B.O.I. N° 235 du 27 DECEMBRE 1999
BULLETIN OFFICIEL DES IMPÔTS
13 J-2-99
N° 235 du 27 DECEMBRE 1999
13 R.C. / 62 - 13 J 433
COUR DE CASSATION - CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE. ARRÊTS DES 16 JUIN 1998 (BULL. IV n° 196, p. 163) ET 29 JUIN 1999 (n° 1325 D).
CONTRÔLE DE L'IMPÔT - INSUFFISANCES DE PRIX OU D'ÉVALUATION.
CESSIONS D'ACTIFS DE SOCIÉTÉS SOUMISES À UNE PROCÉDURE D'APUREMENT COLLECTIF
RÉGIE PAR LA LOI N° 85-98 DU 25 JANVIER 1985.
VENTES À FORFAIT (DISPOSITIF ISSU DE LA LOI n° 67-563 DU 13 JUILLET 1967).
(L.P.F., art. L. 17)
[Bureau J 2]
ANALYSE DES ARRETS (textes reproduits en annexe) :
1.Dès lors qu'une cession de biens immobiliers intervient dans le cadre de la reprise globale des actifs d'une société en redressement judiciaire et d'un engagement de maintenir un certain nombre d'emplois salariés conformément à un plan de cession homologué par jugement du tribunal de commerce, opération dont le caractère forfaitaire implique l'existence d'un aléa, il y a réduction de la valeur des biens cédés (Com. 16 juin 1998).
2.La vente à forfait d'un immeuble réalisée en application de l'article 88 de la loi du 13 juillet 1967 ne fait pas obstacle au droit de l'administration fiscale, pour établir les droits de mutation, de rectifier le prix d'une vente lorsqu'il est inférieur à la valeur vénale du bien, appréciée compte tenu, en un tel cas, de l'absence de garantie du vendeur (Com. 29 juin 1999).
OBSERVATIONS :
1.Dans la première espèce, le jugement attaqué avait confirmé l'évaluation d'un bien immobilier effectuée par l'administration à partir de termes de comparaison en application de l'article L. 17 du Livre des procédures fiscales.
Mais cette évaluation, fondée sur des termes de comparaison ressortant de cessions effectuées dans des conditions ordinaires, ne tenait pas compte des circonstances de l'affaire. En effet, la cession constituant le fait générateur de la taxation aux droits de mutation à titre onéreux était réalisée par une société en redressement judiciaire dans le cadre des dispositions de l'article 81 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985.
La Cour de cassation a ainsi relevé qu'il y avait, en l'occurrence, reprise globale des actifs de la société et engagement de maintenir un certain nombre d'emplois salariés conformément à un plan de cession homologué par le tribunal de commerce, puis considéré que le caractère forfaitaire de l'opération impliquait l'existence d'un aléa (Com. 16 juin 1998).
Les circonstances particulières de la cession entraînaient donc une réduction de la valeur des biens cédés.
2.Dans la seconde espèce, pour mener à terme les opérations de liquidation de biens d'une société, le syndic avait obtenu du tribunal de commerce l'autorisation de vendre à forfait un lot d'appartements et de garages (régime de la loi du 13 juillet 1967).
L'administration a cependant estimé que le prix payé par les acquéreurs était inférieur à la valeur vénale des biens immobiliers et a réclamé des droits de mutation supplémentaires.
Saisi du litige, le tribunal de grande instance a considéré que le prix fixé par les décisions du tribunal de commerce, qui n'avaient pas fait l'objet de recours, s'imposait à l'administration. Mais la Cour de cassation a jugé que la vente à forfait ne faisait pas obstacle à la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 17 du LPF.
3.Ces deux arrêts confirment la possibilité pour l'administration d'utiliser les dispositions de l'art. L. 17 du LPF pour rectifier la valeur de cession déclarée mais en tenant compte des conditions particulières de l'opération réalisée dans le cadre d'une procédure collective.
Voir B.O.I. 7 C...
Annoter : D.B. 13 J 433, n° 1 .
Le Chef de Service
Philippe DURAND
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ANNEXE
Com. 16 juin 1998, n° 1395 P+B :
« Et sur le deuxième moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles L. 17 du Livre des procédures fiscales et 81 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Attendu, selon le jugement attaqué, que, dans le cadre du plan de cession partielle des actifs de la société anonyme Audax et de deux sociétés du même groupe, homologué par jugement du tribunal de commerce de Paris du 30 octobre 1987, la société Audax industries, créée à cet effet, a été autorisée à acquérir des biens immobiliers à un prix déterminé ; que l'administration des impôts a procédé à un redressement de valeur et a mis en recouvrement le complément de droits en résultant ; que la société Audax industries a demandé l'annulation de l'avis de mise en recouvrement ;
Attendu que, pour rejeter la demande de la société Audax industries, faisant valoir que le prix énoncé dans l'acte de cession correspondait à la valeur réelle des immeubles qui aurait pu être obtenue par le jeu de l'offre et de la demande dans un marché réel, le Tribunal a estimé que les deux termes de comparaison produits par l'administration présentaient des analogies suffisantes pour refléter le marché local de biens équivalents ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la cession était intervenue dans le cadre de la reprise globale des actifs d'une société en redressement et d'un engagement de maintenir un certain nombre d'emplois salariés, conformément à un plan de cession homologué par jugement du tribunal de commerce, opération dont le caractère forfaitaire impliquait l'existence d'un aléa, ce qui entraînait une réduction de la valeur des biens cédés, le Tribunal a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE... »
Com. 29 juin 1998, n° 1395 D :
« Attendu, selon le jugement attaqué, que, pour mener à bonne fin les opérations de la liquidation des biens de la société nogentaise d'entreprise et de travaux, ouverte par jugement du 9 mars 1979, le syndic a, après avis favorable du juge-commissaire, obtenu du tribunal de commerce l'autorisation de vendre à forfait un lot d'appartements et de garages ; que l'administration fiscale a estimé le prix de 250 000 francs payé par les époux X... inférieur à la valeur marchande des immeubles et leur a réclamé des droits de mutation supplémentaires ; que les époux X... ont fait opposition à l'avis de mise en recouvrement de ces droits ;
Sur le moyen unique, en sa première branche :
Vu l'article L. 17 du Livre des procédures fiscales, ensemble l'article 88 de la loi du 13 juillet 1967 ;
Attendu que pour prononcer la nullité de l'avis de mise en recouvrement et ordonner la restitution des sommes versées, le jugement énonce qu'il résulte de l'article 88 de la loi du 13 juillet 1967 que le Tribunal peut, à la demande du syndic, l'autoriser à traiter à forfait de tout ou partie de l'actif mobilier ou immobilier et à l'aliéner et relève que la procédure utilisée est régulière, que les deux décisions judiciaires qui n'ont fait l'objet d'aucun recours, ont fixé les conditions de la vente et notamment le prix, ce dont il conclut que ce prix s'impose à l'administration comme toute décision judiciaire ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la vente à forfait d'un immeuble réalisée en application du second texte visé ne fait pas obstacle au droit de l'administration fiscale, pour établir les droits de mutation, de rectifier le prix d'une vente lorsqu'il est inférieur à la valeur vénale du bien, appréciée compte tenu, en un tel cas, de l'absence de garantie du vendeur, le Tribunal a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :
CASSE ET ANNULE... »