II. BASE DE L'ÉVALUATION CADASTRALE
II.
BASE DE L'ÉVALUATION CADASTRALE
1Suivant les principes généraux, toute évaluation cadastrale doit être basée sur la valeur locative normale et actuelle, déterminée en tenant compte de la règle de la proportionnalité.
Les nouvelles valeurs locatives cadastrales doivent donc, en principe, correspondre au revenu moyen des immeubles de même catégorie, situés dans la commune ou dans la région et qui faisaient l'objet, à la date de référence, d'une location récente, consentie à des conditions de prix normales, c'est-à-dire telles qu'on peut les constater sur un marché où joue régulièrement la loi de l'offre et de la demande.
2Mais il est apparu qu'en raison de circonstances particulières dues à la législation limitant le prix des loyers de certains locaux d'habitation ou à usage professionnel, cette règle ne pourrait recevoir son entière application, pour les locaux soumis à la réglementation, qu'en ce qui concerne la taxe d'habitation, la taxe professionnelle et les taxes annexes.
Quant à la taxe foncière afférente aux locaux qui, à la date d'incorporation dans les rôles des résultats de la revision, seront encore loués sous le régime de la réglementation des loyers édictée par la loi n° 48-1360 du 1 er septembre 1948 modifiée, l'article 3-III de la loi du 2 février 1968 dispose que, par dérogation au principe général sus-rappelé, la base d'imposition sera constituée soit par la valeur locative cadastrale, soit, si ce chiffre est plus faible, par le loyer réel à la date de référence de la revision augmenté dans des conditions qui seront définies ultérieurement.
L'application des principes généraux susindiqués appelle les précisions suivantes :
1. UTILISATION DES BAUX NORMAUX
3Dans des circonstances économiques caractérisées par la liberté des prix, les loyers en vigueur représentent en principe l'expression la meilleure de la valeur locative normale. C'est pourquoi, les baux écrits et locations verbales ont toujours constitué la base traditionnelle des évaluations foncières. Ils continueront à être utilisés, au cours de la présente revision, soit individuellement pour la fixation de la valeur locative de l'immeuble qu'ils concernent ou l'évaluation par comparaison d'immeubles similaires (locaux commerciaux et biens divers : cf. n os 2231-1 et 2), soit collectivement - comme en matière de propriétés non bâties - pour l'établissement d'un tarif général d'évaluation (locaux d'habitation et à usage professionnel : cf. n os 2222-84 et suivants).
Mais tous les baux n'expriment pas obligatoirement une valeur locative normale. Aussi convient-il d'écarter les baux anormaux et, éventuellement, d'apporter aux autres certaines corrections.
2. ÉLIMINATION DES BAUX ANORMAUX
4La valeur locative à apprécier étant la valeur locative normale de la propriété, on ne saurait utiliser pour sa détermination un acte de location « anormal » ou conclu à des conditions de prix anormales.
5 a) L'acte de location présente un caractère anormal.
Doit être considéré en principe comme « anormal », et par suite rejeté, tout acte de location conclu à l'origine dans des conditions telles qu'il ne permet pas de dégager la valeur locative normale soit en raison des clauses spéciales qui y sont insérées, soit à cause des circonstances de fait particulières à ce bail : caractère précaire de l'occupation, parenté des contractants, collusion d'intérêts, prix de location atténué en considération de travaux de grosses réparations ou de constructions effectués par le locataire, de charges d'une nature spéciale imposées à ce dernier, de services rendus au propriétaire, de prêts de fonds effectués par le locataire au propriétaire, etc., bail conclu par un locataire principal en vue de la sous-location de l'immeuble à divers occupants, bail passé par une société et un particulier ayant des intérêts dans cette société, etc.
6Les actes de l'espèce ne pourraient être retenus que dans le seul cas où - la part prise dans leur montant par les éléments qui altèrent la valeur de leurs indications étant susceptible d'être exactement déterminée - ils accuseraient, après avoir été modifiés en conséquence, des loyers correspondant au cours normal des locations dans la commune à la date de référence.
7On remarquera que pour qu'un bail puisse valablement être écarté, il faut que son caractère anormal résulte soit des clauses spéciales qui y sont inscrites, soit de circonstances de fait nettement établies. L'exagération ou l'atténuation apparente du prix du loyer qui y est stipulé ne suffirait pas, à elle seule, à le faire éliminer, du moment qu'il ne serait pas démontré que, dans la fixation du prix, il a été tenu compte d'éléments autres que les avantages résultant de la jouissance normale de l'immeuble (Arrêts C.E. 18 mai 1899, X... , Var - Lebon, p. 390 et 29 juillet 1908, Ministre des Finances contre la Compagnie des Eaux minérales et thermales de Brides-les-Bains et Salins, Moutiers, Savoie).
8 b) L'acte de location est conclu à des conditions de prix anormales.
Le cours moyen des locations ne peut valablement exprimer une valeur locative normale que dans la mesure où les loyers qui servent à l'établir n'ont pas eux-mêmes été fixés dans des circonstances économiques générales anormales.
Or, en raison d'une crise du logement plus ou moins aiguë suivant les localités et du fait de la réglementation instituée par la loi du 1 er septembre 1948, les loyers des locaux d'habitation et à usage professionnel ont, depuis lors, évolué dans des conditions variables, de telle sorte qu'il existe actuellement des disparités sur le marché des locations.
Le mode de calcul des loyers des habitations à loyer modéré et des logements économiques ne fait qu'aggraver cette hétérogénéité.
Pour la recherche de la valeur locative normale des locaux d'habitation et à usage professionnel, on est ainsi conduit dans la pratique à exclure certains loyers « réglementés » qui ne représentent pas la contrepartie équitable du service rendu par le propriétaire aux occupants et certains loyers « libres » qui sont entachés d'une recherche trop systématique de rentabilité et ne sont en fait acceptés que par des locataires fortunés ou dans la nécessité Impérieuse de se loger 1 .
9Si les prix de location des locaux ou installations à usage commercial, industriel, artisanal ou administratif peuvent, d'une manière générale, être considérés comme normaux, les prix des baux ruraux doivent, en raison du mode de fixation particulier de la« valeur locative normale » des biens de l'espèce (Code rural, article 812 modifié), être examinés avec circonspection, même si le contrat fait apparaître distinctement la fraction du prix du fermage afférente aux bâtiments ruraux et aux immeubles d'habitation accessoires.
3. CORRECTIONS A APPORTER AUX BAUX RETENUS
10Le montant du loyer accusé par un bail ou par une déclaration de location ne peut être considéré comme l'expression exacte de la valeur locative que si les charges incombant normalement au propriétaire et au locataire sont supportées respectivement par chacun d'eux.
Par suite, il y a lieu, dans certains cas, de faire subir des modifications au prix du loyer stipulé par le bail.
11Doivent ainsi être déduites du prix du bail :
- les charges incombant normalement au locataire en vertu des principes généraux du droit civil ou des usages locaux et supportées en fait par le propriétaire (contribution mobilière, taxe d'enlèvement des ordures ménagères, taxe de balayage, abonnement aux eaux, chauffage des appartements, consommation d'eau chaude et froide, ramonage, réparations locatives suivant l'usage des lieux, etc.) ;
- les dépenses diverses acquittées par le propriétaire en vue de l'usage commun des locataires, dès l'instant où elles sont la contrepartie de commodités pour les occupants (dépenses d'éclairage des cours, escaliers, vestibules ; fournitures nécessaires à l'entretien des parties communes ; dépenses d'eau pour l'alimentation des robinets on fontaines mis à la disposition des locataires dans les cours ou sur les paliers ; frais de tapis ; dépenses de force motrice et d'entretien courant de l'ascenseur et du monte-charge ; dépenses afférentes au chauffage des parties communes, etc.). Il est à remarquer, toutefois, que la contribution foncière ne doit pas être déduite du montant du loyer pour le calcul de la valeur locative normale, car elle constitue une charge de la propriété ;
- la part du loyer afférente aux objets mobiliers compris dans les locations et non imposables à la taxe foncière des propriétés bâties ;
- la valeur locative des terrains non bâtis ne formant pas dépendances nécessaires de la construction et compris dans le bail ; ces terrains doivent être estimés intrinsèquement, c'est-à-dire par comparaison avec les terrains de même nature loués en tant que tels et sans tenir compte de la plus-value qu'ils peuvent donner à la construction.
12Il faut, au contraire, ajouter au prix stipulé par le bail :
- les dépenses qui incombent normalement au propriétaire lorsque ces dépenses, calculées en dehors du prix principal, sont mises à la charge du locataire (contribution foncière et taxes assimilées, assurance immobilière, réparations n'ayant pas le caractère de simples réparations locatives, salaire du concierge, etc.) ;
- la somme versée au propriétaire en sus du prix de location ; à titre de droit d'entrée ou de renouvellement de bail, et dont il doit être tenu compte proportionnellement à la durée du bail ;
- l'annuité correspondant à l'amortissement, pendant la durée de la location, du prix des travaux exécutés pour la remise en état des lieux loués et mis par une clause expresse du contrat à la charge du locataire ;
- la plus-value de valeur locative résultant des travaux d'amélioration effectués par le locataire.
1 Les conditions dans lesquelles le loyer réel du locaux soumis à la règlementation des prix sera retenu pour l'assiette de la taxe foncière seront précisées le moment venu.