Date de début de publication du BOI : 23/02/2006
Identifiant juridique :

B.O.I. N° 34 du 23 FÉVRIER 2006


Section 4 :

Conclusion de la procédure amiable


  1. La notification au contribuable

156.A l'issue de la phase amiable, l'autorité compétente française, si elle a été initialement saisie de la demande, notifie au contribuable le résultat de la procédure et la solution proposée d'un commun accord par les autorités des deux Etats. Elle indique au contribuable les éventuelles conditions et modalités spécifiques d'application du dispositif proposé en lui fixant un délai d'un mois pour faire connaître sa position.

157.Si le contribuable accepte la proposition, celle-ci est alors appliquée par les Etats concernés, quels que soient les délais prévus par le droit interne en ce qui concerne la convention européenne d'arbitrage (cf. en ce sens article 6, paragraphe 2). S'agissant de la procédure amiable ouverte dans le cadre de la convention fiscale bilatérale, la France appliquera ses conséquences quels que soient les délais prévus par le droit interne.

158.Cela étant, en cas d'acceptation, il est demandé au contribuable de se désister de tout recours administratif ou juridictionnel tendant à contester tant sur le fond que sur la forme les impositions concernées et de renoncer à toute procédure tendant à contester la décision amiable intervenue (cf. infra). Dans tous les cas, les décharges ne seront prononcées que si le contribuable apporte la preuve de son désistement.

159.Si le contribuable refuse ou ne répond pas, la proposition d'accord devient caduque et sa situation fiscale peut être réglée dans chaque Etat selon l'interprétation qu'il fait de sa législation et de la convention. La procédure amiable est alors close. Le contribuable et le cas échéant l'autorité compétente de l'autre Etat sont informés de cette clôture au moyen d'une lettre de l'autorité compétente française.

160.Si les autorités compétentes ne parviennent pas à un accord, la procédure est close sur un constat de désaccord. Ainsi, s'il s'agit d'une procédure ouverte dans le cadre de la convention fiscale bilatérale, dans la mesure où il n'existe pas d'obligation de résultat, la double imposition n'est pas éliminée. Le contribuable en est informé par l'autorité compétente qu'il a initialement saisie.

161.S'agissant de la convention européenne d'arbitrage, si les autorités compétentes concernées ne parviennent pas à un accord éliminant la double imposition dans un délai de deux ans à compter de la première date à laquelle le cas a été régulièrement soumis à l'une des autorités compétentes, celles-ci constituent une commission consultative chargée d'émettre un avis sur la façon d'éliminer la double imposition (cf. chapitre deuxième). Dans le cadre de cette même convention, si le contribuable refuse la solution proposée, il n'y aura pas lieu de constituer la commission consultative dès lors que celle-ci n'est prévue par la convention que si les autorités compétentes ne parviennent pas à un accord.

162.Dans l'hypothèse d'un refus de la proposition, le contribuable conserve la possibilité de contester les impositions concernées dans chaque Etat au moyen des recours prévus par le droit interne et en fonction des règles de forclusion qui lui leur sont propres.

163.Concernant la convention européenne d'arbitrage, le contribuable est en droit, conformément à son article 13 et à la déclaration commune des Etats membres de demander l'ouverture d'une nouvelle procédure amiable et d'une nouvelle procédure d'arbitrage si les conditions pour y recourir sont toujours remplies (cf. paragraphe 260 ).

  2. Les modalités de règlement

164.Dans la mesure où le contribuable donne son accord exprès à la solution assurant une élimination de la double imposition, la mise en oeuvre de l'accord incombe à l'autorité compétente qui informe le service gestionnaire du dossier du contribuable du contenu et des conséquences à tirer sans délai de cet accord.

165.Si l'accord se traduit par un abandon total ou partiel des impositions mises à la charge du contribuable, suite au redressement effectué, le service est invité à prononcer sans délai la décharge des impositions concernées, ainsi le cas échéant que des intérêts de retard, majorations et pénalités y afférents.

166.Quels que soient les années ou exercices d'imposition visés, les décharges sont prononcées au titre de ces périodes sans qu'il puisse être opposé des délais de prescription de droit interne.

  3. Les ajustements corrélatifs

167.La question des ajustements corrélatifs concerne de manière générale les prix de transfert et la détermination des bénéfices des entreprises associées.

168.Au terme des principes directeurs de l'OCDE 5 , un ajustement corrélatif constitue un « ajustement de l'impôt dû par l'entreprise associée dans un autre pays, effectué par l'administration fiscale de ce pays pour tenir compte d'un ajustement primaire effectué par l'administration fiscale du premier pays, afin d'obtenir une répartition cohérente des bénéfices entre les deux pays ».

169.Ce principe de l'ajustement corrélatif est repris dans l'article 9 du modèle de convention fiscale de l'OCDE.

170.En pratique, il s'agit des diminutions de la base imposable déclarée par une entreprise que l'autorité compétente va demander au service de pratiquer afin de tenir compte de l'accord intervenu entre autorités compétentes.

171.Exemple : les services fiscaux étrangers effectuent des redressements dans les bénéfices d'une filiale à 100 % sur leur territoire d'une société française portant sur les exercices 2001, 2002 et 2003. Ces redressements concernent des transferts de bénéfices constatés dans les relations entre les deux entités. Au terme de la procédure amiable, l'autorité compétente française considère que la position de l'administration fiscale étrangère est conforme au principe de pleine concurrence. Cette solution est acceptée par le contribuable. Dès lors ,elle ordonne au service local en charge du dossier de la société française de procéder à la diminution des bénéfices de celle-ci pour les montants en bases redressés dans l'autre Etat.

172.En pratique, les ajustements corrélatifs doivent être traités de façon à replacer l'entreprise dans la situation qui aurait été la sienne si les prix de transfert avaient été déterminés dès l'origine conformément au principe de pleine concurrence. Par conséquent, la France appliquera les principes suivants afin de régler la situation des ajustements corrélatifs.

173.Tout d'abord, les ajustements corrélatifs seront pratiqués au titre des exercices ayant fait l'objet d'un redressement dans l'autre Etat, sans qu'il puisse être opposé un quelconque délai de prescription de droit interne. Dans l'exemple précédent, les ajustements corrélatifs seront accordés au titre des exercices 2001, 2002 et 2003.

174.A titre tout à fait exceptionnel, l'autorité compétente française pourra décider de pratiquer l'ajustement corrélatif sur le dernier exercice clos de l'entreprise française, si cet ajustement devait se traduire par l'octroi d'un supplément de déficits fiscaux reportables en avant et que ce dernier tombe en non-valeur compte tenu de l'ancienneté des exercices concernés et des règles de reports déficitaires existant pour les exercices ouverts avant le 1 er janvier 2004 (article 209-I du CGI). Cet assouplissement sera mis en oeuvre dans l'hypothèse ou le traitement de la procédure amiable aura été particulièrement long.

175.Par ailleurs, s'agissant du taux de change, les montants des redressements effectués par les services fiscaux étrangers seront convertis en euros par application des taux de change moyens en vigueur les années au titre desquelles les redressements ont été opérés. Par simplification, les taux de change à la clôture des exercices concernés pourront être utilisés si l'entreprise française et l'entreprise étrangère ont les mêmes dates de clôture. Dans l'exemple précédent, si les redressements sont effectués sur les exercices 2001, 2002 et 2003 par les services fiscaux des Etats-Unis, ceux-ci seront convertis du dollar à l'euro au titre des exercices visés en utilisant soit le taux de change moyen dollar euro au titre de ces exercices, soit le taux de change au 31 décembre de chaque exercice, par hypothèse date de clôture des exercices.

176.Si les redressements concernent des exercices clos avant le 1 er janvier 2002, les montants des redressements effectués par les services fiscaux étrangers seront convertis en francs par application des taux de change moyens en vigueur les années au titre desquelles les redressements ont été opérés. Par simplification, les taux de change à la clôture des exercices concernés pourront être utilisés si l'entreprise française et l'entreprise étrangère ont les mêmes dates de clôture. Ces montants seront ensuite convertis suivant le taux fixe de parité franc euro applicable à compter du 1 er janvier 2002 6 . Dans le même exemple, si les redressements sont effectués sur les exercices 1999 et 2000 par les services fiscaux des Etats-Unis, ceux-ci seront convertis du dollar au franc au titre de ces exercices en utilisant soit le taux de change moyen dollar franc au titre de ces exercices, soit le taux de change au 31 décembre de chaque année, puis ces montants seront convertis en euros.

177.De plus, l'octroi de l'ajustement corrélatif doit aussi normalement se traduire par un reversement par l'entreprise associée à l'entreprise redressée des sommes correspondantes soit par voie d'inscription d'une dette en compte courant, soit par un rapatriement effectif. Ce rapatriement devra être effectué dans un délai de 90 jours à compter de la réception de la proposition d'accord par le contribuable.

178.Dans ces conditions, au moment de l'acceptation des modalités de règlement, l'entreprise bénéficiaire du transfert de bénéfice doit constater soit une dette vis-à-vis de l'entreprise de l'autre Etat (laquelle constatera une créance) dans le cadre d'un compte courant, soit un paiement effectif d'un montant égal au redressement effectué dans l'autre Etat. Cette opération est réalisée selon le cours de change du jour de cette opération.

179.A cet égard, si les redressements pratiqués en matière de prix de transfert portent sur des biens et services, le reversement quelles qu'en soient les modalités devra être opéré dans la monnaie prévue dans le contrat initial entre les parties ou, à défaut de spécification, de manière générale dans la monnaie de l'Etat de résidence du vendeur ou du prestataire de service.

180.Dans les cas d'une remise en cause d'un taux de redevances, la référence à la monnaie prévue par le contrat doit être pratiquée en priorité. En l'absence de spécification au contrat de licence, ou si aucune redevance n'est initialement facturée, la monnaie de l'Etat de résidence du licencié sera retenue.

181.La différence entre les montants du rapatriement et de l'ajustement corrélatif (et donc du redressement), en prenant en compte la monnaie de rapatriement, est à l'origine de gains ou de pertes de change dans l'un des deux Etats contractants. S'agissant de la France, les gains de change seront imposables dès lors que les pertes de change seront déductibles dans l'autre Etat. Corrélativement, les pertes de change ne seront déductibles en France que si les gains de change sont imposables dans l'autre Etat.

182.Exemple 1 : un contrat de vente de biens est conclu entre deux entreprises américaine et française prévoyant le paiement du prix en dollars.

- Les services fiscaux américains effectuent un redressement de 100.000 dollars US au titre de l'exercice 2003 générant en France un ajustement corrélatif de 83.333 euros (1 euro = 1.20 dollar). Dans tous les cas, l'entreprise française devra reverser soit en compte courant, soit par paiement effectif 100.000 dollars quelle que soit la parité des deux monnaies à ce moment. La perte ou le gain de change éventuel sera constaté en France.

- Les services fiscaux français effectuent un redressement de 100.000 euros au titre de l'exercice 2003 générant aux Etats-Unis un ajustement corrélatif de 120.000 dollars (1 euro = 1.20 dollar). L'entreprise américaine devra en tout état de cause reverser 120.000 dollars quel que soit le taux de change à la date du rapatriement. La perte ou le gain de change éventuel sera constaté en France.

183.Exemple 2 : un contrat de prestation de services est conclu entre deux entreprises française et américaine prévoyant un paiement en euros. Conformément aux explications données aux paragraphes précédents, les pertes ou gains de change seront constatés aux Etats-Unis dans la mesure où la facturation est en euros.

184.La créance ou la dette afférente à la constatation du reversement ne pourra pas faire l'objet d'une facturation d'intérêts entre les deux entreprises.

  4. Les ajustements secondaires

185.Selon les principes directeurs de l'OCDE 7 , un ajustement secondaire est un « ajustement qui résulte de l'application d'un impôt à une transaction secondaire ». Selon les mêmes principes 8 , une transaction secondaire est « une reconstitution d'une transaction à laquelle certains pays procèdent en vertu de leur législation interne après avoir proposé un ajustement primaire. Les transactions secondaires peuvent prendre la forme de reconstitution de dividendes... ».

186.En application de la législation interne, lorsque le redressement est effectué par les services fiscaux français et est considéré comme constituant un bénéfice réputé distribué, sous réserve des dispositions de la convention fiscale bilatérale (cf. notamment la définition du dividende contenue dans l'article 10 de la convention), une retenue à la source peut être prélevée au taux conventionnel.

187.Toutefois, dès lors que la société accepte de procéder au rapatriement des sommes considérées comme constitutives d'un transfert de bénéfices, la retenue à la source notifiée ne sera pas maintenue. En effet, le désinvestissement sera annulé par le biais du reversement effectué, soit sous forme d'une inscription en compte courant, soit sous la forme d'un paiement.

  5. L'absence d'intérêts moratoires

188.Selon l'article L 208 du livre des procédures fiscales, « quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement d'impôt est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du CGI ».

189.Ce texte est d'application stricte.

190.De son côté, la procédure amiable, telle que prévue dans les conventions fiscales bilatérales ou dans la convention européenne d'arbitrage, a un caractère particulier. Il s'agit d'une voie de règlement contractuel des difficultés survenant entre deux Etats à propos de l'application de ces conventions et en vue d'éviter une double imposition. Elle est indépendante des recours administratifs et juridictionnels que le contribuable conserve le droit d'exercer en application du droit interne. Elle présente un caractère semi-diplomatique.

191.Par conséquent, les décharges totales ou partielles prononcées dans le cadre de la procédure amiable bilatérale ou de la convention européenne d'arbitrage ne sont pas assorties des intérêts moratoires.

192.Cette absence d'intérêts moratoires s'applique quel que soit le stade au cours duquel les dégrèvements sont prononcés.

  6. Les intérêts de retard, les majorations et les pénalités

193.Les intérêts de retard, les majorations et les pénalités mises à la charge d'un contribuable suite à un redressement générant une double imposition et notifiés par les services fiscaux français ne peuvent pas donner lieu à l'ouverture de la procédure amiable prévue par une convention fiscale bilatérale ou par la convention européenne d'arbitrage (cf. supra).

194.Cela étant, à l'issue d'une procédure amiable, lorsque le contribuable a accepté les modalités proposées de règlement de la double imposition, les intérêts de retard, les majorations et les pénalités issus des actes des services fiscaux français et restant à sa charge, peuvent faire l'objet d'un examen dans le cadre d'un recours gracieux.