SOUS-SECTION 5 VALEUR VÉNALE RÉELLE
SOUS-SECTION 5
Valeur vénale réelle
A. NOTION DE VALEUR VÉNALE
1Par deux arrêts du 23 octobre 1984, la Cour de cassation a précisé la notion de valeur vénale.
1) Les clauses d'une promesse de vente d'un immeuble rural prévoyaient la conclusion d'un bail au profit du promettant concomitamment à la régularisation de la vente par acte authentique.
La Cour de cassation a estimé que, pour l'assiette des droits de mutation, les terres cédées devaient être considérées comme occupées au motif que « la valeur vénale réelle d'après laquelle les immeubles sont estimés pour la liquidation » de ces droits « en vertu de l'article 667-I du CGI 1 , est constituée par le prix qui pourrait en être obtenu par le jeu de l'offre et de la demande dans un marché réel compte tenu de l'état dans lequel se trouve l'immeuble avant la mutation et des clauses de l'acte de vente » (Com., 23 octobre 1984, aff. G.F.A. de Plaimpied ; Bull. IV, n° 275, p. 224).
2) Dans un arrêt rendu le même jour en matière de mutation à titre gratuit, la Cour suprême a considéré que les droits résultant du bail préalablement consenti au donataire affectaient la valeur intrinsèque d'une propriété rurale au jour de la donation de celle-ci et que la moins-value qui s'ensuivait devait, par conséquent, être prise en considération pour fixer la valeur vénale réelle à retenir à cette date (Com., 23 octobre 1984, aff. X... ; Bull. IV, n° 274, p. 223).
3) Ces deux décisions participent d'une conception objective de la notion de valeur vénale réelle d'un bien immobilier, conception déjà affirmée par la Cour en droit commun en cas de rescision pour lésion (Civ. 1ère, 16 novembre 1959, Bull. I, n° 477, p. 396), et selon laquelle il convient, pour appréhender cette valeur, de se placer du point de vue d'un acheteur quelconque (valeur commune, intrinsèque, cf. ci-dessus 2) et non d'une personne déterminée (valeur de convenance). Autrement dit, seuls sont à prendre en compte pour l'estimation du bien les éléments réels d'appréciation -qu'il s'agisse de facteurs d'ordre socio-économique, physique ou juridique (cf. ci-dessus 1)-, abstraction faite de circonstances propres à la situation personnelle des parties.
Ainsi, la Haute Juridiction, dans un arrêt du 12 novembre 1986 (aff. X... et Y... ; Bull. IV, n° 209, p. 182 et RJ, II, n° 20, p. 55), a jugé qu'il convenait de rechercher quel était le prix qui pouvait être obtenu, au jour de la mutation, par le jeu de l'offre et de la demande dans un marché réel, compte tenu de l'état 2 dans lequel se trouvait le bien avant la mutation et des clauses de l'acte de vente, notamment en ce qui concernait la valeur intrinsèque de l'appartement et les caractères indivis et partiels des droits acquis.
Au cas particulier, deux avocats avaient acquis, chacun pour un dixième, des droits de propriété indivis d'un appartement en vue d'y exercer en commun leur profession avec des confrères, également propriétaires indivis, qui y poursuivaient leur activité, tandis que le cédant se retirait. Le service a opéré un redressement en retenant une valeur vénale des biens transmis supérieure au prix exprimé dans l'acte d'acquisition.
La Cour de cassation a estimé que n'avait pas donné de base légale à sa décision le jugement qui, tout en énonçant qu'il convenait de se placer à la date de la mutation sans tenir compte de faits postérieurs, telle la difficulté qu'il pourrait y avoir à revendre une part indivise d'un appartement occupé professionnellement par un groupe d'avocats, a retenu que le prix était égal au dixième de la valeur d'ensemble du bien, sans affecter les dixièmes indivis d'une décote en raison des caractéristiques de certaines parties des locaux.
2Bien entendu, lorsqu'il s'agit d'un ensemble de biens, c'est la valeur de cet ensemble qui doit être prise en considération.
3L'évaluation des biens d'après leur valeur vénale s'oppose à l'utilisation de tableaux indicatifs, par exemple relatifs à la valeur au mètre carré des appartements ou aux coefficients de capitalisation pour les immeubles loués. De même, la publication par l'administration de barèmes ou de coefficients conduirait à des estimations forfaitaires contraires à l'esprit de la loi.
4Enfin, pour la détermination de l'assiette des droits à percevoir, l'administration n'a pas à prendre en considération les conventions que les contractants ont tenues occultes à son égard. Ainsi, ayant constaté que l'accord antérieur, invoqué par les parties, n'avait été connu que d'elles seules et n'avait pas été enregistré, c'est à bon droit qu'un tribunal a décidé que la date de l'acte authentique devait, à l'égard de l'administration, être considérée comme étant celle de la mutation génératrice de l'impôt, et, qu'en conséquence, celui-ci devait être assis sur la valeur vénale de l'immeuble, appréciée à cette date (Cass. com., arrêt du 8 juillet 1975, affaire X... ; RJ, n° III, p. 124).
B. PROCÉDURE
5L'administration des impôts peut rectifier le prix ou l'évaluation d'un bien ayant servi de base à la perception d'une imposition lorsque ce prix ou cette évaluation paraît inférieur à la valeur vénale réelle des biens transmis ou désignés dans les actes ou déclarations 3 .
À cet égard, il est précisé que la vente à forfait d'un immeuble réalisé en application de la loi du 13 juillet 1967 ne fait pas obstacle au droit de l'administration fiscale de rectifier le prix d'une vente lorsqu'il est inférieur à la valeur vénale du bien, apprécié compte tenu, dans un tel cas, de l'absence de garantie du vendeur (Cour de cassation, com. arrêt du 29 juin 1999 n° 1325 D ; cf. BO 13 J-2-99 ).
La rectification correspondante est effectuée suivant la procédure de redressement contradictoire prévue à l'article L. 55 du LPF, l'administration étant tenue d'apporter la preuve de l'insuffisance des prix exprimés et des évaluations fournies dans les actes ou déclarations (LPF, art. L. 17 ).
6Il convient donc d'indiquer dans les notifications de redressements, les éléments chiffrés et les termes de comparaison qui justifient les rehaussements envisagés sur les prix ou les évaluations (cf. DB 13 L 1513, n os 81 et suiv.).
Les termes de comparaison doivent être mentionnés avec suffisamment de précision pour que le contribuable puisse les discuter ; ils ne doivent cependant pas comporter d'indications susceptibles de porter atteinte au secret professionnel.
7Enfin, pour la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 17 du LPF, l'administration doit tenir compte des conditions particulières de l'opération réalisée dans le cadre d'une procédure collective (cf. BO 13 J-2-99 ).
Ainsi, dès lors qu'une cession de biens immobiliers intervient dans le cadre de la reprise globale des actifs d'une société en redressement judiciaire et d'un engagement de maintenir un certain nombre d'emplois salariés conformément à un plan de cession homologué par jugement du tribunal de commerce, opération dont le caractère forfaitaire implique l'existence d'un aléa, il y a réduction de la valeur des biens cédés (Com. 16 juin 1998).
De même, la vente à forfait d'un immeuble réalisée en application de l'article 88 de la loi du 13 juillet 1967 ne fait pas obstacle au droit de l'administration fiscale, pour établir les droits de mutation, de rectifier le prix d'une vente lorsqu'il est inférieur à la valeur vénale du bien, appréciée compte tenu, en un tel cas, de l'absence de garantie du vendeur (Com. 29 juin 1999).
La valeur vénale d'un immeuble vendu à forfait en application de l'article 88 de la loi du 13 juillet 1967 doit être appréciée compte tenu, en un tel cas, de l'absence de garantie du vendeur (Com. 29 juin 1999).
1 Actuellement codifié sous l'article L. 17 du LPF.
2 Résultant de facteurs physiques et juridiques visés aux 1), 2) et 3).
3 En ce qui conceme le cas des adjudications judiciaires d'immeubles, cf. ci-après DB 7 C 132, n° 7 .