SOUS-SECTION 3 LA SAISIE IMMOBILIÈRE
4. Les sommations de prendre communication du cahier des charges.
107.Ces sommations prévues par les articles 689 et suivants du Code de procédure civile ont pour but de joindre à la procédure de saisie immobilière qui, jusque là, a été exclusivement l'affaire du créancier poursuivant, les personnes dont les intérêts sont directement concernés (le saisi, les créanciers inscrits détenteurs de droit sur l'immeuble et, parmi ceux-ci, le précédent vendeur qui n'a pas été payé et est en droit d'exercer son privilège de vendeur ou de demander la résolution de la vente).
L'information de ces personnes est prévue par l'article 689 précité aux termes duquel « sommation leur est faite » de prendre communication du cahier des charges et d'y faire insérer leurs dires et observations par ministère d'avocat constitué (Cass. civ., 2ème, 13 janvier 1993, Bull. civ. II n° 17) au plus tard trois jours avant l'audience prévue à l'article 690 du même code et ce à peine de déchéance (Cass. civ. 28 mars 1984, D 1984, IR 22 ; 5 avril 1991, D 1992, somm. 128).
a. Le contenu des sommations.
108.Aux termes de l'article 690 du Code de procédure civile, la sommation, faite par acte d'huissier, doit indiquer :
- les jour et heure d'une audience éventuelle où il sera statué sur les dires et observations qui auraient été formulées ;
- les jour et heure de l'audience d'adjudication pour le cas où il n'y aurait ni dires ni observations sur le cahier des charges.
b. Les personnes qui doivent être sommées.
109.L'article 689 du Code de procédure civile prévoit que les sommations, qui émanent de l'avocat poursuivant, sont signifiées par huissier de justice « dans les huit jours au plus tard après le dépôt du cahier des charges » :
- au saisi, à personne ou à domicile ;
- aux créanciers inscrits portés dans l'état délivré après la publication du commandement, aux domiciles élus sur les bordereaux d'inscription.
L'article 692 du code précité vise spécifiquement le cas où parmi les créanciers se trouve le vendeur de l'immeuble saisi ou un coéchangiste.
Le saisi, les créanciers inscrits et éventuellement le vendeur non payé doivent faire l'objet d'une sommation selon les modalités propres à chacun d'entre eux. La sommation peut être faite aux héritiers collectivement au domicile élu, et à défaut d'élection de domicile, au domicile du défunt et sans désignation des noms et des qualités (C. pr. civ. art. 689, dernier al.).
1° Sommation au saisi.
110.La sommation est signifiée au saisi à son domicile réel. Il peut ainsi connaître les conditions de la vente exposées au cahier des charges ainsi que la date de l'adjudication.
• Cas particuliers :
- débiteur saisi en liquidation judiciaire :
Le liquidateur qui exerce le pouvoir exclusif d'agir au nom du débiteur du saisi se trouve dispensé de délivrer à ce dernier la sommation prévue par l'article 689 susvisé (Cass. civ. 11 avril 1995, JCP 1995, IV, 1488).
- l'immeuble saisi est un bien commun :
En ce cas, il convient de signifier également la sommation au conjoint du saisi (Cass. civ. 11 avril 1995 précité).
2° Sommation aux créanciers inscrits.
111.Le droit de suite des créanciers hypothécaires ou privilégiés disparaît avec l'adjudication qui entraîne la purge des hypothèques. Cette situation juridique nouvelle ne peut être provoquée à l'insu des créanciers qui ayant une inscription sur l'immeuble sont donc avertis, par une sommation, du dépôt du cahier des charges.
Il s'agit non seulement des créanciers du saisi mais aussi des titulaires de sûretés à l'encontre du tiers-acquéreur ou du précédent propriétaire dont les inscriptions continuent à produire les effets prévus à l'article 2154 du Code civil.
Les autres créanciers n'ont pas à être sommés, qu'il s'agisse des créanciers chirographaires que le poursuivant ne peut connaître, ou bien des créanciers à titre hypothécaires ou privilégiés n'ayant pas pris le soin de se faire inscrire.
Le créancier poursuivant prend connaissance de l'identité des créanciers inscrits auprès de la conservation des hypothèques en demandant un état des inscriptions.
Dès lors que toutes les hypothèques doivent être inscrites depuis l'entrée en vigueur du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955, le poursuivant ne peut méconnaître les détenteurs de droits sur l'immeuble saisi.
112.La procédure ne peut d'ailleurs se poursuivre sans l'état des inscriptions.
Cet état ne peut être requis du conservateur des hypothèques avant vingt jours écoulés depuis la date du commandement (C. pr. civ., art. 674, al. 2).
Ce délai laisse éventuellement au saisi la possibilité de désintéresser amiablement son créancier.
113.L'omission, sur l'état des inscriptions, d'un créancier régulièrement inscrit n'emporte aucune conséquence défavorable au créancier poursuivant (l'omission peut résulter d'une faute du conservateur des hypothèques ou du fait que l'inscription du créancier avait été prise du chef du précédent propriétaire, dont l'identité n'était pas connue du poursuivant).
Si l'omission est le fait du conservateur, le créancier lésé pourra exercer son recours en responsabilité à l'encontre dudit conservateur, mais la saisie n'est pas nulle pour autant (C. civ., art. 2198).
Lorsque l'omission résulte de l'inscription du créancier du chef du précédent propriétaire inconnu, elle ne peut être imputée ni au conservateur des hypothèques ni au poursuivant car ceux-ci n'ont pas eu la possibilité de reconstituer la liste des propriétaires successifs de l'immeuble.
Il convient d'observer cependant que l'ignorance de l'existence d'inscriptions est devenue extrêmement rare grâce aux mesures législatives intervenues et aux possibilités offertes en matière de délivrance des renseignements.
En effet, pour permettre au fichier immobilier de révéler toutes les inscriptions de privilège ou d'hypothèque subsistantes, l'article 9 de l'ordonnance du 28 septembre 1967 a prévu le renouvellement accéléré des inscriptions prises avant le 1er janvier 1956 et non encore renouvelées en application des dispositions du décret du 30 décembre 1955. Le décret du 22 décembre 1967 ayant fixé au 31 décembre 1971 la date à laquelle ces inscriptions devaient être renouvelées pour conserver leurs effets au-delà de cette date, depuis le 1er janvier 1972 toutes les inscriptions subsistantes figurent au seul fichier immobilier.
De plus, il est possible, pour les immeubles situés dans les communes dont le cadastre est rénové, de déposer, conformément aux dispositions de l'article 40-1, 2° du décret du 14 octobre 1955, une réquisition de renseignements purement réelle, formulée sur un ou plusieurs immeubles déterminés sans indication de personnes, qui permet d'obtenir la délivrance de toutes les inscriptions subsistantes se rapportant à ces immeubles, quelle que soit la personne au nom de laquelle ces formalités sont intervenues.
Pour les communes dont le cadastre était rénové au 1er janvier 1956 il est donc possible de connaître, d'une manière certaine, les inscriptions qui grèvent les immeubles en cause.
Ce n'est qu'à l'égard de celles prises après le 1er janvier 1956 mais avant la date de mise en service du cadastre rénové, et non encore renouvelées après cette date, que des inscriptions pourront ne pas être révélées à défaut de pouvoir déposer une réquisition établie au nom de la personne qui, à l'époque, était propriétaire de l'immeuble.
Dans ce cas, la jurisprudence a d'ailleurs préféré garantir le créancier saisissant et le futur acquéreur au détriment du créancier inscrit qui n'a pas été averti par voie de sommation et ne peut exercer aucun recours (Cass. civ., 25 mai 1897, SE, 1898, I, 321 note Tissier).
3° Sommation au vendeur non payé.
114.Dans l'hypothèse où le vendeur de l'immeuble saisi n'a pas été payé et qu'il a fait inscrire son privilège de vendeur dans les deux mois suivant l'acte de vente, sommation de prendre connaissance du cahier des charges doit lui être faite aux termes de l'article 692 du Code de procédure civile. Deux situations sont à envisager :
- le vendeur non payé peut exciper de son privilège de vendeur et demander le paiement de la créance ;
- le vendeur non payé peut exercer l'action en résolution de la vente (C. civ., art. 1184).
Si la résolution de la vente est obtenue, les acquéreurs ultérieurs perdent tout droit réel sur l'immeuble et la saisie est annulée. La sommation au vendeur non payé lui permet donc d'exercer un choix entre les garanties visées et la possibilité de formuler des dires et observations.
Toutefois, le vendeur non payé qui veut exercer son action en résolution est tenu d'en faire la demande à la suite du cahier des charges, trois jours au moins avant l'audience éventuelle, à peine de déchéance (C. pr. civ. art. 692, al. 1). Ces dispositions sont applicables au coéchangiste créancier d'une soulte ainsi qu'à celui qui pourrait exercer une poursuite sur folle enchère consécutive à une adjudication antérieure (C. pr. civ., art. 692, al. 1 et 2).
La sommation est faite, à défaut de domicile élu, à personne ou au domicile réel, au délai ordinaire des ajournements (C. pr. civ., art. 692, al 1er).
La déchéance visée à l'article 692 ne peut bénéficier qu'à l'adjudicataire qui l'invoque. Elle ne peut être alléguée par un créancier qui voudrait se préserver d'une action en résolution ultérieure (Cass. civ. 9 décembre 1966, Bull. civ. I n° 966 p. 674).
S'il a été formé régulièrement une demande en résolution ou une poursuite en folle enchère, il sera sursis aux poursuites en ce qui concerne les immeubles frappés par l'action résolutoire ou la plus folle enchère. La demande en résolution sera dans tous les cas portée devant le tribunal où se poursuit la vente sur saisie. Elle sera instruite et jugée sans préliminaire de conciliation et assujettie aux formes, délais et voies de recours applicables en matière de distraction (C. pr. civ., art. 695, al. 1).
c. La mention des sommations en marge de la publication du commandement valant saisie.
115.L'article 694 du Code de procédure civile prévoit qu'une mention des sommations doit être faite, dans les huit jours de la date du dernier exploit de notification, en marge de la copie du commandement publiée au bureau des hypothèques.
Pour l'accomplissement de la formalité de publicité foncière, l'avocat du poursuivant doit déposer deux expéditions, extraits littéraux ou copies des sommations à publier par voie de mention en marge du commandement valant saisie (art. 34 du décret du 4 janvier 1955). Dans la pratique, toutefois, cette règle est appliquée avec souplesse et il est admis que la mention peut être effectuée sur le dépôt de l'original et d'une copie de l'acte ; l'original est alors restitué au requérant revêtu du certificat de mention et la copie est conservée au bureau en tant que pièce justificative.
Cette mention permet aux éventuels enchérisseurs de connaître l'état d'avancement de la procédure ainsi que le nom des personnes en mesure de formuler des dires et observations.
116.De plus, cette formalité associe à la procédure tous les créanciers sommés.
En effet, le créancier poursuivant avait jusqu'ici agi seul pour mener à bien le déroulement de la procédure.
L'article 694 du Code de procédure civile prévoit en revanche que « du jour de cette mention, la saisie ne peut plus être rayée que du consentement des créanciers inscrits, ou en vertu d'un jugement qui leur soit opposable ». Les créanciers se retrouvent ainsi liés à la procédure de saisie et la mainlevée de la saisie ne peut s'effectuer sans l'accord du poursuivant et de l'ensemble des créanciers inscrits (cf. Cass. civ., 2ème, 7 janvier 1965, JCP 1966, éd. G., IV, 23).
5. Dires et observations sur le cahier des charges.
117.La rédaction du cahier des charges par l'avocat du créancier poursuivant peut être modifiée et notamment après les sommations, par l'insertion des dires et observations formulés par les personnes intéressées à la vente.
a. Personnes qui peuvent présenter des observations.
118.Les sommations prévues par les articles 689 et 692 du Code de procédure civile ont pour objet de provoquer les observations du débiteur saisi, des créanciers inscrits et du vendeur non payé qui peut exercer son action en résolution.
Cette faculté d'insérer des dires et observations au cahier des charges est également ouverte, au poursuivant (C. pr. civ., art. 689), aux créanciers chirographaires, aux créanciers hypothécaires non inscrits, aux locataires ou fermiers, aux tiers détenteurs de droits sur l'immeuble tels que l'usufruitier ou le titulaire d'une servitude, c'est-à-dire en définitive, à toutes personnes intéressées à la vente.
b. Présentation et dépôt des observations.
119.Les observations - dont le but principal est de faire modifier les clauses du cahier des charges - sont présentées sous forme d'un « dire ».
Le dire est une déclaration écrite rédigée par l'avocat de celui qui formule les observations.
L'insertion d'un dire dans le cahier des charges doit en principe être faite par un avocat sous peine de nullité absolue pour violation d'une règle d'organisation judiciaire (Cass. civ. 9 juillet 1986, Bull. civ. II, n° 105). Toutefois, la nullité ou l'irrecevabilité du dire ne sera pas prononcé si la sommation prévue à l'article 689 du code précité n'a pas fait mention du ministère d'avocat obligatoire (Cass. civ., 7 novembre 1994, Jurisclasseur - Fasc. 851, 1, 1996).
L'avocat dépose le dire au greffe du Tribunal de grande instance. Le greffier inscrit chaque dire à la suite du cahier des charges, sans juger la validité ou l'opportunité de l'observation.
En matière de dires et d'observations, on distingue :
- les dires complémentaires des clauses et conditions du cahier des charges, ou les dires de formalités qui ne donnent lieu à aucun débat ;
- les dires de contestations sur les clauses et conditions du cahier des charges qui sont débattues devant le tribunal.
c. Délai de formulation des dires.
120.Les dires et observations doivent être insérés au cahier des charges au plus tard trois jours avant l'audience éventuelle et ce, à peine de déchéance (C. pr. civ., art. 689 ; Cass. civ. 12 mars 1980, Gaz. Pal. 1980, 2, p. 613 ; 24 novembre 1982 D 1983, IR 172).
Toutefois, si les dires constituent un moyen de nullité de la procédure tant en la forme qu'au fond, ils doivent être annexés au cahier des charges cinq jours au plus tard avant le jour fixé pour l'audience éventuelle (C. pr. civ., art. 727).
La sommation avertit les personnes sommées des jour et heure de l'audience éventuelle afin qu'elles puissent faire valoir leurs observations avant l'expiration du délai.
Pour faire insérer des dires, il faut prendre en considération la date de l'audience éventuelle indiquée par la sommation de l'article 689 du Code de procécure civile, quand bien même cette date a été, à tort, l'objet d'une décision de report (Cass. civ. 15 novembre 1995, JCP 1996, éd. G, IV, n° 38).