SOUS-SECTION 1 ORGANISMES SANS BUT LUCRATIF
2° Les salariés.
35L'emploi de salariés par une association correspond à une méthode de gestion usuelle. Une association peut donc recourir à une main d'oeuvre salariée sans que cela ne remette en cause le caractère désintéressé de sa gestion.
Cependant, si le montant des salaires alloués ne correspond pas à un travail effectif ou est excessif eu égard à l'importance des services rendus, compte tenu des usages professionnels, le caractère désintéressé de la gestion ne peut pas être admis.
Les salariés peuvent être membres de l'organisme employeur à titre personnel.
Tel est notamment le cas lorsqu'une réglementation, externe à l'organisme, exige l'adhésion personnelle de certains salariés : il en est ainsi des entraîneurs de clubs sportifs affiliés à une fédération nationale qui doivent être titulaires d'une licence au sein du club où ils exercent leur activité salariée.
En revanche, les salariés ne doivent pas être dirigeants de droit ou de fait de l'association.
Enfin, il est admis que le conseil d'administration, ou l'organe collégial qui en tient lieu, comprenne des salariés, dès lors qu'ils ne représentent pas plus du quart 1 des membres du conseil d'administration et qu'ils y figurent en qualité de représentants élus des salariés dans le cadre d'un accord concernant la représentation du personnel. Ils ne sauraient, néanmoins, exercer, dans ce cadre, un rôle prépondérant au sein de ce conseil ou de cet organe dirigeant ; en particulier, ils ne doivent pas siéger au bureau (composé généralement du président, du trésorier et du secrétaire).
Enfin, la présence, à titre de simple observateur, d'un salarié au conseil d'administration est admise.
b. Prélèvement sur les ressources.
36Un organisme, qui procède à des distributions directes ou indirectes de ses ressources ne s'inscrivant pas dans la logique de son objet statutaire, revêt un caractère lucratif.
Cette disposition vise les rémunérations, les distributions directes des résultats et tous les avantages injustifiés, de quelque nature qu'ils soient (prise en charge de dépenses personnelles, rémunérations exagérées ou injustifiées, service de rémunérations de comptes courants, prélèvements en nature, prêts à des taux préférentiels, etc.) et quel que soit le bénéficiaire (fondateurs, membres, salariés, fournisseurs...).
37Par ailleurs, le fait de prévoir un complément de rémunération déterminé en considération d'un résultat physique (nombre de contrats conclus ou d'articles vendus), une modulation déterminée en fonction du chiffre d'affaires de l'organisme ou d'un solde comptable affecte le caractère désintéressé de la gestion de l'organisme et constitue l'indice d'une démarche commerciale. En revanche, un intéressement lié à l'amélioration du service non lucratif rendu par l'organisme ne caractérise pas une gestion désintéressée.
c. Attribution de parts d'actif.
38Le caractère désintéressé de la gestion d'un organisme n'est pas remis en cause lorsqu'en cas de dissolution, son patrimoine est dévolu à un autre organisme ayant un but effectivement non lucratif.
Il en serait autrement si toute autre personne morale ou toute personne physique était déclarée attributaire d'une part quelconque de l'actif, sous réserve du droit de reprise des apports stipulé lors de la réalisation desdits apports.
La gestion désintéressée d'un organisme est une condition nécessaire de la lucrativité au sens fiscal. Elle n'est cependant pas suffisante.
2. L'organisme concurrence une entreprise.
a. En cas de gestion désintéressée, le caractère lucratif d'un organisme ne peut être constaté que si celui-ci fait concurrence à des organismes du secteur lucratif.
39La situation de l'organisme s'apprécie par rapport à des entreprises ou des organismes lucratifs exerçant la même activité, dans le même secteur.
40L'appréciation de la concurrence ne s'effectue donc pas en fonction de catégories générales d'activités (spectacles, tourisme, activités sportives...) mais à l'intérieur de ces catégories. C'est à un niveau fin que l'identité d'activité doit être appréciée.
41Ainsi, les activités de tourisme s'adressant aux enfants ne présentent pas un caractère identique à celles qui s'adressent aux étudiants ou aux familles. De même, des compétitions de sport différents ne sont pas des spectacles comparables. Il n'y a pas non plus concurrence entre un organisme qui organise des spectacles de variétés musicaux et un théâtre. Enfin, un organisme, lucratif ou non, dont l'activité consiste en l'enseignement d'une discipline sportive ne fait a priori pas de concurrence à un autre organisme qui se borne à donner en location le matériel nécessaire à l'exercice de ce sport.
42 En définitive, la question qu'il convient de se poser est de savoir si le public peut indifféremment s'adresser à une structure lucrative ou non lucrative. Cet élément s'apprécie en fonction de la situation géographique de l'organisme.
b. L'organisme concurrence une entreprise et ses conditions de gestion sont similaires.
43Le fait qu'un organisme à but non lucratif intervienne dans un domaine d'activité où il existe aussi des entreprises commerciales ne conduit pas ipso facto à le soumettre aux impôts commerciaux. Il convient en effet de considérer l'utilité sociale de l'activité, l'affectation des excédents dégagés par l'exploitation, ainsi que les conditions dans lesquelles le service est accessible, enfin les méthodes auxquelles l'organisme a recours pour exercer son activité.
44Ainsi, pour apprécier si l'organisme exerce son activité dans des conditions similaires à celles d'une entreprise, il faut examiner successivement quatre critères selon la méthode du faisceau d'indices : le « Produit » proposé par l'organisme, le « Public » qui est visé, les « Prix » qui sont pratiqués, enfin les opérations de communication (Publicité) réalisées.
Mais ces critères n'ont pas tous la même importance. L'énumération qui précède les classe en fonction de l'importance décroissante qu'il convient de leur accorder. Par exemple, le critère de publicité ne peut à lui seul permettre de conclure à la lucrativité d'un organisme. À l'inverse, une attention toute particulière doit être attachée aux critères de l'utilité sociale (« Produit » et « Public ») et de l'affectation des excédents.
1° Le caractère d'utilité sociale de l'activité (« Produit " et « Public »).
• Le « Produit ».
45Est d'utilité sociale l'activité qui tend à satisfaire un besoin qui n'est pas pris en compte par le marché ou qui l'est de façon peu satisfaisante.
Certaines administrations, notamment celles de l'État, ont mis en place des procédures de reconnaissance ou d'agrément des organismes sans but lucratif qui, agissant dans leur secteur d'intervention, peuvent contribuer à l'exercice d'une mission d'intérêt général, voire de service public. Dès lors qu'ils prennent en compte la nature du besoin à satisfaire et les conditions dans lesquelles il y est fait face, ces agréments peuvent contribuer à l'appréciation de l'utilité sociale d'un organisme.
Cela étant, les relations avec des organismes publics et les procédures d'agrément visées aux deux alinéas précédents constituent un élément qui n'est ni nécessaire ni suffisant pour établir ce caractère d'utilité sociale.
• Le « Public » visé.
46Sont susceptibles d'être d'utilité sociale les actes payants réalisés principalement au profit de personnes justifiant l'octroi d'avantages particuliers au vu de leur situation économique et sociale (chômeurs, personnes handicapées notamment,...).
Ce critère ne doit pas s'entendre des seules situations de détresse physique ou morale. Par exemple, le fait que le public visé nécessite un encadrement important relevant du travail d'assistance sociale dans un village de vacances contribue à l'utilité sociale de l'organisme organisateur.
2° Affectation des excédents.
47 Il est légitime qu'un organisme non lucratif dégage, dans le cadre de son activité, des excédents, reflet d'une gestion saine et prudente. Cependant, l'organisme ne doit pas les accumuler dans le but de les placer. Les excédents réalisés, voire temporairement accumulés, doivent être destinés à faire face à des besoins ultérieurs ou à des projets entrant dans le champ d'application de son objet non lucratif 2 .
3° Les conditions dans lesquelles le service est accessible au public concerné (« Prix ).
48Il convient d'évaluer si les efforts faits par l'organisme pour faciliter l'accès du public se distinguent de ceux accomplis par les entreprises du secteur lucratif, notamment par un prix nettement inférieur pour des services de nature similaire. Cette condition peut éventuellement être remplie lorsque l'association pratique des tarifs modulés en fonction de la situation des clients.
49Cette condition de prix est réputée respectée lorsque les tarifs de l'organisme se trouvent homologués par la décision particulière d'une autorité publique 3 ; ceci suppose que l'organisme soit soumis à une tarification qui lui est propre.
4° Le caractère non commercial des méthodes utilisées (« Publicité »).
50En principe, le recours à des pratiques commerciales est un indice de lucrativité.
Mais, l'organisme peut, sans que sa non lucrativité soit remise en cause, procéder à des opérations de communication pour faire appel à la générosité publique (exemple : campagne de dons au profit de la lutte contre les maladies génétiques).
Il peut également réaliser une information sur ses prestations sans toutefois que celle-ci s'apparente à de la publicité commerciale destinée à capter un public analogue à celui des entreprises du secteur concurrentiel.
Pour distinguer l'information de la publicité, il convient de regarder si le contenu des messages diffusés et le support utilisé ont été sélectionnés pour tenir compte du public particulier auquel s'adresse l'action non lucrative de l'organisme en cause.
51Ainsi, une association peut présenter les prestations qu'elle offre dans un catalogue si ce catalogue est diffusé soit par l'association elle-même aux personnes ayant déjà bénéficié de ses prestations ou qui en ont exprimé la demande, soit par l'intermédiaire d'organismes sociaux.
52En revanche, la vente de ce catalogue en kiosque, la diffusion de messages publicitaires payants (passage de messages dans les journaux, à la radio, location de panneaux publicitaires, etc) sont des éléments susceptibles de remettre en cause le caractère non commercial de la démarche. Il en serait de même de l'utilisation d'un réseau de commercialisation (agences de voyages, courtiers, participation à des foires ou salons dont les exposants sont principalement des professionnels ; etc.).
5° Le cas particulier des organismes sans but lucratif dont l'objet même conduit à la réalisation d'actes payants.
53Certains organismes ont pour objet d'aider des personnes défavorisées en leur permettant d'exercer une activité professionnelle et en commercialisant sur le marché leurs produits ou leurs prestations. Dans ce cas, l'organisme n'est pas soumis aux impôts commerciaux si les conditions suivantes sont remplies :
- l'organisme a pour objet l'insertion ou la réinsertion économique ou sociale de personnes qui ne pourrait être assurée dans les conditions du marché ;
- l'activité ne peut pas être exercée durablement par une entreprise lucrative 4 en raison des charges particulières 5 rendues nécessaires par la situation de la population employée (adaptations particulières des postes de travail, productivité faible, etc.) ;
- les opérations en principe lucratives sont indissociables de l'activité non lucrative, en contribuant par nature et non pas seulement financièrement à la réalisation de l'objet social de l'organisme.
54Dans ces conditions, l'organisme bénéficie, pour cette activité, du régime fiscal des organismes non lucratifs.
55Peuvent notament bénéficier de cette mesure les centres d'aide par le travail (CAT) et les ateliers protégés. En effet, la réalisation de la même activité, dans les mêmes conditions, ne pourrait pas être rentable si elle était soumise aux conditions normales du marché en raison des surcoûts occasionnés par l'emploi de personnes handicapées. En l'occurrence, le service rendu n'est pas tant destiné aux clients du CAT ou de l'atelier protégé qu'aux personnes mêmes qui y sont employées.
III. L'organisme entretient des relations privilégiées avec les entreprises
56Un organisme sans but lucratif peut détenir des titres d'une ou plusieurs sociétés en conservant son caractère non lucratif (cf. n°s 62 et s. ).
57En revanche, l'organisme est dans tous les cas soumis à la TVA s'il entretient des relations privilégiées avec les organismes du secteur lucratif qui en retirent un avantage concurrentiel.
58La jurisprudence du Conseil d'État fournit plusieurs exemples.
59Cette jurisprudence considère qu'une association, même si elle ne poursuit pas la réalisation de bénéfices et ne procure aucun avantage personnel à ses dirigeants, intervient dans un but lucratif dès lors qu'elle a pour objet de fournir des services aux entreprises qui en sont membres dans l'intérêt de leur exploitation (CE 20 juillet 1990 « Association pour l'action sociale » Requête 84846 ; CE 6 novembre 1995 « Service médical industriel de la Mayenne » Requête 153024 ; « Association patronale des services médicaux du travail » Requête 153220 et « Centre interservices de santé et de médecine du travail en entreprise » Requête 147388)
60Est lucratif un organisme qui permet aux professionnels de réaliser une économie de dépenses, un surcroît de recettes, ou de bénéficier de meilleures conditions de fonctionnement, quand bien même cet organisme ne rechercherait pas de profits pour lui-même.
La jurisprudence a ainsi considéré qu'exerçait une activité lucrative une association constituée entre plusieurs entreprises pour coordonner leurs moyens d'information, d'études et de recherche, l'objet essentiel de cette association étant de permettre à ses membres de réaliser une économie de charges et de leur procurer divers avantages de nature à accroître leurs profits.
Est également lucrative l'activité d'un syndicat professionnel qui organise des journées d'information constituant une forme de publicité collective et prolongeant l'activité économique des adhérents de ce syndicat, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que l'organisation de ces journées soit encouragée par les pouvoirs publics, que cette activité ne donne pas lieu à perception de cotisations spéciales, et qu'il n'y ait aucune publicité de marque précise, ni aucune prise de commande (CE « Syndicat des pâtes alimentaires » 27 novembre 1987 Requêtes 47042 et 47043).
Dans le même esprit, il a été jugé qu'une association de gestion agréée, dont le régime juridique est défini par l'article 64 de la loi de finances pour 1977, qui a pour objet de « développer l'usage de la comptabilité et de faciliter l'accomplissement de leurs obligations administratives et fiscales par les membres des professions libérales » et qui rend à ses adhérents, en contrepartie d'une cotisation annuelle, des services administratifs (tenue de documents comptables, demande de renseignements,...) et fiscaux (souscriptions de déclarations,...), a une activité de nature lucrative et est par suite soumise à la TVA, à l'impôt sur les sociétés et à la taxe professionnelle (CE « Association de gestion agréée des professionnels de santé » 20 mai 1987 Requêtes 57562 et 58414).
61À l'inverse, une association qui se contenterait de défendre les intérêts collectifs de ses membres au plan national ou international (par exemple, la défense des principes comptables français dans les instances comptables internationales) est non lucrative.
1 Sous réserve de dispositions plus contraignantes prévues par la loi
2 La situation des fondations ou organismes assimilés, qui tendent à la réa !isation d'un projet déterminé en s'appuyant sur un patrimoine et sont contraintes de placer en réserve une partie de leurs excédents, doit être ici clairement distinguée de celles des associations.
3 En revanche, les dépassements des tarifs homologués sont de nature à caractériser une activité lucrative.
4 L'absence d'imposition aux impôts commerciaux a ici pour but d'éviter des distorsions de concurrence au détriment des organismes non lucratifs ; elle n'a évidemment pas pour but de permettre une distorsion au détriment des entreprises du secteur concurrentiel, notamment par des prix significativement plus bas.
5 En tenant compte néanmoins du niveau éventuellement faible des rémunérations.