Date de début de publication du BOI : 07/07/1998
Identifiant juridique : 4F1224
Références du document :  4F1224

SOUS-SECTION 4 SOCIÉTÉS CRÉÉES DE FAIT

2. Sociétés de fait entre collatéraux.

14Le Conseil d'État a jugé qu'il existe une société de fait entre :

- un contribuable exploitant son fonds de commerce avec le concours de son frère qui dispose des pouvoirs les plus étendus dans la gestion de l'affaire, laisse en compte courant des sommes importantes habituellement non productives d'intérêt, ne reçoit en contrepartie, bien qu'il soit propriétaire de l'immeuble affecté à l'exploitation, aucun loyer et perçoit, en sus d'un traitement fixe, une gratification annuelle variant avec les bénéfices sans leur être exactement proportionnelle, les deux intéressés étant, d'autre part, assurés sur la vie aux frais de l'entreprise (CE, arrêt du 5 novembre 1941, req. n° 71316, RO, p. 310) ;

- deux frères dont l'un, employé comme trésorier par une caisse d'épargne municipale et comme encaisseur par une société de distribution d'électricité, et dont l'autre exerce les fonctions de correspondant financier de divers établissements, dès l'instant qu'ils répartissent entre eux, par moitié, les dépenses et bénéfices afférents à l'ensemble de leurs activités ; l'objection selon laquelle chacun d'eux ne participerait aux opérations de l'autre qu'en qualité de salarié a été rejetée dès lors que les intéressés ne se sont pas soumis réciproquement aux obligations légales des employeurs envers leur personnel (CE, arrêt du 26 octobre 1942. req. n°s 69923 et 69927, RO, p. 190).

3. Sociétés de fait entre époux.

15Les sociétés de fait peuvent exister entre époux, quels que soient le régime matrimonial de ceux-ci et l'activité de la société.

4. Sociétés de fait entre une entreprise et ses collaborateurs.

16Dans le cas d'un contribuable qui, ayant passé avec une société à responsabilité limitée, pour toute la durée de celle-ci, un contrat dans lequel il s'est engagé à apporter tous ses soins et toutes ses connaissances techniques dans la gestion des affaires de la société, qui perçoit, outre une somme fixe mensuelle, une rémunération proportionnelle aux bénéfices et est appelé à participer aux pertes dans la même proportion, qui est en droit de prendre connaissance des écritures sociales et notamment de l'inventaire annuel et qui, enfin, a versé en compte courant dans la caisse de la société une somme de 75 000 F, il a été jugé qu'il existe entre ce contribuable, qui participe étroitement à la gestion et aux résultats de l'entreprise et ladite société à responsabilité limitée, une véritable société de fait (CE, arrêt du 7 novembre 1938, req. n° 61425, RO, p 479 ; à rapprocher de l'arrêt du 7 novembre 1938, req. n " 61426).

De même, deux contribuables qui ont passé entre eux, à la même date, un contrat d'association ni publié ni enregistré et un contrat de travail doivent être regardés comme exploitant l'entreprise en société de fait si les bénéfices sont pratiquement répartis conformément au contrat d'association et si le prétendu salarié a reçu les pouvoirs nécessaires pour agir au nom de son associé (CE, arrêt du 19 mai 1947, req. n° 72350).

Le Conseil d'État a également jugé qu'il existe une société de fait entre un agent de change et un de ses employés ayant fondé un service d'opérations sur bons à court terme, lorsque ce dernier qui a pécuniairement contribué à l'installation du service susvisé en assure la direction et jouit d'une large initiative pour se livrer aux divers actes financiers que comporte sa gestion et que l'un et l'autre des intéressés participent, dans une proportion fixée à l'avance aux bénéfices et aux pertes de l'exploitation (CE, arrêt du 5 juillet 1954, req. n° 92353, RO p. 112).

Enfin, un contribuable doit être regardé comme associé de fait dans une entreprise doni il se déclare directeur commercial dès lors qu'il a participé activement à la création et à l'exploitation de l'affaire. qu'il lui a fourni en compte courant les fonds de roulement nécessaires, qu'il est habilité à signer les traites, dispose d'une procuration générale pour utiliser le compte bancaire et reçoit à son nom la majeure partie de la correspondance commerciale, qu'il participe aux résultats de l'exploitation et qu'il perçoit une rémunération proportionnelle aux ventes (CE, arrêt du 26 mai 1967, req. n° 70648, RJCD, 1re partie, p. 145).

17En revanche, la Haute Assemblée a jugé que ne saurait être considéré comme associé de fait d'une exploitation :

- un représentant technicien nommé fondé de pouvoirs d'une entreprise qui, pendant six années consécutives, a perçu la moitié des bénéfices totaux à titre de commissions et a participé aux pertes dans la proportion de 50 % dès lors que l'Administration n'établit pas par ailleurs qu'il ait fait un apport matériel pour l'exploitation de l'entreprise en cause et qu'il ait eu la qualité d'associé (CE, arrêt du 10 février 1947, req. n° 76465) ;

- un directeur commercial qui perçoit une rémunération égale au tiers des bénéfices réalisés dans l'entreprise, qui prend une part importante à la direction et à la gestion de celle-ci, mais qui n'a pas fait des apports à ladite entreprise et dont la situation ne comporte pas une participation éventuelle aux pertes sur son patrimoine personnel (CE, arrêt du 5 juillet 1958. req. n°s 44149 et 44150 ; à rapprocher de l'arrêt du 29 mai 1957, req. n° 20022) ;

- un salarié pour le seul motif qu'il a pris à la direction et à la gestion de l'affaire une part excédant largement le rôle normal d'un représentant dès lors :

. qu'en fait, il ne jouissait que de pouvoirs limités en ce qui concerne notamment la signature des baux, des déclarations fiscales et des polices d'assurances,

. que, d'autre part, la somme importante qu'il avait déposée en compte courant, sans intérêt, lui a été restituée à son départ et ne constituait donc pas un apport matériel

. qu'enfin, les rémunérations qu'il a perçues n'étaient pas excessives eu égard aux fonctions qu'il assumait dans l'affaire et ne représentaient pas une participation aux bénéfices (CE, arrêt du 7 mai 1962, req. n° 51757, RO, p. 75 ; à rapprocher de l'arrêt du 28 octobre 1946 req. n° 82096, RO, p. 79) ;

- un contribuable qui exploitait un bureau d'agence en douane pour le compte d'un commissionnaire en douane avec lequel il était lié par un contrat de travail lui conférant la qualité de fondé de pouvoirs ; si la rémunération de l'intéressé était fixée par le contrat à 80 % des bénéfices nets dégagés par l'exploitation du bureau d'agence en douane et si le fonds de roulement dudit bureau était fourni par ce dernier, le redevable en cause n'était pas tenu des pertes de l'exploitation sur son patrimoine personnel, rendait quotidiennement compte de sa gestion au commissionnaire lequel d'ailleurs était seul titulaire de l'agrément de commissionnaire en douane donné à titre personnel (CE, arrêt du 30 avril 1975, req. n° 93345).

5. Sociétés déclarées nulles par décision de justice.

18Le Conseil d'État a jugé :

- qu'une société anonyme qui, six ans après le jugement ayant prononcé sa nullité, n'a pas encore entrepris sa liquidation et a, non seulement engagé des opérations nouvelles correspondant à l'exercice normal de son industrie, mais encore entrepris des opérations sans rapport avec l'ancien pacte social, doit être considérée non plus comme une société anonyme, mais comme une société de fait (CE, arrêt du 18 juillet 1945, req. n° 76621, RO, p. 295) ;

- qu'une entreprise exploitée pendant une certaine période par une société en nom collectif déclarée nulle par décision de justice est une société de fait. Les résultats dégagés dans cette entreprise pendant ladite période doivent être regardés comme ayant été réalisés par une telle société (CE, arrêt du 17 décembre 1975, req. n° 90991).

  B. RÉGIME FISCAL DE LA SOCIETE CREEE DE FAIT

19L'article 238 bis L du CGI dispose que les bénéfices réalisés par les sociétés créées de fait sont imposés selon les règles applicables aux sociétés en participation.

20En application des règles communes à l'ensemble des sociétés de personnes, ces bénéfices sont soumis à l'impôt sur le revenu au nom de chaque associé pour la part correspondant à ses droits dans la société. Ils sont soumis à l'impôt sur les sociétés pour la part revenant aux sociétés membres passibles de cet impôt.

21Compte tenu de leur assimilation quant aux règles d'imposition aux sociétés en participation, les sociétés créées de fait peuvent opter pour l'impôt sur les sociétés. Dans ce cas, les bénéfices sont soumis à cet impôt au niveau de la société.

22 Remarque. - situation de l'associé qui exerce son activité professionnelle dans le cadre de la société. Les dispositions du I de l'article 151 nonies du CGI sont applicables aux sociétés créées de fait (cf. 4 F 1221, n° 38 ).