Date de début de publication du BOI : 31/03/1995
Identifiant juridique :

B.O.I. N° 63 DU 31 MARS 1995


INTRODUCTION


1.La législation française, à la différence des législations d'autres Etats, repose sur le principe de territorialité, codifié au premier alinéa de l'article 209-I du code général des impôts, selon lequel l'impôt sur les sociétés est assis sur les seuls résultats des entreprises exploitées en France. En application de ce principe, les résultats bénéficiaires et déficitaires d'établissements d'une entreprise française situés en dehors du territoire métropolitain et des départements d'outre-mer ne sont pas pris en compte pour le calcul de l'impôt sur les sociétés dû par cette entreprise française.

2.Par ailleurs, le principe de l'autonomie des personnes morales interdit la prise en compte pour le calcul de l'impôt sur les sociétés des résultats de sociétés étrangères, même si elles sont contrôlées par des sociétés françaises.

3.La législation comporte cependant des exceptions à ces principes.

Ainsi, l'article 39 octies D du code général des impôts permet à une société française de déduire de ses résultats imposables à l'impôt sur les sociétés des provisions représentatives des pertes subies à l'étranger par certains de ses établissements ou filiales (cf. instruction du 29 octobre 1992 ; BOI 4 H-16-92).

4.Par ailleurs, en application de l'article 209 B du code déjà cité, lorsqu'une personne morale passible de l'impôt sur les sociétés exploite une entreprise hors de France ou détient directement ou indirectement 10 % au moins des actions, parts, droits financiers ou droits de vote dans une société ou un groupement, établi hors de France, ou détient dans une telle société ou groupement une participation dont le prix de revient est égal ou supérieur à 150 millions de francs et que cette entreprise, cette société ou ce groupement est soumis à un régime fiscal privilégié au sens de l'article 238 A, le résultat bénéficiaire de l'entreprise, de la société ou du groupement est réputé constituer un résultat de cette personne morale.

5.Les régimes du bénéfice mondial et du bénéfice consolidé constituent également des dispositifs dérogeant au principe de territorialité et, pour le second, au principe d'autonomie des personnes morales.

Ces régimes ont été institués par l'article 22 de la loi n° 65-566 du 12 juillet 1965, codifié sous l'article 209 quinquies du code général des impôts, qui prévoit que les sociétés françaises agréées par le ministre de l'économie et des finances peuvent retenir l'ensemble des résultats de leurs exploitations directes ou indirectes, situées en France ou à l'étranger, pour l'assiette des impôts établis sur la réalisation et la distribution de leurs bénéfices.

6.Le décret n° 67-774 du 11 septembre 1967, modifié en particulier par le décret n° 77-443 du 27 avril 1977, codifié sous les articles 103 à 134 de l'annexe II à ce code, a fixé les conditions d'application de ces dispositions.

Le décret n° 91-1265 du 16 décembre 1991 qui a aménagé ce dispositif (cf. annexe n° 2) a pour objet :

- de rendre compatibles le régime du bénéfice consolidé et le régime de groupe créé par l'article 68 de la loi de finances pour 1988, codifié aux articles 223 A à 223 U du code général des impôts  ; à cette fin, il fixe les règles applicables en cas d'option pour ce régime par la société agréée ou par l'une de ses filiales et harmonise certaines règles du bénéfice consolidé avec celles du régime de groupe, en particulier en ce qui concerne la détermination des plus-values ou moins-values de cession de titres de sociétés consolidées ; dans les deux dispositifs, celles-ci sont désormais calculées sans que les résultats des sociétés cédées déjà pris en compte dans le cadre de la consolidation fiscale modifient la quotité de la plus-value imposable ou de la moins-value déductible ;

- de moderniser les régimes du bénéfice mondial et du bénéfice consolidé  ; ainsi, les règles de la correction monétaire ont été modifiées de façon substantielle, tandis que des précisions ont été apportées, en particulier en ce qui concerne les règles applicables au bilan de départ, aux entrées dans le périmètre de consolidation et aux sorties de ce périmètre ;

- de simplifier ces deux régimes ; les règles relatives à l'imputation des prélèvements fiscaux effectués à l'étranger et comparables à l'impôt sur les sociétés notamment ont été aménagées en ce sens.

7. Par ailleurs, le régime du bénéfice mondial qui occupait une place autonome dans le décret du 11 septembre 1967 déjà cité devient l'accessoire du régime du bénéfice consolidé. Les modalités d'application de ce régime ne sont plus fixées de manière détaillée : un seul article en traite et renvoie aux dispositions du bénéfice consolidé.

La présente instruction commente l'essentiel du dispositif tel qu'il est issu du décret n° 91-1265 du 16 décembre 1991 et de l'arrêté du 6 février 1992 qui l'a complété. Les règles concernant le précompte feront l'objet d'un commentaire ultérieur.


CHAPITRE PREMIER

ECONOMIE GENERALE DES REGIMES DU BENEFICE MONDIAL ET DU BENEFICE CONSOLIDE


8.Les régimes du bénéfice mondial et du bénéfice consolidé sont applicables sur agrément. Ils permettent aux sociétés françaises agréées de déterminer leurs bénéfices taxables à l'impôt sur les sociétés en retenant soit l'ensemble de leurs bénéfices français et des bénéfices de leurs établissements situés à l'étranger (bénéfice mondial), soit cet ensemble auquel s'ajoute la part leur revenant dans les bénéfices de leurs filiales françaises et étrangères (bénéfice consolidé).

9.Pour le premier exercice concerné, le bénéfice d'un établissement ou d'une filiale situé à l'étranger est calculé à partir d'un bilan de départ établi d'après la valeur exprimée en monnaie locale que chaque élément avait au regard de la législation fiscale française (cf. n° 53 ). Ensuite, ce bénéfice est calculé à partir des bilans d'ouverture et de clôture de la période d'imposition d'après les règles fixées par le code général des impôts, à l'exception de celles d'entre elles dont l'application ne peut être admise que sur le territoire national (cf. n° 66 ).

Le résultat mondial ou consolidé est rectifié pour tenir compte des opérations formant double emploi (cf. n os87 et suivants ).

10.Sur l'impôt calculé sur ce résultat peuvent s'imputer les impôts payés par les exploitations directes étrangères (bénéfice mondial), ou ces impôts ainsi que ceux payés par les exploitations indirectes françaises et étrangères (bénéfice consolidé).

Sont seuls imputables les impôts étrangers équivalant à l'impôt sur les sociétés ou en tenant lieu et perçus au profit d'Etats souverains, d'Etats membres d'Etats fédéraux ou confédérés, ou de territoires autonomes (cf. n° 122 ).

Le montant imputable de ces impôts étrangers est limité, pays par pays, au montant de l'impôt français qui frapperait le bénéfice, provenant de chacun de ces pays, reconstitué selon les règles du droit français (règle dite du butoir, cf. n° 130 ) ; la fraction d'impôt qui excéderait cette limite est reportable sur les résultats des cinq exercices suivants dans le pays en cause.

La fraction des impôts étrangers qui est imputable mais ne peut être imputée au titre d'un exercice du fait de l'insuffisance de l'impôt calculé sur le résultat mondial ou consolidé, est reportée et peut s'imputer sur l'impôt consolidé des cinq exercices suivants, après imputation des impôts étrangers propres à ces exercices (cf. n° 135 ).

11.Les exploitations indirectes françaises dont les résultats sont consolidés demeurent personnellement redevables de l'impôt sur les sociétés, mais la part d'impôt afférente au bénéfice compris dans le résultat consolidé est imputée sur l'impôt dû par la société agréée et restituée à celle-ci pour la partie excédant, le cas échéant, cet impôt dû (cf. n° 136 ).


CHAPITRE DEUXIEME

REGIME DU BENEFICE CONSOLIDE



SECTION 1

Dispositions générales



  A. ENTREPRISES ELIGIBLES



  I. Régime fiscal des sociétés concernées


12.Les sociétés susceptibles de bénéficier du régime sont les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés.


  II. Nécessité d'un agrément


  1. Les critères de l'agrément

13.En principe, l'agrément n'est accordé qu'aux entreprises situées au sommet d'un groupe de sociétés juridiquement liées et dont la vocation économique est internationale.

La première condition répond à l'exigence d'universalité que doit présenter un dispositif de consolidation.

La seconde condition répond à l'objectif du dispositif qui est la compensation des résultats internationaux d'une entreprise, qu'ils soient réalisés directement par ses établissements ou indirectement par ses filiales. Il ne s'agit en aucun cas d'un régime permettant la compensation des résultats des sociétés membres d'un groupe exerçant son activité de manière quasi-exclusive sur le territoire national. A cet égard, l'agrément ne pourra être accordé que si le groupe dispose d'une implantation internationale diversifiée ou est en phase de développement hors du territoire national, si le chiffre d'affaires réalisé à l'étranger est significatif et si d'autres dispositifs favorisant l'implantation à l'étranger ne trouvent pas à s'appliquer de manière satisfaisante.

  2. L'autorité qui accorde l'agrément

14.L'agrément est délivré par le ministre du budget, pris après avis du conseil de direction du fonds de développement économique et social (FDES).

Cet agrément n'est accordé que dans la mesure où les avantages devant résulter pour les groupes de l'application de ce régime ont des contreparties économiques suffisantes pour la collectivité, notamment en matière d'exportations, d'emplois ou d'entrée de devises.

  3. Durée de l'agrément et de son renouvellement

15.L'agrément initial est délivré pour une période de cinq ans. Son renouvellement peut être demandé ; s'il est accordé, la durée du nouvel agrément est de trois ans.

  4. Caractère irrévocable de l'agrément

16.L'agrément n'est pas révocable par l'entreprise, quelle que soit l'évolution respective des taux d'impôt sur les bénéfices applicables en France et dans les Etats où sont implantées les sociétés faisant partie du périmètre de consolidation.

Il peut être retiré par le ministre soit dans les cas généraux prévus par l'article 1756 du code général des impôts 1 soit dans les cas suivants qui sont spécifiques au régime du bénéfice mondial ou du bénéfice consolidé  :

- lorsqu'une société a constitué des exploitations directes ou indirectes hors de France dans des conditions telles que leurs résultats n'aient pas à être consolidés alors que la société en garde le contrôle par personne(s) ou par société(s) interposée(s), ou a supprimé une exploitation tout en gardant le contrôle de ses moyens de production par une transformation, une fusion ou toute autre opération juridique ;

- lorsqu'une société a modifié son pourcentage de participation dans une exploitation indirecte afin d'accroître le montant des déficits de cette exploitation qui doivent être pris en compte pour la détermination du résultat consolidé ;

- lorsqu'une société constitue une exploitation indirecte destinée à se substituer à une exploitation directe existante, dans des conditions et à des fins telles que les résultats de cette exploitation indirecte n'ont pas à être compris dans le résultat consolidé de la société agréée.

Toutefois, dans ces trois dernières situations, le retrait n'est prononcé par le ministre qu'après consultation du Comité consultatif pour la répression des abus de droit.


  B. LE PERIMETRE DE CONSOLIDATION



  I. Le principe : l'universalité du périmètre


17.Compte tenu de l'objectif du dispositif, les sociétés agréées ne peuvent choisir librement le périmètre de consolidation. Celui-ci est universel et comprend toutes les exploitations directes ou indirectes qui remplissent les conditions requises.

  1. Les exploitations directes

18.Ainsi que le prévoit le 1 de l'article 114 de l'annexe II au code général des impôts, les exploitations directes s'entendent des succursales, bureaux, comptoirs, usines et installations permanentes de toute nature n'ayant pas de personnalité juridique distincte de la société agréée et dans lesquels elle exerce son activité.

En pratique, il s'agit de toutes les exploitations situées à l'étranger et dont les résultats ne sont pas soumis à l'impôt sur les sociétés en France en application du principe de territorialité ou des conventions internationales.