B.O.I. N° 155 du 23 AOUT 2000
BULLETIN OFFICIEL DES IMPÔTS
13 O-4-00
N° 155 du 23 AOUT 2000
13 RC / 34 - O 1121
COUR DE CASSATION - CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE. ARRÊT DU 21 MARS 2000, n° 735 P (BULL. IV n° 67, p. 56).
APPLICATION DE LA LOI DANS LE TEMPS.
SANCTIONS FISCALES.
APPLICATION IMMÉDIATE DE LA LOI INSTITUANT UNE PEINE MOINS SÉVÈRE.
DROITS D'ENREGISTREMENT, TIMBRE ET TAXES ASSIMILÉES
(Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, art. 8)
[Bureau J2]
ANALYSE DE L'ARRET (texte reproduit en annexe) :
L'amende prévue par l'article 1840 N quater du Code général des impôts en cas d'infraction constatée en matière de taxe différentielle sur les véhicules à moteur constitue une sanction ayant le caractère d'une punition.
Il s'ensuit que le principe de l'application immédiate de la loi instituant une peine moins sévère, découlant de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, doit être mis en oeuvre à l'égard d'une telle pénalité.
L'article 114 de la loi de finances pour 1997 ayant réduit l'amende en cause de 200 % à 80 % de la taxe due s'applique ainsi aux infractions constatées antérieurement à son entrée en vigueur, y compris dans les litiges pendants devant la Cour de cassation à cette date, et ce nonobstant le caractère non suspensif du pourvoi en cassation en matière fiscale.
Doit être en conséquence annulé par un arrêt de cassation partielle du 21 mars 2000, le jugement en date du 22 janvier 1996 ayant validé un avis de mise en recouvrement mettant à la charge d'un contribuable l'amende prévue à l'article 1840 N quater du CGI au taux de 200 % pour une infraction constatée le 30 janvier 1994 alors que cette sanction a été réduite à 80 % par la loi du 30 décembre 1996, entrée en vigueur au cours de l'instance en cassation.
OBSERVATIONS :
Le juge de l'impôt met en oeuvre à l'égard des sanctions fiscales la règle de l'application immédiate de la loi instituant une peine moins sévère (rétroactivité in mitius : cf. avis du Conseil d'Etat du 5 avril 1996, n° 176611, section, X... ) qui découle du principe constitutionnel de nécessité des peines exprimé à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (rappr. décision du Conseil constitutionnel des 19-20 janvier 1981, n° 127 DC, Rec. 15).
Celui-ci a en effet vocation à s'appliquer non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais également à toute sanction ayant le caractère d'une punition même si le législateur a laissé le soin de la prononcer à une autorité de nature non judiciaire (cf. décision du Conseil constitutionnel du 17 janvier 1989, n° 248 DC, Rec. 18).
Cette règle a toutefois pour limite les infractions qui ont donné lieu à une décision de justice passée en force de chose jugée ayant prononcé une sanction définitive.
Dans le contentieux fiscal relevant du juge judiciaire doit être regardée comme passée en force de chose jugée toute décision qui n'est susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution (art. 500, al. 1 du nouveau Code de procédure civile).
Or, en vertu de l'article 579 du NCPC, et contrairement aux dispositions régissant le procès pénal (art. 569 du Code de procédure pénale), le pourvoi en cassation n'est pas, en matière civile, suspensif d'exécution.
Mais écartant cette distinction à l'égard des sanctions fiscales relatives à des impôts ressortissant de sa compétence (droits d'enregistrement, timbre et taxes assimilées), la Cour de cassation décide qu'il y a lieu de faire immédiatement application de la loi instituant une sanction plus douce, même lorsque celle-ci est entrée en vigueur postérieurement au prononcé de la décision passée en force de chose jugée et attaquée par le pourvoi en cassation.
Annoter : D.B. 13 O 1121, n° 14 .
Le Chef de Service
Ph. DURAND
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ANNEXE
Com. 21 mars 2000, n° 735 P ; Bull. IV n° 67, p. 56 :
« Attendu, selon le jugement déféré, que M. X... , propriétaire d'un véhicule automobile d'une puissance fiscale de 42 chevaux, a fait l'objet, le 30 janvier 1994, d'un procès-verbal pour défaut de vignette fiscale constatant le non-paiement de la taxe différentielle pour l'année 1994 ; que, le 6 juin 1994, l'administration fiscale lui a notifié un avis de mise en recouvrement portant sur la taxe due au titre de l'année 1994 et sur l'amende prévue à l'article 1840 N quater du Code général des impôts ; que, le 13 juin 1994, M. X... a présenté une réclamation en sollicitant le dégrèvement des sommes ainsi mises à sa charge, en invoquant l'incompatibilité de la taxe avec l'article 95 du Traité instituant la Communauté européenne, devenu depuis l'article 90 ; qu'après le rejet de sa réclamation, il a assigné le directeur des services fiscaux de l'Oise devant le tribunal de grande instance ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... fait grief au jugement de l'avoir condamné au paiement de l'amende prévue à l'article 1840 N quater du Code général des impôts, alors, selon le pourvoi, qu'il résulte de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que la nécessité de toute peine doit être soumise au contrôle d'un Tribunal statuant en toute indépendance ; que, dès lors, en rejetant la demande d'annulation de l'avis de mise en recouvrement qui mettait à la charge de M. X... l'amende de 200 % prévue par l'article 1840 N quater du Code général des impôts, disposition qui aurait dû rester sans application en tant qu'elle soustrait à l'appréciation des juges la détermination du montant de la peine qu'elle établit, le tribunal de grande instance a violé l'article 6-1 ci-dessus mentionné ;
Mais attendu qu'il ne résulte ni du jugement, ni des conclusions présentées devant les juges du fond que M. X... ait fait valoir le grief visé au moyen ; que, nouveau et mélangé de fait et de droit en ce qu'il invite le Tribunal à apprécier le comportement du contribuable, le moyen est irrecevable ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
Attendu que, par le jugement déféré du 22 janvier 1996, le Tribunal a validé l'avis de mise en recouvrement mettant à la charge de M. X... une amende de 200 % prévue alors par l'article 1840 N quater quater du Code général des impôts ;
Attendu que, par la loi du 30 décembre 1996, le montant maximal de l'amende encourue déterminé par ce texte a été réduit à 80 % ; que la loi nouvelle, plus douce, en tant qu'elle institue une sanction ayant le caractère d'une punition, doit être appliquée immédiatement, nonobstant le caractère non suspensif du pourvoi en matière fiscale ; qu'il y a lieu, dès lors, de prononcer la cassation partielle du jugement déféré ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, ... ».