SOUS-SECTION 4 RÉGIME FISCAL DES COPROPRIÉTÉS D'ÉTALON
SOUS-SECTION 4
Régime fiscal des copropriétés d'étalon
1En raison du prix des étalons et des aléas de l'activité de reproduction, la propriété de ces chevaux est souvent répartie entre plusieurs personnes réunies au sein d'un « syndicat ». Ces « syndicats » sont régis par des contrats écrits, faisant généralement l'objet d'actes sous seing privé, qui attribuent une quote-part des saillies ou des profits à chaque associé.
2Le fonctionnement de ces structures n'est pas défini par un texte légal particulier. Ils ne sont pas immatriculés et n'ont pas de personnalité morale. Ils peuvent être constitués soit sous la forme d'une indivision conventionnelle, au sens des articles 1873-1 à 1873-15 du code civil, soit sous celle d'une société en participation.
3Les développements suivants ont pour objet de présenter les différentes formes collectives d'exploitation d'un étalon et de préciser les régimes fiscaux applicables à chacune d'elles.
Les obligations déclaratives des copropriétés d'étalon et des copropriétaires feront l'objet d'une instruction séparée de la Direction générale des impôts.
A. LES DIFFÉRENTES FORMES D'EXPLOITATION
4Pour définir la nature du contrat, il est nécessaire de déterminer si les parties ont entendu organiser leurs relations principalement en vue de pouvoir exercer leurs droits et jouir, individuellement et personnellement, des biens dont elles sont copropriétaires, l'opération s'analysant alors en une indivision, ou si, au contraire, elles ont entendu affecter un bien à une exploitation ou activité en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter, éléments qui caractérisent une société en participation ou une société de fait en l'absence de statuts.
I. Définitions
1. Saillies individuelles.
5Les saillies individuelles sont celles dont les copropriétaires se sont réservé la propriété.
6Chaque copropriétaire utilise comme il l'entend la ou les saillies individuelles qui lui reviennent ; il peut notamment les commercialiser à titre individuel.
2. Saillies gratuites.
7Constituent des saillies gratuites, les saillies accordées en contrepartie de certaines prestations rendues à la copropriété. Leur cession ne fait donc pas l'objet d'un flux financier, ce qui explique leur dénomination, mais constitue néanmoins un produit imposable pour la copropriété.
8Elles sont en général accordées aux personnes qui prennent en charge les frais liés à l'exploitation du cheval, notamment au haras de stationnement.
9Peuvent également être bénéficiaires de saillies gratuites les organismes professionnels représentatifs des intérêts généraux des éleveurs.
10Enfin, des saillies peuvent être attribuées à des tiers éleveurs sans contrepartie au titre de la promotion.
3. Saillies supplémentaires.
11Le syndicat peut commercialiser des saillies appelées saillies supplémentaires, en sus des saillies individuelles et des saillies gratuites. Les bénéfices provenant de leur exploitation ou de leur cession sont en principe répartis entre chacun des copropriétaires à proportion de ses droits dans la copropriété.
II. Copropriétés exploitées sous forme d'indivision conventionnelle
1. Caractéristiques du droit indivis.
12La propriété indivise est une modalité d'exercice communautaire du droit de la propriété. Chaque indivisaire a tous les droits d'un propriétaire, mais en commun avec d'autres.
13La caractéristique essentielle de l'indivision est de ne pas modifier la structure du droit auquel elle s'applique. La propriété demeure intacte, avec tous ses attributs et caractères ; seul le nombre de titulaires du droit diffère.
14L'exercice des droits indivis peut être organisé par convention. Le régime conventionnel de l'indivision prévu aux articles 1873-1 à 1873-15 du code civil fait appel à la volonté des indivisaires, non pour la constitution de l'indivision mais pour faciliter son fonctionnement. La convention peut ainsi déroger aux règles légales relatives à l'exercice des droits d'usage et de jouissance ou à la répartition des bénéfices et des pertes, lesquelles ne s'appliquent, conformément au 2e alinéa de l'article 1873-11 du code civil, qu'à défaut d'accord particulier.
15En fait, la convention a essentiellement pour objet de maintenir l'indivision. Elle constitue un acte de disposition et ne peut être conclue qu'à l'unanimité des coïndivisaires. Elle emporte renonciation au droit de demander le partage, pendant la durée du contrat.
16L'engagement de demeurer dans l'indivision ne peut être perpétuel. Si sa durée est déterminée, elle ne peut être supérieure à 5 ans et ne peut être renouvelée que par décision unanime expresse. Même pendant la durée convenue, le partage demeure possible dès lors qu'il est réclamé pour de justes motifs.
17Si la durée de la convention n'est pas déterminée, les indivisaires s'engagent seulement à ne pas provoquer le partage de mauvaise foi ou à contretemps, c'est-à-dire de manière préjudiciable aux autres indivisaires.
2. Application aux copropriétés d'étalon.
a. Principe général.
18Les dispositions du code civil traitant de l'indivision conventionnelle qui sont placées après les règles relatives au contrat de société permettent de considérer que, si l'indivision ne peut être animée par l'affectio societatis propre au contrat de société, elle peut néanmoins comporter un affectio communionis.
19L'intérêt du régime conventionnel est qu'il peut assouplir les règles fondamentales qui opposent l'indivision légale à la société. Ainsi, la convention peut stipuler que les décisions des indivisaires sont prises à la majorité, sauf s'il existe des indivisaires incapables ou s'il s'agit d'aliéner un immeuble (code civil, article 1873-8 al. 3). Il est précisé à cet égard qu'un étalon ne peut être regardé comme un immeuble par destination au sens de l'article 524 du code civil.
20Enfin, le droit civil n'interdit pas la cession des droits indivis. La cession peut ainsi être faite à un autre indivisaire. Si elle est faite à un tiers, étranger à l'indivision, les autres indivisaires bénéficient d'un droit de préemption (code civil, articles 815-14 et 815-16).
21Une copropriété d'étalon peut valablement être constituée sous forme d'indivision au sens des articles 1873-1 à 1873-15 du code civil à condition que la convention d'indivision ou le fonctionnement de celle-ci ne traduisent pas l'existence d'un affectio societatis.
22 Cette condition nécessite que les statuts de la copropriété fassent référence aux articles mentionnés au n° 21 ce qui suppose notamment que :
- ils n'empêchent pas, lorsque la durée de l'indivision excède 5 ans ou est indéterminée, que le partage puisse être provoqué à tout moment pourvu que ce ne soit pas de mauvaise foi ou à contretemps (article 1873-3 du code civil) ;
- ils ne prévoient pas la matérialisation des titres représentatifs des droits du propriétaire ;
- ils comportent un droit de préemption des indivisaires en cas de cession des droits de l'un d'entre eux à un tiers (article 1873-12 du code civil) ;
- ils ne contiennent aucune clause concernant la gestion des saillies revenant gratuitement à chaque copropriétaire à raison de sa quote-part.
23 Enfin, les statuts comme la pratique ne doivent pas mettre en évidence un affectio societatis. Tel serait le cas s'il apparaissait que les syndicataires entendent principalement bénéficier des gains ou des économies résultant d'une exploitation en commun de l'étalon.
b. Mesure de tempérament.
24 Fiscalement, il est admis, dans certaines conditions et limites, que l'exploitation en commun des saillies de l'étalon et la répartition entre les copropriétaires des résultats de cette activité ne remettent pas en cause le caractère indivisaire de l'exploitation et que la copropriété ne soit pas qualifiée de société.
1 Condition portant sur le nombre de saillies gratuites et de saillies supplémentaires.
25 Le caractère indivisaire de l'exploitation de l'étalon ne sera pas remis en cause si, outre le respect des conditions ou principes posés par le code civil, l'attribution de saillies gratuites et les saillies supplémentaires exploitées en commun sont globalement limitées à 30 % du nombre total de droits à saillies individuelles.
26Cette tolérance ne saurait trouver à s'appliquer si les statuts de la copropriété permettent d'établir qu'elle fonctionne comme une société en participation (cf. n°s 22 et 23 ).
27Le seuil de 30 % s'apprécie sur une moyenne biennale. Il est déterminé en prenant en compte l'ensemble des actes de reproduction effectués par monte naturelle ou par insémination artificielle, qu'ils soient ou non couronnés de succès.
28Si le seuil mentionné ci-dessus, est dépassé, la copropriété d'étalon perd son caractère indivisaire ; elle est alors considérée comme une société en participation au titre de l'année qui suit celle au cours de laquelle ce dépassement est intervenu et ne peut plus retrouver son caractère indivisaire.
2° Condition alternative portant sur le nombre de saillies gratuites.
29Pour déterminer si l'exploitation en commun des saillies n'aurait pas une importance qui remet en cause le simple affectio communionis de l'indivision conventionnelle civile, il pourra ne pas être tenu compte des saillies destinées à rémunérer, en tout ou partie, les personnes ou les entreprises qui supportent les frais d'exploitation du cheval, notamment les haras. Dans ce cas, les saillies supplémentaires exploitées en commun, en dehors donc des saillies rémunérant les frais d'exploitation, ne devront pas excéder 20 % du nombre total des saillies individuelles. De même, il sera admis que les saillies gratuites accordées aux organismes professionnels représentatifs des intérêts généraux des éleveurs ne soient pas prises en compte pour l'appréciation de ce seuil.
30Cette solution est alternative par rapport à la limite globale de 30 %. Chaque copropriété pourra, au titre de chaque année, se prévaloir de la solution qui lui est la plus favorable.
31Par suite, le seuil de 20 % devra également être apprécié sur une moyenne biennale et son dépassement entraînera la qualification de la copropriété en société en participation pour l'année qui suit celle au cours de laquelle ce dépassement est intervenu sans possibilité de retour à la forme indivisaire.
3° Cas particulier d'une utilisation mixte du cheval.
32Lorsque le cheval détenu en copropriété est affecté à la reproduction tout en conservant une activité de compétition (cheval de course ou cheval de sport), le caractère indivisaire de la copropriété d'étalon ne sera pas remis en cause si, après conversion des revenus perçus au titre de l'activité de compétition en nombre de saillies exploitées en commun, les seuils de 30 % ou 20 % prévus aux n°s 25 à 31 sont respectés.
33En effet, les revenus tirés de l'activité de compétition relèvent, dans ce cas, de l'exploitation en commun du cheval.
34Les revenus perçus s'entendent des revenus bruts avant déduction de la rémunération des jockeys, entraîneurs ou lads.
35 Exemple :
Soit un cheval affecté à la reproduction et exploité en copropriété sous la forme d'une indivision conventionnelle.
Le prix de la saillie est de 10 000 F et la copropriété est constituée de 40 copropriétaires, chacun détenteur d'une part qui lui donne droit à une saillie individuelle.
Le cheval conserve une activité de compétition au titre de laquelle a été perçu un total de gains sur l'année de 50 000 F.
Par ailleurs, 10 saillies gratuites sont accordées au haras de stationnement en paiement des soins et de l'entretien du cheval.
Les gains retirés de l'activité de compétition représentent un équivalent de 5 saillies.
Le total des saillies exploitées en commun s'élève donc à 15 pour un nombre total de droits à saillies individuelles de 40. Le seuil des 30 % est ainsi dépassé (15/40 = 37,5 %). En revanche, s'il n'est pas tenu compte de la rémunération sous forme de saillies destinées à rémunérer le haras de stationnement qui supporte les frais d'exploitation du cheval, le seuil alternatif de 20 % n'est pas dépassé (5/40 = 12,5 %) et par suite la copropriété peut conserver son caractère indivisaire.
III. Copropriété constituée sous forme de société en participation
1. Rappel du régime juridique général.
36Aux termes de l'article 1832 du code civil, la société est créée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d'affecter à une entreprise commune, des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter.
37L'article 1871 du code civil dispose que les associés peuvent convenir que la société ne sera pas immatriculée. La société est alors considérée comme une société en participation. Elle n'est pas une personne morale. Les associés conviennent librement de l'objet, du fonctionnement et des conditions de la société en participation, sous réserve de ne pas déroger aux dispositions de l'article 1832 du même code.
38Enfin, à l'égarc des tiers, l'article 1872 du code civil dispose que chaque associé reste propriétaire des biens qu'il met à la disposition de la société.