Date de début de publication du BOI : 26/11/1996
Identifiant juridique : 4E231
Références du document :  4E23
4E231

CHAPITRE 3 AUTRES PROVISIONS POUR CHARGES

CHAPITRE 3

AUTRES PROVISIONS POUR CHARGES

SECTION 1

Provisions pour impôts et cotisations

  A. PRINCIPES

  I. Doctrine administrative

1 L'Administration admet, sous certaines conditions, la déduction des provisions pour impôts. Elle autorise les entreprises industrielles et commerciales à déduire au titre d'un exercice une provision destinée à faire face à la charge d'un impôt qui -constituant, au point de vue fiscal, une charge de l'entreprise- deviendra exigible au cours de l'un des exercices suivants à condition que cet impôt présente un caractère permanent et soit dû à raison de faits survenus au cours dudit exercice.

  II. Position du Conseil d'État

2Dans trois arrêts des 25 octobre 1972 (n° 80122, 7°, 8° et 9° s.-s réunies, RJ II, p. 122), 13 décembre 1972 (n°s 81107 et 81108, RJ II, p. 162) 1 et 3 juillet1974 (n° 91946, RJ II, p. 98), la Haute Assemblée a jugé que l'article 39-1-5° du CGI autorise les entreprises à porter en provision, au passif du bilan de clôture de l'exercice, et donc à déduire de manière anticipée, mais provisoire et révisable, de leurs résultats, les sommes destinées à faire face au paiement ultérieur de l'une quelconque des charges énumérées notamment aux 1° et 4° de l'article 39-1, à la condition que ces charges :

- soient nettement précisées quant à leur nature,

- puissent être évaluées avec une approximation suffisante,

- apparaissent comme probables eu égard aux circonstances de fait constatées à la clôture de cet exercice,

- se rattachent aux opérations déjà effectuées à cette date par l'entreprise.

Il a été fait application de ces principes en ce qui concerne notamment les charges fiscales.

Il résulte en effet des arrêts de principe précités que si l'article 39-1-4° du CGI ne permet la déduction que des seuls impôts mis en recouvrement ou devenus exigibles au cours de l'exercice, il ne peut être considéré comme faisant obstacle à la constitution, dans les conditions prévues au 5° de ce même article, de provisions destinées à tenir compte des charges fiscales que l'entreprise devra acquitter ultérieurement sur la base de la législation en vigueur à la clôture de l'exercice.

Cette position du Conseil d'État a été confirmée par un arrêt rendu le 18 mai 1983 (n° 29524, plénière).

3Les arrêts visés au n° 2 ci-dessus traduisent un revirement de la jurisprudence de la Haute Assemblée.

4En effet, antérieurement à l'intervention des arrêts de 1972, le Conseil d'État se fondant sur les dispositions de l'article 39-1-4° du CGI, aux termes duquel le bénéfice net est déterminé sous déduction de toutes charges, notamment des impôts mis en recouvrement au cours de l'exercice, s'était toujours refusé à admettre la déduction de provisions destinées à faire face au paiement d'impôts devant être mis en recouvrement après la fin de l'exercice.

5Il admettait toutefois la constitution de provisions pour des cotisations nettement précisées qui auraient dû être établies au cours de l'exercice et dont le recouvrement au cours d'exercices postérieurs était, de ce fait, rendu probable (CE, arrêts des 25 avril 1947, n° 86238, RO, p. 201 et 1er décembre 1947, n° 84529, RO, p. 312).

Il en était ainsi, notamment, lorsque la charge d'impôt était rendue probable par l'existence d'un différend entre le contribuable et l'Administration (CE, arrêts des 16 février 1944, n° 67769, 7e et 8e s.s., RO, p. 44 et 10 juillet1947, n° 89782, RO, p. 264).

  B. CONDITIONS D'ADMISSION

6La position du Conseil d'État rejoint celle de l'Administration qui, on le rappelle, admet la constitution en franchise fiscale de provisions pour impôts qui ne sont pas encore exigibles à la clôture d'un exercice si les trois conditions suivantes sont remplies.

  I. L'impôt doit être déductible

7 L'impôt doit constituer une charge déductible sur le plan fiscal. Par suite, les impôts qui sont exclus des charges déductibles par une disposition expresse de la loi ne peuvent donner lieu à la constitution de provisions en franchise d'impôt. C'est ainsi que les provisions constituées pour le paiement de l'impôt sur le revenu, l'impôt sur les sociétés ou l'imposition forfaitaire annuelle ne peuvent en aucun cas être admises en déduction pour l'assiette de l'impôt. Il en est de même, en vertu de l'article 39-2 du CGI, des amendes et pénalités de toute nature mises à la charge des contrevenants aux dispositions légales régissant l'assiette des impôts, contributions et taxes, même lorsque ces amendes et pénalités se rapportent à des impôts ou taxes déductibles par nature.

  II. L'impôt doit être permanent

8 L'impôt doit présenter un caractère permanent, ce qui exclut tous les impôts exceptionnels.

  III. L'impôt doit trouver son origine dans l'exercice

9 L'impôt, dont la mise en recouvrement ou l'exigibilité interviendra ultérieurement, doit être dû à raison de faits survenus au cours de l'exercice.

Autrement dit, il est nécessaire que la charge fiscale apparaisse comme probable eu égard aux circonstances de fait constatées à la clôture de l'exercice et qu'elle se rattache aux opérations déjà effectuées à cette date par l'entreprise (cf. CE, jurisprudence précitée, ci-avant n° 2 ).

  C. APPLICATION

10Compte tenu des conditions auxquelles se trouve subordonnée la constitution des provisions pour impôts à payer, le nombre des impôts ou taxes justifiant la déduction de provisions de cette nature est relativement limité.

  I. Taxe d'apprentissage

11Il résulte des dispositions de l'article 229 du CGI que la dette de l'entreprise est certaine dans son principe au 31 décembre de l'année au cours de laquelle les rémunérations servant de base à la taxe ont été payées. En revanche, cette dette ne devient liquide qu'à compter du jour où les imputations susceptibles d'être opérées par le contribuable sont définitivement fixées, étant précisé, à cet égard, que certaines subventions peuvent être déduites de la taxe due au titre de l'année précédente si elles ont été engagées dans les deux premiers mois de l'année (décret n° 72-283 du 12 avril 1972, art. 10).

12La circonstance que la dette de l'entreprise ne soit pas définitivement liquidable à la clôture de l'exercice justifie la constatation de la charge probable sous forme de provision. Son montant est calculé compte tenu, d'une part, des salaires et rétributions alloués pendant l'exercice considéré et, d'autre part, des dépenses effectuées au cours du même exercice et ouvrant droit à exonération.

13Ainsi une entreprise qui, à la fin d'un exercice, a pris un engagement ferme de verser certaines sommes à ses salariés en rémunération du travail accompli par eux au cours de cet exercice, est fondée à constituer une provision en vue de faire face au paiement ultérieur de la taxe d'apprentissage afférente à ces compléments de rémunération, dès lors que le paiement de cette taxe apparaît probable, compte tenu de la législation en vigueur à la clôture de l'exercice (CE, arrêt du 25 octobre 1972, n° 80122, 7°, 8° et 9° s.-s., RJ II, p. 122).

14En revanche, une entreprise n'est pas autorisée à constituer une provision au titre de la taxe d'apprentissage afférente aux salaires payés au cours d'un exercice dès lors qu'elle a exposé, pour ce même exercice, des dépenses de nature à lui ouvrir droit à l'exonération totale de cette taxe (CE, arrêt du 15 février 1978, n° 4413, RJ II, p. 33).

  II. Taxe sur les salaires

1. Taxe afférente aux salaires payés en fin d'exercice.

15Aux termes de l'article 369-1 de l'annexe III au CGI la taxe sur les salaires est due au dernier jour du mois (du trimestre ou de l'année) au cours duquel les rémunérations servant de base à l'imposition ont été payées ; elle devient exigible à l'expiration de la quinzaine qui suit.

Par suite, dans la mesure où l'exercice est clos en fin de mois, la créance du Trésor est définitivement acquise à cette date, bien que son exigibilité soit reportée sur l'exercice suivant.

La charge correspondante doit donc être inscrite dans un compte de charges à payer de l'entreprise.

2. Taxe afférente aux salaires dus au titre d'un exercice mais qui ne seront payés qu'au cours de l'exercice suivant.

16Il est précisé que si les salaires ne sont pas encore payés à la clôture de l'exercice mais sont néanmoins, eu égard au caractère formel de l'engagement pris par l'entreprise, déductibles des résultats de cet exercice, une provision peut être constituée à la clôture dudit exercice pour faire face au paiement de la taxe sur les salaires qui devra être acquittée au cours de l'exercice suivant à raison des salaires considérés (CE, arrêt du 25 octobre 1972, n° 80122, 7°, 8° et 9° s.-s., RJ II, p. 122).

  III. Participation des employeurs à l'effort de construction

1. Principes.

17Conformément aux dispositions de l'article L. 313-1 du Code de la construction et de l'habitation, les employeurs qui occupent au moins dix salariés doivent investir chaque année dans la construction de logements une somme égale à un pourcentage des salaires payés au cours de l'année précédente. À défaut de s'être acquittés de cette obligation dans le délai prévu, les employeurs sont soumis à une cotisation égale à 2 % du montant de ces mêmes salaires (CGI, art. 235 bis).

Les investissements en cause peuvent revêtir des formes variées énumérées aux articles R* 313-9 à R* 313-11 du Code de la construction et de l'habitation. Or, les dépenses considérées comme libératoires de l'obligation d'investir ne constituent pas des charges déductibles au sens de l'article 39-1 du CGI lorsqu'elles ont pour effet d'augmenter les éléments de l'actif immobilisé de l'entreprise. Elles ne peuvent donc, à ce titre, donner lieu à la constitution de provisions en franchise d'impôt. Tel est le cas, en particulier, des investissements réalisés sous forme de souscriptions de parts ou d'actions, de prêts ou de travaux de construction réalisés directement par l'entreprise.

18Ainsi, dans la mesure où le choix reste offert à l'entreprise à la clôture de l'exercice de réaliser ses investissements sous une autre forme, non constitutive de charges au sens de l'article 39-1 de ce code, ladite charge demeure purement éventuelle à cette date et, par suite, non provisionnable.

19Il n'en irait autrement que si la réalisation des dépenses libératoires de la participation-construction sous une forme permettant de les considérer comme des charges déductibles pouvait apparaître comme inéluctable à la clôture de l'exercice à la suite d'un engagement irrévocable de l'entreprise porté effectivement à la connaissance de la personne ou de l'organisation bénéficiaire de la dépense. Le point de savoir si la décision prise par le conseil d'administration d'une société de se libérer de son obligation d'investir sous la forme d'une subvention satisfait à une telle condition est une question qui ne peut être résolue que par le service local des impôts, pour chaque cas particulier, au vu des circonstances de fait (RM Chaumont JO, déb. Sénat du 30 avril 1980, p. 1634 n° 31965).

20Cette réponse ministérielle confirme la jurisprudence du Conseil d'État exprimée dans l'arrêt du 27 novembre 1974 (n° 88113, RJ II, p. 165). Il a en effet été jugé qu'une entreprise ne peut constituer une provision destinée à tenir compte de la charge que représente la participation des employeurs à l'effort de construction dès lors qu'elle n'établit pas avoir eu à la date de clôture de l'exercice l'intention de se libérer de ses obligations en la matière en employant ladite participation dans des conditions qui en eussent fait une charge sociale (c'est-à-dire à fonds perdus).

2. Absence d'investissement dans le délai prévu.

21Lorsque l'entreprise n'a pas satisfait, à la clôture de l'exercice, à son obligation d'investissement :

1° l'exercice coïncide avec l'année civile : la cotisation de 2 % qui doit être établie à son nom présente pour elle un caractère probable. L'entreprise peut donc valablement constituer dans les écritures de l'exercice à la clôture duquel a expiré le délai d'investissement, une provision correspondant à la cotisation qui sera mise à sa charge au cours de l'exercice suivant,

2° l'exercice est arrêté en cours d'année, aucune provision ne peut être constituée, le délai imparti pour réaliser l'investissement n'étant pas expiré.

3. Cession ou cessation d'entreprise.

22En cas de cession ou de cessation d'entreprise, la cotisation éventuellement due au titre de la participation des employeurs à l'effort de construction à raison de la fraction des sommes non encore investies afférentes aux salaires versés au cours de l'année de cession ou de cessation et de l'année précédente (CGI, ann. II, art. 163), peut être comprise parmi les charges déductibles de l'exercice de cession ou de cessation sous forme de provision.

  IV. Participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue

23Dans le cadre du développement de la formation professionnelle continue, les employeurs doivent participer, au titre de chaque année, au financement d'actions de formation. Le montant de la participation obligatoire à laquelle les employeurs sont soumis au titre d'une année déterminée porte sur un montant au moins égal à un pourcentage déterminé des salaires versés entre le 1er janvier et le 31 décembre de ladite année.

24 Les employeurs d'au moins 10 salariés peuvent s'acquitter de leur obligation de participer en effectuant des dépenses considérées comme libératoires dont la nature et la forme sont notamment prévues à l'article L. 951-1 du Code du travail. Ces dépenses sont examinées dans la série 5 FP division L 3331 n° 19 à laquelle il conviendra de se reporter le cas échéant.

Les dépenses à retenir au titre de l'obligation de participation sont non seulement les dépenses acquittées au cours de l'année de paiement des salaires servant de base au calcul de la participation, mais également les dépenses engagées au 31 décembre de cette même année et acquittées avant le 1er mars de l'année suivante (Code du travail, art. R. 950.3, 2e al.).

25Il est également admis que les dépenses acquittées ou dues en application de conventions pluriannuelles passées avec des organismes de formation (Code du travail, art. R. 951-1) peuvent être prises en compte au titre d'une année donnée lorsque les conventions ont été passées avant le 1er mars de l'année suivante.

26Par suite, lorsqu'à la clôture d'un exercice coïncidant avec l'année civile, les dépenses consenties au titre du développement de la formation professionnelle sont inférieures au montant de la participation incombant à l'entreprise, l'employeur a encore la possibilité d'effectuer avant le 1er mars de l'année suivante des versements aux organismes cités 5 FP division L 3331 n° 19. À défaut, il doit acquitter à la recette des Impôts au plus tard le 5 avril, une cotisation égale au montant de la participation restant due après imputation des dépenses libératoires et, le cas échéant, des excédents des trois années précédentes.

Dès lors, à la clôture de cet exercice, l'employeur peut valablement constituer en franchise d'impôt une provision destinée à faire face soit aux versements aux organismes visés ci-dessus, soit au paiement de la cotisation qui sera due au Trésor.

27 Les employeurs de moins de 10 salariés doivent, à compter du 1er janvier 1992, verser une cotisation avant le 1er mars de l'année suivant celle au titre de laquelle elle est due, à un organisme collecteur agréé par l'État (Code du travail, art. L. 952.1). Ainsi la dette de l'employeur est certaine dans son principe et son montant à la clôture de l'exercice. Elle est, par ailleurs, liquide à la même date, en l'absence de possibilité d'imputation de versement libératoire prévue par le Code du travail. Dans ces conditions, aucune provision ne saurait être constituée en franchise d'impôt, l'employeur devant à ce titre constater des charges à payer.

1   Ces arrêts sont analysés ci-avant, E 1142, n° 5 .