TITRE 2 EXERCICE DES POURSUITES INDIVIDUELLES
TITRE 2
EXERCICE DES POURSUITES INDIVIDUELLES
CHAPITRE PREMIER
RÈGLES GÉNÉRALES
SECTION 1
Incidences du régime matrimonial des redevables
sur l'exercice des poursuites
Généralités sur les régimes matrimoniaux
A. DÉFINITION
1L'expression « régime matrimonial » vise l'ensemble des dispositions conventionnelles ou légales qui règlent les intérêts pécuniaires des époux, soit dans leurs rapports entre eux, soit dans leurs rapports avec les tiers.
B. DISTINCTION ENTRE RÉGIME CONVENTIONNEL ET RÉGIME LÉGAL
(CGI, art. 1387 et 1393 à 1395)
2Avant la célébration du mariage, les futurs époux ont la faculté de prévoir, dans un contrat rédigé par acte notarié, le régime matrimonial auquel ils entendent se soumettre.
Pratiquement, dans ce cas, ils adoptent, le plus souvent, l'un des régimes types réglementés par le législateur, sauf à le modifier sur certains points selon leurs convenances personnelles.
A défaut de stipulations contractuelles, les époux sont censés s'être référés tacitement à un régime dit « légal » par opposition au régime conventionnel.
C. QUALITÉ DE LA LÉGISLATION APPLICABLE
3Antérieurement à la réforme des régimes matrimoniaux réalisée par la loi n° 65-570 du 13 juillet 1965 le régime légal était celui de la communauté des meubles et acquêts.
Diverses conventions types permettaient contractuellement, avant le mariage, de modifier ce régime ou même de l'exclure. Les époux avaient, notamment la possibilité d'adopter le régime de la communauté réduite aux acquêts ou de stipuler qu'ils se mariaient sans communauté ou encore qu'ils seraient séparés de biens ; ils pouvaient, aussi, opter pour le régime dotal, régime dans lequel une dote était apportée au mari par la femme ou ses ascendants pour assurer la participation de celle-ci aux charges du mariage.
4La loi du 13 juillet 1965 précitée a substitué au régime légal de la communauté des meubles et acquêts celui de la communauté réduite aux acquêts.
En outre, elle a abrogé deux régimes conventionnels : le régime sans communauté et le régime dotal. Mais elle a créé un nouveau type de régime : le régime de participation aux acquêts.
5Les époux dont le mariage avait été célébré antérieurement à l'entrée en vigueur de cette loi (1 er fév. 1966), continuent, en principe, et sous réserve de la faculté qui leur a été offerte d'opter pour les dispositions nouvelles (cf. infra n° 8 ) à avoir pour régime, soit celui de l'ancienne communauté légale des meubles et acquêts s'ils étaient mariés sans contrat, soit, dans le cas contraire, celui résultant de leur convention matrimoniale.
Néanmoins, le droit nouveau est applicable aux époux soumis au régime de la communauté des meubles et acquêts, en tout ce qui concerne l'administration des biens communs, des biens réservés (art. 11, loi n° 65-995 du 26 nov. 1965) [cf. infra n° 21 ] et des biens propres. De plus, sans préjudice des droits qui auraient pu être acquis par des tiers, ces époux ont, depuis l'entrée en vigueur de la réforme, la jouissance de leurs biens propres et doivent en supporter personnellement le passif correspondant : la communauté a cessé d'être usufructuaire de ces biens.
D. PRINCIPE DE L'IMMUTABILITÉ DES CONVENTIONS MATRIMONIALES ET LIMITES À CE PRINCIPE
61. Principe.
Les époux ne peuvent, par leur seule volonté et en dehors de tout contrôle judiciaire, ni changer de régime matrimonial ni en modifier l'une des clauses.
2. Exceptions permanentes.
a. Toutefois, après deux années d'application d'un régime matrimonial, conventionnel ou légal, ils ont la possibilité de convenir, dans l'intérêt de la famille, de le modifier ou même d'en changer entièrement par un acte notarié soumis à l'homologation du tribunal de leur domicile (Code civ., art. 1397). Dans ce cas. les créanciers ont la faculté de former tierce-opposition contre le jugement d'homologation si le changement de régime matrimonial de leur débiteur leur fait grief (cf. 12 C 2244-25).
7 b. D'autre part, avant la dissolution du mariage, il peut être mis fin à un régime de communauté ou de participation aux acquêts par une décision de justice plaçant les époux sous le régime de la séparation des biens (Code civ., art. 310-1, dernier al. ; 1449 et 1580, dernier al.). Les créanciers d'un époux ne sont pas autorisés à demander, du chef de celui-ci, la séparation des biens, mais ils ont la faculté soit d'intervenir à l'instance en cours, soit de faire tierce-opposition au jugement qui l'a prononcée (cf. 12 C 2244-14 et suiv.).
3. Exceptions temporaires.
8En outre, la loi du 13 juillet 1965 précitée a, dans ses articles 11, dernier alinéa, 16. 17 et 18, dérogé au principe de l'immutabilité des conventions matrimoniales en faveur des époux dont la célébration du mariage était déjà intervenue au moment de son entrée en vigueur (1 er fév. 1966). En effet, ces époux ont eu la possibilité, par déclaration conjointe faite devant notaire, soit, s'ils étaient mariés sans contrat, d'opter pour le nouveau régime de la Communauté réduite aux acquêts, soit, s'ils avaient passé des conventions matrimoniales de soumettre le régime matrimonial auquel ils avaient souscrit aux dispositions nouvelles qui règlent ce type de régime, sans préjudice, néanmoins, des clauses particulières, lesquelles ne peuvent être modifiées que dans les formes du nouvel article 1397 du Code civil ( supra n° 6 ) soit, enfin, s'ils avaient adopté le régime sans communauté ou le régime dotal, de se placer sous le régime de la communauté légale ou sous le régime de la séparation des biens.
E. STATUT DE BASE DES ÉPOUX
9Un certain nombre de règles édictées aux articles 214 à 226 du Code civil (cf. art. 1 er de la loi du 13 juillet 1965 précitée) s'imposent sous tous les régimes matrimoniaux sans qu'il y ait lieu de considérer l'époque à laquelle le mariage a été célébré ou les conventions passées.
Parmi ces règles il convient de signaler plus particulièrement celles destinées :
- à autoriser le transfert de pouvoirs entre époux ;
- à assurer la protection du logement familial ;
- à assurer la protection des intérêts des tiers et des cocontractants ;
- à faciliter l'indépendance professionnelle des époux.
I. Règles relatives au transfert de pouvoir entre époux
a. Transfert de pouvoir conventionnel.
10Un époux peut donner mandat à l'autre de le représenter dans l'exercice des pouvoirs que le régime matrimonial lui attribue (Code civ., art. 218). Ce mandat peut concerner indistinctement tous les pouvoirs d'un des époux, il peut être général ou spécial.
b. Transfert de pouvoir judiciaire.
11Lorsqu'un époux est hors d'état de manifester sa volonté ou pour tout autre motif grave prévu formellement par le législateur, l'autre époux peut, par décision de justice, selon le cas :
1° être autorisé à passer seul un acte pour lequel le concours ou le consentement de son conjoint serait nécessaire (Code civ., art. 217) ;
2° être habilité à représenter son conjoint, d'une manière générale ou pour certains actes particuliers, dans l'exercice des pouvoirs résultant du régime matrimonial, les conditions et l'étendue de cette représentation étant fixés par le juge (Code civ., art. 219) ;
3° Faire interdire à son conjoint d'effectuer sans son consentement des actes de dispositions sur les propres biens de celui-ci ou sur ceux de la communauté (Code civ., art. 220-1).
Nota. - En ce qui concerne plus spécialement le transfert des pouvoirs en matière de Communauté légale voir infra C 2111-18 et suivants.
II. Règles destinées à assurer la protection du logement familial
12Aux termes de l'alinéa 3 de l'article 215 du Code civil « les époux ne peuvent l'un sans l'autre disposer des droits par lesquels est assuré le logement de la famille, ni des meubles meublants dont il est garni ».
Ce texte ne s'applique qu'au logement principal et aux meubles qui s'y trouvent, à l'exclusion des résidences secondaires et de leur mobilier.
Il vise non seulement le cas où le logement principal de la famille est pris à bail mais aussi celui où il est la propriété d'un seul des deux époux. Dans ce dernier cas, le législateur fait interdiction à l'époux propriétaire du bien immobilier d'en disposer sans le consentement de l'autre. L'époux qui n'a pas donné son consentement à l'acte de disposition peut en demander l'annulation dans l'année à partir du jour où il a eu connaissance de l'acte sans que jamais l'action en nullité puisse être intentée plus d'un an après la dissolution du régime matrimonial.
13Dès lors que l'époux propriétaire n'a pas le pouvoir d'aliéner seul l'immeuble qui constitue le logement familial il ne peut, sans le consentement de son époux, le grever d'une hypothèque conventionnelle. Le principe est, en effet, en matière de pouvoir comme en matière de capacité (Code civ., art. 2124) que pour avoir le droit d'hypothéquer un bien, il faut avoir le pouvoir de l'aliéner.
14Ce principe ne s'applique pas à l'hypothèque légale du Trésor qui, lorsque les conditions sont remplies, existe sans l'intervention de la volonté du redevable.
15En ce qui concerne le mobilier qui se trouve à la résidence conjugale, il a été soutenu que, même lorsque ce mobilier est la propriété exclusive d'un époux, ses créanciers personnels ne peuvent le saisir et le faire vendre sans le consentement du conjoint (voir note sous l'arrêt de la Cour de cassation du 29 janv. 1974, D 1974, 345, § B).
L'Administration estime, pour sa part, sous réserve de l'appréciation souveraine des tribunaux, que cette thèse est inexacte, toutefois, dans le cas de saisie de tels biens elle recommande de notifier immédiatement la saisie au conjoint du redevable afin de faire courir contre ce conjoint le délai d'opposition à l'acte de poursuite (CGI, art. 1846 et 1917).
III. Règles destinées à assurer la protection des tiers
a. Actes d'administration, de jouissance ou de disposition accomplis par l'un des époux sur un bien meuble (Code civ., art. 222).
16Lorsqu'un époux se présente seul pour faire un acte sur un meuble qu'il détient individuellement il est présumé, à l'égard de son cocontractant, si celui-ci est de bonne foi, avoir le pouvoir de faire seul cet acte à moins qu'il ne s'agisse d'un meuble se trouvant au logement familial (supra n° 12 ) ou de meubles dont la nature révèle qu'ils appartiennent au conjoint (infra C 2111 n° 3 , tableau, I).
17Cette présomption ne joue qu'en faveur des tiers ayant traité avec un époux : les créanciers qui saisissent les biens détenus personnellement par une personne mariée ne sont pas en droit de s'en prévaloir pour écarter l'action en revendication du conjoint.
b. Ouverture d'un compte de dépôt ou d'un compte de titres.
18En vertu de l'article 221 du Code civil, chacun des époux peut se faire ouvrir, sans le consentement de l'autre, un compte de dépôt ou un compte de titres en son nom personnel.
L'époux déposant est réputé, à l'égard du dépositaire, avoir la libre disposition des fonds et des titres en dépôt 1 .
Il s'agit essentiellement d'une disposition destinée à renforcer la présomption plus générale de l'article 222 du Code civil (supra n° 16 ).
19Le dépositaire ne doit, ni ne peut, lors de l'ouverture du compte et durant son fonctionnement demander au déposant la justification de son pouvoir de disposer des fonds ou des titres en dépôt. En particulier, les organismes bancaires et les services des chèques postaux ne sont pas tenus, avant d'exécuter les avis à tiers détenteur qui leur sont notifiés par les comptables publics en vue du recouvrement des impositions dues par les titulaires des comptes de dépôt, de rechercher les incidences que peut avoir sur la disponibilité des fonds saisis-arrêtés le régime matrimonial de ces derniers.
IV. Règles destinées à assurer l'indépendance professionnelle des époux
a. Règles relatives aux gains et salaires (Code civ., art. 224 1 er al.).
20Quel que soit le régime matrimonial adopté, chacun des époux perçoit ses gains et salaires et peut en disposer librement après s'être acquitté des charges du mariage. (Sur la question de savoir si les gains et salaires sont, dès leur origine, des biens propres ou des biens réservés, voir infra C 2111 n° 3 . tableau, commentaires n os 7 et 8.)
21 b. Règles relatives aux biens réservés (Code civ., art. 224, 2 e et 3 e al., et art. 225).
Sous tous les régimes matrimoniaux, les biens que la femme acquiert par ses gains et salaires dans l'exercice d'une profession séparée de celle de son mari sont réservés à son administration, à sa jouissance et à sa libre disposition.
Toutefois, sous les régimes de communauté, les biens réservés, quoique soumis à la gestion de la femme, font partie de l'actif commun (Code civ., art. 1401, 2 e al.). Les créanciers envers lesquels la femme s'est obligée peuvent exercer leurs poursuites sur ces biens lors même que l'obligation n'a pas été contractée par elle dans l'exercice de sa profession ou dans l'intérêt du ménage (Code civ., art. 1415).
F. MESURES DE PUBLICITÉ
I. Mentions dans l'acte de mariage dressé par l'officier de l'état civil 2
a. Contrat de mariage (supra n° 2 ).
22L'acte de mariage mentionne s'il a été ou s'il n'a pas été fait de contrat de mariage et indique, autant que possible, la date du contrat, s'il existe, ainsi que le nom et le lieu de résidence du notaire qui l'a reçu (Code civ., art. 76, 8°).
Si l'acte porte la mention qu'il n'a pas été fait de contrat, les époux sont, à l'égard des tiers, réputés mariés sous le régime légal qui leur est applicable compte tenu de la date de la célébration du mariage, à moins que, dans les actes passés avec ces tiers, ils n'aient déclaré avoir fait un contrat de mariage (Code civ., art. 1394, 3 e al.).
1 Cette présomption ne joue, ni à l'égard des tiers ni entre les époux :
- en séparation de biens, et à defaut de présomptions conventionnelles preuve par tous moyens, sinon indivision pour moitié (art. 1538-2) ;
- en communauté, masse commune sauf preuve du caractère propre.
2 Article 10 du décret n° 62-921 du 3 août 1962 relatif à l'état civil :
« Les dépositaires des registres (de l'état civil) sont tenus de délivrer à tout requérant des extraits des ... actes de mariage ...
« Les extraits d'acte de mariage indiqueront ... En outre, ils reproduiront les énonciations et mentions relatives au régime matrimonial ainsi que les mentions de divorce et de séparation de corps. »