CHAPITRE 3 PRESTATIONS DE SERVICES ET TRAVAUX IMMOBILIERS
CHAPITRE 3
PRESTATIONS DE SERVICES ET TRAVAUX IMMOBILIERS
A. PRINCIPES
1Conformément aux dispositions de l'article 269-1-a du CGI, dans sa rédaction issue de l'article
21 de la loi n° 92-677 du 17 juillet 1992, le fait générateur de la TVA se produit, pour les prestations de services, lorsque la prestation de services est effectuée 1 .
Par ailleurs, l'article 256-IV du CGI issu de l'article 1er de la loi précitée prévoit notamment que les travaux immobiliers sont considérés comme des prestations de services.
Lorsque ces travaux ou services (notamment les locations d'immeubles) donnent lieu à l'établissement de décomptes ou à des encaissements successifs (cf. ci-après DB 3 B 261 ), le fait générateur se produit au moment de l'expiration des périodes auxquelles ces décomptes ou ces encaissements se rapportent (CGI, art. 269-1-a-bis ). Cette disposition ne concerne à l'évidence que des opérations donnant lieu à des décomptes ou des encaissements à « terme échu ».
2En tout état de cause, l'article 269-2-c du CGI dispose que pour les prestations de services la taxe est exigible lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération, ou, sur autorisation du directeur des services fiscaux, d'après les débits.
En outre, il autorise, sous certaines conditions, les entrepreneurs de travaux immobiliers à opter pour le paiement de la taxe sur les livraisons (cf. ci-après 3 B 271 ).
I. Définition des opérations
3Les opérations concernées sont, non seulement les prestations de services de toute nature telles que les réparations, les ventes à consommer sur place, les transports, les locations, les spectacles ainsi que les travaux immobiliers et les services imposables rendus par les membres des professions libérales, etc. mais encore le fait de s'obliger à ne pas faire ou à tolérer un acte ou une situation 2 , les cessions ou concessions de biens meubles incorporels, expressément considérés comme des prestations de services en vertu de l'article 256-IV du CGI.
Les opérations de commission (lorsque l'intermédiaire agit en son propre nom) ne sont plus considérées comme des prestations de services à compter du 1er janvier 1993.
Les opérations de façon, qui étaient considérées comme des livraisons de biens du 1er janvier 1993 au 31 décembre 1995, sont redevenues des prestations de services à compter du 1er janvier 1996.
II. Exigibilité de la taxe
4La taxe est exigible, en règle générale, lors de l'encaissement des acomptes, du prix ou de la rémunération.
5La définition de l'encaissement du prix ou de la rémunération ne soulève aucune difficulté lorsqu'il s'agit de paiement en espèces. Par encaissements imposables, il faut entendre notamment toutes les sommes perçues du chef de la réalisation de l'opération ou de l'exécution des travaux, à quelque titre que ce soit (avances, acomptes, règlements pour solde) et quelle que soit la destination de ces sommes (achats de matières ou matériaux, paiement de sous-traitant, versements d'agios ...).
1. Paiement par remise d'un chèque postal ou bancaire.
6Lorsque les paiements sont effectués par la remise d'un chèque bancaire ou d'un chèque postal, le jour de cette remise constitue la date d'exigibilité de la taxe.
À cet égard, les solutions suivantes ont été retenues :
- lorsque le client remet directement le chèque à son fournisseur, cette transmission matérielle constitue la remise du chèque ;
- lorsque le client envoie par la poste le chèque à son fournisseur, la réception de celui-ci constitue la remise du chèque.
Cette doctrine ne peut cependant faire échec aux dispositions légales ou jurisprudentielles de droit commun relatives au paiement par chèque.
Toutefois, le paiement n'est confirmé que lorsque le chèque est encaissé, soit directement, soit par inscription en compte. Dès lors, si le chèque n'est pas approvisionné, l'exigibilité n'est pas effectivement intervenue et le redevable pourra opérer, sur sa plus prochaine déclaration de chiffre d'affaires, l'imputation de la taxe acquittée lors de la remise du chèque.
Si le redevable obtient le remboursement en espèces d'un chèque non provisionné, il doit soumettre à l'imposition la somme correspondante dès lors que l'exigibilité est effectivement intervenue et que la taxe acquittée lors de la remise du chèque a donné lieu à imputation.
L'imputation de la taxe, qui doit être opérée au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle au cours de laquelle s'est produit le fait générateur du droit à imputation, s'effectue selon les modalités suivantes :
- dans l'hypothèse où le redevable est soumis au régime réel normal, il fait figurer le montant de la taxe à imputer à la ligne 30 de la prochaine déclaration CA 3 ;
- dans l'hypothèse où il est soumis au régime simplifié d'imposition, il ne fait pas apparaître au titre des affaires imposables, à porter sur la déclaration annuelle CA 12, le montant de l'opération ayant donné lieu à la remise d'un chèque non provisionné, pour autant cependant que l'exigibilité de la taxe ne soit pas intervenue ultérieurement au cours de l'année ou de l'exercice faisant l'objet de cette déclaration du fait, par exemple, du remboursement en espèces, par le client, du montant du chèque en cause (RM n° 29093 à M. Delfosse, JO Débats AN du 7 juillet 1980, p. 2853). Ces dispositions sont également applicables aux exploitants agricoles relevant du régime simplifié de l'agriculture.
2. Paiement par virement bancaire ou postal.
7Lorsque le paiement est fait par virement bancaire ou par virement postal, l'encaissement est constitué par l'inscription au compte du fournisseur de la somme qui y est virée sur ordre du client.
3. Paiement par effet de commerce.
8Lorsque le paiement est effectué par effet de commerce, la date d'encaissement à considérer, lorsque le contribuable remet à l'escompte les effets qu'il a tirés sur ses clients, est celle à laquelle la banque encaisse le prix ; l'encaissement et, par suite, l'exigibilité de la TVA, se situent donc au jour de l'échéance de l'effet de commerce ; la somme imposable correspond au montant nominal de la traite.
Si l'effet de commerce n'est pas honoré à l'échéance, l'exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée intervient au moment du règlement effectif (remise de chèque ou nouvelle échéance en cas de report).
Mais le Conseil d'État a estimé que, lorsque le paiement est effectué par effet de commerce et que le redevable remet celui-ci à l'escompte, l'encaissement intervient au moment de la remise de l'effet à l'escompte (CE, Harris International du 25 mai 1983, n° 33519).
L'application de cette jurisprudence, plus défavorable pour les redevables, aurait soulevé des difficultés pratiques, notamment en ce qui concerne la date de la déductibilité de la taxe facturée au client.
Aussi, le deuxième alinéa de l'article 269-2-c du CGI (issu de l'article 97 de la loi n° 83-1179 du 29 décembre 1983) prévoit, qu'« en cas d'escompte d'un effet de commerce, la taxe est exigible à la date du paiement de l'effet par le client ».
Cette disposition a confirmé la doctrine précédemment exposée et en vigueur avant le 1er janvier 1984.
Elle rend toutefois caduque la solution particulière concernant les redevables déclarés en liquidation de biens ou en règlement judiciaire pour lesquels il avait été indiqué que l'encaissement intervenait au moment de la remise de l'effet à l'escompte conformément à un arrêt du Conseil d'État du 18 décembre 1974 (req. n° 91341, Berthier-Montchanin). Pour ces redevables, l'encaissement, qui détermine l'exigibilité de la taxe, se situe donc également à la date de l'échéance de l'effet de commerce.
Ce dispositif s'est appliqué pour la première fois aux effets émis à compter du 1er janvier 1984 par les clients de redevables en liquidation de biens ou en règlement judiciaire, en contrepartie de la fourniture de prestations de services ou de travaux immobiliers. Pour les effets de commerce escomptés avant le 1er janvier 1984 par les redevables en règlement judiciaire ou en liquidation de biens, l'exigibilité est demeurée fixée à la date de l'escompte, même si la date d'échéance de l'effet est postérieure au 1er janvier 1984.
Remarque : Le règlement judiciaire et la liquidation de biens ont été remplacés par une procédure unique : « le redressement judiciaire » qui peut être transformé éventuellement en liquidation judiciaire (loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 et loi n° 94-475 du 10 juin 1994).
Afin de garantir les droits du Trésor, le montant de la TVA afférente aux effets escomptés avant le jugement déclaratif et dont la date d'échéance, qui détermine maintenant l'exigibilité de la taxe, est postérieure à la date de ce jugement, devra faire l'objet d'une production selon les modalités prévues pour les créances conditionnelles.
Les règles d'exigibilité de la TVA prévues en matière d'escompte commercial par l'article 97 de la loi de finances pour 1984 sont applicables en cas de recours aux crédits prévus par la loi n° 81-1 du 2 janvier 1981, modifiée par l'article 61 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984.
4. Paiement par acomptes.
9En ce qui concerne les opérations pour lesquelles l'exigibilité de la taxe est constituée par l'encaissement du prix, lorsque le paiement de ce prix s'effectue par acomptes, c'est l'encaissement de chacun des acomptes qui donne ouverture à l'exigibilité de la TVA.
Ainsi les entrepreneurs de travaux immobiliers qui acquittent la TVA sur les encaissements en vertu des dispositions de l'article 269-2-c du CGI et perçoivent, au cours de l'exécution d'un marché, des avances forfaitaires, doivent, dans la mesure où elles constituent le paiement anticipé d'une partie du montant des travaux, soumettre ces avances à la TVA au moment de leur encaissement (RM à M. Chauvet, JO Débats AN n° 101 du 7 décembre 1968 p. 5197).
5. Paiement par inscription de sommes au crédit d'un compte dont le redevable a la libre disposition.
10L'inscription à un compte de tiers ouvert dans'les écritures d'une société, de sommes correspondant à des opérations imposables, qui sont dues à la personne ayant la maîtrise totale de cette société, doit être regardée comme un encaissement rendant la TVA exigible (CE, arrêt du 14 janvier 1981, req. n° 7632).
En l'espèce, un maître d'oeuvre en bâtiment, qui assurait la gestion courante d'une société civile immobilière dont il avait la maîtrise totale, était rémunéré contractuellement par des honoraires de nature commerciale à raison d'actes de gérance d'affaires qu'il accomplissait pour le compte de la société.
L'intéressé soutenait que le montant de ses recettes professionnelles avait été majoré à tort d'une somme portée par la société civile immobilière à un compte « fournisseurs » au nombre desquels il figurait.
Le contribuable n'ayant pu établir qu'il n'aurait pas eu la disposition de ce compte et que les sommes en litige étaient destinées à d'autres fournisseurs que lui-même, le Conseil d'État a jugé que l'inscription des sommes au crédit d'un compte dont il avait la disposition devait être regardée comme un encaissement de recettes imposables à la TVA.
6. Avance consentie par un établissement bancaire au titulaire d'un marché public.
a. Les procédures d'avances garanties.
11Une entreprise qui détient des créances à l'encontre d'une collectivité publique peut obtenir des avances de trésorerie auprès d'établissements de crédit en contrepartie de la cession de ses créances.
Sauf contestation sur le paiement des créances en cause, ces avances sont en règle générale remboursées lors du paiement des créances cédées.
C'est notamment le cas des paiements à titre d'avance du crédit d'équipement des petites et moyennes entreprises (CEPME) prévus par l'article 201 bis du code des marchés publics.
Ces procédures de crédit sont destinées à faciliter la gestion de la trésorerie des petites et moyennes entreprises. Elles ne soulèvent pas de difficultés, en matière de TVA, lorsque l'exigibilité se situe au moment de la livraison des biens ou de la facturation (prestataire de services ayant opté pour les débits).
Lorsque l'exigibilité se situe au moment de l'encaissement (prestataires de services et notamment entreprises de travaux immobiliers qui n'ont pas opté pour les débits), il a été décidé que, dans tous les cas, l'entreprise ne devrait comprendre dans sa base d'imposition les sommes facturées à une collectivité publique qu'au moment où cette dernière se libère de sa dette. Cette décision entraîne les conséquences suivantes.
b. Conséquences sur la date d'exigibilité de la TVA.
- Pour les livraisons de biens.
L'entreprise doit acquitter la TVA dès le moment où la livraison des marchandises est effectuée (CGI, art. 269-2-a ).
- Pour les prestations de services et les travaux immobiliers.
1°) L'entreprise est autorisée à acquitter la taxe d'après les débits. La taxe est exigible dès la facturation.
2°) L'entreprise n'a pas demandé à acquitter la taxe d'après les débits. Elle acquitte la TVA au moment de l'encaissement des sommes facturées (CGI, art. 269-2-c ).
Dans un premier temps, l'encaissement était réputé intervenir au moment du versement des avances consenties par l'établissement bancaire.
Une décision ministérielle du 6 mai 1988 permet de reporter l'exigibilité de la taxe au moment du paiement par la collectivité publique.
Exemple : Une entreprise facture des travaux à une collectivité locale le 1er juin 2000 pour un montant de :
Cette facture est payable le 1er septembre 2000.
Le 15 juillet 2000, l'entreprise perçoit une « avance » de l'établissement bancaire de 1 196 000 F.
L'entreprise n'est pas redevable de la taxe à cette date.
Le 1er septembre 2000, la collectivité règle la facture à l'établissement bancaire qui adresse à l'entreprise un relevé faisant mention de ce paiement, l'entreprise doit comprendre la somme de 1 000 000 F dans sa base d'imposition du mois de septembre 2000.
Les règles d'exigibilité applicables aux avances garanties au titre de marchés publics sont ainsi désormais les mêmes :
- que pour les autres crédits accordés dans le cadre de la loi bancaire ;
- que pour les traites remises à l'escompte ;
- et d'une facon générale pour toutes les cessions de créances à titre de garantie consenties à un cessionnaire (cf. DB 3 D 1211, n° 55 ).
Dans toutes ces situations, l'encaissement est réputé intervenir au moment du paiement par le client.
Travaux immobiliers : imposition des sommes versées même en l'absence de contrat.
12Un entrepreneur de travaux avait réalisé des travaux immobiliers pour le compte d'une société civile immobilière dont il était gérant et dont il détenait la quasi-totalité du capital social. Les sommes qui lui avaient été versées chaque année par la société civile immobilière correspondaient sensiblement au montant des travaux exécutés. L'intéressé soutenait que les versements en cause constitueraient des remboursements d'avances qu'il aurait précédemment consenties à la société.
Le Conseil d'État a jugé qu'à défaut, notamment, de contrat ou pièces de facturation établis par écrit fixant les droits et obligations des parties en matière de prix et de modalités de paiement, toutes les sommes que le client versait à l'entrepreneur devaient, en l'absence de preuve contraire, être réputées constituer le paiement d'acomptes, mémoires ou factures se rapportant aux travaux effectués et être, dès lors, immédiatement soumises à la taxe (CE, arrêt du 3 novembre 1978, req. n° 3081).
1 Il est précisé que la nouvelle rédaction de l'article 269-1-a du CGI, qui substitue au mot « exécuté » le mot « effectué » ne modifie pas le fait générateur des prestations de services.
2 Par exemple :
- rémunération versée par une entreprise à une agence de publicité en contrepartie de la renonciation par celle-ci à effectuer de la publicité pour une entreprise concurrente ;
- sommes que reçoit une entreprise d'une autre en contrepartie de sa renonciation à vendre un matériel donné, concurrent de celui commercialisé par cette autre entreprise ;
- rémunération versée par une entreprise à son concessionnaire exclusif à l'occasion de ventes qu'elle effectue directement par dérogation au contrat d'exclusivité.