Date de début de publication du BOI : 30/10/1997
Identifiant juridique : 4C92
Références du document :  4C92

CHAPITRE 2 LES EFFETS GÉNÉRAUX DES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 238 A DU CGI


CHAPITRE 2

LES EFFETS GÉNÉRAUX DES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 238 A DU CGI


Lorsque les conditions mises à son application se trouvent réunies, l'article 238 A du CGI a pour effet d'écarter complètement l'apparence juridique créée par le contribuable 1 . Ce dernier a, par suite, la charge d'apporter les éléments nécessaires à la reconstitution de la situation de droit ou de fait. Mais il conserve pour le surplus toutes ses garanties de droit commun.

Ces trois points seront successivement examinés.


  A. L'APPARENCE JURIDIQUE EST ÉCARTÉE


1Le principe général du respect des situations de droit privé a, pour l'Administration des Impôts, une double conséquence : les conventions sont réputées sincères et, d'autre part, lorsqu'elles prévoient des obligations réciproques, ces obligations sont présumées être normalement équilibrées.

2L'article 238 A prend le contrepied de ce principe. Les rapports contractuels qui obligent au paiement des charges en cause sont présumés fictifs et si la preuve de leur réalité est rapportée, ils sont censés avoir fait peser sur le débiteur des obligations devant être qualifiées d'anormales ou d'exagérées.

3Ainsi, lorsqu'un contribuable retranche de telles charges des sommes passibles de l'impôt, il doit apporter la preuve que les dépenses correspondent à des opérations réelles et qu'elles ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré.

4Le reversement opéré par l'article 238 A va donc bien au-delà de la présomption légale posée par l'article 57 du CGI.

Cet article autorise l'Administration à rattacher aux résultats imposables des entreprises françaises les bénéfices que ces dernières transfèrent indirectement à des entreprises étrangères auxquelles elles sont agrégées.

Mais sa mise en oeuvre oblige le service à rapporter préalablement la preuve que des avantages particuliers ont été consentis par l'entreprise française à l'entreprise étrangère et ce n'est que lorsque l'existence de tels avantages est démontrée que la présomption de transfert de bénéfices est appelée à jouer (cf. 4 A 121).

5Si, donc, la situation de fait est telle que pour justifier un rehaussement le service a le choix entre l'article 57 du CGI et l'article 238 A, le second terme de l'alternative doit être préféré comme étant de nature à mieux assurer la sauvegarde des intérêts du Trésor.

6Il est observé au surplus que l'article 238 A n'a pas dans tous les cas une incidence immédiate. Celle-ci peut se produire à terme, lorsque la simulation ou l'anomalie n'exerce qu'une action indirecte et différée sur l'établissement de l'impôt. Il en est ainsi, par exemple, lorsqu'une dépense, indûment déduite pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés, s'est bornée à aggraver un déficit reporté. Il en va de même si des redevances payées à une personne établie dans un pays étranger où elle est soumise à un régime fiscal privilégié ont été regardées par son co-contractant imposé en France comme constituant le prix d'achat d'une immobilisation ; l'article 238 A ne pourra être invoqué qu'à l'encontre des charges futures déterminées à raison de ce prix c'est-à-dire à l'égard des amortissements, des provisions pour dépréciation ainsi que des moins-values de cession.


  B. LA SITUATION DE DROIT ET DE FAIT DOIT ÊTRE RECONSTITUÉE


7L'obligation de procéder à cette reconstitution incombe définitivement au contribuable. Les preuves doivent être complètes mais leur administration dépourvue de tout formalisme.


  I. La reconstitution doit être faite par le contribuable lui-même


8L'article 238 A a pour but et pour résultat de faire supporter au contribuable, à tous les niveaux de la procédure, la charge des preuves nécessaires à cette reconstitution. Il ne dispose d'aucun moyen pour échapper à cette obligation. Il ne saurait, en particulier, pour se dispenser de prouver au contentieux la normalité ou le défaut d'exagération, soulever cette question devant la commission départementale et se prévaloir ensuite de l'avis qu'elle aurait émis. En tant qu'il porterait sur le caractère anormal ou exagéré des charges en litige, l'avis devrait être regardé comme sans intérêt pour le règlement du désaccord.


  II. Les preuves doivent être complètes


9La démonstration doit se développer successivement sur deux plans : le contribuable doit d'abord faire tomber la présomption légale de déguisement ; il doit ensuite établir que l'opération ne présente pas un caractère anormal ou exagéré.

10La démonstration de la situation réelle ne saurait se borner à la production des écrits par lesquels le débiteur s'est engagé à payer les dépenses qu'il a portées dans les charges déduites pour l'assiette de l'impôt. Ces écrits, qu'il s'agisse d'actes sous seing privé ou authentiques sont présumés non sincères. Il faut donc prouver la matérialité de l'opération qu'ils constatent et pour cela, apporter tous éléments de nature à établir que les engagements réciproques qu'ils relatent ont été effectivement exécutés ou, lorsqu'il y a des prestations échelonnées dans le temps, sont sur le point de l'être. S'il s'agit, par exemple, d'un louage d'ouvrage, la preuve de l'absence de déguisement ne peut résulter du paiement du prix ; il faut établir que le co-contractant a fourni réellement son travail ou son industrie. S'il y a eu prêt à intérêt, l'emprunteur ne doit pas seulement prouver qu'il a souscrit l'engagement de rembourser le principal et de payer les intérêts ; il doit également justifier avoir reçu et conserver les fonds qu'il rémunère.

11De même, il y a lieu de démontrer l'utilisation effective ou l'utilité réelle des brevets cédés ou concédés ainsi que, de façon générale, chaque fois qu'il y a cession ou concession d'éléments de la propriété industrielle, à la fois l'originalité des connaissances techniques transférées et l'intérêt qui s'attache à leur acquisition.

12La preuve de l'absence de caractère anormal ou exagéré oblige le contribuable à démontrer que le contrat dont il a établi la sincérité est, en outre, normalement équilibré. Il doit à cette fin apporter toutes justifications et précisions sur l'importance réelle des avantages qu'il a retirés du contrat et montrer que les charges qui en sont la contrepartie en représentent la juste rémunération, compte tenu des débours habituellement exposés pour obtenir des services analogues.

C'est ainsi que pour des redevances payées à raison de l'acquisition d'un brevet ou de la concession d'une licence d'exploitation, le débiteur des redevances ne devra pas se borner à produire la convention constatant l'accord sur la chose et sur le prix, à fournir les titres officiels délivrés pour les protéger et à prouver qu'ils correspondent vraiment à une invention. Il lui appartiendra également d'établir que cette transaction s'inscrit dans le cadre d'une gestion normale et que son coût ne peut être regardé comme excessif.

13Il est observé, d'autre part, que les dispositions prévoyant la possibilité d'une répartition forfaitaire des frais communs d'un groupe d'entreprises dont certaines sont installées à l'étranger ne sont pas applicables lorsque le paiement de la participation est effectuée à une société établie dans un pays visé par l'article 238 A.

Dans ce cas, en effet, une double preuve incombe à l'entreprise débitrice : l'existence des services ou travaux dont elle a bénéficié en contrepartie de ses paiements ne saurait être présumée ; il appartient à l'intéressée d'en démontrer la réalité. Cette démonstration étant faite, la société débitrice ne saurait se borner à faire valoir que la clé de répartition adoptée constitue un système logique et vraissemblable. Elle doit apporter la preuve que ce mode de calcul forfaitaire aboutit à lui faire payer le juste prix des services effectivement obtenus.


  III. La reconstitution ainsi exigée s'opère sans aucun formalisme


14L'article 238 A ne limite pas les moyens de preuve ; il ne fixe pas non plus la date limite de leur admission. C'est donc le droit commun qui s'applique. Sont, dès lors, recevables tous les modes de preuve compatibles avec les règles de la procédure écrite. Les justifications peuvent être annexées à la déclaration ou produites ultérieurement, par exemple en réponse à une notification de redressements, ou même fournies devant la juridiction contentieuse à toute hauteur de l'instance.


  C. LES GARANTIES DU CONTRIBUABLE SUBSISTENT


15L'article 238 A du CGI est une disposition à caractère dérogatoire et il doit, dès lors, être appliqué limitativement à la situation qu'il vise exactement.

Or, il s'agit d'un texte touchant aux règles de fond relatives à l'établissement de l'impôt ; il ne peut, par suite, que rester sans influence sur la procédure d'imposition ainsi que sur le régime des sanctions.


  I. La procédure d'imposition


16Au plan de la procédure d'imposition, le fait pour un contribuable d'entrer dans le champ d'application de l'article 238 A ne lui fait encourir aucune déchéance.

17S'il réunit par ailleurs les conditions requises pour avoir droit aux garanties de la procédure de redressement contradictoire, celle-ci doit être suivie.

18La saisine de la commission départementale, lorsqu'elle est compétente pour connaître du différend, ne se heurte à aucune irrecevabilité de principe, à la condition toutefois que la réponse à apporter à la question de fait soumise à son examen soit utile au règlement de l'affaire.

Si l'article 238 A est applicable, cette condition n'est pas remplie dans la mesure du moins où il s'agit précisément d'apprécier si les opérations en cause ont ou non un caractère anormal ou exagéré (cf. ci-dessus n° 8 ). Le service s'abstiendra donc de soumettre à la commission départementale un désaccord sur ce point ; il fera valoir qu'il n'y a pas lieu de délibérer à son sujet si la demande d'avis a été formée par le redevable.


  II. Les sanctions


19En matière répressive, l'article 238 A n'opère aucun renversement de la charge de la preuve.

Le contribuable continue à bénéficier de la présomption d'innocence s'il fait l'objet de poursuites correctionnelles pour fraude fiscale sur le fondement des articles 1741 ou 1743 du CGI. C'est toujours à l'accusation c'est-à-dire au Ministère public, auquel se joint, le cas échéant, la partie civile, de prouver le délit.

20Pour l'application des sanctions fiscales, l'article 238 A ne modifie pas la présomption de bonne foi reconnue au contribuable.

Il appartient au service, s'il estime devoir l'écarter, de réunir, selon le cas, les éléments justifiant la qualification de mauvaise foi établissant l'accomplissement de manoeuvres frauduleuses ou prouvant l'existence de la dissimulation définie à l'article L 64 du LPF (procédure de répression des abus de droit). Il doit le faire en se fondant sur l'ensemble des circonstances de l'affaire et notamment en invoquant les conditions de fait dans lesquelles l'intéressé n'a pas été en mesure d'établir la sincérité et la normalité des dépenses en cause.

 

1   Ou son auteur s'il s'agit d'un réhaussement en matière de mutation par décès.