Date de début de publication du BOI : 14/09/2000
Identifiant juridique :

B.O.I. N° 170 du 14 SEPTEMBRE 2000

Com. 19 octobre 1999, n° 1560 P ; Bull. IV, n° 172, p. 145 ;

« Sur le moyen unique :

Vu l'article L 190, alinéa 3, du Livre des procédures fiscales ;

Attendu, selon le jugement déféré, que, le 30 novembre 1988, la société Sologest a procédé à l'incorporation de réserves dans son capital social ; que, le 15 décembre 1989, elle a réalisé une opération de fusion et a de nouveau augmenté son capital par incorporation de réserves ; qu'elle a acquitté à ce titre des droits d'enregistrement au taux de 3 % et de 1,20 % sur le fondement des articles 812-I 1° et 816-I 2° du Code général des impôts, dans leur rédaction alors en vigueur ; que, le 13 février 1996, la Cour de justice des Communautés européennes a déclaré l'article 816-I 2° du Code général des impôts incompatible avec la directive n° 69/335/CE du Conseil des Communautés européennes, du 17 juillet 1969, modifiée, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux (arrêt Société Bautiaa) ; que, le 9 juillet 1996, la Chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation a déclaré l'article 812-I 1° du même Code partiellement incompatible avec la directive n° 69/335/CE du Conseil des Communautés européennes susvisée ; que, le 18 septembre 1996, la société Sologest a sollicité la restitution des droits ainsi acquittés en se fondant sur ces incompatibilités ; qu'après le rejet de sa réclamation, elle a assigné le directeur des services fiscaux devant le tribunal de grande instance ;

Attendu que, pour accueillir cette demande et rejeter l'exception soulevée par l'administration fiscale, tirée de l'application en l'espèce de l'article L 190, alinéa 3, du Livre des procédures fiscales, le jugement retient que, dans son arrêt du 13 février 1996 (société Bautiaa), la Cour de justice des Communautés européennes, qui a jugé la directive 69/335/CE susvisée applicable aux droits d'enregistrement a refusé de limiter dans le temps les effets de son arrêt rendu à titre préjudiciel, rejetant ainsi la demande présentée à l'audience par le Gouvernement français, et que, dès lors, l'application de l'article L 190, alinéa 3 du Livre des procédures fiscales au cas d'espèce contredirait directement la décision de la Cour de justice ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, dans un arrêt du 15 septembre 1998 (Edilizia Industriale Siderurgica), la Cour de Justice des Communautés européennes a dit pour droit que la circonstance que la Cour a rendu un arrêt préjudiciel statuant sur l'interprétation d'une disposition de droit communautaire, sans limiter les effets dans le temps de cet arrêt n'affecte pas le droit d'un Etat membre d'opposer aux actions en remboursement d'impositions perçues en violation de cette disposition un délai national de forclusion ; que, dans son arrêt du 2 décembre 1997 (Fantask), cette même Cour a rappelé qu'il appartient à l'ordre juridique interne de chaque Etat membre, de régler les modalités procédurales des actions en répétition de l'indu, pour autant que ces modalités ne soient pas moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne ni ne rendent pratiquement impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire et a jugé, dans la même décision, que des délais raisonnables de recours à peine de forclusion ne sauraient être considérés comme étant de nature à rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire, même si, par définition, l'écoulement de ces délais entraîne le rejet, total ou partiel, de l'action intentée ; qu'il en résulte que l'article L 190, alinéa 3 du Livre des procédures fiscales, d'application générale, est compatible avec l'ordre juridique communautaires et pouvait être opposé par l'administration fiscale à la réclamation de la société Sologest fondée sur l'incompatibilité de l'article 812-I 1° du Code général des impôts, telle que révélée par l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 9 juillet 1996, le Tribunal a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE... ».

Com. 19 octobre 1999, n° 1678 P ; Bull. IV, n° 171, p. 144 :

« Sur le moyen unique pris en ses trois branches :

Attendu, selon le jugement attaqué (Tribunal de grande instance de Paris, 7 mars 1997 n° 96/5768), que deux sociétés de droit suisse détiennent les actions de la société de droit suisse Laetitia, qui, au premier janvier des années 1982 à 1985, était, par sociétés interposées, propriétaires d'immeubles en France ; qu'elles ont, pour ces années, en visant la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966 et sans faire aucun versement, déposé les déclarations relatives à la taxe de 3% instituée par la loi de finances pour 1983 ; que, sur réclamation de la recette des impôts, elles ont payé la taxe pour le compte de la société Laetitia le 26 décembre 1985 ; que, le 23 décembre 1994, la société Laetitia a présenté une réclamation en restitution de l'indu qui a été rejetée, puis a assigné le directeur des services généraux et de l'informatique pour obtenir la restitution des sommes versées ;

Attendu que la société Laetitia reproche au jugement d'avoir déclaré sa demande irrecevable ; alors, selon le pourvoi, d'une part, que lorsqu'une décision juridictionnelle constate la non-conformité d'un texte national à une norme internationale, l'évènement qui, au sens de l'article R* 196-1 c) du Livre des procédures fiscales, constitue le point de départ du délai de réclamation, s'entend non pas de la décision de justice constatant ladite non-conformité, mais de la connaissance certaine par le contribuable de cette décision de justice ; que c'est donc seulement au jour où le contribuable a pris connaissance certaine de cette décision juridictionnelle que le délai de réclamation peut commencer à courir à ses dépens ; que le jugement attaqué, qui a énoncé au contraire que l'évènement motivant la seconde réclamation de la société Laetitia était l'arrêt de la Cour de cassation du 28 février 1989, et qui a adopté la date de cet arrêt en guise de point de départ du délai de réclamation pour déclarer irrecevable comme tardive la réclamation formée le 23 décembre 1994 par la société Laetitia, a donc commis une erreur de droit et violé l'article R* 196-1 du Livre des procédures fiscales qui prévoit in fine que les réclamations peuvent être présentées jusqu'au 31 décembre « de l'année » suivant celle au cours de laquelle le contribuable a eu connaissance certaine de cotisations d'impôts directs établies à tort ; alors, d'autre part, que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement par un Tribunal ; qu'en matière fiscale, la saisine des juges du fond doit être précédée d'une réclamation préalable, dont les règles de computation de délai à observer doivent être suffisamment claires et cohérentes pour permettre au contribuable de sauvegarder concrètement l'effectivité de son accès au Tribunal ; que l'administration et les juges du fond ne peuvent donc pas opposer au contribuable l'expiration du délai pour agir afin de déclarer l'irrecevabilité comme tardive de sa réclamation, lorsque la computation dudit délai de réclamation, présentant une cohérence et une clarté très insuffisante, n'a pas permis au contribuable de former sa réclamation dans les délais, l'empêchant en définitive de voir sa cause équitablement entendue par un Tribunal ; que le jugement attaqué a considéré que dans la mesure où la réclamation préalable de la société Laetitia, en sa qualité de société suisse, portait sur la restitution de la taxe de 3 % prévue à l'article 990 D du Code général des impôts, le point de départ du délai de cette réclamation était constitué par l'arrêt de la Cour de Cassation du 28 février 1989, relevant la non-conformité de l'article 990 D du Code général des impôts à l'article 26-1 de la Convention fiscale franco-suisse du 9 septembre1966 ; que le jugement attaqué a ainsi énoncé que la réclamation préalable formulée par la société Laetitia le 23 décembre 1994, était irrecevable comme tardive dans la mesure où elle devait être adressée à l'administration au plus tard le 31 décembre 1992 ; que le jugement attaqué qui a ainsi statué, alors que l'arrêt de la Cour de cassation du 28 février 1989 n'avait fait l'objet d'aucune publication particulière permettant au contribuable d'en prendre connaissance, a donc procédé à une computation du délai de réclamation par une application incohérente de textes sujets à des interprétations divergentes, et n'a pas permis au contribuable de sauvegarder concrètement l'effectivité de son accès au Tribunal ; qu'ainsi, le jugement attaqué a violé les articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ; et alors, enfin, que lorsqu'une décision juridictionnelle constate la non-conformité d'un texte national à une norme internationale, l'évènement qui, au sens de l'article R* 196-1 c) du Livre des procédures fiscales, constitue le point de départ du délai de réclamation, s'entend non pas de la décision de justice constatant ladite non-conformité, mais de la connaissance certaine par le contribuable de cette décision de justice ; que c'est donc seulement au jour où le contribuable a pris connaissance certaine de cette décision juridictionnelle, que le délai de réclamation peut commencer à courir à ses dépens ; que le jugement attaqué, qui a énoncé au contraire que l'évènement motivant la seconde réclamation était l'arrêt de la Cour de cassation du 28 février 1989, et qui a adopté la date de cet arrêt en guise de point de départ du délai de réclamation, pour déclarer irrecevable comme tardive la réclamation formée par elle le 23 décembre 1994, sans rechercher si elle avait pris connaissance certaine de cet arrêt le jour même où il a été rendu, c'est-à-dire le 28 février 1989, manque donc de base légale au regard de l'article R* 196-1 du Livre des procédures fiscales qui prévoit in fine que les réclamations peuvent être présentées jusqu'au 31 décembre « de l'année » suivant celle au cours de laquelle le contribuable a eu connaissance certaine de cotisations d'impôts directs établies à tort ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'article R* 196-1, premier alinéa c) du Livre des procédures fiscales fait partir le délai ouvert pour la réclamation relative à un impôt autre qu'un impôt direct local ou à une taxe annexe de « la réalisation de l'évènement » qui la motive ; que le jugement relève que le caractère indu de l'imposition a été constaté par l'arrêt du 28 février 1989 par lequel la Cour de cassation a jugé qu'en vertu de la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966, les sociétés suisses ne sont pas assujetties à la taxe litigieuse ; que c'est à bon droit qu'il en a déduit, pour justifier sa décision d'irrecevabilité, que ce délai expirait le 31 décembre 1992, soit quand la durée de la prescription ainsi abrégée s'était déroulée en entier depuis l'entrée en vigueur de la loi l'instituant ;

Attendu, en second lieu, que la disposition ci-avant rappelée ouvre un délai spécial de réclamation de plus de deux années après l'événement qui permet d'apprécier l'irrégularité d'une imposition ; qu'en donnant pour point de départ à ce délai un fait dont la date peut être déterminée objectivement, ce qui empêche que les versements effectués puissent être remis en cause durant un temps imprévisible, cette disposition, dépourvue d'ambiguïté, donne effectivement aux contribuables la possibilité de faire valoir leurs droits devant un juge ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses trois branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi... »,

Com. 14 décembre 1999, n° 2007 D :

« Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Attendu, selon le jugement attaqué (Tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains, 15 mai 1997), que la société de droit suisse Lusina a fait assigner le directeur des services fiscaux de la Haute-Savoie pour obtenir le remboursement des sommes qu'elle avait acquittées le 26 mai 1988 au titre de la taxe annuelle de 3 % prévue par l'article 990 D du Code général des impôts pour les biens immobiliers dont elle est propriétaire dans ce département ;

Attendu, que la société Lusina reproche au jugement d'avoir écarté cette demande, alors, selon le pourvoi, d'une part, que son action en restitution est fondée sur l'arrêt de l'assemblée plénière du 21 décembre 1990 qui a rappelé qu'en application de l'article 26 de la Convention franco-suisse une société helvétique ne pouvait être soumise à la taxe litigieuse à laquelle échappent les sociétés de droit français ; qu'ainsi, le litige relatif à l'exercice du droit à restitution de la taxe, fondé sur cette décision, ne relève pas du contentieux de l'impôt et n'est pas de nature fiscale mais constitue un litige de droit commun en répétition de l'indu non soumis aux dispositions des articles L 190 et suivants du Livre des procédures fiscales qui ne s'appliquent qu'aux actions tendant à la décharge, à la réduction ou à la déduction d'une imposition qu'en considérant, néanmoins, que son action en répétition de l'indu était simplement une action tendant à la décharge ou à la réduction d'une imposition et à ce titre, soumise aux dispositions des articles L 190 et R* 196-1 du Livre des procédures fiscales, le Tribunal a violé les deux textes susvisés ; et alors, d'autre part, que, quand bien même l'article R* 196-1 du Livre des procédures fiscales serait applicable, le délai de réclamation expirait au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle de la réalisation de l'événement qui motive la réclamation, que cet événement ne peut être compris comme la date de prononcé d'un arrêt de la Cour de cassation mais la date de connaissance de cet arrêt, cette dernière correspondant seule à la réalisation de l'événement qui motive la réclamation ; qu'en l'espèce, l'arrêt de l'assemblée plénière sur l'imposition de 3 % de la valeur des immeubles appartenant à des sociétés suisses s'il a été rendu le 26 décembre 1990, n'a été connu du public et n'a pu constituer l'événement qui motive la réclamation de la société Lusina qu'au moment de sa publication courant 1991, qu'en conséquence, la société Lusina pouvait procéder à sa réclamation le 31 décembre 1993, qu'en déclarant néanmoins sa réclamation tardive parce que datée du 12 juillet 1993, le Tribunal a violé l'article R* 196-1 du Livre des procédures fiscales ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant énoncé que l'article L 190 du Livre des procédures fiscales, tel que modifié par l'article 36 de la loi du 29 décembre 1989, dispose que sont instruites et jugées selon les règles dudit livre, toutes actions tendant à la décharge ou à la réduction d'une imposition ou à l'exercice de droit à déduction, fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure, a rendu applicable aux actions en répétition de l'indu engagées par des réclamations présentées après l'entrée en vigueur de ladite loi, le 1er janvier 1990, le délai de réclamation prévu à l'article R* 196-1 du Livre des procédures fiscales, le jugement en déduit exactement qu'engagée par une réclamation du 23 juillet 1993 et fondée sur la non-conformité de l'article 990 D du Code général des impôts à la convention franco-suisse du 9 septembre 1966 telle que révélée par un arrêt de la Cour de cassation cette action est soumise aux règles de prescription de l'action fiscale ;

Attendu, d'autre part, que l'article R* 196-1, premier alinéa c) du Livre des procédures fiscales fait partir le délai ouvert pour la réclamation relative à un impôt autre qu'un impôt direct local ou à une taxe annexe de « la réalisation de l'évènement » qui la motive ; que c'est à bon droit, abstraction faite de l'erreur portant sur la date de l'arrêt de la Cour de cassation révélant la non-conformité du texte appliqué à la convention franco-suisse du 9 septembre 1966 qui est un arrêt du 28 février 1989 et non un arrêt postérieur qui reprend la solution, que, pour justifier sa décision d'irrecevabilité, le jugement retient qu'en l'espèce ce délai partait de l'arrêt par lequel la Cour de cassation a jugé qu'en vertu de la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966 les sociétés suisses ne sont pas assujetties à la taxe litigieuse, lequel avait expiré le 31 décembre 1992, date à laquelle la durée de la prescription ainsi abrégée s'était déroulée en entier depuis l'entrée en vigueur de la loi l'instituant ;

D'où il suit que mal fondé en chacune de ses deux branches, le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi... ».

Com. 3 mai 2000, n° 992 P + B :

« Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article L 190, alinéa 3 du Livre des procédures fiscales, ensemble l'article R* 196-1 du même livre ;

Attendu, selon le jugement déféré que le 12 mai 1987 la société Laboratoires Chauvin a décidé la fusion absorption de la société Laboratoires Chauvin Blache société anonyme : qu'elle a acquitté à ce titre des droits d'enregistrement au taux de 1,20% sur le fondement de l'article 816-I-2e du Code général des impôts, alors en vigueur ; que, par réclamation du 9 septembre 1996, elle a sollicité la restitution des droits d'enregistrement ainsi acquittés en arguant de leur incompatibilité avec la directive du Conseil n° 69/335 du 17 juillet 1969 modifiée telle que révélée par l'arrêt rendu le 13 février 1996 (société Bautiaa) par la Cour de justice des Communautés européennes ; que sa réclamation ayant été rejetée, elle a assigné le directeur des services fiscaux de Paris-Est devant le tribunal de grande instance ; que celui-ci a opposé le délai institué à l'article L 190, alinéa 3 du Livre des procédures fiscales ;

Attendu que, pour accueillir la demande de la société Laboratoires Chauvin, le jugement retient que l'article L 190, alinéa 3, du Livre des procédures fiscales n'est pas applicable, la réclamation étant fondée non sur l'arrêt rendu le 13 février 1996 par la Cour de justice des Communautés européennes mais sur l'événement que constitue au sens de l'article R* 196-1 c) du même Livre l'abrogation des droits d'enregistrement contestés par le législateur par la loi du 30 décembre 1993 ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la loi du 30 décembre 1993 a abrogé l'article 816-I-2e du Code général des impôts pour les opérations réalisées à compter du 15 octobre 1993, que l'abrogation par le législateur d'impôts dont la compatibilité avec le droit communautaire était lors de cette abrogation contestée ne constitue pas un événement au sens de l'article R* 196 1 c) du Livre des procédures fiscales ouvrant un nouveau délai de réclamation et que, dès lors, l'article L 190, alinéa 3, du même livre était opposable au contribuable, le Tribunal a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE... ».