Date de début de publication du BOI : 30/10/1999
Identifiant juridique : 12C2213
Références du document :  12C2213

SOUS-SECTION 3 LA SAISIE IMMOBILIÈRE

c. Les formalités postérieures au jugement d'adjudication.

153.Les formalités postérieures au jugement d'adjudication sont les suivantes :

- la déclaration du nom de l'adjudicataire ;

- la signification du jugement d'adjudication ;

- la publication du jugement d'adjudication.

1° La déclaration du nom de l'adjudicataire.

154.L'article 707 du Code de procédure civile dispose que l'avocat dernier enchérisseur est tenu, dans les trois jours de l'adjudication, de déclarer l'adjudicataire et de fournir son acceptation ou de représenter son pouvoir, lequel demeure annexé à la minute de la déclaration.

La constatation par le jugement d'adjudication de l'existence d'un pouvoir fait foi jusqu'à inscription de faux, même s'il n'a pas été annexé à la minute de la déclaration de l'avocat, la formalité prévue à l'article 707 du Code de procédure civile n'étant pas prescrite à peine de nullité par l'article 715 dudit code.

Tout adjudicataire a la faculté de déclarer « command » dans les vingt-quatre heures de la déclaration de l'avocat (C. pr. civ., art. 707, 2ème alinéa).

Cette faculté appartient à l'avocat réputé adjudicataire à charge par lui de l'exercer dans les vingt-quatre heures de l'expiration des trois jours indiqués ci-dessus (C. pr. civ., art. 707, 3ème alinéa).

Par « command », il faut entendre le mandant de l'adjudicataire pour lequel l'avocat a déclaré agir et qui est désigné ultérieurement par l'adjudicataire. Ce dernier est donc un « acheteur commandé ».

L'adjudicataire acquiert immédiatement la propriété de l'immeuble sous condition résolutoire, c'est-à-dire, sauf résolution au profit du command, lorsque celui-ci sera désigné.

La faculté de déclarer command a pour but de cacher aux enchérisseurs la personnalité du véritable acquéreur et d'empêcher ainsi toute intention de nuire.

Cas particuliers :

- Immeuble soumis au statut du fermage

155.Lorsque le bien saisi est soumis au statut du fermage ou du métayage, le preneur, qui a été convoqué à l'adjudication dispose d'un délai de cinq jours à compter de celui de l'adjudication pour faire connaître au secrétaire-greffier en chef du tribunal, sa décision de faire valoir son droit de préemption. L'exercice du droit de préemption, soit par le preneur, soit par un ascendant emporte pour lui substitution pure et simple à l'adjudicataire.

La déclaration de substitution, qui doit comporter l'indication de la personne exerçant le droit de préemption est faite par exploit d'huissier de justice. L'exploit doit être annexé au procès-verbal ou au jugement d'adjudication et publié en même temps que celui-ci (Code rural, art. 799).

- Débiteur en liquidation judiciaire

156.L'article 154 de la loi du 25 janvier 1985 dispose que la vente des immeubles du débiteur en liquidation judiciaire a lieu suivant les formes prescrites en matière de saisie immobilière.

Toutefois, le juge-commissaire fixe la mise à prix et les conditions essentielles de la vente. Il détermine également les modalités de la publicité.

Si les circonstances permettent d'envisager une cession amiable, le juge-commissaire peut autoriser la vente soit par adjudication amiable sur la mise à prix qu'il fixe, soit de gré à gré au prix et conditions qu'il détermine.

- Indivision

157.Lorsque l'adjudication porte sur tout ou partie des droits d'un indivisaire dans les biens indivis, chaque indivisaire dispose d'un délai de cinq jours francs à compter de l'adjudication pour se substituer à l'acquéreur par déclaration au greffe ou auprès du notaire 1 (C. civ., art. 815-15).

2° Signification du jugement d'adjudication.

158.Le jugement ne devient exécutoire qu'après signification à la partie saisie d'un extrait de ce jugement.

Cet extrait ne doit comprendre que la désignation des biens, les nom, prénoms dans l'ordre de l'état civil, date et lieu de naissance, profession et domicile du saisissant, de la partie saisie et de l'adjudicataire, le jugement d'adjudication avec copie de la formule exécutoire (C. pr. civ., art. 716, al. 1er).

La signification du jugement d'adjudication est indispensable pour que l'adjudicataire puisse engager la procédure d'expulsion à l'encontre du saisi (Cass. civ., 2e, 12 mai 1976, Gaz. Pal. 1976, 2 ; 552 ; 18 octobre 1978, RTD civ. 1979, p. 441 ; 11 avril 1986, Gaz. Pal. 1986, 2, somm. 424 ; 1er mars 1995, Bull. civ. II n° 62 p. 37).

3° Publication du jugement d'adjudication.

159.Le jugement d'adjudication étant un acte translatif de propriété, il ne peut être opposable aux tiers qu'après publication au bureau des hypothèques du lieu de situation de l'immeuble.

L'adjudicataire est tenu de faire publier son titre dans les deux mois de sa date, à peine de revente sur folle enchère. Toutefois, dans l'hypothèse où il a été adjugé des immeubles situés dans le ressort de plusieurs bureaux des hypothèques, le délai est prorogé d'un mois pour chaque bureau en sus du premier, conformément aux dispositions du 3 ème alinéa de l'article 33-C du décret du 4 janvier 1955 modifié.

Le conservateur fait mention de cette publication en marge de la copie du commandement publié (C. pr. civ., art. 716, al. 2 et 3).

La publication du jugement d'adjudication emporte purge de tous les vices de la procédure antérieure, sauf le cas de fraude prouvée (Cass. civ., 2e, 7 mars 1985, Bull. civ. II n° 58 p. 41 ; 24 septembre 1997, Bull. inf. Cass. 15 janvier 1998, p. 7 ; NCP Notarial 1999 p. 508).

Conformément à l'article 694 alinéa 3 du Code de procédure civile, le commandement publié cesse de produire effet si, dans les trois ans de sa publication, il n'est pas intervenu une adjudication mentionnée en marge de cette publication (C. pr. civ., art. 716 al. 2) ou un jugement prorogeant le délai d'adjudication et mentionné de la même façon 2 .

3. Effet de l'adjudication.

160.L'adjudication est une vente forcée qui se distingue de la vente volontaire par les effets qu'elle produit :

- elle transfère la propriété du bien saisi à l'adjudicataire et arrête le cours des inscriptions ;

- elle purge les privilèges et hypothèques ;

- elle crée des droits et des obligations à la charge de l'adjudicataire.

a. Transfert de la propriété à l'adjudicataire et arrêt du cours des inscriptions.

1° Moment du transfert.

161.Le transfert de propriété entre le saisi et l'adjudicataire s'opère à la date du jugement d'adjudication. A partir de ce jour, l'adjudicataire supporte les risques attachés à la propriété de l'immeuble.

En revanche, le jugement d'adjudication n'a pas pour effet de rendre opposable aux tiers le droit de propriété de l'adjudicataire 3 .

L'opposabilité aux tiers résulte de la publication du jugement au bureau des hypothèques, les créanciers détenteurs d'une hypothèque, consentie par le saisi sur l'immeuble, ne peuvent plus prendre utilement inscription (C. civ., art. 2147).

La publication du jugement d'adjudication qui doit intervenir dans les deux mois de sa date à peine de revente sur folle enchère (C. pr. civ. art. 716 alinéa 2) interrompt le cours des inscriptions.

Cette règle est d'une portée restreinte dans la mesure où la publication du commandement frappe d'indisponibilité l'immeuble saisi et entache de nullité la constitution des droits réels sur l'immeuble postérieurement à cette publication.

En réalité, la règle trouve à s'appliquer aux droits réels constitués antérieurement à la publication du commandement et qui n'auraient pas été publiés à la date de la publication du jugement. Ceux-ci ne peuvent plus, dès lors, être inscrits du chef du saisi.

2° Nature du tranfert des droits.

162.Aux termes de l'article 717 du Code de procédure civile, « l'adjudication, même publiée au bureau des hypothèques, ne transmet à l'adjudicataire d'autres droits à la propriété que ceux appartenant au saisi » (Cass. civ. 27 octobre 1975, Bull. civ. II n° 276).

Toutes les servitudes constituées sur l'immeuble, à condition qu'elles aient été consenties et publiées avant la publication du commandement, sont opposables à l'adjudicataire.

Le jugement d'adjudication apporte toutefois deux garanties à l'adjudicataire :

- il constitue un titre qui fait courir la prescription acquisitive de dix ou vingt ans, s'il est de bonne foi (C. civ., art. 2265 à 2269) ;

- il constitue la preuve que l'action en résolution du vendeur non payé ne peut plus être exercée. L'action en résolution est frappée de déchéance lorsque l'intention de l'exercer n'a pas fait l'objet d'une demande formulée à la suite du cahier des charges, trois jours au moins avant l'audience éventuelle.

3° Administration déclarée adjudicataire.

163.Conformément aux dispositions de l'article 706 du Code de procédure civile ancien, lorsqu'aucun enchérisseur ne se manifeste, le créancier poursuivant est déclaré adjudicataire de l'immeuble mis à prix.

Deux situations peuvent se rencontrer :

• L'inscription du créancier poursuivant prime celles des autres créanciers

En principe, tant que les droits respectifs des créanciers inscrits n'ont pas fait l'objet d'un règlement définitif, il ne peut y avoir aucune compensation entre la créance du créancier adjudicataire et le prix dont il est débiteur.

Cette compensation ne peut être exercée que si l'inscription hypothécaire du créancier adjudicataire est de premier rang et si le cahier des charges, qui constitue une convention ayant force exécutoire entre tous les intéressés, prévoit expressément que l'adjudicataire n'est obligé ni au paiement ni à la consignation.

Lorsque le Trésor est utilement colloqué et que l'éventualité d'une contestation n'est pas à craindre, il n'y a pas lieu effectivement de requérir l'ouverture d'une procédure d'ordre.

La compensation entre la créance détenue sur le redevable et le prix d'adjudication peut alors s'opérer si les conditions définies précédemment sont réunies.

Le montant de la mise à prix est donc imputé en atténuation de la dette du redevable.

Toutefois si le prix d'adjudication excède le montant de la créance du Trésor, le receveur arrivant en 2 ème rang, le comptable est tenu de consigner le surplus et de demander l'ouverture de la procédure d'ordre, prévue aux articles 750 et suivants du code précité.

• L'inscription du créancier poursuivant est primée par celles des autres créanciers

S'il existe des inscriptions hypothécaires primant celle du receveur, il n'est pas possible de porter le produit de la vente par adjudication à l'apurement de la créance du Trésor.

A défaut d'accord entre les créanciers inscrits pour régler leur rang respectif et établir un ordre consensuel en vue de répartir la somme, le comptable doit provoquer l'ouverture de la procédure d'ordre proprement dite.

Le prix d'adjudication doit alors être consigné à la Caisse des dépôts et consignations.

b. Purge des privilèges et des hypothèques.

164.La validité de la purge est subordonnée à la triple condition que la saisie ait porté sur le véritable propriétaire, que tous les créanciers inscrits aient été sommés et que le prix ait été payé ou consigné.

Sur ce dernier point, la règle n'est que la transposition des dispositions de l'article 2186 du Code civil en cas de vente amiable (cf. Cass. civ. 15 février 1938, DH 1938, p. 177).

Au demeurant, bien que l'adjudication marque le moment où l'inscription produit son effet légal, le renouvellement de celle-ci reste indispensable, pour éviter la péremption, jusqu'au paiement ou à la consignation du prix (c. civ. art. 2154-1, alinéa 3).

Les formalités de la purge résultent de l'article 717, 3ème alinéa, du Code de procédure civile, qui dispose : « La publication du jugement d'adjudication purge toutes les hypothèques, mêmes celles qui ont été inscrites postérieurement à la délivrance des états d'inscription, et les créanciers n'ont plus d'action que sur le prix ». L'effet de purge attaché à la publication ne se produit toutefois que lorsque le prix a été payé ou au moins consigné (cf. Cass. civ. 15 février 1938 précité).

Ce texte tempère le principe du transfert intégral des droits et obligations du saisi au profit de l'adjudicataire.

Ainsi, les créanciers hypothécaires inscrits du chef du saisi perdent leur droit de suite sur l'immeuble. Ils conservent leur droit de préférence sur le prix.

De ce fait, la purge qui opère de plein droit ne leur ôte par leur garantie : leurs droits sur l'immeuble sont transportés sur le prix.

L'effet de purge joue qu'il s'agisse d'une hypothèque conventionnelle, d'une hypothèque légale ou d'un privilège.

c. Droits et obligations de l'adjudicataire.

165.Les droits et obligations de l'adjudicataire sont identiques à ceux de l'acheteur qui vient de réaliser une vente volontaire. Il convient toutefois de faire état des particularités propres à l'adjudication qui est une vente forcée.

1° Droits de l'adjudicataire.

166.Comme tout acheteur, l'adjudicataire a droit à la délivrance de l'immeuble et à la garantie contre l'éviction.

- Le droit à la délivrance de l'immeuble

167.L'adjudicataire a droit à la délivrance de l'immeuble , ainsi qu'à la délivrance des fruits perçus depuis le jugement d'adjudication.

Les fruits perçus ou échus entre la publication du commandement et le jugement d'adjudication sont immobilisés et distribués avec les prix aux créanciers hypothécaires et priviligiés.

Les immeubles par destination suivent le sort de l'immeuble et sont délivrés en même temps que lui (C. civ., art. 1615).

Pour obtenir la délivrance effective de l'immeuble, l'adjudicataire dispose d'un titre exécutoire puisque le jugement d'adjucation a force exécutoire. Il permet donc, lorsque le saisi ne s'oblige pas, le recours à un huissier en voie de procéder à son expulsion. L'expulsion n'a lieu que si l'adjudicataire a payé le prix (Cass. civ. 20 avril 1988, D. 1988, IR 127).

Pour réaliser ce droit, en cas de résistance du saisi, l'adjudicataire doit signifier à celui-ci la grosse du jugement (Cass. civ, 18 octobre 1978, Bull. civ. II, n° 214).

Cette notification de l'intégralité du titre complétera la signification par extrait de l'article 716 du cpc (CA PARIS, 11 juillet 1979, Bull. Avoués, IV, 21).

L'adjudicataire a trente ans pour exécuter le jugement.

Dans le cas où des meubles sont laissés dans les lieux, l'adjudicataire peut demander la désignation d'un garde-meubles où ils seront déposés. La demande est formulée, en référé sur difficulté d'exécution, au juge de l'exécution. Les frais en résultant (transport et garde) sont colloqués dans la procédure d'ordre comme frais extraordinaires, remboursés à l'adjudicataire par privilège sur le prix.

- La garantie contre l'éviction (C. civ. art. 1626 à 1640)

168.D'une manière générale, l'adjudicataire dispose des mêmes garanties que le saisi.

Ces garanties, visées aux articles 1625 à 1649 du Code civil, relèvent de la protection contre les risques d'éviction (art. 1626 à 1640) et de la garantie contre les vices cachés (art. 1641 à 1649).

A la lecture de l'article 1649 du Code civil, il ressort qu'en matière d'adjudication (vente judiciaire), la garantie se limite au risque d'éviction, qu'il s'agisse d'une éviction partielle ou d'une éviction totale.

En cas d'éviction totale, l'adjudicataire se trouve dispensé du paiement du prix s'il n'a pas été encore acquitté ; si le prix a été payé, il peut en demander la restitution.

En cas d'éviction partielle, l'adjudicataire pourra demander soit la réduction du prix, l'estimation du prix étant faite le jour de l'éviction, soit la résiliation de l'adjudication (C. civ., art. 1636 et 1637).

Le saisi étant considéré comme vendeur, c'est sur lui que pèse l'obligation de garantie (BORDEAUX, 28 juillet 1882, S 1883, II, p. 148 ; LYON, 6 mars 1878, DP 1878, II, p. 65).

Par ailleurs, l'adjudicataire n'est pas dépourvu de tout recours à l'encontre du créancier poursuivant. Trois possibilités s'offrent à lui :

- s'il n'a pas encore payé le prix de la vente, il peut en refuser le paiement aux créanciers poursuivants ;

- s'il a payé le prix, il peut en obtenir la restitution sur la base de l'article 1377 du Code civil en application des règles sur le paiement de l'indu, puisqu'il n'est pas devenu effectivement propriétaire ;

- il peut engager la responsabilité du créancier et obtenir des dommages-intérêts sur la base de l'article 1382 du Code civil, si le créancier a commis une faute lui portant préjudice. Il peut en être ainsi des erreurs commises dans la rédaction du cahier des charges.

Par ailleurs, l'adjudicataire bénéficie des recours offerts à l'acquéreur au sens de la loi du 18 décembre 1996 (cf. Loi CARREZ) lorsque la vente concerne un lot de copropriété d'immeubles bâtis.

1   Il est rappelé que s'il y a lieu à l'adjudication de tout ou partie des droits d'un indivisaire dans les biens indivis, l'avocat ou le notaire doit en informer les indivisaires par notification un mois avant la date prévue pour la vente.

2   C'est la publication du jugement d'adjudication qui doit intervenir dans le délai de trois ans de la publication du commandement et non pas seulement le jugement d'adjudication lui-même (Cass. civ., 2e, 3 mai 1990, Bull. civ. II n° 31).

3   Les tiers étant ceux qui possèdent un droit concurrent sur l'immeuble.