SOUS-SECTION 1 NOTIONS SUR LES SOCIÉTÉS
b. Actes passés après la signature des statuts mais avant immatriculation.
15Jusqu'à l'immatriculation qui fait acquérir la personnalité morale, les dirigeants désignés par les statuts sont sans pouvoir puisqu'ils ne peuvent représenter une personne qui n'existe pas encore. Pour cette raison, les associés peuvent, dans les statuts ou par acte séparé, donner mandat aux dirigeants désignés ou à des tiers de prendre tel ou tel engagement pour le compte de la société. Sous réserve que cet engagement soit nettement déterminé et que ses modalités soient précisées par le mandat, l'immatriculation emportera sa reprise par la société.
De plus, même dans l'hypothèse où ces conditions ne seraient pas respectées, la société pourrait toujours, après immatriculation, décider la reprise des engagements pris en son nom pendant sa période de formation.
II. Les conséquences de la personnalité morale
16La société, en tant qu'être juridique distinct, a tous les attributs de la personnalité : nom, domicile, patrimoine et nationalité. Elle a également une capacité et une responsabilité propres.
1. La société a un nom.
17L'article 1835 du code civil prévoit que les statuts doivent déterminer « l'appellation » de la société. C'est sous cette appellation que la société agira et sera connue des tiers.
Les sociétés sont désignées par une dénomination sociale 1 , qui rappelle souvent la nature de l'activité sociale. Elle peut aussi être purement fantaisiste, ou inclure le nom d'un ou plusieurs associés, à l'exclusion de celui des commanditaires dans la société en commandite par actions.
Les sociétés commerciales peuvent utiliser un nom commercial ou une enseigne (éléments du fonds de commerce exploité) distincts de la dénomination sociale.
2. La société a un domicile.
18Il s'agit du « siège social » c'est-à-dire le lieu où s'exerce la direction effective de la société. Il ne coïncide pas toujours avec le lieu où est exercée l'activité sociale.
Le choix du siège social commande, en partie, le statut juridique de la société : nationalité et loi applicable, tribunaux compétents, lieu où doivent être accomplies les formalités légales de publicité, etc.
3. La société a une nationalité.
19L'article 1837 du code civil dispose que « toute société dont le siège est situé sur le territoire français est soumise aux dispositions de la loi française ».
Il résulte de ce texte que les règles de constitution et de fonctionnement des sociétés dont le siège est en France doivent être appréciées selon la loi française. De même, ces sociétés jouissent des droits attachés aux nationaux français. Toutefois, l'exercice de ces droits peut être subordonné à la condition que les associés détenant le contrôle de la société soient de nationalité française.
4. La société a un patrimoine propre.
20Les apports en nature et en numéraire constituent le capital social.
Le capital social ne doit pas être confondu avec le patrimoine social ou actif qui, outre les apports faits par les associés, comprend tous les biens que la société a pu personnellement acquérir depuis sa constitution.
a. L'autonomie du patrimoine social.
21Le patrimoine social est propre à la société et ne se confond pas avec le patrimoine personnel des associés. Il constitue le gage exclusif des créanciers sociaux et non pas celui des créanciers personnels des associés. De même, il ne saurait y avoir compensation entre les dettes sociales et les dettes personnelles d'un associé.
Par contre, dans certaines sociétés (sociétés civiles et sociétés de personnes) les créanciers de la société peuvent avoir une action sur le patrimoine personnel des associés.
b. Les droits des associés.
22En échange de leurs apports, les associés deviennent titulaires de droits portant sur une quote-part de l'actif social, appelés droits sociaux. Ces droits sont concrétisés par l'attribution de « parts sociales » ou « parts d'intérêt » s'il s'agit d'une société de personnes ou d' « actions » s'il s'agit d'une société de capitaux.
Les parts sociales ne sont pas matérialisées par des titres négociables : le droit de chaque associé résulte des seuls statuts ou des actes de cession ultérieurs. En revanche, les actions sont matérialisées par des titres, au porteur ou nominatifs, en principe librement négociables.
Les droits sociaux confèrent à leur titulaire des avantages pécuniaires, droit aux bénéfices en cours de vie sociale, droit au remboursement des apports et au partage du boni de liquidation à la dissolution de la société et des avantages non pécuniaires (droit de participer à la gestion, droit de contrôle, etc.).
Ils ne confèrent pas un droit de propriété sur le patrimoine social, celui-ci appartenant à la personne morale qu'est la société.
Les droits sociaux ont toujours un caractère mobilier quelle que soit la nature des apports ou celle des biens composant l'actif social.
5. La société a une capacité et une responsabilité propres.
a. Capacité.
23La société, personne morale, a la pleine capacité juridique. Comme une personne physique, elle peut contracter des obligations et acquérir des droits.
Elle exerce ses droits par l'intermédiaire des gérants ou des administrateurs qu'elle a choisis pour la représenter. L'étendue des pouvoirs des dirigeants sera précisée lors de l'étude de chaque type de société. Cependant, on peut d'ores et déjà faire observer qu'en principe les représentants d'une société n'engagent celle-ci, à l'égard des tiers, que lorsqu'ils agissent en son nom et dans la limite de l'objet social (sous réserve, concernant ce dernier élément, des dérogations apportées par la loi du 24 juillet 1966 en présence de sociétés par actions -art. 98- ou de sociétés à responsabilité limitée -art. 49-).
b. Responsabilité.
24Les représentants de la société engagent la responsabilité de la société lorsqu'ils agissent dans le cadre de leur mandat : responsabilité civile mais aussi responsabilité commerciale. Ainsi, la société peut être mise en redressement ou en liquidation judiciaire.
Les sociétés dotées de la personnalité morale sont, depuis le 1er mars 1994 2 , pénalement responsables des infractions commises pour leur compte par leurs organes ou représentants (code pénal, art. 121-2).
Leur responsabilité pénale n'est pas générale ; elle ne peut être mise en cause que dans les cas prévus par la loi ou le règlement.
Les sanctions encourues par les personnes morales sont l'amende (maximum fixé au quintuple du tarif prévu pour les personnes physiques) et, dans les cas prévus par la loi (code pénal, art. 131-39), toute une série de peines spécifiques : dissolution, interdiction d'exercer certaines activités professionnelles, exclusion des marchés publics
Les condamnations pénales prononcées à l'encontre des sociétés sont inscrites sur le casier judiciaire des personnes morales.
III. Mort de la société : la dissolution
1. Causes de la dissolution.
25Ces causes sont énumérées par l'article 1844-7 du code civil ou prévues par l'article 131-39 du code pénal.
a. Causes énumérées par l'article 1844-7 du code civil.
1 ° Arrivée du terme.
Les statuts précisent la durée de la société. Cette durée ne peut excéder quatre-vingt-dix-neuf ans.
À l'expiration de la durée prévue, la société est dissoute. Les associés peuvent toutefois éviter la dissolution en décidant, avant l'arrivée du terme, la prorogation de la durée initialement prévue.
2° Réalisation ou extinction de l'objet.
Il y a réalisation de l'objet lorsque, la société ayant été constituée en vue d'une opération déterminée (par exemple construction et vente d'un immeuble), cette opération se trouve achevée.
Il y a extinction de l'objet lorsque l'activité de la société est devenue impossible (par exemple retrait d'une autorisation administrative sans laquelle la société ne peut pas exercer son activité).
3° Annulation du contrat de société.
Le contrat de société prend fin le jour où la décision prononçant la nullité est définitive. La nullité d'une société ne produit jamais d'effet rétroactif quel que soit le motif sur lequel elle est fondée. Cette règle entraîne l'impossibilité pour les tiers d'invoquer la nullité de la société pour se soustraire aux engagements qu'ils ont pu prendre envers celle-ci.
4° Dissolution anticipée décidée par les associés.
À tout moment les associés peuvent décider, dans les conditions de majorité requises pour les modifications des statuts, la dissolution anticipée de la société.
5° Dissolution anticipée prononcée par le tribunal.
La dissolution peut être demandée par un associé « pour justes motifs, notamment en cas d'inexécution de ses obligations par un associé ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société » (code civ., art. 1844-7-5°).
En outre, il est rappelé que si la réunion de tous les droits sociaux entre les mains d'une seule personne n'entraîne pas la dissolution automatique de la société, tout intéressé peut demander cette dissolution si la situation n'est pas régularisée dans le délai d'un an (code civ., art. 1844-5 et 1844-7-6°).
6° Jugement ordonnant la liquidation judiciaire ou la cession totale des actifs de la société.
Le code civil précise enfin que les associés peuvent prévoir, dans les statuts, des causes de dissolution autres que celles qu'il énumère et qui sont décrites ci-dessus.
b. Cause prévue par l'article 131-39 du code pénal.
Le code pénal entré en vigueur le 1er mars 1994 a ajouté un nouveau cas de dissolution à ceux énumérés par le code civil.
Ainsi, l'article 131-39 du code pénal précise que, lorsque la loi le prévoit, la dissolution peut constituer une sanction d'un crime ou d'un déli commis par une personne morale lorsque celle-ci a été créée ou détournée de son objet pour commettre les faits incriminés.
2. La liquidation de la société.
a. La liquidation.
26La dissolution de la société entraîne sa liquidation, c'est-à-dire la réalisation de l'actif social et le paiement du passif.
La personnalité morale de la société dissoute subsiste pour les besoins de la liquidation jusqu'à la publication de la clôture de celle-ci. La société conserve sa pleine capacité juridique mais elle doit se borner à terminer les affaires en cours. Il lui est interdit d'entreprendre des affaires nouvelles.
La publication de la clôture de la liquidation fait disparaître la personnalité morale. À compter de cette date les associés deviennent copropriétaires indivis des éléments de l'actif social restant après l'apurement du passif.
b. Le partage.
27Après réalisation de l'actif et apurement du passif, les associés se partagent l'actif net restant.
L'article 1844-9 du code civil précise que les règles concernant les partages de successions s'appliquent aux partages de sociétés.
le partage s'effectue généralement en espèces mais un partage en nature est également possible.
1 Les sociétés en nom collectif et les sociétés en commandite simple ne sont plus désignées par une raison sociale depuis, respectivement, la loi du 11 juillet 1985 et la loi du 31 décembre 1989.
2 Date d'entrée en vigueur du nouveau code pénal.