SOUS-SECTION 2 PROFESSIONS OUVRANT DROIT À UNE DÉDUCTION FORFAITAIRE SUPPLÉMENTAIRE
II. Champ d'application de la déduction
47 La déduction supplémentaire de 30 % est, en principe, réservée au journaliste professionnel au sens de l'article L. 761-2 du code du travail, c'est-à-dire à celui qui a pour occupation principale, régulière et rétribuée, l'exercice de sa profession dans un ou plusieurs périodiques ou agences de presse, et qui en tire le principal de ses ressources (voir également supra 5 F 1112, n°s 42 et suiv. ).
Cela étant, la jurisprudence du Conseil d'État considère quant à elle, que le bénéfice d'une telle déduction est compatible avec l'exercice d'une ou plusieurs autres activités rémunérées et pas nécessairement secondaires. Ainsi, si le Conseil d'État ne se sent pas lié par le double critère de l'occupation et des ressources principales mentionné à l'article L. 761-2 du code du travail, il n'écarte pas pour autant les autres éléments de la définition, car ils sont bien entendu indispensables pour caractériser la profession de journaliste.
En effet, la déduction forfaitaire supplémentaire n'est en tout état de cause susceptible d'être accordée qu'aux seuls contribuables qui exercent effectivement une activité de journaliste, c'est-à-dire qui apportent une collaboration intellectuelle permanente à une publication périodique en vue de l'information des lecteurs 1 (en ce sens, CE, arrêt du 1er avril 1992, n° 88837) et qui sont rétribués en tant que tels par leur employeur.
Lorsque les conditions énoncées ci-dessus sont remplies, sont assimilés à des journalistes professionnels :
- les collaborateurs directs de la rédaction ;
- les correspondants qui travaillent en France ou à l'étranger ;
- les journalistes exerçant leur activité dans une ou plusieurs entreprises de communication audiovisuelle.
Par ailleurs, même si elle n'est pas titulaire d'une carte professionnelle, une personne qui exerce de manière régulière une activité de journaliste-pigiste pour le compte de plusieurs sociétés peut bénéficier de la déduction supplémentaire (CAA PARIS, 24 octobre 1991, n° 2716).
En revanche, même s'il n'est pas nécessaire que l'activité de journaliste soit l'activité principale du contribuable ou lui procure l'essentiel de ses ressources, cette activité doit être caractérisée par sa régularité au profit des publications ou des agences de presse. En conséquence, la déduction supplémentaire doit être refusée aux contribuables qui ne collaborent qu'occasionnellement à des publications périodiques 2 .
La déduction supplémentaire n'est donc pas accordée :
- aux correspondants occasionnels des journaux ou revues et aux rédacteurs spécialisés qui exercent par ailleurs une autre activité telle que techniciens, ingénieurs, scientifiques, hommes politiques, syndicalistes, médecins, etc., même si, par application des règles de droit commun, leurs rémunérations peuvent être considérées comme des salaires ;
- au directeur d'une chaîne ou d'une station de radio ou de télévision, même s'il est encore titulaire de la carte de journaliste ;
- aux producteurs délégués. aux animateurs-présentateurs de radio et de télévision (CE, arrêts du 17 mars 1976, req. n° 97003, RJ n° III, p. 61, du 16 février 1977, req. n° 1622, RJ n° III p. 46 et du 16 novembre 1983, req. n°s 32980 et 44738), ainsi qu'aux personnels qui assurent l'illustration sonore des productions télévisées ; il a été jugé que le seul fait qu'un producteur d'émissions de radio et de télévision interroge lui-même les personnalités qu'il invite à s'exprimer et s'entretienne avec elles ne suffit pas à caractériser son activité comme étant celle d'un journaliste (CE, arrêts du 10 novembre 1980, req. n° 19390, du 17 décembre 1980, req. n° 19221, et du 11 juin 1986, n° 46502) ;
- aux chefs de groupe artistique auprès de l'ex-ORTF pour les émissions radio-universitaires ; leurs fonctions qui consistent à prendre des contacts avec les responsables universitaires pour l'établissement des programmes, à être en liaison avec les services techniques de l'office, à rédiger le courrier et les annonces destinées à être publiées dans la presse locale ou diffusées à l'antenne, enfin à prendre éventuellement la parole à l'antenne pour faire lesdites annonces ne sont pas assimilables à une activité professionnelle de journaliste au sens des dispositions de l'article 5 de l'annexe IV au CGI. En effet, ces fonctions ne conduisent les intéressés ni à élaborer eux-mêmes le contenu des émissions, ni à intervenir, sinon très accessoirement, sur l'antenne (CE, arrêt du 8 février 1978, req. n° 2212, RJ n° III, p. 29) ;
- au directeur d'un centre régional d'une société de télévision dont les fonctions consistent à arrêter, en liaison avec les rédacteurs en chef, le contenu des éditions des journaux et magazines d'information (CAA BORDEAUX, 17 octobre 1989, n° 179) ;
- aux directeurs du personnel d'une entreprise de publicité qui n'est pas titulaire de la carte professionnelle de journaliste et assure, en outre, l'exécution de contrats passés par son employeur avec les directeurs de théâtre en vue de la projection, au cours des entractes, d'un journal lumineux comprenant principalement des images publicitaires et accessoirement de brèves informations (CE, arrêt du 11 octobre 1961, req. n° 49632, RO, p. 428) ;
- à un maquettiste collaborant à la confection d'un journal (CE, arrêt du 6 février 1981, req. n° 16599 et CAA NANTES, arrêt du 6 octobre 1993, n° 92-217), ou à sa mise en page (CE, arrêt du 24 juillet 1987, req. n° 58099) ;
- aux attachés de presse ;
- aux journalistes retraités ;
- aux photographes des chaînes de télévision qui ne bénéficient pas du statut de journaliste ;
- à un rédacteur de notices techniques (CAA PARIS, 31 janvier 1989, n° 204) ;
- à une personne qui collabore à des publications en fournissant uniquement des mots croisés, jeux fléchés et jeux de lettres (CE, arrêt du 1er avril 1992, n° 88837) ;
- à une personne chargée des fonctions de conseiller technique auprès d'un théâtre national, d'un directeur d'administration centrale d'un ministère ou d'une entreprise d'éditions musicales, chargé de la préparation et de la diffusion des programmes des spectacles ou des manifestations culturelles, même si elle est titulaire de la carte de journaliste (CE, arrêt du 28 mai 1986, req. n° 49285) ;
- au collaborateur d'émissions et conseiller artistique qui ne justifie pas de passages réguliers à l'antenne en qualité de journaliste (CAA PARIS, 29 novembre 1990, n° 2655).
Remarque : Il est rappelé que la possession de la carte de journaliste ne doit pas être considérée comme une preuve irréfragable (CE, arrêts du 6 février 1981, req. n° 16599, du 28 mai 1986, req. n° 49285 et du 24 juin 1991, req. n° 89238). En outre, aucune distinction ne doit être opérée selon la périodicité des journaux ou leur spécialité.
K. DIRECTEURS DE JOURNAUX
48 Les directeurs de journaux bénéficient d'une déduction supplémentaire dont le taux est fixé à 30 %.
I. Base de la déduction
Les directeurs de journaux supportent parfois des dépenses dont la charge incombe normalement à l'entreprise qu'ils dirigent. Le remboursement de ces avances ne constitue pas un élément du revenu imposable.
1. Remboursements d'avances à ne pas inclure dans le revenu brut.
49 Sont considérées comme incombant normalement à l'entreprise, alors même qu'elles seraient réglées par un dirigeant pour le compte de cette dernière, les dépenses qui, eu égard à leur nature ou aux circonstances dans lesquelles elles sont exposées, se rattachent à la gestion et à l'administration du journal. Tel est le cas, par exemple :
- des dépenses résultant de la réception de personnalités françaises ou étrangères de la politique, des arts, de la littérature, du sport, de la mode, etc., invitées au nom du journal à titre publicitaire ;
- des prix ou des primes attribués à l'occasion d'un concours ou d'une course ;
- des frais de réception d'administrateurs ou de techniciens du journalisme, de la publicité, de l'imprimerie, du cinéma, etc., ou de collaborateurs occasionnels avec lesquels l'entreprise traite ou discute des affaires ;
- des dépenses remboursées à un dirigeant ou à un chef de service du journal à l'occasion d'un reportage qu'il a effectué lui-même, exceptionnellement, dans les mêmes conditions que les journalistes ne faisant pas partie des cadres.
2. Allocations pour frais à inclure dans le revenu brut.
50 En revanche, ne peuvent être considérés comme incombant, même partiellement, à l'employeur :
- les invitations ou cadeaux destinés à créer ou à entretenir des relations personnelles dans les milieux avec lesquels l'intéressé est en relation d'affaires ;
- les frais d'entretien et d'usage d'une voiture automobile pour les besoins de la fonction ;
- les frais d'études et de documentation.
Les sommes remboursées à ce titre sont donc à comprendre dans le revenu imposable des bénéficiaires.
51 Remarque : Les indications qui précèdent ne concernent que les remboursements réels de frais. Les indemnités, allocations ou remboursements forfaitaires accordés à des directeurs de journaux sont toujours considérés comme des rémunérations imposables (CGI, art. 80 ter ; cf. supra 5 F 1151, n° 28 ).
II. Champ d'application de la déduction
52 Pour bénéficier de la déduction supplémentaire, le contribuable doit satisfaire aux deux conditions suivantes :
- être salarié par une entreprise éditant des « journaux » qui répondent aux conditions posées par l'article 72 de l'annexe III au CGI ;
- occuper des fonctions de directeur.
L'interprétation de ces deux conditions appelle les commentaires suivants.
53 1. Première condition : l'employeur doit éditer les publications répondant aux conditions posées par l'article 72 de l'annexe III au CGI.
L'article 72 de l'annexe III au CGI -dont la rédaction a été modifiée par l'article 1er du décret n° 97-273 du 21 mars 1997- concerne les joumaux et publications périodiques présentant un lien avec l'actualité, apprécié au regard de l'objet de la publication, et qui remplissent toutes les conditions suivantes :
1° Avoir un caractère d'intérêt général quant à la diffusion de la pensée (instruction, éducation, information, récréation du public). Les publications donnant des informations techniques entrent, en principe, dans cette catégorie ;
2° Satisfaire aux obligations de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;
3° Paraître régulièrement au moins une fois par trimestre sans qu'il puisse y avoir un intervalle supérieur à quatre mois entre deux parutions ;
4° Faire l'objet d'une vente effective au public, au numéro ou par abonnement, à un prix marqué ayant un lien réel avec les coûts. sans que la livraison du journal ou périodique considéré soit accompagnée de la fourniture gratuite ou payante de marchandises ou de prestations de services n'ayant aucun lien avec l'objet principal de la publication ;
5° Consacrer, au plus. les deux tiers de leur surface à la publicité, aux annonces judiciaires et légales et aux annonces classées sans que ces dernières excèdent la moitié de la surface totale ;
6° Ne pas être assimilables à l'une des publications énumérées par le 6° de l'article 72 déjà cité, c'est-à-dire :
- les feuilles d'annonces, tracts, guides, prospectus, catalogues, almanachs (par exemple, journaux d'annonces légales),
- les ouvrages publiés par livraison et dont la publication embrasse une période de temps limitée ou qui constituent le complément ou la mise à jour d'ouvrages déjà parus,
- les publications ayant pour objet principal la recherche ou le développement des transactions d'entreprises commerciales, industrielles, bancaires, d'assurances ou d'autre nature, dont elles sont, en réalité, les instruments de publicité ou de communication ou qui apparaissent comme étant l'accessoire d'une activité commerciale ou industrielle,
- les publications ayant pour objet principal la publication d'horaires, de programmes, de modèles, plans ou dessins ou de cotations (par exemple, journaux de programmes et pronostic de courses hippiques) ; toutefois, les journaux de cotations de valeurs mobilières ainsi que les publications ayant pour objet essentiel l'insertion à titre d'information des programmes de radiodiffusion et de télévision sont compris dans le champ de la déduction,
- les publications ayant pour objet principal d'informer sur la vie interne d'un groupement, quelle que soit sa forme juridique, ou constituant un instrument de publicité ou de propagande pour celui-ci,
- les publications dont le prix est compris dans une cotisation à une association ou à un groupement quelconque.
Les personnes qui dirigent l'une des publications énumérées au 6° ne peuvent donc pas bénéficier de la déduction supplémentaire de 30 % pour frais professionnels. Peu importe, à cet égard, les dispositions de l'article 73 de l'annexe III au CGI, modifié par l'article 2 du décret n° 97-273 du 21 mars 1997. En effet, dès lors que l'article 5 A de l'annexe IV au CGI ne se réfère pas à ce dernier texte, la déduction de 30 % ne peut être accordée aux directeurs des publications concernées par l'article 73 précité.
54 Cette déduction supplémentaire doit donc être refusée aux directeurs :
- des publications d'anciens combattants, mutilés ou victimes de guerre ;
- des publications d'information professionnelle éditées par les organisations syndicales représentatives de salariés ;
- des publications ayant pour objet essentiel de promouvoir une action ou une philosophie politique, qui ne sont pas éditées par ou pour le compte d'une personne morale de droit public ;
- des publications éditées par les sociétés mutuelles et groupements régis par le code de la mutualité ;
- des publications éditées par des organismes à but non lucratif ayant pour objet de contribuer, à titre manifestement désintéressé, à la défense des grandes causes humanitaires, nationales ou internationales ;
- des journaux scolaires publiés ou imprimés, sous la direction et la responsabilité des instituteurs ou des professeurs, dans le but d'éduquer les enfants et de renseigner sur la vie et le travail de l'école ;
- des publications périodiques publiées par des administrations de l'État ou par des établissements publics à l'exception de ceux qui ont un caractère industriel ou commercial ;
- des publications dont l'objet essentiel est de fournir à leurs lecteurs des renseignements sur les courses de chevaux afin de leur permettre d'établir leurs paris (CE, arrêt du 23 juillet 1976, req. n° 99402, rendu en matière de TVA).
Lorsqu'ils éprouvent un doute sur le bien-fondé de la déduction supplémentaire pratiquée par un contribuable, les agents peuvent prendre l'attache du service qui détient le dossier de l'employeur afin de s'assurer que ce dernier est bien concerné par l'article 72 de l'annexe III au CGI.
1 La Chambre sociale de la Cour de cassation retient la même définition pour apprécier si un salarié exerce une activité de journaliste au sens de l'article L. 761-2 du code du travail (Cass. soc. 1er avril 1992, n° 1520 p).
2 Au demeurant, ces personnes ne se trouvent pas en général dans un état de subordination à l'égard de la direction du périodique et sont donc imposables à ce titre dans la catégorie des bénéfices non commerciaux.