SOUS-SECTION 3 BIENS IMPOSABLES
SOUS-SECTION 3
Biens imposables
1Les mutations à titre onéreux assujetties au tarif immobilier sont celles qui ont pour objet des biens immeubles, le caractère des biens étant déterminé, en principe et sauf dispositions particulières du droit fiscal, selon les règles du droit civil (art. 517 à 526 du code civil).
Le tarif immobilier s'applique donc principalement aux ventes d'immeubles par nature, d'immeubles par destination et d'immeubles par l'objet auquel ils s'appliquent. En outre, certains biens sont déclarés immeubles par des lois particulières (immeubles par détermination de la loi). Ces différentes catégories d'immeubles sont examinées successivement.
A. IMMEUBLES PAR NATURE
I. Règles générales
2Les fonds de terre et les bâtiments sont des immeubles par nature (code civil, art. 518). De même les canalisations d'eau selon le code civil et celles de tous autres fluides selon la jurisprudence sont immeubles par nature.
Il en est ainsi même si les bâtiments ou canalisations sont construits ou posés sur le sol d'autrui. En outre, les matériaux qui servent à la construction d'un bâtiment deviennent immeubles par nature au fur et à mesure de leur incorporation à la construction.
La Cour de cassation a reconnu le caractère d'immeubles par nature :
- aux baraquements de chantier dès lors que « le dispositif de liaison, d'ancrage ou de fondation révèle que le bien ne repose pas simplement sur le sol et n'y est pas maintenu par son seul poids » (Cass. com., arrêt du 10 juin 1974, affaire SO.CO.BEM, RJ III, p. 127 ; Bull. IV, n° 183, p. 147) ;
- aux serres horticoles, même si les parties métalliques constituant les charpentes des serres ne sont pas prises dans le sol mais fixées au moyen d'un système d'écrous, l'assemblage étant réalisé par des écrous, des vis et des boulons sans soudure, de façon à permettre un démontage sans détérioration (Cass. com., arrêt n° 125 du 1er février1984 ; affaire Gaston X... ; RJ p. 11).
Remarque : En l'espèce, la structure couvrante des serres, bien que mobile, reposait sur des fondations en maçonnerie. De même, une partie du terrain d'assiette et le scellement des cadres destinés à recevoir les plantes étaient bétonnés.
II. Coupes de bois et récoltes
3Les récoltes pendant par les racines et les fruits des arbres non recueillis sont immeubles par nature (code civil, art. 520). Il en est de même des coupes de bois taillis et de futaies, tant que les arbres ne sont pas abattus (code civil, art. 521). La mutation à titre onéreux de ces biens entre donc dans le champ d'application de la taxe de publicité foncière. Mais ils peuvent perdre ce caractère, notamment lorsque les coupes de bois ou les récoltes sont vendues sur pied. Ces mutations échappent alors à la taxe de publicité foncière. Le caractère mobilier ou immobilier de ces biens se détermine essentiellement par l'intention des parties et par la destination qu'elles entendent leur donner. En effet, sous le couvert de ventes mobilières, peuvent se dissimuler des ventes d'immeubles. Il en est ainsi lorsque la vente du sol et de la récolte ou de la coupe de bois intervient par actes séparés concomitants, ou passés à des dates rapprochées, entre les mêmes parties, ou même lorsqu'il y a des acquéreurs différents, s'il est établi que l'un a agi en tant que personne interposée. En revanche, il a été jugé que l'acquisition par une même personne du sol et de la superficie (taillis et futaie) appartenant à deux vendeurs distincts ne faisait pas perdre à la vente de la superficie son caractère de vente mobilière.
B. IMMEUBLES PAR DESTINATION
4Les immeubles par destination sont des objets mobiliers que le propriétaire d'un fonds y a soit placés pour le service et l'exploitation de ce fonds, soit attachés à perpétuelle demeure (code civil, art. 524 et 525).
Trois conditions doivent être remplies pour que des objets mobiliers soient immeubles par destination :
- ils doivent être attachés à un fonds, c'est-à-dire à un immeuble par nature, quelle que soit la destination de ce fonds ;
- ils doivent y avoir été attachés par le propriétaire du fonds.
C'est ainsi que le matériel installé dans un bâtiment, immeuble par nature, devient immeuble par destination dès lors qu'il y est placé par le propriétaire de ce bâtiment. Par contre, les objets mobiliers placés sur un fonds par un locataire qui acquiert ultérieurement la propriété de ce fonds restent meubles car les conditions posées par la loi ne sont pas remplies au moment de l'affectation des objets au fonds.
La troisième condition diffère selon la catégorie d'immeubles par destination.
I. Objets mobiliers placés pour le service et l'exploitation du fonds
5Ces objets ne deviennent immeubles par destination que s'ils sont affectés au service et à l'exploitation du fonds. Il faut donc distinguer parmi les objets se trouvant sur le fonds entre ceux qui servent à l'exploitation et ceux qui n'en sont que le produit. La difficulté réside dans le fait que le même objet peut présenter l'une ou l'autre caractéristique ou même les deux successivement. C'est ainsi que le cheptel d'un fonds agricole n'est immeuble par destination que s'il sert à l'exploitation, c'est à dire s'il a été placé sur le fonds par son propriétaire à titre d'accessoires nécessaires à l'exploitation du fonds.
À cet égard, la cour de cassation a jugé que les animaux destinés à la reproduction et à l'embouche ne relèvent pas des dispositions de l'article 524 du code civil et qu'en conséquence, leur cession ne peut être soumise aux droits de mutation d'immeubles ruraux prévus à l'ancien article 701 du CGI (Cour de cassation. com., arrêt du 12 novembre 1996, n° 1683 P ; cf. annexe à la présente sous-section).
6Par ailleurs, en l'absence de toute aliénation concomitante des terres, la cession de gré à gré d'objets mobiliers dépendant d'une exploitation agricole, et corrélative à la cession des bâtiments d'exploitation 1 , doit être considérée comme une aliénation isolée d'objets mobiliers faisant perdre à ceux-ci leur caractère d'immeubles par destination 2 .
Cette solution, retenue par la cour de cassation dans un arrêt du 21 juillet 1987 (aff. S.C.A. Georges Guilbaud ; Bull. IV, n° 206, p. 151), ne saurait être étendue aux hypothèses où l'exploitation n'implique pas l'usage d'une terre (exploitations hors sol).
7En revanche, un moulin qui avait fait l'objet, le 2 pluviôse an VIII, d'une vente de biens nationaux et dont les propriétaires successifs avaient toujours respecté l'affectation, possède une existence légale au sens des articles 23 et 26 du code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure et de l'article 29 de la loi du 16 octobre 1919.
Il s'ensuit que le droit d'usage des eaux domaniales, attaché à une usine ayant existence légale et cédé avec elle, possède le caractère d'un droit réel immobilier (Cass. civ., arrêt du 10 juin 1981, X... Pierre, RJ n° III, p. 91).
Dès lors que la cession des droits d'eau seuls a été consentie le même jour que l'apport du moulin à une société dont l'objet est notamment l'exploitation de ce moulin et sa transformation en usine hydroélectrique et que ledit moulin comprend non seulement le bâtiment, mais aussi l'emplacement, capital pour l'exploitation des droits d'eau, l'état actuel de délabrement du bâtiment n'a pas dépouillé de leur caractère immobilier les droits d'eau qui y étaient attachés (Cass. civ., arrêt du 10 juin 1981, Société hydroélectrique du Moulin Saint-Joseph, RJ n° III, p. 91).
II. Objets mobiliers attachés à perpétuelle demeure
8L'article 525 du code civil précise que sont censés être attachés au fonds à perpétuelle demeure les objets qui sont « scellés en plâtre ou à chaux ou à ciment » ou qui ne peuvent en être séparés sans entraîner des dégradations pour l'objet ou pour le fonds ; tels peuvent être les glaces d'un appartement, ainsi que les tableaux, boiseries ou tapisseries. Toutefois, les statues placées dans une niche sont immeubles par destination encore qu'elles puissent en être retirées sans détérioration. Entrent, bien entendu, dans la présente catégorie, toutes les machines fixes qui sont scellées au sol.
Les immeubles par destination peuvent être mobilisés par le propriétaire du fonds lorsque ce dernier met fin à leur affectation ou encore lorsqu'il les aliène séparément.
Mais pour que l'immobilisation cesse, il faut qu'il y ait séparation effective du fonds et des meubles jusqu'alors immobilisés.
C. IMMEUBLES PAR L'OBJET AUQUEL ILS S'APPLIQUENT
9Il résulte de l'article 526 du code civil que sont immeubles :
- l'usufruit des choses immobilières ;
- les servitudes ou services fonciers ;
- les actions qui tendent à revendiquer un immeuble.
Cette liste n'est pas limitative. Ont ainsi le caractère immobilier : le droit d'usage et d'habitation, les hypothèques et antichrèses, le droit du concessionnaire de mines, le droit au bénéfice d'un arrêté ministériel autorisant l'exploitation d'une source d'eau minérale.
D. IMMEUBLES PAR DÉTERMINATION DE LA LOI
10Des lois spéciales peuvent accorder le caractère immobilier à des objets ou droits mobiliers. Ainsi, les obligations remises en échange des actions de la Banque de France immobilisées lors de la nationalisation de cet établissement réalisée par la loi du 2 décembre 1945 ont conservé le caractère immobilier (art. 2, al. 4 de la loi précitée).
11De même, certaines indemnités ont un caractère immobilier lorsqu'elles sont attachées à des immeubles. Tel est le cas des redevances tréfoncières versées au propriétaire du sol par le titulaire d'une concession minière ou des indemnités de dommages de guerre afférentes à un immeuble. Mais, par une solution du 31 mars 1947, l'administration a décidé que les cessions de droits à indemnité de dommages de guerre seraient considérées comme des cessions de créances au point de vue fiscal.
ANNEXE
Com. 12 novembre 1996 (n° 1683 P)
« Sur le moyen unique pris en ses deux branches :
Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal de grande instance de Guéret, 25 octobre 1994), que M. Pierre X... a acheté à son père un cheptel placé sur le fonds agricole que celui-ci lui a donné par donation-partage ; que l'administration fiscale lui a notifié un redressement de droits d'enregistrement pour cette vente au taux applicable aux mutations d'immeubles ruraux et a mis en recouvrement les droits et pénalités correspondants ; que M. Pierre X... a assigné le directeur des services fiscaux de la Creuse en demandant à en être déchargé ;
Attendu que le directeur général des impôts reproche au jugement d'avoir accueilli cette demande, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'aux termes de l'article 524 du Code civil, les objets que le propriétaire d'un fonds y a placés pour le service et l'exploitation de ce fonds sont immeubles par destination ; qu'en l'espèce, en considérant que le cheptel litigieux n'était pas un immeuble par destination, immeuble rural dont la cession est taxable selon les dispositions de l'article 701 du Code général des impôts, sans avoir examiné comme l'y invitait pourtant le service, s'il existait un rapport de destination entre l'objet mobilier et l'immeuble par nature auquel il est affecté ou rattaché et si l'objet mobilier avait été affecté au service du fonds par le propriétaire, le tribunal n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 524 du Code civil et 701 du Code général des impôts ; et alors, d'autre part, qu'aux termes de l'article 524 du Code civil, les objets que le propriétaire d'un fonds y a placés pour le service de l'exploitation de ce fonds, sont immeubles par destination et qu'ainsi, sont immeubles par destination, quand ils ont été placés par le propriétaire pour le service et l'exploitation du fonds, les animaux attachés à la culture ; qu'il ressort de ces dispositions que le fonds de terre est l'élément principal d'une exploitation rurale, y compris en cas d'élevage ou de reproduction d'animaux, dès lors que n'est pas limitative l'énumération de l'article 524 précité, qui s'applique également aux animaux d'élevage et de reproduction ; qu'en l'espèce le cheptel composé d'animaux d'élevage et de reproduction, rattaché au fonds de terre exploité par le redevable dans le cadre de son activité de naisseur engraisseur avec vente de reproducteurs, constituait un immeuble rural par destination dont la cession relevait des dispositions de l'article 701 du Code général des impôts ; qu'ainsi, le tribunal a violé les articles 524 du Code civil et 701 du Code général des impôts ;
Mais attendu qu'on ne peut étendre les dispositions de l'article 524 du Code civil à d'autres animaux que ceux qui ont été placés sur le fonds par son propriétaire à titre d'accessoires nécessaires à l'exploitation de ce fonds : qu'ayant relevé que les animaux litigieux étaient destinés à la reproduction et à l'embouche, le tribunal a pu statuer comme il a fait ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi... ».
OBSERVATIONS
1. La cession du cheptel est soumise aux droits de mutation d'immeubles ruraux prévus à l'article 701 du CGI lorsqu'il constitue un immeuble par destination (cf. DB 7 D 62 n° 5 ; 7 C 1451 ).
Aux termes de l'article 524 du code civil, sont immeubles par destination, quand ils ont été placés par le propriétaire pour le service et l'exploitation du fonds, les animaux attachés à la culture.
Dans l'arrêt commenté la Cour réaffirme, conformément à sa jurisprudence antérieure (Cass. Req. 19 octobre 1938, D.H. 1938, 613), le principe selon lequel les animaux visés à l'article 524 précité s'entendent exclusivement des animaux qui ont été placés par le propriétaire sur son fonds à titre d'accessoires nécessaires à l'exploitation de ce fonds.
2. En l'espèce, le contribuable avait reçu de son père un fonds agricole, par donation-partage. Auparavant, il avait acquis le cheptel appartenant également à son père, disposant ainsi de la totalité de l'exploitation lui permettant d'exercer l'activité de naisseur engraisseur avec vente de reproducteurs.
La Haute Juridiction précise que les animaux destinés à la reproduction et à l'embouche ne relèvent pas des dispositions de l'article 524 du Code civil.
1 Les bâtiments ne sont compris dans le fonds agricole qu'en considération de leur affectation à son service ou à son exploitation. Ils n'en font plus partie lorsqu'ils sont cédés séparément des terres ; leur cession, dans ces conditions, ne s'analyse pas en une vente partielle du fonds.
2 L'acte constatant la cession de ces objets mobiliers est alors enregistré au droit fixe conformément aux dispositions de l'article 732 du CGI.