SOUS-SECTION 3 CONDITIONS RELATIVES À LA PERSONNE BÉNÉFICIAIRE : LA NOTION DE RÉGIME FISCAL PRIVILÉGIÉ
SOUS-SECTION 3
Conditions relatives à la personne bénéficiaire :
la notion de régime fiscal privilégié
1Il suffit que les dépenses en cause soient payées à une personne physique ou morale domiciliée ou établie dans un État étranger ou un territoire situé hors de France où elle est soumise à un régime fiscal privilégié.
2La France s'entend des départements métropolitains et des départements d'outre-mer, mais, comme il est de règle en matière fiscale, ne comprend pas les territoires d'outre-mer.
3Quant à la notion de régime fiscal privilégié, elle est explicitée au deuxième alinéa de l'article 238 A qui précise que les personnes domiciliées ou établies hors de France sont regardées comme soumises à un régime fiscal privilégié dans l'État ou le territoire considéré si elles n'y sont pas imposables ou si elles y sont assujetties à des impôts sur les bénéfices ou les revenus notablement moins élevés qu'en France.
4C'est bien entendu au service qu'il appartient d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'impôt, si le bénéficiaire se trouve dans cette situation. À cet effet, les recherches à entreprendre pour parvenir aux constatations de fait sur lesquelles le service devra fonder son estimation seront conduites, à partir de l'une des deux caractéristiques de la notion de régime fiscal privilégié, selon les indications suivantes.
A. LE BÉNÉFICIAIRE N'EST PAS IMPOSABLE DANS L'ÉTAT ÉTRANGER OU LE TERRITOIRE SITUÉ HORS DE FRANCE DANS LEQUEL IL EST DOMICILIÉ OU ÉTABLI
5On considérera que l'existence du régime fiscal privilégié est établie lorsque, dans l'État étranger ou le territoire en cause :
- il n'existe pas d'impôt sur les bénéfices ou les profits provenant d'activités professionnelles ou d'impôt sur les revenus ;
- les revenus, profits ou rémunérations, de la nature de ceux énumérés par l'article précité et qui ont leur source à l'extérieur de cet État ou de ce territoire, n'y sont pas soumis à un impôt sur les bénéfices ou sur les revenus.
B. LE BÉNÉFICIAIRE EST SOUMIS, DANS L'ÉTAT ÉTRANGER OU LE TERRITOIRE SITUÉ HORS DE FRANCE DANS LEQUEL IL EST DOMICILIÉ OU ÉTABLI, À DES IMPÔTS SUR LES BÉNÉFICES OU LES REVENUS NOTABLEMENT MOINS ÉLEVÉS QU'EN FRANCE
6L'existence du régime fiscal privilégié dans l'État étranger ou le territoire considéré est plus délicate à établir dans cette situation que dans la précédente. En effet, la situation envisagée conduit nécessairement à effectuer une comparaison entre la fiscalité française d'une part, et la fiscalité applicable dans ce pays étranger ou ce territoire, d'autre part. À cet égard, il n'est pas possible de fixer des critères de comparaison qui soient significatifs pour toutes les situations, les éléments de fait propres à chaque cas particulier pouvant être très différents les uns des autres. Toutefois, certaines règles sont indiquées ci-après, qui pourront guider et faciliter la recherche et le choix de ces éléments de fait, à partir desquels devra s'effectuer la comparaison, en considérant que les dispositions de l'article 238 A ont principalement pour objet de faire échec aux transferts illicites de revenus à destination des « États-refuges » ou des « paradis fiscaux ».
Compte tenu de ces remarques, il conviendra donc, pour chaque cas particulier évoqué, de définir en premier lieu quels sont les termes de la comparaison à retenir et d'apprécier, ensuite, l'importance de l'écart constaté entre ces termes.
I. Termes de comparaison
7Trois règles générales peuvent être formulées au sujet de la comparaison à effectuer. Cette comparaison doit :
- s'appliquer à des impôts, considérés dans leur ensemble ;
- porter sur des impôts de même nature ;
- tenir compte, s'il y a lieu, de l'existence de régimes fiscaux particuliers.
1. La comparaison doit s'appliquer à des impôts considérés dans leur ensemble.
8L'article 238 A, ainsi qu'on l'a rappelé précédemment, a pour objet de faire échec aux transferts de revenus à destination des « États-refuges » ou des « paradis fiscaux ». Ces pays ou territoires sont caractérisés notamment par l'absence de toute fiscalité ou par l'existence de régimes fiscaux privilégiés en raison de la nature ou de la source de certains revenus ou de la qualité des bénéficiaires qui y sont domiciliés ou établis.
Il conviendra donc de comparer, entre eux, des impôts ou, à tout le moins, des régimes fiscaux particuliers et non des impositions spécifiques 1 , telles que celles qui pourraient être établies, en France, d'une part, et dans le pays étranger ou le territoire considéré, d'autre part, à raison de l'une ou plusieurs des rémunérations visées par l'article 238 A. Au demeurant, la comparaison d'impositions spécifiques établies sur des revenus, outre qu'elle ne correspondrait ni au texte, ni à l'esprit de l'article 238 A, risquerait d'être délicate à effectuer dès lors qu'elle nécessiterait la mise en cause, par le service, des règles d'imposition applicables dans le pays étranger ou le territoire- considéré.
2. La comparaison doit porter sur des impôts de même nature.
9Malgré son caractère global, la comparaison ne doit pas s'effectuer entre le système fiscal français et le système fiscal étranger envisagés l'un et l'autre globalement. Elle ne doit s'appliquer qu'à ceux des impôts dont relèverait ou auxquels est assujetti le bénéficiaire, à raison des revenus et rémunérations en cause, compte tenu de sa qualité et de son statut juridique.
10Par conséquent, si le bénéficiaire est une personne physique, il conviendra de comparer le niveau de la charge fiscale que représente l'impôt sur le revenu français avec celui de l'impôt applicable aux personnes physiques dans le pays étranger ou le territoire concerné. À titre de règle pratique, la comparaison pourra s'effectuer entre la charge fiscale que supporterait dans ces conditions, en France et dans le pays étranger ou le territoire où elle est domiciliée, une personne mariée ayant deux enfants à charge et disposant d'un revenu net global de 500 000 F.
11De la même façon, si le bénéficiaire devait relever en France de l'impôt sur les sociétés, c'est le taux normal de cet impôt 2 qu'il conviendrait de comparer avec le niveau du prélèvement fiscal global supporté, dans le pays étranger ou le territoire concerné, par l'entreprise bénéficiaire du fait des impôts applicables, d'une façon générale, à ses profits professionnels dans lesquels devraient normalement être compris des revenus, profits ou rémunérations de la nature de ceux visés à l'article 238 A. A ce sujet, il devra être tenu compte de tous les impôts sur le revenu ou sur le capital auxquels est susceptible d'être soumis, à ce titre, à l'étranger, le bénéficiaire dont il s'agit sans avoir égard à la dénomination propre de chacun de ces impôts.
12Par ailleurs, si dans l'État étranger considéré il existe un système fiscal dans lequel des impôts sur les bénéfices -et éventuellement, sur le capital- sont prélevés à plusieurs niveaux (État ou Fédération, États, provinces ou cantons, communes), c'est l'ensemble des impôts ainsi prélevés qu'il conviendra de comparer à l'impôt français correspondant.
3. La comparaison doit tenir compte de l'existence de régimes fiscaux particuliers.
13De nombreux systèmes fiscaux comportent des régimes particuliers d'imposition, dérogatoires au régime de droit commun, applicables à certaines formes d'entreprises, d'activités ou de revenus.
Il conviendra, bien entendu, de tenir compte de ces régimes particuliers pour la détermination des termes de comparaison.
II. Appréciation des écarts constatés entre les termes de comparaison
14Les différences qui peuvent exister au sujet de l'assiette et de l'établissement des impôts retenus comme termes de comparaison, et dont il n'est pas tenu compte dans l'appréciation du niveau de la charge fiscale que représentent ces impôts, risquent de rendre moins absolue qu'il serait souhaitable la comparaison à effectuer. D'autre part, la réputation d'« État-refuge » ou de « paradis fiscal » attribué à certains pays étrangers ou territoires n'est pas fondée uniquement sur le faible niveau de leur fiscalité, mais également sur des considérations d'ordre économique, financier et politique. Par conséquent, il n'est ni possible, ni souhaitable, au plan de l'équité comme de l'efficacité de la mesure prévue par l'article 238 A, de fixer, pour les écarts constatés entre les termes de comparaison, des normes rigides qui seraient significatives, à coup sûr, de l'existence de régimes fiscaux privilégiés dans les pays étrangers ou les territoires concernés.
15L'appréciation de ces écarts ne peut donc dépendre que des constatations de fait effectuées à propos de chaque cas particulier, de la nature du cas examiné comme de ses circonstances propres. Toutefois, à titre de règle pratique, on pourra présumer qu'on se trouve en présence d'un régime fiscal privilégié lorsque, dans l'État étranger ou le territoire considéré :
- le bénéficiaire étant une personne physique, une personne mariée ayant deux enfants à charge et disposant d'un revenu net global de 500 000 F y est redevable d'un impôt personnel sur le revenu dont le montant est inférieur d'au moins un tiers à celui qu'elle aurait à supporter en France pour la même base taxable ;
- le bénéficiaire étant passible des impôts sur les bénéfices, le niveau du prélèvement fiscal global supporté par une entreprise à raison des revenus ou des rémunérations en cause, ainsi que de ses autres profits professionnels (cf. n°s 9 et suiv. ) est inférieur d'au moins un tiers au taux normal de l'impôt français sur les sociétés.
16Il est insisté sur le fait que l'application de la règle précédente n'est susceptible de constituer qu'une présomption de l'existence d'un régime fiscal privilégié. L'existence d'un tel régime devra être établie, s'il y a lieu, à partir de toutes autres données ou constatations de fait appropriés.
17Par ailleurs, il conviendra de soumettre au service de la législation fiscale (sous-direction E) les difficultés qu'entraînerait, le cas échéant, l'application dans certains cas particuliers du deuxième alinéa de l'article 238 A relatif la notion de régime fiscal privilégié.
1 Par exemple, application à certaines catégories de revenus de taux réduits particuliers ou de prélèvements libératoires.
2 Il est rappelé (cf n° 8 ) qu'il n'y a pas lieu de tenir compte des taux réduits particuliers ou des prélèvements libératoires prévus en France et, le cas échéant, à l'étranger, pour l'imposition des revenus et rémunérations en cause, la comparaison devant porter sur des niveaux de charges résultant de l'application de certains impôts et non sur des impositions spécifiques.