SOUS-SECTION 3 LA SAISIE IMMOBILIÈRE
2° Cas particuliers.
• Immeuble dépendant d'une succession
68.L'article 36 § 5 du décret du 14 octobre 1955 (rédaction du décret n° 59-90 du 7 janvier 1959) donne au créancier qui saisit, à l'encontre des successibles, un immeuble dépendant d'une succession, la possibilité de requérir la publicité, au nom du défunt, du commandement signifié à l'ayant droit (héritier ou légataire).
Dans ce cas, la production de l'acte de notoriété ou du certificat établissant que le droit du saisi résulte d'une transmission par décès n'ayant pas encore fait l'objet d'une attestation n'est pas nécessaire.
• Certificat de conformité
69.La copie déposée en vue de la publication doit porter un certificat attestant qu'elle est conforme à l'original du commandement (décret du 14 octobre 1955, art. 67-3, al. 2, modifié).
Le certificat de conformité doit contenir l'indication des noms, prénoms, professions et domicile du ou des signataires du document déposé et préciser le nombre de pages utilisées, le décompte ainsi que l'approbation des renvois et les mots rayés. La signature est toujours manuscrite ; celle d'un officier public est accompagnée de l'empreinte de son sceau (art. 76-1, § 4, du décret du 14 octobre 1955, modifié).
Lorsque les expéditions, extraits ou copies de plusieurs actes ou décisions formant le complément les uns et les autres sont déposés en même temps, ils doivent faire l'objet d'un seul certificat de conformité (art. 67-3 du décret du 14 octobre 1955, modifié).
S'agissant du commandement valant saisie, cette certification doit être faite par l'huissier qui a signifié le commandement (art. 79 du décret du 14 octobre 1955).
→ Certification des éléments d'identification de la partie saisie (débiteur saisi, tiers acquéreur ou caution réelle)
70.Aux termes des articles 5 et 6 du décret du 4 janvier 1955 modifié, le commandement doit contenir la certification de certains éléments d'identification de la partie saisie (débiteur saisi, tiers acquéreur ou caution réelle).
Il s'agit :
- en ce qui concerne les personnes physiques, des noms, prénoms dans l'ordre de l'état civil, date et lieu de naissance et nom du conjoint (décret du 4 janvier 1955, art. 5, 2ème alinéa) ;
- en ce qui concerne les personnes morales, de leur dénomination, leur forme juridique et leur siège social actuel, ainsi que de leur numéro d'identité, si la personne morale est inscrite au répertoire prévu par le décret n° 73-314 du 14 mars 1973 modifié portant création d'un système national d'identification et d'un répertoire des entreprises et de leurs établissements (décret du 4 janvier 1955, art. 6, al. 3 et 4).
Lorsque la personne morale n'est pas inscrite au répertoire sus-mentionné ou lorsqu'elle est en cours d'inscription, la certification doit comporter en outre une mention attestant cette situation.
Cette mention de certification doit être portée à la suite du certificat de conformité au pied de la copie du commandement, dans les termes conformes aux modèles suivants :
* pour les personnes physiques :
« Le soussigné (nom, qualité, domicile)... certifie que l'identité complète des parties dénommées dans le présent commandement, telle qu'elle est indiquée à la page... alinéa..., ligne... (ou est désignée ci -après suivie de la reproduction complète de l'idendité de la partie saisie) lui a été régulièrement justifiée ».
* pour les personnes morales :
« Le soussigné (nom, qualité, domicile) certifie que l'identité complète des parties dénommées dans le présent commandement, telle qu'elle est indiquée à la page... alinéa..., ligne... (ou est désignée ci -après suivie de la reproduction complète de l'idendité de la partie saisie) lui a été régulièrement justifiée au vu de ... (préciser la pièce justificative : extrait K bis, statuts...) ».
Figurent à la suite le lieu et la date de rédaction.
Dans certains cas, il convient d'énoncer les pièces au vu desquelles le certificat a été établi (personnes morales ; cf. tableau ci-après). Le certificateur n'a pas à produire les documents au vu desquels la certification a été établie.
Conformément aux dispositions de l'article 38 § 2 du décret du 14 octobre 1955 modifiées par le décret du 14 mars 1973, les comptables des impôts sont habilités à certifier l'identité des débiteurs pour les inscriptions qu'ils requièrent.
L'identité de la partie saisie (débiteur saisi, tiers acquéreur, caution réelle) est certifiée au vu des pièces justificatives énoncées dans le tableau suivant :
71.Le défaut de certification est sanctionné par le refus du dépôt (art. 34 § 2 du décret du 4 janvier 1955 et 38 § 1du décret du 14 octobre 1955).
Pour établir le certificat d'identité le comptable des impôts signataire dudit certificat peut se faire communiquer par le propriétaire de l'immeuble saisi ou par toute personne susceptible de les fournir, les documents nécessaires à son établissements et à défaut les renseignements permettant d'obtenir lesdits documents.
Le comptable peut également obtenir les renseignements d'identité nécessaires à la rédaction dudit certificat des administrations, services ou établissements publics de l'Etat, des départements et des communes et des établissements nationalisés sans que le secret administratif ou professionnel puisse lui être opposé.
En cas de saisie, l'huissier de justice doit énoncer dans le commandement les documents communiqués ou les renseignements recueillis (art. 50-3 du décret du 4 janvier 1955, modifié).
→ Mention de l'urgence
72.Selon l'article 34 § 5 du décret du 4 janvier 1955 modifié, lorsqu'il est mentionné dans un acte soumis à publicité que celui-ci a dû être établi d'urgence avant réception des documents sur la base desquels il doit être procédé à la désignation des personnes et des immeubles, les erreurs ou omissions relatives à cette désignation peuvent être réparées, préalablement à la réquisition de la formalité, au moyen soit d'une mention complémentaire apposée par le rédacteur de l'acte à la suite de la minute ou de l'original, soit d'une attestation établie par acte distinct lorsque l'acte a été enregistré. En ce qui concerne les actes d'huissier de justice, la mention est portée, par l'huissier, ou par l'avocat intéressé, sur les documents déposés au bureau des hypothèques.
La mention de l'urgence dans le commandement permet donc de réparer des erreurs éventuelles dans la désignation des personnes et des biens.
3° Délai de publication du commandement.
73.La publication peut suivre immédiatement le commandement ou la sommation dès lors qu'il n'existe aucun délai minimum.
Mais le créancier ne peut pas requérir les états de publicité sur cette formalité - lesquels sont indispensables pour la poursuite de la procédure - avant l'expiration d'un délai de vingt jours à compter de la date du commandement (C. pr. civ., art. 674, al. 2).
Si ce délai n'est pas respecté, la déchéance encourue entraîne la radiation de la saisie (Cass. civ. 10 octobre 1990, D. 1990, IR 245 ; 12 mars 1997, Bull. civ. II n° 76 ; JCP 1997, éd. G, IV, 982).
L'article 674, alinéa 3, du Code de procédure civile édicté, par contre, un délai maximum pour publier le commandement : « si le créancier laisse écouler plus de quatre-vingt-dix jours entre le commandement et la publication au bureau des hypothèques, il ne peut reprendre les poursuites qu'en le réitérant dans les formes et avec les délais ci-dessus ».
Le non-accomplissement de la publication dans le délai légal entraîne déchéance, en l'absence même de tout préjudice (Cass. civ., 2e, 28 mai 1984, D. 1985, IT 54 ; Com. 15 juillet 1987, Gaz. Pal. 1988, I, somm. 155).
Ainsi, à défaut de publication dans un délai de quatre-vingt-dix jours à partir de la date du commandement, le poursuivant doit recommencer la procédure en signifiant un nouveau commandement.
Pour la computation de ce délai, il convient de faire application des articles 640 à 642 du nouveau Code de procédure civile (cf. textes reproduits en annexe).
Lorsque l'exécution de la formalité a été retardée en raison d'une cause de rejet soulevée par le conservateur, le délai de quatre-vingt-dix jours est augmentée du nombre de jours écoulés entre le dépôt du commandement au bureau des hypothèques et l'exécution de la formalité (C. pr. civ., 674, al. 4).
Ce délai n'est pas suspendu par l'opposition formée par le saisi contre le commandement, aucun texte n'interdisant la publication en cas d'opposition (Cass. civ., 15 mars 1976, D. 1976, J. 444 ; JCP 1976, IV, 6622).
Par ailleurs, si le débiteur essayait d'empêcher la publication du commandement en assignant immédiatement en référé le comptable poursuivant pour l'obtention du délai de grâce des articles 1244-1 à 1244-3 (L. n° 91-650 du 9 juillet 1991, art. 83), il conviendrait de demander au juge de se déclarer incompétent pour accorder un tel délai. En effet, il est de jurisprudence constante que les dispositions des articles précités sont inapplicables en matière fiscale (cf. 12 C 413 n° 2 ).
74.Au regard de l'incidence des délais relatifs à la publicité foncière et à l'enregistrement, on considère que le commandement valant saisie est soumis à titre facultatif à la formalité fusionnée.
En conséquence, la formalité fusionnée ne peut être requise que dans le délai légal imparti pour la formalité de l'enregistrement, c'est-à-dire, en fait, dans le mois de la date du commandement.
Ainsi, dans un délai d'un mois le créancier saisissant peut, au choix, ou bien demander la formalité de l'enregistrement, ou bien requérir la formalité fusionnée. Dans le premier cas, il demeure libre de faire publier ultérieurement le commandement dans les conditions habituelles.
S'il laisse passer ce délai d'un mois, les deux formalités demeurent obligatoirement distinctes.
75. IMPORTANT : Le commandement publié cesse de produire effet, si dans le délai de 3 ans de sa publication il n'est pas intervenu une adjudication mentionnée en marge de la publication ou un jugement prorogeant le délai de l'adjudication (art. 694 CPC ancien).
C'est la publication du jugement d'adjudication qui doit intervenir dans le délai de trois ans et non pas seulement le jugement d'adjudication lui-même (Cass. civ. 3 mai 1990, D. 1990 som. 347, obs. JULIEN ; Bull. civ. II n° 81).
La prorogation du délai qui vaut prorogation du commandement prend effet à compter de la publication du jugement qui l'a ordonnée (Cass. civ. 27 janvier 1993, Bull. civ. II n° 39).
b. Effet de la publication.
76.La publication du commandement valant saisie n'a pas pour seul effet d'informer les tiers ; elle entraîne la restriction des prérogatives qui s'attachent au droit de propriété du saisi relativement à l'immeuble objet de ladite saisie. Cette restriction s'opère dès le jour du dépôt à la conservation des hypothèques du commandement aux fins de publicité.
Lorsque la formalité n'est pas accomplie immédiatement les tiers sont néanmoins protégés car ils sont informés de la saisie par l'inscription du commandement, inscription qui doit être effectuée sur le registre tenu par le conservateur.
La publication du commandement entraîne, pour le droit de propriété du débiteur saisi, les limitations suivantes :
- l'opposabilité aux tiers de l'indisponibilité de l'immeuble ;
- la restriction du droit d'usage et des pouvoirs d'administration sur l'immeuble saisi ;
- le cas échéant, l'immobilisation des fruits et revenus dudit immeuble.
Le commandement publié cesse de produire effet si, dans les trois ans de sa publication, il n'est pas intervenu une adjudication mentionnée en marge de cette publication (C. pr. civ., art. 716 al. 2 ou un jugement prorogeant le délai de l'adjudication (vente) ; C. pr. civ., art. 694 ; Cass. civ., 2e, 13 juin 1990, Bull. civ. II n° 133 ; 1er février 1995, Bull. civ. II n° 40 p. 23 - prive sa décision de base légale, le tribunal qui admet la demande de prorogation du créancier sans préciser les circonstances qui la justifient).
1° Indisponibilité de l'immeuble saisi.
77.La partie saisie ne peut, à compter du jour du dépôt du commandement au bureau des hypothèques aux fins de publicité, ni aliéner, ni grever de droits réels les immeubles saisis, à peine de nullité (Code de proc. civ., art. 686 premier alinéa).
S'il résulte de l'article précité que des actes postérieurs au dépôt du commandement sont entachés de nullité, les actes antérieurs restent, en principe, valables. Ces deux situations appellent, toutefois, les précisions suivantes :
• Actes postérieurs au dépôt du commandement
78. Le dépôt du commandement protège les tiers à qui il appartient de s'informer de la saisie auprès de la conservation des hypothèques. Le tiers est, au sens de l'article 30 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955, celui qui a acquis du même auteur des droits concurrents en vertu d'actes ou de décisions soumis à la même obligation de publication et publiés, ou a fait inscrire des privilèges ou des hypothèques. Cette distinction écarte en principe le créancier chirographaire.
Toutefois, le dépôt du commandement confère la qualité de tiers aux créanciers poursuivants et la faculté d'invoquer la nullité des actes établis au mépris de l'indisponibilité de l'immeuble saisi est ouverte aussi bien aux créanciers chirographaires qu'aux créanciers inscrits titulaires du droit de suite et du droit de préférence (C. pr. civ., art. 686, al. 2). Le créancier chirographaire bien qu'il ne devienne pas titulaire d'un droit réel dispose des mêmes prérogatives que le créancier inscrit.
La nullité des actes postérieurs au dépôt du commandement frappe toute constitution de droits réels consentie par le saisi sur les immeubles saisis, qu'il s'agisse de servitudes, de privilèges ou d'hypothèques judiciaires, conventionnelles ou légales.
La nullité édictée par l'article 686 du Code de procédure civile créée en faveur des seuls créanciers saisissant est relative (Cass. civ. 4 décembre 1953, D. 1954.91) : elle ne peut être invoquée par le saisi ou par l'acquéreur ayant traité avec lui. Il existe par ailleurs deux situations dans lesquelles l'acte postérieur au dépôt du commandement peut échapper à la nullité :
→ Mainlevée de la saisie
79.Lorsque le débiteur se libère de sa dette, la mainlevée de la saisie est ordonnée. L'acte d'aliénation ou la constitution du droit réel, survenu postérieurement au dépôt du commandement, n'est donc pas entaché de nullité et est validé.
Il peut donc y avoir intérêt pour les comptables, à prendre une hypothèque légale sur un immeuble, même si une saisie à l'initiative d'un autre créancier a été engagée, à condition toutefois qu'elle soit inscrite avant la publication du jugement d'adjudication, celle-ci arrêtant le cours des inscriptions.