SECTION 2 SOCIÉTÉS CIVILES DE MOYENS
SECTION 2
Sociétés civiles de moyens
GÉNÉRALITÉS
1Aux termes de l'article 36 de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 modifiée par la loi n° 72-1151 du 23 décembre 1972, les personnes physiques ou morales exerçant des professions libérales peuvent constituer entre elles des sociétés civiles ayant pour objet exclusif de faciliter à chacun de leurs membres l'exercice de son activité. À cet effet, les associés mettent en commun les moyens utiles à l'exercice de leur profession, sans que la société puisse elle-même exercer celle-ci.
Ces sociétés, dénommées sociétés civiles de moyens, ont donc pour objet de mettre à la disposition de leurs associés les locaux, le matériel et le personnel nécessaires à l'exercice de leur profession. Cette activité s'analyse, sur le plan fiscal, comme une « entreprise de fourniture de services » et relève de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux.
2L'article 239 quater A du CGI dispose que les sociétés civiles de moyens n'entrent pas dans le champ d'application de l'impôt sur les sociétés. L'application de cette disposition est subordonnée à la condition que les sociétés civiles de moyens aient une activité conforme à leur objet, défini à l'article 36 de la loi du 29 novembre 1966, c'est-à-dire qu'elles mettent exclusivement à la disposition de leurs membres des moyens nécessaires à l'exercice de leur profession.
Ainsi, elles ne doivent pas mettre, moyennant rémunération, des moyens en matériel ou en personnel à la disposition de tiers non associés. Il y a cependant lieu de considérer que cette condition demeure remplie si les opérations réalisées avec les tiers ont un caractère accessoire et si les recettes correspondantes n'excèdent pas 10 % des recettes totales de la société.
3Pour apprécier si la limite de 10 % est respectée, il convient de se placer dans le cadre de l'année civile.
4La nature des recettes à retenir sont de deux ordres :
- d'une part, il s'agit des recettes qui correspondent aux remboursements de frais effectués par les associés. D'une manière générale, les versements que les associés effectuent au profit de la SCM sont portés au crédit de leur compte courant ouvert à leur nom dans les écritures de la société. Pour l'appréciation de la limite de 10 %, il y a lieu de considérer que les versements ne constituent pas des recettes mais seulement des avances de trésorerie consenties par les membres. Les recettes ne sont donc considérées comme réalisées qu'au moment où, après répartition des dépenses communes, la quote-part de chacun des associés dans ces dépenses est portée au débit des comptes courants ;
- d'autre part, les sommes reçues de tiers non associés à raison d'opérations à caractère commercial, conclues entre les intéressés et la SCM, notamment de la location de locaux équipés ou de moyens en matériels et en personnels destinés à l'exercice d'une activité libérale (ex. : mise à la disposition de médecins non associés des locaux ou des équipements d'une maison médicale), à l'exclusion des sommes ayant le caractère de revenus mobiliers ou fonciers (ex. : intérêts perçus par une SCM pour des sommes déposées dans un établissement financier).
5Avant l'entrée en vigueur des dispositions de l'article 28 de la loi de finances rectificative pour 1998, lorsque la société satisfaisait aux conditions d'exonération d'impôt sur les sociétés, chaque associé était personnellement passible de l'impôt pour la part des résultats correspondant à ses droits dans la société, déterminée selon les règles des bénéfices industriels et commerciaux lorsqu'il s'agissait de personnes physiques ou sociétés non passibles de l'impôt sur les sociétés ou selon les règles de l'impôt sur les sociétés lorsqu'il s'agissait de personnes morales passibles de cet impôt. L'article 239 quater A du CGI, dans sa rédaction en vigueur avant l'intervention de l'article 28 de la loi précitée, prévoyait en outre que les obligations de ces sociétés étaient celles des sociétés en nom collectif.
6Le I de l'article 28 de la loi de finances rectificative pour 1998 (loi n° 98-1267 du 30 décembre 1998) a modifié l'article 239 quater A du CGI. Il prévoit que lorsque les droits dans une société civile de moyens sont affectés à l'exercice d'une activité dont les revenus sont imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, la part de bénéfice correspondant à ces droits est déterminée selon le régime de la déclaration contrôlée des bénéfices non commerciaux, c'est-à-dire, en principe, d'après les règles d'une comptabilité d'encaissements. Cette mesure s'applique à compter de l'imposition des revenus de 1999.
Les modalités d'application de cette mesure ont été précisées par le décret n° 99-1134 du 28 décembre 1999, codifié sous les articles 46 terdecies F à 46 terdecies H de l'annexe III au CGI.
7Il est rappelé que, conformément à l'article 261 B du CGI, les services rendus à leurs membres par les sociétés civiles de moyens constituées par des personnes physiques ou morales exerçant une activité exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ou pour laquelle elles n'ont pas la qualité d'assujetti, sont exonérés de cette taxe à la condition qu'ils concourent directement et exclusivement à la réalisation de ces opérations exonérées ou exclues du champ d'application de la TVA et que les sommes réclamées aux adhérents correspondent exactement à la part leur incombant dans les dépenses communes.
8Le régime fiscal applicable aux résultats des sociétés civiles de moyens et à leurs membres fait l'objet des deux sous-sections suivantes :
- la sous-section 1 (DB 5 G 4821 ) traite du régime applicable jusqu'à l'imposition des revenus de 1998 ;
- la sous-section 2 (DB 5 G 4822 ) traite du régime applicable à compter de l'imposition des revenus de 1999.
SOUS-SECTION 1
Régime fiscal des sociétés civiles de moyens
applicable jusqu'au 31 décembre 1998
A. SITUATION DE LA SOCIÉTÉ CIVILE DE MOYENS
I. Régime d'imposition
1En principe, les sociétés civiles de moyens mettent à la disposition de leurs membres des locaux équipés, ainsi que l'ensemble du matériel et aussi du personnel nécessaires à l'exercice de la profession (cf. au n° 4 , cas particulier).
Leurs bénéfices relèvent en conséquence de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux.
2Conformément aux dispositions de l'article 302 septies A bis du CGI, les sociétés civiles de moyens relèvent de plein droit du régime simplifié d'imposition des bénéfices réels prévu pour les petites et moyennes entreprises.
Ce régime leur est applicable quelle que soit l'importance de leurs recettes.
3Elles peuvent, toutefois, dans les conditions et délais prévus à l'article 267 quinquies-III de l'annexe II au CGI et si leur chiffre annuel de recettes excède 150 000 F, renoncer à l'application du régime simplifié et opter pour l'imposition d'après leur bénéfice réel dans les conditions de droit commun.
4 Cas particulier : Les sociétés civiles de moyens qui se bornent à mettre à la disposition de leurs membres, pour l'exercice de leur profession, des locaux nus dont elles sont propriétaires, sont soumises à l'impôt sur le revenu au titre de la catégorie des revenus fonciers. Le régime fiscal qui leur est applicable est celui prévu pour les sociétés immobilières non soumises à l'impôt sur les sociétés, visées à l'article 172 bis du CGI et régies, au plan fiscal, par les articles 46 B à 46 D de l'annexe III au même code.
Dans cette situation, il convient de se reporter à la DB 5 D 323 1 .
II. Détermination des résultats
5Le bénéfice net réalisé par les sociétés civiles de moyens est déterminé selon les mêmes règles que celles appliquées à toutes les sociétés de personnes exerçant une activité commerciale (CGI, art. 38 et suivants).
6Il convient néanmoins d'apporter les précisions suivantes :
- les sommes versées par les associés correspondent souvent au simple remboursement des frais supportés par la société, mais les recettes peuvent excéder les dépenses, notamment si la société entend couvrir l'amortissement de ses niatériels et installations ou constituer des provisions ;
- les recettes sont constituées par l'ensemble des sommes perçues par la société, à l'exception des versements effectués par les associés sous forme d'apports ou d'avances en compte courant, en vue, notamment, de financer l'acquisition d'éléments de l'actif immobilisé ou de constituer un fonds de trésorerie ;
- les plus-values ou moins-values réalisées à l'occasion de la cession d'éléments de l'actif social doivent être déterminées selon la distinction « opérations à court terme ou à long terme » et faire l'objet d'une compensation distincte au niveau de la société ;
- les amortissements doivent être pratiqués par la société dans ses propres écritures ;
- il est fait abstraction des déficits reportables des exercices antérieurs, dés lors que le droit à report s'apprécie distinctement au profit de chaque associé dans le cadre de l'impôt dont il est personnellement redevable. Pour ce qui concerne les amortissements pratiqués en l'absence de bénéfices et réputés différés au point de vue fiscal, cf. DB 4 D 1542, n° 24 ;
- comme dans toutes les sociétés soumises au régime de l'article 8 du CGI, les sommes versées en rémunération de l'activité d'un des associés (gérance, par exemple) ne sont pas déductibles des résultats imposables ; il en irait de même des intérêts versés au titre du capital souscrit et éventuellement de ceux relatifs aux prêts accordés par les associés dans la mesure où la limite prévue à l'article 39-1-3° du CGI serait dépassée.
III. Obligations des sociétés
7À moins qu'elles ne renoncent à l'application du régime simplifié d'imposition (cf. n° 3 ), les sociétés civiles de moyens doivent souscrire, dans le délai prévu à l'article 175 du CGI, une déclaration spéciale modèle n° 2036, tenant lieu à la fois de la déclaration de résultats (régime simplifié d'imposition) et de la déclaration spéciale prévue à l'article 96 A de l'annexe III au code précité.
8Cette déclaration n° 2036 indique :
- la désignation et les caractéristiques de la société civile de moyens ;
- les renseignements concernant les associés (nom, profession, lieu principal d'exercice de la profession) ;
- l'état détaillé des dépenses réparties entre les associés ;
- le compte de résultat fiscal ;
- le tableau des immobilisations et des amortissements ;
- la répartition du résultat fiscal (bénéfice ou déficit y compris la répartition distincte des plus-values à long terme) entre les associés.
9Quant aux sociétés civiles de moyens qui optent pour l'imposition d'après leur bénéfice réel dans les conditions de droit commun, elles sont tenues de produire, dans le délai légal, une déclaration spéciale de résultats n° 2031, à laquelle sont joints, en annexe, sur les imprimés prévus à cet effet, les renseignements mentionnés à l'article 53 A du CGI. En outre, elles doivent faire parvenir au service une déclaration complémentaire n° 2036 bis qui reproduit les renseignements prévus à l'article 96 A de l'annexe III au même code.
10D'autre part, les sociétés civiles de moyens sont soumises aux obligations comptables prévues par la loi, qui leur incombent en fonction du régime d'imposition sous lequel elles sont placées.
À cet égard, il y a lieu de se reporter à la :
- DB 4 H 533 pour le régime simplifié d'imposition ;
- DB 4 H 523 pour le régime de bénéfice réel normal.
B. SITUATION DES MEMBRES DES SOCIÉTÉS CIVILES DE MOYENS
11Les membres des sociétés civiles de moyens ont, vis-à-vis de la société dont ils font partie, une double qualité : d'une part, celle de clients, d'autre part, celle d'associés au sens strict du terme.
En qualité de clients, ils bénéficient de prestations diverses dont ils remboursent le coût à la société ; en qualité d'associés, ils participent aux bénéfices et aux pertes.
Les incidences de cette situation sur la formation du revenu imposable des intéressés appellent les commentaires ci-après.
I. Prise en compte des sommes versées à la société
12Conformément aux dispositions de l'article 93 du CGI, seules peuvent être déduites des bénéfices professionnels des associés les sommes versées à la société civile de moyens en l'acquit de dépenses nécessitées par l'exercice de la profession des intéressés.
13À cet égard, il y a lieu d'observer que :
- aucun double emploi ne doit exister entre les frais professionnels déduits sous le couvert d'une société civile de moyens et les dépenses assumées, à titre personnel, par un associé ;
- les sommes versées à une société civile de moyens et dont la déduction est demandée doivent, en toute hypothèse, être calculées sur la base exacte des services rendus à chaque associé. Toutefois, lorsque ces services ne peuvent pas être individualisés ou s'il s'agit de la participation aux dépenses de fonctionnement interne de la société, un autre type de répartition - par exemple, en, proportion des droits sociaux - peut être admis.
Par ailleurs, les sommes versées à une société civile de moyens à titre d'apports ou d'avances en compte courant ne peuvent, en aucun cas, être regardées comme des dépenses professionnelles, dès lors qu'elles ont pour contrepartie un accroissement de l'actif social et, par voie de conséquence, de la valeur des parts détenues par les associés.
De même, les associés n'ont pas la possibilité d'amortir directement les biens sociaux ; cet amortissement doit être effectué au niveau de la société (cf. n° 6 ).
II. Registre des immobilisations et des amortissements
14Éléments affectés à l'exercice de la profession (cf. n° 17 ), les parts de sociétés civiles de moyens doivent figurer sur le registre des immobilisations de chaque associé.
Est consigné sur ce registre :
- soit la valeur de souscription des parts de sociétés civiles de moyens dont les associés sont propriétaires, s'ils sont associés d'origine ;
- soit le prix de revient de ces parts, s'ils les ont acquises en cours de société.
Les associés ne peuvent évidemment, en aucun cas, pratiquer un amortissement sur la valeur de ces parts, l'amortissement de l'actif social qu'elles représentent étant opéré au niveau de la société civile de moyens dans les conditions de droit commun.
15Cependant, il est rappelé que les intérêts des emprunts contractés par un associé pour leur acquisition constituent une charge déductible de son bénéfice non commercial.
La même solution doit être retenue en ce qui concerne les frais d'acte et d'enregistrement acquittés lors de l'achat des parts.
III. Répartition du résultat fiscal de la société civile de moyens et prise en compte de ce résultat dans le revenu imposable de chaque associé
16Conformément à l'article 239 quater A du CGI dans sa rédaction en vigueur jusqu'en 1998, chaque associé est personnellement passible de l'impôt sur le revenu, pour sa part correspondant à ses droits statutaires dans les résultats de la société.
17Eu égard à la nature de l'activité des sociétés civiles de moyens, les produits des participations devraient, en principe, être imposables au nom des associés au titre des bénéfices industriels et commerciaux, catégorie de revenus à laquelle ils ressortissent.
Toutefois, aux termes des dispositions de l'article 93-5 du CGI, les parts de sociétés civiles de moyens constituent des éléments affectés à l'exercice de la profession au sens de l'article 93-1 du même code.
18Il en résulte que la fraction des résultats sociaux revenant à chaque associé d'une société civile de moyens soumise au régime de l'article 239 quater A du CGI doit être prise en compte pour la détermination des bénéfices non commerciaux réalisés par cet associé dans le cadre de son activité professionnelle.
Lorsque l'associé relève du régime de la déclaration contrôlée, il doit faire apparaître de manière distincte, sur l'imprimé de déclaration n° 2035, la fraction du résultat social qui lui revient et, selon qu'il s'agit d'un bénéfice ou d'un déficit, ajouter cette fraction à son propre résultat fiscal ou l'en retrancher.
Si l'associé est imposable d'après le régime de l'évaluation administrative 2 , le service tient compte pour la fixation de son bénéfice de la part lui revenant dans les résultats de la société civile de moyens.
19 Remarque : Imposition des plus-values à long terme dégagées au niveau de la société. Les sociétés civiles de moyens sont susceptibles de réaliser des plus-values lors de la cession d'éléments de leur actif social. Lorsqu'il s'agit de plus-values à long terme, celles-ci sont imposables distinctement au nom de chaque associé pour la part correspondant à ses droits statutaires. Le montant net de ces plus-values doit apparaître sur la déclaration n° 2036 (cf. n° 8 ) ; il doit être reporté par chaque associé sur sa déclaration d'ensemble de revenus n° 2042.
IV. Imposition des plus-values d'apports et des plus-values de cessions de parts sociales
20Lorsque des contribuables, exerçant à titre individuel, apportent à des sociétés civiles de moyens des biens affectés à l'exercice de leur profession, les plus-values éventuellement constatées à cette occasion sont passibles de l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices non commerciaux.
Les plus-values résultant d'apports effectués dans les conditions ci-dessus sont soumises au régime des plus-values professionnelles, défini aux articles 93 quater-I, 151 sexies et 151 septies du CGI (cf. à cet égard DB 5 G 24 ).
21Aux termes de l'article 93-5 du CGI, les parts de sociétés civiles de moyens constituent des éléments affectés à l'exercice de la profession. L'imposition des plus-values résultant de leur cession obéit au régime des plus-values professionnelles (cf. DB 5 G 24 ).
1 À noter que cette mesure est rapportée à compter de l'imposition des revenus de 1999 (cf. DB 5 G 4822, n° 35 ).
2 Il est rappelé que le régime de l'évaluation administrative est supprimé à compter de l'imposition des revenus de 1999.