce domaine (Cass. civ. 4 février 1965, D. 1965, p. 617).
3. Le déroulement de la procédure.
a. Forme de la demande.
195.Toute demande incidente à une poursuite de saisie immobilière est formée par acte d'avocat à avocat, contenant les moyens et les conclusions (C. pr. civ., art. 718) pour que le défendeur puisse y répondre.
Certains incidents peuvent également être formulés par voie d'un « dire » au cahier des charges (cf. n°s 117 et suivants ).
b. Jugement.
196.Les demandes incidentes doivent être instruites et jugées d'urgence.
L'instance sur l'incident se périme par trois ans, comme la saisie elle-même (C. pr. civ. art. 694).
Le jugement rendu sur incident a un caractère contentieux.
Il est donc motivé et rédigé selon les formes ordinaires.
4. Les voies de recours.
a. L'appel.
197.Les conditions de recevabilité de l'appel et ses modalités sont fixées par les articles 731 et 732 du Code de procédure civile.
Aux termes de l'article 731 alinéa 2 du Code de procédure civile, il n'est recevable qu'à l'égard des jugements qui auront statué sur des moyens de fond tirés de l'incapacité de l'une des parties, de la propriété, de l'insaisissabilité ou de l'inaliénabilité des biens saisis (Cass. civ. 2e, 29 octobre 1990, Bull. civ. II n° 224 - dire relatif à la propriété de l'immeuble saisi). Mais cela concerne, également, les jugements qui auront statué sur d'autres moyens de fond et, en particulier, sur les contestations relatives à l'existence même de la créance du saisissant (Cass. civ. 2e, 24 février 1982, JCP 1983, II, 2000 ; 25 février 1998, Gaz. Pal. 1998 som. p. 31 ; 9 octobre 1991, Bull. civ. II n° 249 - existence d'un titre exécutoire).
Ainsi, il a été jugé que l'opposition à un commandement étant fondée sur l'exigibilité de la créance, cause de la poursuite, l'appel était recevable (Cass. civ. 1er mars 1995, Rev. huissiers 1995 p. 493).
L'irrecevabilité de l'appel peut être soulevée d'office par la cour d'appel (Cass. civ., 21 janvier 1976, Gaz. Palais 1976, I, somm. p. 76 ; 1er mars 1995, Gaz. Pal. 18 avril 1996).
198.Les incidents de pure procédure sont donc jugés sans appel (Cass. civ. 2e, 21 juin 1989, Bull. civ. II n° 135 ; 16 mai 1990, Bull. civ. II n° 109 ; civ. 3e, 26 février 1992, Bull. civ. II n° 66). Ainsi n'entrent pas dans l'énumération de l'article 731, alinéa 2 du Code de procédure civile les constestations portant sur « le montant de la mise à prix, la garantie du paiement par l'adjudicataire, l'existence d'une servitude grevant la propriété, l'adjudicataire en tout état de cause devant faire son affaire personnelle des servitudes existantes révélées ou non » (Cass. civ., 17 avril 1969, D. 1969, p. 112) ni l'action d'un plaideur qui tend non à contester l'existence de sa dette déjà définitivement constatée par jugement mais à discuter la validité de l'inscription hypothécaire prise (CA CAEN 3 décembre 1962, D. 1963, somm. p. 80), ni l'action visant la validité d'une surenchère au regard des articles 708 à 710 du Code de procédure civile (Cass. civ. 14 mai 1997, JCP 1997, éd. G IV, 1419).
De même, le jugement qui se borne à ordonner un sursis aux poursuites, en constatant que la validité du titre était attaquée dans le cadre d'actions en justice, n'a pas tranché un moyen de fond et l'appel formé contre cette décision est irrecevable (Cass. civ., 2ème, 12 mars 1997, Bull. civ. II n° 77).
En revanche l'appel est recevable à l'égard d'un jugement ayant statué sur l'incessibilité d'un immeuble auquel est attaché une créance de dommages de guerre (Cass. civ., 16 déc. 1958, Bull. civ. I, n° 55, p. 461).
Par ailleurs, aucun texte ne limitant le droit d'appel après conversion en vente volontaire, le jugement qui statue postérieurement à la conversion, sur un incident opposant la partie saisie au créancier poursuivant est susceptible d'appel (Cass. civ. 2ème, 7 janvier 1998, Gaz. Pal. 1998 som. p. 31).
1° Délai d'appel.
199.L'article 732 du Code de procédure civile n'ayant pas prévu de délai spécial de recours, l'appel doit être interjeté dans le délai d'un mois prévu par l'article 538 du nouveau code de procédure civile. Ce délai court à compter de la signification du jugement à personne ou à domicile.
2° Formes de l'appel.
200.L'article 732 du Code de procédure civile prescrit les formalités particulières pour interjeter appel d'un jugement ayant statué sur un incident de saisie.
En premier lieu, l'acte d'appel doit énoncer, à peine de nullité, les griefs qui justifient le recours (Cass. civ. 8 mars 1989, Bull. civ. II n° 67).
En deuxième lieu, l'appel est dérogatoire au droit commun ; il doit être fait par voie d'assignation et non par déclaration au greffe. Un appel interjeté sous la forme d'une déclaration au greffe est irrecevable sans qu'il soit nécessaire pour celui qui l'invoque de prouver un grief (Cass. civ. 2ème, 22 mai 1996, D. 1996, IR 155).
En troisième lieu, l'assignation en cause d'appel doit être signifiée au domicile de l'avocat qui avait postulé en première instance. Cette signification est effectuée par acte d'huissier.
Si l'intimé n'a plus d'avocat, l'acte d'appel peut être signifié à personne ou à domicile. Enfin, il est également prévu une notification au greffe du tribunal afin qu'il soit sursis à l'adjudication, l'appel ayant un effet suspensif sur la procédure. Cette notification est prévue à peine de nullité. Elle doit être effectuée dans le délai d'appel (CA VERSAILLES 4 novembre 1987, D. 1988, 442).
L'appel doit être mentionné au cahier des charges (C. pr. civ., art 732, 2ème alinéa).
L'appel peut être interjeté uniquement par les personnes parties à la première instance (C. pr. civ., art. 546).
3° Décision sur l'appel.
201.La Cour d'appel doit statuer dans la quinzaine de la signification de l'acte d'appel. Mais ce délai n'est sanctionné par aucune forme de déchéance.
b. L'opposition.
202.Les jugements et arrêts rendus en matière d'incidents de saisie immobilière ne sont pas susceptibles d'opposition (C. pr. civ., art. 731 ; Cass. civ., 2ème, 5 février 1997, Rev. huissiers 1997, p. 1198).
c. Voies de recours extraordinaires.
203.Il résulte de la combinaison des articles 460, 542 du NCPC et 731 du C. pr. civ. que la voie de recours pour demander la nullité d'un jugement statuant sur un incident de saisie immobilière est le pourvoi en cassation (Cass. civ. 2e, 27 juin 1984, Bull. civ. II, n° 122).
Le pourvoi en cassation est exercé dans les conditions de droit commun, sauf dispositions contraires. Ainsi le jugement qui prononce la remise de l'adjudication n'est susceptible d'aucun recours, ce qui exclut le pourvoi en cassation (C. pr. civ., art. 703 ; Cass. civ. 15 novembre 1972, Gaz. Pal. 1973, somm. p. 15) sauf dans les cas où le juge a excédé ses pouvoirs, auquel cas les recours en nullité sont autorisés. Il en est de même de l'ordonnance de référé prononçant le sursis aux poursuites pour permettre de réaliser la vente préalablement ordonnée par jugement (C. pr. civ., art. 730), ainsi que de l'ordonnance de référé statuant sur l'opposition à la délivrance du certificat du greffier en cas de folle enchère (C. pr. civ, art. 734).
La tierce opposition et le recours en révision sont admissibles dans les conditions de droit commun.