TITRE PREMIER FUSIONS DE SOCIÉTÉS - GÉNÉRALITÉS ET RAPPEL DES RÉGIMES ANTÉRIEURS
TITRE PREMIER
FUSIONS DE SOCIÉTÉS - GÉNÉRALITÉS ET RAPPEL DES RÉGIMES ANTÉRIEURS
A. GÉNÉRALITÉS
1La fusion proprement dite est l'opération par laquelle une société disparaît du fait, soit qu'elle est absorbée par une autre société (fusion-absorption), soit qu'elle participe avec d'autres personnes morales à la constitution d'une société nouvelle.
2L'application d'un régime fiscal particulier aux fusions proprement dites implique :
- la disparition de la ou des sociétés apporteuses ;
- un apport gobal de la totalité des éléments actifs et le plus souvent des éléments passifs du patrimoine desdites sociétés ;
- la remise aux membres de ces dernières de titres de la société absorbante ou nouvelle 1 soumis aux aléas sociaux : actions ou parts sociales, à l'exclusion de biens ou valeurs soustraits auxdits aléas, tels des obligations et autres titres de créance.
3Mais la fusion n'est pas incompatible avec la circonstance :
- que la société appelée à disparaître se trouve déjà en liquidation si l'opération comporte l'apport de moyens permanents d'exploitation de la société dissoute (RM n° 11389 à M. Louis Courroy, JO, Débats Sénat du 14 juin 1972, p. 950). Mais la possibilité de fusion n'est ouverte aux sociétés en liquidation qu'à condition que la répartition de leurs actifs entre les associés n'ait pas fait l'objet d'un début d'exécution (art. 1er de la loi n° 88-17 du 5 janvier 1988 relative aux fusions et aux scissions de sociétés commerciales) ;
- qu'une partie de l'actif reste écartée de l'apport global pour être affectée au règlement de tout ou partie du passif de la société absorbée (Cass., req. du 21 juillet 1932, instr. n° 4131, § 14 ; Cass. civ. 13 février 1963, D, 1963, som, p. 95) ;
- que la société absorbante est l'associé unique de la société absorbée : le régime fiscal défini aux articles 210 A du CGI s'applique aux opérations qui constituent de véritables fusions, au sens des dispositions en vigueur. Il en est ainsi des opérations réalisées dans les conditions prévues aux articles 371 et suivants de la loi n° 66-538 du 24 juillet 1966 modifiée sur les sociétés commerciales et à l'article 1844-4 du Code civil, y compris dans l'hypothèse où la société absorbante est l'associé unique de la société absorbée.
En revanche, ce régime fiscal ne concerne pas les dissolutions de sociétés réalisées dans le cadre des dispositions de l'article 1844-5 du Code civil, qui ne constituent pas juridiquement des fusions (RM Ceccaldi-Raynaud, AN 10 octobre 1994, p. 5020, n° 13889).
- qu'elle soit réalisée sans augmentation de capital : aux termes de l'article 372-I de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 modifiée, sur les sociétés commerciales, la fusion entraîne la dissolution sans liquidation des sociétés qui disparaissent et la transmission universelle de leur patrimoine aux sociétés bénéficiaires, dans l'état où il se trouve à la date de réalisation définitive de l'opération. Elle entraîne simultanément l'acquisition, par les associés des sociétés qui disparaissent, de la qualité d'associés des sociétés bénéficiaires, dans les conditions déterminées par le contrat de fusion.
Toutefois, il n'est pas procédé à l'échange de parts ou d'actions de la société bénéficiaire contre des parts ou actions des sociétés qui disparaissent lorsque ces parts ou actions sont détenues soit par la société bénéficiaire, soit par la société qui disparaît.
Le régime de faveur prévu à l'article 210 A du code général des impôt peut donc s'appliquer à une opération de fusion qui ne donne pas lieu à l'émission de titres par la société absorbante, dès lors que cette opération est réalisée dans les conditions prévues aux articles 371 et suivants de la loi du 24 juillet 1966 susvisée.
Ce dispositif ne peut s'appliquer aux opérations de dissolution sans liquidation qui sont réalisées dans le seul cadre des dispositions de l'article 1844-5 du code civil.
4En revanche, d'après la jurisprudence de la Cour de cassation (Ch. civ. 28 janvier 1946), le terme « fusion de sociétés » suppose la réunion d'au moins deux sociétés préexistantes, soit que l'une absorbe l'autre, soit que l'une et l'autre se confondent pour constituer une société unique.
Il faut donc qu'au résultat de l'opération, on constate une diminution du nombre des sociétés existant à l'origine.
Par suite, n'ont pas le caractère de « fusion » :
- l'apport de la totalité de l'actif d'une seule société ancienne effectué au profit d'une société nouvelle en voie de formation (rappr. Cass. req. 21 juillet 1932 cité ci-avant n° 2 ) ;
- l'opération par laquelle une société nouvelle a été constituée au moyen de l'apport d'une partie de l'actif d'une seule société ancienne, cette dernière conservant le surplus de son actif aux fins d'apurement du passif resté à sa charge et prononçant sa dissolution peu de temps après (Cass. civ. 28 janvier 1946, instr. n° 4728, § 9) ;
- l'apport effectué à une société à responsabilité limitée en formation de la totalité de leurs droits sociaux par les membres d'une société du même type préexistante, dont la dissolution et la liquidation ont été constatées par un acte ultérieur (Cass. civ. 18 janvier 1960, BOED, 1960 § 176).
5En principe, la fusion vaut cession pour la société absorbée et elle en produit tous les effets ; l'opération s'analyse alors en une mutation, c'est-à-dire en une cession totale d'entreprise, taxable selon le droit commun.
En réalité, ce principe très rigoureux ne joue que de manière exceptionnelle puisque généralement les entreprises en cause revendiquent le bénéfice du régime spécial prévu par l'article 210 A du CGI. La fusion est alors considérée comme une opération intercalaire : la société absorbante ou nouvelle apparaît au regard de l'impôt sur les sociétés, comme continuant purement et simplement l'exploitation des sociétés absorbées en se substituant à celles-ci dans leurs droits et obligations.
6Mais, quel que soit le régime adopté (régime de droit commun ou régime spécial) les deux règles suivantes, propres aux cessions d'entreprise en général, sont applicables :
- imposition immédiate des bénéfices réalisés par la société absorbée jusqu'au jour où la fusion est devenue effective, sous réserve de la rétroactivité de la fusion ;
- les déficits de la société absorbée sont, dans certains cas, reportables sur les bénéfices de la société absorbante.
7Après un rappel du régime des fusions antérieur à la loi du 12 juillet 1965, le présent titre se propose de développer le régime actuel de droit commun, qui trouve à s'appliquer exceptionnellement, et le régime spécial des fusions d'application plus courante.
B. RAPPEL DES RÉGIMES ANTÉRIEURS
8Les opérations de concentration et de regroupement des entreprises réalisées sous l'empire des dispositions antérieures à la loi du 12 juillet 1965 continuent à produire leurs effets et se trouvent toujours régies par la législation alors en vigueur. C'est pourquoi, il paraît utile de procéder à un rappel des règles applicables avant l'entrée en vigueur de la loi du 12 juillet 1965 dont sont issus les articles 210 A à 210 C du CGI.
Comme à l'heure actuelle, les sociétés pouvaient choisir entre l'application du régime de droit commun et le régime spécial prévu à l'article 210 du CGI. Ce texte a cessé de s'appliquer aux plus-values réalisées au cours d'exercices ou de périodes d'imposition ouverts depuis le 1er septembre 1965. Bien qu'abrogé par la loi susvisée, l'article 210 demeure néanmoins dans le CGI après aménagement de son texte.
I. Régime de droit commun
9Lorsqu'elle n'était pas réalisée sous le bénéfice des dispositions de l'article 210 du CGI, la fusion était assimilée à une cession ou cessation d'entreprise. La situation de la société absorbée ou fusionnée au regard de l'impôt sur les sociétés devait être, en principe, entièrement apurée au moment de la fusion, suivant les dispositions applicables en cas de cession ou de cessation d'entreprise.
10Dès lors, l'impôt devait être établi sur les bénéfices non encore taxés, c'est-à-dire d'une part, sur les bénéfices de l'exercice en cours au moment de la fusion et sur des bénéfices en sursis d'imposition (notamment plus-values exonérées sous condition de remploi, provisions, etc.), d'autre part, sur les plus-values dégagées par la fusion et correspondant à la différence entre la valeur d'apport de l'actif des sociétés dissoutes à la société absorbante et la valeur comptable.
11Toutefois, ces plus-values, réalisées en fin d'exploitation, bénéficiaient des taxations atténuées prévues aux anciens articles 152 et 219 (al. 3) du CGI 2 .
Elles étaient donc retenues dans les bases d'imposition pour la moitié de leur montant ou imposées au taux réduit de 10 % selon que la cession intervenait depuis moins de cinq ans à compter de la création de l'entreprise ou, au contraire, depuis plus de cinq ans. En contrepartie, la société absorbante pouvait calculer tant les amortissements que les plus-values de cession afférentes à ces éléments sur la base de leur valeur d'apport.
II. Régime spécial
12Indépendamment du régime de droit commun, l'article 210 du CGI édictait en faveur des fusions de sociétés anonymes, en commandite par actions ou à responsabilité limitée, un régime facultatif qui tendait à atténuer les conséquences de la notion de cession ou de cessation d'entreprise en faisant, dans une certaine mesure, apparaître la société absorbante ou nouvelle comme la continuatrice de la société absorbée ou des sociétés fusionnées.
En vertu de ce texte, les plus-values, autres que celles réalisées sur les marchandises, résultant de l'attribution gratuite d'actions ou de parts sociales (parts de capital) consécutive à une fusion étaient exonérées de l'impôt sur les sociétés 3 .
13Mais cette exonération était subordonnée à l'obligation pour la société absorbante ou nouvelle :
1° De calculer les amortissements annuels et les plus-values ultérieures afférents aux éléments, autres que les marchandises, compris dans l'apport, d'après le prix de revient qu'ils comportaient pour les sociétés fusionnées ou pour la société absorbée, déduction faite des amortissements déjà réalisés par elles ;
2° D'inscrire immédiatement au passif, en contrepartie des éléments d'actif pris en charge, des provisions pour renouvellement de l'outillage et du matériel égales à celles figurant au moment de la fusion ou de l'apport dans les écritures des sociétés fusionnées ou de la société absorbée et qui étaient afférentes aux éléments apportés.
Une obligation similaire destinée à permettre leur reprise en compte par la société absorbante, en franchise d'impôt, était prévue à l'égard des provisions pour fluctuation des cours, des provisions pour hausse de prix, des provisions pour reconstitution des gisements.
Ces dispositions étaient applicables, selon des modalités particulières, aux scissions de sociétés et aux apports partiels d'actif agréés entrant dans les prévisions de l'article 718 du CGI (CGI, art. 210-2 ).
1 Par suite, l'acquisition par une société de toutes les actions d'une autre société ou la vente de l'actif d'une société à une autre société ne constitue pas une fusion.
2 Édition 1974.
3 Par ailleurs, aux termes des articles anciens 115 et 159-2 du CGI, les répartitions gratuites d'actions ou de parts sociales (parts de capital) représentatives d'un apport-fusion ou assimilé entre les membres de la société absorbée ou apporteuse n'étaient pas considérées comme des distributions soumises à la retenue à la source et à l'impôt sur le revenu des personnes physiques : il en était ainsi, que l'opération ait été placée en matière d'impôt sur les sociétés sous le régime de droit commun ou sous le régime spécial édicté par l'article 210 (cf. 4 J 1225 ).