B.O.I. N° 48 du 30 MARS 2007
Section 2 :
Définition de l'obligation requise
11.Du point de vue comptable, une provision pour charges futures ne peut être constituée que si l'existence d'un passif répondant à la définition donnée au 1 de l'article 212-1 du PCG peut être caractérisée. Il est rappelé qu'aux termes de cet article, un passif est un élément du patrimoine ayant une valeur économique négative pour l'entreprise, c'est-à-dire une obligation de l'entreprise à l'égard d'un tiers dont il est probable ou certain qu'elle provoquera une sortie de ressources au bénéfice de ce tiers, sans contrepartie au moins équivalente attendue de celui-ci. L'existence d'une obligation est donc une condition déterminante pour la constitution d'un passif telle qu'une provision pour charges futures correspondant aux coûts futurs de démantèlement.
12.Par ailleurs, le 2 de l'article 212-1 du PCG précise que l'obligation peut être d'ordre légal, réglementaire ou contractuel. Elle peut également découler des pratiques passées de l'entreprise, de sa politique affichée ou d'engagements publics suffisamment explicités qui ont créé une attente légitime des tiers concernés sur le fait qu'elle assumera certaines responsabilités.
Sous-section 1 :
Source de l'obligation
A. OBLIGATION LÉGALE OU RÉGLEMENTAIRE
13.Les obligations légales ou réglementaires prises en compte pour la qualification de coûts de démantèlement au sens de l'article 39 ter C sont essentiellement environnementales. Elles peuvent résulter aussi bien de la réglementation nationale (loi, décrets, arrêtés) que communautaire.
A titre d'exemple, l'obligation de remise en état de site résultant des dispositions de l'article L. 512-17 du code de l'environnement, issu de l'article 27 de la loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages, s'applique aux installations classées pour la protection de l'environnement visées à l'article L. 511-1 du même code. De même, les dispositions de l'article L. 553-3 du code de l'environnement prévoient une obligation de démantèlement et de remise en état du site incombant aux exploitants d'éoliennes.
14.Dans tous les cas, il appartient à l'entreprise d'analyser le cadre juridique dans lequel elle exerce son activité et d'identifier si des obligations lui incombent en matière de démantèlement ou de remise en état de site. Il convient d'observer que ces obligations doivent d'abord être remplies au titre de la réglementation relative à la protection de l'environnement et que leur non-respect peut, le cas échéant, faire l'objet de sanctions pour infraction à cette réglementation. Cette analyse juridique est en outre indispensable afin de déterminer si l'entreprise est placée dans le champ d'application de l'article 39 ter C.
15.Il est précisé que des décisions administratives créant une obligation particulière à une entreprise sur le fondement de l'application de textes légaux ou réglementaires en matière de démantèlement ou de remise en état de site, entrent également dans cette catégorie d'obligations réglementaires.
16.Cette obligation à la charge de l'entreprise peut également résulter d'obligations contractuelles, par exemple au titre des immobilisations corporelles construites sur sol d'autrui dans le cadre d'un contrat de location.
B. OBLIGATION RÉSULTANT D'UN ENGAGEMENT DE L'ENTREPRISE
17.L'obligation de démanteler ou de remettre un site en état peut résulter d'un engagement de l'entreprise y compris en l'absence d'obligation légale ou réglementaire. Cette obligation peut également découler des pratiques passées de l'entreprise ou de sa politique affichée qui ont créé une attente légitime des tiers concernés sur le fait qu'elle assumera le démantèlement ou la remise en état du site ou des installations.
18.Un tel engagement n'est susceptible de créer une obligation que s'il est dûment formalisé par l'entreprise, et que cette formalisation rend nécessaire l'engagement des travaux correspondant à l'issue de l'utilisation des installations ou sites concernés.
Il est donc impératif que cette formalisation revête un caractère public. Une simple décision du conseil d'administration d'une société qui ne serait assortie d'aucune publicité ou communication externe ne suffirait pas, à cet égard, à créer pour l'entreprise une obligation justifiant l'identification d'un passif, qui ne peut être constaté que si la sortie future de ressources revêt un caractère probable. Cette formalisation est également requise en matière comptable (« engagement volontaire et affiché de l'entreprise » prévu au § 5.9 de l'avis du CNC n° 2000-01 du 20 avril 2000). A défaut d'une formalisation ou d'un affichage de cet engagement, la sortie de ressources ne serait pas considérée comme probable mais comme éventuelle, ce qui ne justifie pas la comptabilisation d'un passif sous la forme d'une provision.
19.Il est également nécessaire que cet engagement de l'entreprise soit suffisamment précis et détaillé pour considérer qu'il a vocation à s'appliquer à un site ou une installation en particulier. Un simple engagement général en terme de respect de l'environnement ne suffirait pas, à cet égard, à justifier du caractère probable de la sortie de ressources, qui doit être analysé de manière individuelle pour le site ou l'installation.
C. OBLIGATIONS INDÉPENDANTES DES ACTIONS FUTURES DE L'ENTREPRISE
20.La sortie future de ressources liée à l'exécution de l'obligation doit être inéluctable et ne doit pas pouvoir être évitée par la modification des comportements de l'entreprise au cours de l'exploitation du site ou des installations concernés.
21.S'agissant des coûts de démantèlement, l'obligation ne peut être satisfaite en cours d'utilisation du site ou de l'installation et est indépendante des modalités de fonctionnement de l'entreprise.
Sous-section 2 :
Personne à qui incombe l'obligation de démanteler ou de remettre en état
22.L'obligation juridique de démanteler ou de remettre en état incombe généralement à l'exploitant du site ou des installations concernées. Dans certains cas, la personne exploitant le site ou les installations est différente de la personne propriétaire des actifs corporels devant être démantelés ou remis en état. Tel est le cas des concessions où l'obligation de démantèlement peut incomber suivant les conditions contractuelles au concessionnaire.
23.Le passif correspondant à l'obligation ne peut être comptabilisé que chez la personne à qui incombe effectivement cette obligation.
Sous-section 3 :
Date à laquelle l'obligation est encourue ou formalisée
24.L'obligation de démanteler une installation et de remettre en état un site est encourue par l'entreprise, à partir du moment où il existe une obligation juridique de démanteler ou de remettre en état une installation ou un site en raison de la réglementation ou d'un engagement d'ores et déjà affiché de l'entreprise (cf. n os13 à 22 ).
Toutefois, si cette obligation survient en cours d'utilisation de l'installation ou du site, soit en raison d'une modification de la législation, soit en raison d'un nouvel engagement pris par l'entreprise, alors le dispositif s'applique à compter de la date où cette obligation est née.
Section 3 :
Nature de la dégradation visée
25.Le dispositif prévu à l'article 39 ter C est réservé aux situations de dégradation immédiate liée à la mise en service de l'installation. A défaut, c'est-à-dire en cas de dégradation progressive, les provisions comptabilisées pour les coûts futurs sont dotées et déduites fiscalement de manière progressive, ces coûts n'étant pas qualifiés de coûts de démantèlement.
Sous-section 1 :
Dégradation immédiate
26.Une dégradation de l'environnement est considérée comme immédiate si elle est constatée dès la construction ou la mise en service de l'installation ou du site. Cette dégradation est donc indépendante du volume d'activité de l'installation ou du site concerné.
27.Tel serait le cas de la construction d'une installation qui serait en tant que telle, facteur d'une dégradation environnementale, justifiant de ce fait une obligation particulière incombant à l'opérateur, indépendante de l'utilisation ultérieure de cette installation et, le cas échéant, de sa mise en service.
Sous-section 2 :
Dégradation progressive
28.A l'inverse de la dégradation immédiate, la dégradation progressive ne naît pas lors de la construction ou de la mise en service de l'installation ou du site mais progressivement, au fur et à mesure de l'utilisation.
A titre d'illustration, sont constitutifs d'une dégradation progressive les déchets toxiques produits par une usine de fabrication de produits chimiques qui seraient stockés sur le site où est implantée l'usine. En effet, ces déchets n'existent que dans la mesure où l'usine fonctionne. En outre, la dégradation s'accroît au fur et à mesure que le volume de déchets augmente, donc au fur et à mesure de la production industrielle, ce qui justifie une prise en compte comptable et fiscale également progressive.
Il en va généralement de même des sites d'extraction de ressources naturelles (carrières, mines), pour lesquelles la dégradation du site naît progressivement au fur et à mesure de l'exploitation (creusement, galeries de mines).
29.Il convient de préciser que pour la plupart des activités, les deux types de dégradation coexistent. Ainsi, l'exploitation d'une centrale nucléaire est source, à la fois d'une dégradation immédiate au titre de la centrale elle-même, qui devra être démantelée, et d'une dégradation progressive au titre des déchets produits au fur et à mesure de l'exploitation. Dans ce cas, le traitement des coûts de démantèlement de la centrale d'une part, et d'enlèvement des déchets d'autre part, doivent être traités de manière différente. De même, dans le cas d'une exploitation pétrolière, la construction, avant exploitation, d'installations qui devront être démantelées (derricks, oléoducs) est source d'une dégradation immédiate, alors que les coûts de remise en état de site liés au creusement des puits correspondent à une dégradation progressive.
CHAPITRE 3 :
PRINCIPES D'APPLICATION
30.Les principes d'application exposés ci-après sont applicables aux situations relativement simples dans lesquelles l'estimation des coûts ne fait pas l'objet de révision au cours de l'utilisation des installations et dans lesquelles la totalité des coûts correspond à une charge effective pour l'entreprise. Les cas de révision des coûts et de prise en charge de tout ou partie des coûts par un tiers, ainsi que leurs conséquences comptables et fiscales, sont exposés au chapitre 4.
Section 1 :
Provision inscrite au passif
Sous-section 1 :
Dégradation progressive
31.Il est rappelé que, pour les exercices ouverts avant le 1 er janvier 2005, les obligations liées aux dégradations de l'environnement impliquant le démantèlement ou la remise en état d'un site étaient prises en compte fiscalement, au moyen d'une provision dotée progressivement au cours de la période d'utilisation de l'installation ou du site. Il n'était pas fait de différence entre les dégradations immédiates et les dégradations progressives.
32.Désormais, cette modalité de dotation progressive de la provision doit être réservée aux cas de dégradation progressive telle que définie ci-dessus. Dans ce cas, le passif doit être évalué à hauteur du montant des travaux de remise en état correspondant à la dégradation effective du site à la date de clôture de l'exercice.
La provision est comptabilisée, de manière similaire aux autres provisions pour risques et charges, par une dotation en compte de résultat. Il est précisé que ces dotations annuelles aux provisions sont déductibles fiscalement dans les conditions fixées à l'article 39-1-5°. Aucun actif n'est constaté en contrepartie de cette provision.
33.Pour les cas d'application anticipée des nouvelles règles comptables en matière de passif et d'actifs, cf. n° 88 .
Sous-section 2 :
Dégradation immédiate
34.Lorsque l'entreprise dispose d'un site ou d'une installation placée dans le champ d'application de l'article 39 ter C, ce qui implique notamment une dégradation immédiate de l'environnement, une provision est comptabilisée au passif pour un montant englobant la totalité des coûts estimés de démantèlement, d'enlèvement d'installations et de remise en état de site (cf. n os9 et 10 sur la nature des coûts concernés). Les modalités de comptabilisation de cette provision sont spécifiques, puisque l'entreprise ne doit pas procéder à sa dotation via le compte de résultat mais à la comptabilisation, à l'actif, d'un montant équivalent à cette provision.
A. ESTIMATION DES COÛTS
35.Les coûts doivent être évalués conformément aux règles comptables, qui prévoient que la provision doit être évaluée pour le montant correspondant à la meilleure estimation de la sortie de ressources nécessaires à l'extinction de l'obligation (avis du comité d'urgence du CNC n° 2005-H précité, § 2.2).
Cette évaluation doit inclure tous les coûts directement attribuables aux opérations de démantèlement, d'enlèvement et de remise en état de site, qu'elles soient réalisées par l'entreprise elle-même ou par des prestataires externes. Ces coûts incluent le cas échéant les études préalables d'estimation de faisabilité et de préparation.
36.En pratique, l'évaluation peut être faite soit sur la base de données internes, notamment si des opérations de démantèlement ou de remise en état d'installation ou de site ont déjà été engagées par l'entreprise par le passé, soit sur la base de devis estimatifs réalisés par l'entreprise ou des prestataires tiers. La fraction des opérations prise directement en charge par l'entreprise doit être estimée sur la base du coût de revient, dans les mêmes conditions que pour une immobilisation créée.
En outre, il convient de prendre en compte, pour effectuer cette évaluation initiale des coûts futurs de démantèlement ou de remise en état, les événements futurs qui pourraient avoir un effet sur le montant des coûts nécessaires à l'extinction de l'obligation dans la mesure où ils peuvent être estimés de manière fiable, telle que l'évolution prévisible de la technologie ou des coûts, dans la mesure où l'impact de ces événements peut être estimé.
37.Il est rappelé que l'estimation de ces coûts doit être suffisamment fiable pour justifier leur inscription au passif en tant que provision. Dans le cas, qui devrait être exceptionnel, où cette condition de fiabilité de l'estimation ne serait pas satisfaite, aucun passif ne pourrait en principe être comptabilisé (cf. article 312-3 du PCG et avis du CNC n° 2005-H précité, § 2.2).
38.L'évaluation doit ainsi être effectuée dès que les conditions de comptabilisation de la provision pour coûts de démantèlement sont satisfaites. Cette évaluation peut faire, par la suite, l'objet de révisions, en raison notamment de l'évolution des coûts, des technologies ou de la réglementation qui ont été pris en compte lors de l'évaluation initiale (voir n os69 à 78 ).
Précision : Actualisation des coûts
39.Du point de vue comptable, le montant de la provision doit correspondre à la valeur actualisée des dépenses attendues lorsque l'effet de la valeur temps de l'argent est considéré comme significatif (cf. avis du CNC n° 2005-H précité, § 3-3). S'agissant des coûts de démantèlement, dont l'échéance se situe généralement à long terme, la provision peut faire l'objet d'une actualisation (cf. pour plus de précisions l'avis du CNC n° 2005-H).
40.Compte tenu, d'une part, de la complexité des modalités d'application de l'actualisation, notamment pour la détermination du taux et, d'autre part, de l'impact de l'actualisation au titre de la première application du dispositif, le comité d'urgence du CNC a indiqué, dans son avis n° 2005-H précité, que la date d'application obligatoire de l'actualisation des coûts de démantèlement dans les comptes sociaux était reportée (cf. avis n° 2005-H précité, § 6.1, et communiqué du CNC du 15 décembre 2006).
41.Du point de vue fiscal, aucune disposition n'interdit à ce jour de procéder à l'actualisation des coûts futurs envisagés au titre du démantèlement d'une installation. Cela étant, des travaux sont actuellement en cours au sein du Conseil National de la Comptabilité pour définir un cadre précis pour l'actualisation de ces coûts. Des précisions complémentaires seront donc données sur les modalités d'application et les conséquences fiscales de l'actualisation à l'issue de ces travaux.
42.En l'attente de ces précisions, les entreprises ont le choix de procéder ou non à l'actualisation de ces coûts.
S'agissant d'une provision pour coûts futurs, la prise en compte de l'actualisation a pour effet de minorer le montant de la provision comptabilisée au passif, et corrélativement celui de l'actif de contrepartie. Par la suite, la désactualisation progressive du montant estimé des coûts de démantèlement est effectuée par le compte de résultat (charge financière) avec pour contrepartie la majoration de la provision, à l'instar d'une dotation progressive. Lorsque l'actualisation est mise en oeuvre, l'entreprise constate donc une charge annuelle liée aux coûts de démantèlement correspondant à la somme de l'amortissement de l'actif de contrepartie et à la charge de désactualisation.
B. RÉGIME FISCAL
43.Aux termes de l'article 39 ter C, cette provision n'est pas en tant que telle déductible fiscalement. Ce régime fiscal est cohérent avec le mode de comptabilisation de cette provision, puisque la constitution d'une telle provision ayant à l'actif une contrepartie d'égal montant n'a aucun impact sur le compte de résultat (écritures de bilan), ni sur l'actif net au sens de l'article 38-2. L'amortissement de l'actif de contrepartie est en revanche déductible, dans les conditions exposées ci-dessous.
Il est rappelé que l'absence de déduction fiscale de cette provision n'exonère pas l'entreprise de son obligation de justifier des montants comptabilisés et, plus précisément, de l'estimation qu'elle a faite des coûts futurs et des méthodes utilisées à cette fin. En effet, le montant déductible de l'amortissement de ces coûts dépend de cette estimation, qui doit donc être effectuée dans les mêmes conditions, notamment avec une précision suffisante, que celles exigées en application de l'article 39-1-5°.
Pour les entreprises ayant procédé à l'actualisation des coûts de démantèlement, il convient d'en tirer toutes les conséquences fiscales que ce soit sur l'estimation de la provision ou sur la valorisation de l'actif de contrepartie. Pour ces entreprises, la charge de désactualisation sera admise en déduction du bénéfice imposable.