Date de début de publication du BOI : 30/10/1999
Identifiant juridique : 12C2213
Références du document :  12C2213

SOUS-SECTION 3 LA SAISIE IMMOBILIÈRE

2° Obligations de l'adjudicataire.

169.Les obligations de l'adjudicataire figurent au cahier des charges.

Il peut s'agir d'un dire annexé dont il est avéré que l'adjudicataire en a eu connaissance (cf. Cass. civ. 11 juin 1954, JCP 1954, éd. A, II 8288).

Il a été jugé que, sauf clause spéciale du cahier des charges, l'obligation de construire sur un terrain ayant fait l'objet d'une saisie immobilière, ne pouvait être passivement transmissible à l'adjudicataire (Cass. civ. 9 janvier 1991, D. 1991, IR 36).

De même, à défaut d'accord des parties ou d'une clause du cahier des charges, le montant de la TVA, normalement à la charge du vendeur, ne peut être mis à celle de l'acquéreur (Cass. com. 2 juin 1992, JCP 1993, éd. N, 24).

L'obligation essentielle est celle de payer le prix d'adjudication, plus les intérêts du prix et le montant des frais de poursuite :

- les intérêts du prix sont comptés à partir du jour de l'adjudication ou du jour de l'entrée en jouissance comme l'indique le cahier des charges. En l'absence de clause au cahier des charges, l'intérêt est dû seulement si l'immeuble produit des fruits ou autres revenus (C. civ., art. 1652, al. 3).

Les frais ordinaires de poursuites sont les frais normaux de procédure, exposés depuis le commandement jusqu'à l'adjudication, que l'adjudicataire doit obligatoirement payer (Cass. civ. 9 février 1994, Bull. civ. II n° 55 p. 31).

Toute stipulation contraire formulée dans le cahier des charge est frappée de nullité (C. pr. civ., art. 714).

Ainsi, les frais ordinaires de poursuites étant l'accessoire de la dette pour le paiement de laquelle a été diligentée la procédure de saisie, le créancier saisissant (désintéressé du montant de la dette mentionnée au commandement) est fondé à poursuivre la procédure de saisie tant que le règlement des frais ordinaires n'a pas été effectué (Cass. civ., 24 octobre 1973, D. 1974, somm, p. 52).

Egalement, l'adjudicataire doit supporter les frais extraordinaires, qui correspondent, pour l'essentiel, aux frais de justice résultant d'incidents de procédure, à moins qu'il n'ait été ordonné qu'ils seraient prélevés sur le prix, sauf recours contre la partie condamnée aux dépens.

Lorsque la partie saisie est mise en redressement judiciaire, le poursuivant qui a exposé des frais antérieurement au jugement d'ouverture est en droit d'en réclamer le paiement à l'adjudicataire. Cette créance, dont le montant ne s'impute pas sur le prix, n'échappe cependant pas aux dispositions de la loi du 25 janvier 1985 (Cass. civ. 13 décembre 1993, Bull. civ. II n° 369 p. 207 ; Gaz. Pal. 8 au 10 mai 1994 p. 94).

- Sanction des obligations

170.Si l'adjudicataire ne satisfait pas à l'obligation de payer, des mesures contraignantes peuvent être engagées à son encontre :

- les créanciers poursuivants peuvent faire procéder aux mesures d'exécution forcée contre leur nouveau débiteur, les bordereaux de collocation étant revêtus de la formule exécutoire ;

- le jugement d'adjudication n'est délivré que lorsque l'adjudicataire a justifié du paiement des charges des frais de poursuites et de l'accomplissement de celles des conditions du cahier des charges qui doivent être exécutées avant cette délivrance (C. pr. civ., art. 713, al. 1).

- enfin « l'adjudicataire qui ne fera pas ces justifications dans les vingt jours de l'adjudication, pourra être poursuivi par la voie de folle enchère, sans préjudice des autre voies de droits » (C. pr. civ., art. 713, al. 3).

Par la procédure de folle enchère, les poursuivants peuvent obtenir la remise en vente de l'immeuble.

  IV. Surenchère

171.Il est de l'intérêt des créanciers et du saisi que l'adjudication se fasse au plus haut prix.

Aussi tout interessé peut-il utiliser la procédure de la surenchère qui donne la possibilité à ceux qui considèrent que l'adjudication ne s'est pas réalisée pour un prix suffisant de provoquer une nouvelle adjudication de l'immeuble pour en obtenir un prix plus élevé à charge pour le surenchérisseur de rester adjudicataire pour la somme proposée dans l'éventualité où ne se présenterait aucun enchérisseur 1 .

La surenchère ne constitue pas un incident de procédure mais une phase de la procédure de saisie, prévue par les dispositions des articles 708 à 710 du Code de la procédure civile (rapp. Cass. civ. 13 décembre 1993, D. 1994, somm. p. 349). Elle est de droit, c'est-à-dire qu'elle ne nécessite pas l'intervention d'un jugement.

De ce point de vue, elle fait naître des obligations bilatérales qui lui donnent le caractère d'un contrat synallagmatique (Cass. req. 1er mars 1892, DP 1892, 1, 412).

1. Conditions de la surenchère.

172.La procédure de surenchère obéit à des conditions de fond et de forme.

a. Conditions de fond.

173.Les conditions de fond concernent :

- les personnes susceptibles de faire surenchère ;

- le délai pour faire surenchère ;

- le taux de la surenchère.

L'article 710 du Code de procédure civile dispose qu'aucune surenchère ne pourra être reçue sur la seconde adjudication, effectuée à la suite d'une première surenchère (application d'une règle coutumière : « surenchère sur surenchère ne vaut » - PAU 28 mars 1860, DP 1860, 2, 183).

1° Personnes susceptibles de faire surenchère.

174.Aux termes de l'article 708 du Code de procédure civile « toute personne peut, dans les dix jours qui suivent l'adjudication faire une surenchère ».

Cette formulation très vaste englobe non seulement les personnes qui, aptes à enchérir, ne sont frappées par aucune incapacité, qu'elles soient de droit commun ou propres à la saisie immobilière, mais aussi celles qui n'ont pas la qualité de créanciers.

L'adjudicataire d'un bien rural, évincé par un fermier ayant exercé le droit de préemption dans un délai légal, peut également porter une surenchère. Le droit de préemption du fermier est ainsi tenu en échec, mais il pourra à nouveau être mis en oeuvre après la nouvelle adjudication (Cass. soc. 5 janvier 1951, D. 1951, p. 328).

NOTA. Toute personne peut critiquer une surenchère au motif que le surenchérisseur est notoirement insolvable. Toutefois, la preuve de l'insolvabilité du surenchérisseur incombe à celui qui s'en prévaut (Cass. civ., 2e, 5 avril 1993, D 1993, IR 139).

2° Délai pour faire surenchère.

175.L'article 708 du Code de procédure civile prévoit que la surenchère doit être faite dans les dix jours qui suivent l'adjudication. Ce court délai permet à l'adjudicataire de connaître rapidement le sort réservé à l'immeuble acquis. Ce n'est pas un délai franc : il est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant lorsqu'il vient à expiration un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé.

3° Le taux de la surenchère.

176.« La surenchère doit être du dixième au moins du prix principal de la vente » (Code de proc. civ., art. 708). Par prix principal de la vente, il faut entendre le montant de l'enchère sans tenir compte des intérêts et frais de poursuite qui s'y ajoutent. La surenchère ne peut être rétractée et, si aucun enchérisseur ne se présente, le surenchérisseur est déclaré adjudicataire de l'immeuble pour le prix de l'enchère initiale augmenté de la surenchère (C. pr. civ., art. 710).

b. Conditions de forme.

177.Les conditions de forme consistent à déclarer puis à dénoncer la surenchère dans les délais légaux, à peine de nullité.

1° La déclaration de surenchère.

178.La personne qui se porte enchérisseur est tenue de faire une déclaration au greffe du tribunal qui a prononcé l'adjudication dans les dix jours qui suivent le jugement. Pour les raisons identiques qui prévalent en matière d'enchère, la surenchère doit être faite par ministère d'avocat (C. pr. civ., art. 709, al. 1). Elle peut être écrite ou orale, auquel cas le greffier dresse un procès-verbal de déclaration.

La déclaration est mentionnée sur un registre spécial à la suite de la minute du jugement d'adjudication qui peut être consultée par tout interessé.

Elle doit mentionner les éléments permettant d'identifier le surenchérisseur (Cass. Civ., 2e, 29 janvier 1992, D 1992, IR 93). A défaut, la déclaration de surenchère est nulle (NCPC, art. 114 et 115 et C pr. civ., art. 715).

La régularité de la surenchère s'apprécie à l'expiration du délai pour former celle-ci.

2° Dénonciation de la surenchère.

179.L'article 709 du Code de procédure civile prévoit que la dénonciation de la surenchère est faite par l'avocat du surenchérisseur aux avocats de l'adjudicataire, du poursuivant et du saisi (dans la mesure où ce dernier est représenté par un avocat).

La dénonciation doit avoir lieu dans les cinq jours de la déclaration de surenchère et mention doit en être faite au cahier des charges dans un nouveau délai de cinq jours à la suite de la surenchère.

180.Elle comporte deux dates :

• celle de l'audience éventuelle qui sera la 1 ère audience utile suivant l'expiration d'un délai de 20 jours au moins après la dénonciation (C. pr. civ., art. 709, dernier alinéa).

Le délai minimum de 20 jours est institué en prévision de contestations éventuelles :

- lorsque la validité de la surenchère n'est pas contestée, l'audience éventuelle n'a pas lieu et l'adjudication peut se dérouler directement ;

- si un créancier ou le saisi veut contester la validité de la surenchère, il peut le faire par simple acte de conclusions, lequel est mentionné par un dire à la suite de la mention de dénonciation, cinq jours avant le jour de l'audience éventuelle au cours de laquelle le tribunal statuera sur les dires (C. pr. civ., art. 710).

• celle de la date de la nouvelle adjudication sur surenchère qui ne peut avoir lieu 30 jours au moins après l'audience éventuelle.

L'adjudication sur surenchère sera ensuite précédée des mêmes formes que pour l'adjudication primitive. Cependant, l'article 703 du Code de procédure civile ne peut être invoqué pour demander un sursis à l'adjudication après surenchère (Trib. civ., PONT-L'EVÊQUE 24 novembre 1950, rec. Gaz. Pal. 1951, I, p. 138).

3° Déchéance de la surenchère.

181.Le défaut de déclaration ou de mention de la surenchère dans les délais légaux entraîne la déchéance de celle-ci (C. pr. civ., art 715).

De même, la surenchère qui n'a pas été dénoncée dans le délai de cinq jours prescrit par l'article 709 du Code de procédure civile est frappée de déchéance par application de cet article (Cass. civ., 10 décembre 1975, JCP 1976, G, IV, p. 44 ; 1er février 1995, D. 1995, IR 67).

La déchéance n'entraîne pas nécessairement la nullité de la procédure, ni l'impossibilité de faire l'acte omis après le délai imparti par la loi. Les formalités ne sont sanctionnées par la nullité que si l'irrégularité a eu pour effet de causer un préjudice aux intérêts des parties en cause (Cass. civ. 2ème, 20 novembre 1991, D. 1992, IR 20).

Mais en cas de défaut de déclaration ou de dénonciation de la surenchère, la déchéance joue automatiquement et aboutit à la nullité de l'acte qui n'a pas été réalisé dans le délai et à l'impossibilité de le réaliser.

Tous les intéressés, y compris le surenchérisseur peuvent se prévaloir de cette dernière nullité sans avoir à justifier d'un préjudice (Trib. civ. LILLE 13 décembre 1957, D. 1958, somm. p. 92).

182.Par ailleurs, afin que le surenchérisseur ne puisse se dégager de sa surenchère en ne la dénonçant pas ou en la dénonçant hors délai, l'article 704 alinéa 4 du Code de procédure civile prévoit que faute de dénonciation ou de mention de la déclaration, le poursuivant, le saisi ou tout créancier inscrit peut faire la dénonciation et la mention dans les cinq jours qui suivent l'expiration des délais prescrits au surenchérisseur. Cette faculté n'est pas ouverte à l'adjudicataire qui ne peut se dégager de l'enchère qu'il a portée en dénonçant la surenchère.

Il a été jugé que le défaut de mention du délai de 20 jours prescrit à l'article 709 précité dans l'acte de dénonciation n'entraîne la nullité de la surenchère que si l'irrégularité a causé un préjudice aux parties en cause. (Cass. civ., 7 décembre 1868 DP 1869, I, p. 31 ; 30 janvier 1969, Bull. cass. 1969, p. 24 ; 21 novembre 1984, Bull. civ. II n° 170 p. 120).

2. Effets de la surenchère.

183.La surenchère produit des effets propres à chacune des deux situations suivantes :

- l'adjudication sur surenchère profite à l'adjudicataire initial ;

- l'adjudication sur surenchère profite à un nouvel adjudicataire.

a. L'adjudication sur surenchère profite à l'adjudicataire initial.

184.Lorsque la surenchère bénéficie à l'adjudicataire initial, son droit de propriété lui reste acquis à la date de la première adjudication. En effet, « l'acquéreur ou le donataire qui conserve l'immeuble mis aux enchères, en se rendant dernier enchérisseur, n'est pas tenu de faire publier le jugement d'adjudication » (C. civ., art. 2189). La surenchère constitue, dans ce cas, une menace de résolution qui ne s'est pas réalisée (ANGERS 23 novembre 1973, JCP 1974, IV, 6426, p. 227).

b. L'adjudication sur surenchère profite à un nouvel adjudicataire.

185.La surenchère emporte des effets non seulement à l'égard de l'adjudicataire sur surenchère mais aussi à l'égard de l'adjudicataire surenchéri et du saisi.

1° Disparition rétroactive des droits de l'adjudicataire surenchéri.

186.La première adjudication disparaît rétroactivement avec la nouvelle adjudication. Il en résulte les conséquences suivantes :

- l'adjudicataire surenchéri ne doit plus le prix et s'il l'a payé, il peut en obtenir la restitution ;

- le supplément de prix résultant de la surenchère profite aux créanciers et non à l'adjudicataire qui est censé n'avoir jamais été propriétaire ;

- l'adjudicataire n'est tenu à aucun droit de mutation ;

- les droits réels consentis aux tiers par l'adjudicataire surenchéri sont anéantis rétroactivement ;

- en revanche, l'adjudicataire surenchéri conserve les fruits civils ou naturels qu'il a perçus tant que la condition résolutoire était en suspens (Cass. civ., 18 novembre 1924, DP 1925, I, p. 25).

En conséquence, le premier adjudicataire ne supporte plus les risques si l'immeuble périt après la déclaration de surenchère et il est tenu de restituer les fruits qui ont été perçus après la déclaration.

1   Cette procédure est ignorée par la législation locale en Alsace - Moselle.