Date de début de publication du BOI : 25/06/1998
Identifiant juridique : 4G3343
Références du document :  4G3343

SOUS-SECTION 3 CONTESTATION DES RECTIFICATIONS APPORTÉES À LA DÉCLARATION CHARGE ET ADMINISTRATION DE LA PREUVE

SOUS-SECTION 3

Contestation des rectifications apportées à la déclaration
Charge et administration de la preuve

1La contestation, par le contribuable, du bien-fondé des rectifications opérées par l'Administration sur ses déclarations soulève des questions de preuve particulièrement importantes.

Ces questions sont traitées dans la présente sous-section en ce qui concerne la contestation, d'une part, des impositions établies à la suite d'une procédure contradictoire et d'autre part, des impositions arrêtées d'office. Pour une étude plus détaillée des règles applicables en matière de procédure de redressement contradictoire et notamment pour ce qui concerne la composition, le rôle, la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, ainsi que la portée des avis de cet organisme, il conviendra de se reporter à la série 13 RC.

  A RECTIFICATIONS OPÉRÉES DANS LE CADRE DE LA PROCÉDURE CONTRADICTOIRE

  I. Charge de la preuve

2Depuis le 1er janvier 1987, la procédure de rectification d'office ayant été abrogée, la procédure de redressement contradictoire s'applique à l'ensemble des reconstitutions de bénéfice.

Conformément aux dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de l'article 10-I de la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 modifiant les procédures fiscales et douanières, lorsque la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires est saisie d'un litige ou d'un redressement, l'Administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission.

En cas de défaut de présentation de la comptabilité, la charge de la preuve incombe au contribuable (cf. ci-avant 4 G 3343 ).

Ces dispositions s'appliquent aux avis émis après le 9 juillet 1987, date de publication au Journal Officiel de la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987.

3Toutefois, lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, la charge de la preuve incombe au contribuable. En tout état de cause, la charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'Administration incombe à celle-ci lorsque le litige ou le redressement est soumis au juge (art. L 192 du LPF, 2ème alinéa).

4Cette dernière obligation implique que la notification de redressements fasse état de façon précise et motivée des irrégularités constatées de sorte que le contribuable soit également mis en mesure de présenter ses observations sur ce point.

Il est rappelé que la notion de « graves irregularités », précisée par la jurisprudence, recouvre non seulement les erreurs, omissions ou inexactitudes graves et répétèes constatées dans la comptabilisation des opérations mais aussi l'absence de pièces justificatives qui prive cette comptabilité de toute valeur probante.

5Les infractions suivantes peuvent être considérées comme comportant un caractère de gravité : absence d'un livre ou document prévu par le Code de commerce ou le Code général des impôts, défaut d'inventaires, balances inexactes, soldes créditeurs importants du compte caisse, enregistrement non chronologique des opérations, fausses factures, opérations non comptabilisées, enregistrement global des recettes etc.

  II. Cas où la preuve incombant au contribuable a été considérée comme non apportée

6La preuve à la charge du contribuable a été considérée comme non apportée dans les espèces suivantes.

Le contribuable n'avait pu apporter aucun élément permettant de justifier de ses recettes et de ses dépenses (CE, arrêt du 25 janvier 1967, req. n° 68225).

En raison de graves lacunes qui affectaient la comptabilité, celle-ci avait été regardée à bon droit comme dépourvue de caractère probant. Au surplus, le contribuable qui soutenait que l'Administration n'avait pas tenu suffisamment compte du pourcentage des déchets dans l'évaluation des bénéfices de sa profession (commerce de triperie), n'invoquait à l'appui de cette allégation qu'une attestation d'un organisme professionnel, étant précisé qu'en raison du caractère purement théorique et général de l'appréciation qu'il comportait et à défaut de tout élément en confirmant le bien-fondé, ce document ne pouvait constituer la preuve qu'il incombait à l'intéressé d'apporter. Enfin le contribuable qui soutenait que l'Administration n'avait pas suffisamment tenu compte des variations saisonnières de prix, n'apportait pas davantage la preuve que ces variations aient eu une incidence sur ses bénéfices (CE, arrêt du 12 juin 1967, req. n° 69523).

Un contribuable ayant fait l'objet, pour les années 1959 à 1962, de redressements déterminés par différence entre ses dépenses et le total formé par ses ressources déclarées et les ressources d'autres provenances non passibles de l'impôt sur le revenu, n'a pas été considéré comme ayant apporté la preuve lui incombant dès lors, d'une part, que ne pouvaient être retenus dans les revenus de l'intéressé ni le montant de bons de caisse qui ne lui avaient été remboursés qu'après la période sur laquelle portaient les impositions contestées, ni des concours financiers sur lesquels aucune précision n'était fournie, et d'autre part, que l'attestation produite par le redevable et relative à la cession d'une automobile qui aurait fait partie de son patrimoine privé était dépourvue de valeur probante en raison de son caractère tardif et imprécis (CE, arrêt du 8 mai 1970, req. n° 74406). Toutefois, le contribuable en cause, qui prouvait qu'il avait encaissé en 1959 une somme de 120 000 anciens francs correspondant à une partie du prix de cession d'une propriété lui appartenant, a obtenu que la base d'imposition retenue pour ladite année fût diminuée du même montant.

Les calculs dont faisait état un requérant exerçant la profession de coiffeur, et qui étaient fondés soit sur l'application d'un coefficient retenu dix ans auparavant par l'Administration lors d'une précédente vérification, soit sur le barème utilisé pour l'évaluation des bénéfices réalisés pendant les années en litige (1963-1964) par les coiffeurs soumis au régime du forfait, n'ont pas été jugés de nature à constituer la preuve incombant à l'intéressé (CE, arrêt du 21 juillet 1970, req. n° 77953).

Un contribuable exploitant une officine de pharmacie dont la comptabilité était dépourvue de toute valeur probante et qui se bornait à opposer au montant du bénéfice calculé par le vérificateur celui qui ressortait, pour un trimestre de chacune des années d'imposition litigieuses, de l'application d'une marge de bénéfice théorique au montant des achats, n'a pas été regardé comme apportant la preuve qui lui incombait dès lors qu'un tel mode de calcul ne tenait pas compte notamment des rabais consentis par les fournisseurs et omettait les bénéfices tirés des préparations et des analyses (CE, arrêt du 3 mai 1972, req. n° 82199).

Un contribuable, dont les bénéfices imposables avaient été déterminés pour chacune des trois années d'imposition, en tenant compte de l'enrichissement de l'intéressé et de son épouse, n'a pas été considéré comme apportant la preuve qui lui incombait dès lors que, n'apportant aucune justification du montant de ses recettes, il n'établissait pas davantage, faute de toute précision sur l'état de sa fortune au 1er janvier de la première année de la période vérifiée, que compte tenu de ses dépenses personnelles et de celles de sa famille, l'épargne constatée par l'Administration pendant les trois années litigieuses n'eût pas impliqué des bénéfices au moins égaux à ceux retenus comme base d'imposition (CE, arrêt du 19 mai 1972, req. n° 82657).

Un contribuable dont la comptabilité avait été regardée comme non probante, contestait la méthode suivant aquelle l'expert désigné par le tribunal administratif avait reconstitué son bénéfice, reconstitution à laquelle l'expert n'était d'ailleurs pas tenu, sa mission étant de rechercher si les éléments comptables ou extra-comptables apportés par ledit contribuable étaient de nature à permettre d'apprécier le chiffre du bénéfice réalisé au cours de la période litigieuse. Jugé que le contribuable en cause n'apportait aucun élément de preuve comptable ou extra-comptable de nature à établir le caractère exagéré du bénéfice retenu par l'Administration, une telle preuve ne pouvant résulter seulement des indications données par l'intéressé sur son train de vie et sur le prix auquel il avait ultérieurement cédé son fonds de commerce (CE arrêt du 21 juillet 1972 req. n° 79949).

La comptabilité d'un contribuable, charcutier vendant en gros, en demi-gros et au détail ne permettait pas de déterminer le chiffre exact des recettes, en l'absence de pièces justifiant le détail de celles-ci, qui étaient arrêtées globalement, sans indication de poids ni de prix unitaire. Dès lors, et même si elle était correcte en la forme, il n'était pas établi qu'elle fût de nature à justifier le résultat déclaré. En outre, il résultait de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que le contribuable n'avait pu fournir d'éléments comptables ou extra-comptables de nature à établir le montant réel de ses bénéfices et que les conclusions de l'expert -qui avait tenté néanmoins de déterminer ces bénéfices à partir des documents fournis par le contribuable- étaient fondées sur des données trop imprécises et des méthodes trop incertaines pour être retenues comme preuve de l'exagération des rehaussements opérés par l'Administration. Jugé, dès lors, que le contribuable en cause n'apportait pas la preuve qui lui incombait (CE, arrêts du 21 juillet 1972, req. n°s 72008 et 80338).

Un exploitant de salon de coiffure n'a pas été regardé comme présentant une comptabilité de nature à justifier les résultats déclarés par lui et comme ayant ainsi apporte la preuve, qui lui incombait, de l'exagération des recettes retenues par l'Administration, dès lors que l'inscription globale des recettes journalières n'était appuyée que par les fiches de travaux dont certaines étaient établies au crayon, et qui, ne pouvant être rapprochées d'aucun document relatif au nombre des clients qui avaient fréquenté l'établissement, étaient dépourvues de valeur probante (CE, arrêt du 12 décembre 1973, req. n° 80708).

Un fabricant d'eau minérale a été considéré comme n'établissant pas l'exagération de l'évaluation des quantités qu'il avait produites -effectuées par l'Administration d'après sa consommation de gaz carbonique- dès lors que pour critiquer le calcul fait par le vérificateur il n'alléguait que des données théoriques au sujet tant du débit de la source que de l'inapplicabilité à une eau naturellement gazeuse des capacités de dissolution du gaz carbonique (CE, arrêt du 6 décembre 1974, req. n° 91299).

Une société gérant un restaurant, et qui faisait valoir que c'était pour des raisons de force majeure (comptabilité égarée) qu'elle n'avait pu soumettre ses documents comptables aux experts commis par le Tribunal pour apprécier ses recettes au cours des années 1961 et 1962 n'a pas été considérée comme ayant apporté la preuve qui lui incombait, dès lors qu'à défaut de la comptabilité elle-même il lui appartenait de produire tous autres éléments de preuve, notamment extra-comptables, sans qu'elle pût se décharger de ce soin sur les experts (CE, arrêt du 19 mars 1975, req. n° 91172).

Un contribuable dont le montant des ventes avait été calculé par l'Administration en appliquant au volume des achats ressortant des pièces justificatives le taux de marge brute résultant de la comparaison des factures d'achat et des bulletins de vente de plusieurs séries d'articles vendues dans son entreprise, ne pouvait valablement contester la méthode ainsi retenue en se bornant à indiquer que la vérification des résultats d'une entreprise commerciale est impossible et à alléguer que l'exiguïté du magasin, l'éloignement du dépôt et l'absence d'inventaire permanent favorisaient des detournements de marchandises, dont l'importance n'était d'ailleurs pas précisée par l'intéressé. Jugé en consequence, que la preuve incombant au contribuable n'avait été apportée pour aucun des exercices litigieux (1963 à 1965) [CE, arrêt du 14 mai 1975, req. n° 91518].

Un contribuable avait fait l'objet de rehaussements des résultats imposables d'un montant global de 197 250 F pour les années 1964 à 1966, cette somme correspondant à des versements faits par lui pendant ces mêmes années à des comptes ouverts à son nom ou dans la caisse de l'entreprise. Il soutenait que ces sommes avaient leur origine dans un enrichissement de son patrimoine privé et étaient donc étrangères à l'activité de l'entreprise commerciale. Le Conseil d'État, aprés avoir relevé que la comptabilité présentait diverses irrégularités de forme et que le mode d'enregistrement des recettes journalières ne permettait pas -en l'absence de bandes enregistreuses établies dans les magasins au moment des ventes- de tenir pour exacts les résultats retracés par cette comptabilité, a constaté :

- que s'il pouvait être admis que le contribuable avait disposé en 1960 et 1962 de sommes importantes provenant de gains réalisés à la Loterie nationale, il n'était pas établi qu'il était encore en possession de ces sommes au cours des années litigieuses, compte tenu notamment d'achats de pièces et monnaies d'or effectués par lui à la fin de 1962 et au début de 1963,

- qu'il n'était pas établi que les ventes de pièces et lingots d'or effectuées par l'intéressé en novembre et décembre 1966 pour un montant de 424 000 F environ portaient sur les monnaies prétendument achetées par lui avec le produit de ses gains de loterie : il résultait d'ailleurs de l'instruction que cette somme avait servi à régler, à la fin de 1966, partie du prix d'une acquisition immobilière.

La Haute Assemblée a jugé en conséquence, que le contribuable en cause n'avait pas justifié que les versements ayant servi de base aux redressements contestés trouvaient leur origine dans des gains antérieurs réalisés à la Loterie nationale. Mais l'examen des comptes bancaires ayant permis de constater que cinq versements d'un montant total de 19 250 F faits par l'intéressé à un compte bancaire en 1964 et 1965 provenaient de retraits sur un compte bancaire ouvert au nom d'une société dont il était le président-directeur-général, les bases d'imposition des années concernées ont été réduites du même montant (CE, arrêt du 25 juillet 1975, req. n° 82602).

  III. Cas où la preuve incombant au contribuable a été considérée comme apportée

7Un exploitant d'hôtel restaurant demandait la réduction de ses bases d'imposition retenues par l'Administration, au titre des années 1962, 1963 et 1964, conformément à l'avis de la commission départementale. Il résultait de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que les documents et éléments comptables de l'intéressé avaient une valeur probante et qu'en particulier les pièces justificatives des recettes, dont la récapitulation correspondait aux énonciations du journal de caisse, consistaient en bloc-notes regroupant le double des factures remises aux clients sans interruption de date. D'autre part la régularité des inventaires de stocks et des livres d'achat n'était pas contestée.

Le Conseil d'Etat a considéré dans ces conditions que les pièces justificatives des recettes ne pouvaient être écartées pour la seule raison qu'elles n'avaient pas été soumises aux vérificateurs ; qu'eu égard aux conditions d'exploitation de l'entreprise concernée, le contribuable ne pouvait être astreint à la tenue d'une comptabilité-matières, non plus qu'à l'établissement de comptes détaillés pour chaque client débiteur, les factures étant relevées sur un carnet spécial et leur règlement étant également inscrit sur le journal de caisse Il a jugé, dès lors, qu'il y avait lieu de fixer les bases d'imposition conformément aux propositions de l'expert et par suite d'accueillir favorablement la demande de réduction du contribuable (CE, arrêt du 14 octobre 1970, req. n° 75807).

La circonstance que le gérant d'une société passible de l'impôt sur les sociétés détenteur de la presque totalité du capital social, s'est enrichi d'une façon inexpliquée ne démontre pas, en raison de la séparation existant entre le patrimoine de la société et celui de son gérant, l'existence de bénéfices dissimulés par la société. Il ne pourrait en être ainsi que si des circonstances précises et concordantes tirées du fonctionnement même de la société permettaient d'affirmer l'existence de tels bénéfices. Dans une espèce où ces circonstances faisaient défaut et où, en particulier, la comptabilité ne comportait pas d'irrégularités permettant de l'écarter, la Haute Assemblée a jugé que la société avait apporté la preuve de l'exagération des bénéfices qui lui avaient été assignés (CE, arrêt du 23 avril 1975, req. n° 92874, RJ, n° II, p. 53)

Ce dernier arrêt a été rendu dans une espèce où les rehaussements de bénéfices assignés à la société avaient été déterminés à partir des sommes apportées en compte courant par le gérant au cours des années considérées, et dont l'importance témoignait d'un enrichissement de ce dernier sans rapport avec le montant de ses revenus déclarés.

Le service avait considéré que les fonds apportés avaient leur origine dans des transactions occultes effectuées par la société et qui avaient donné lieu à un procès-verbal de la Police judiciaire pour l'année précédant la période soumise à vérification. Toutefois, le vérificateur n'avait pas établi, ni même tenté d'établir que les opérations délictueuses s'étaient poursuivies au cours des exercices vérifiés.