B.O.I. N° 73 du 17 AVRIL 2001
BULLETIN OFFICIEL DES IMPÔTS
13 O-2-01
N° 73 du 17 AVRIL 2001
13 R.C./19 - O 411
COUR DE CASSATION - CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ECONOMIQUE. ARRETS DES 27 JUIN 2000 (n° 1377 F-D) et 24 OCTOBRE 2000 (n° 1771 FS-P ; BULL. IV n° 165., p. 147)
CONTENTIEUX JURIDICTIONNEL DE L'ASSIETTE DES DROITS D'ENREGISTREMENT, TIMBRE,
IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE, DROITS ET TAXES ASSIMILES.
COMPÉTENCE RATIONE MATERIAE DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE.
CONSÉQUENCES DU DEFAUT DE POUVOIR JURIDICTIONNEL DU JUGE DES RÉFÉRÉS A CET EGARD.
(L.P.F., art. L. 199, al. 2 et R. * 199-1 ; Code civil art. 2247)
[Bureau J2]
ANALYSE DES ARRETS (textes reproduits en annexe) :
Les contestations relatives au recouvrement des droits d'enregistrement et impôts assimilés portant sur l'existence de l'obligation de payer, sur le montant de la dette et sur l'exigibilité de la somme réclamée sont de la compétence du juge de l'impôt, c'est à dire le tribunal de grande instance en la matière (Com. 27 juin 2000, n° 1377 F-D).
Dès lors, le président du tribunal de grande instance statuant en référé sur l'assignation d'un contribuable souhaitant contester le rejet de sa réclamation contentieuse présentée en matière de droits d'enregistrement peut décider qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge des référés de connaître d'un tel litige, lequel relève de la compétence exclusive du tribunal de grande instance saisi dans les conditions définies aux articles L. 199 et R. * 202-2 du Livre des procédures fiscales.
En statuant de la sorte, le juge des référés ne rend pas une ordonnance sur la compétence mais une décision sur le fond même du référé par laquelle il rejette le recours au motif qu'il est dépourvu de pouvoir juridictionnel pour statuer sur le fond du litige fiscal.
Il en résulte que si l'assignation en référé a pu initialement interrompre le délai de deux mois imparti par l'article R. * 199-1 du LPF pour saisir le tribunal de grande instance de la décision prise sur la réclamation, cette interruption est regardée comme non avenue au regard des dispositions de l'article 2247 du Code civil dès lors que la demande a été rejetée par le juge des référés.
En application de ces principes, l'assignation formée devant le tribunal de grande instance plus de deux mois après la notification de la décision contentieuse de rejet est donc irrecevable comme tardive, nonobstant le fait qu'elle ait été introduite moins de deux mois après l'assignation en référé (Com. 24 octobre 2000, n° 1771 FS-P).
OBSERVATIONS :
Un contribuable dont la réclamation, présentée en matière de droits d'enregistrement, avait été rejetée par le directeur des services fiscaux, avait cru pouvoir contester cette décision devant le juge des référés.
Ce dernier devait cependant décider par une ordonnance motivée que le juge des référés n'a pas le pouvoir, dans le cadre d'une procédure d'urgence et par une décision provisoire n'ayant pas autorité de la chose jugée, d'annuler un avis de mise en recouvrement délivré par l'administration, considérant que seul le tribunal de grande instance saisi dans les conditions définies aux articles L. 199 et R. * 202-2 du LPF pouvait statuer sur les contestations qui constituent des questions de fond.
Estimant, en vertu des dispositions de l'article 2246 du Code civil, que cette assignation donnée devant un juge incompétent avait néanmoins interrompu le délai d'assignation de deux mois prévu par l'article R. * 199-1 du LPF, l'intéressé devait porter sa contestation devant le tribunal de grande instance moins de deux mois après son assignation en référé infructueuse.
Statuant sur le pourvoi dirigé contre le jugement ayant écarté l'exception d'irrecevabilité pour tardiveté de cette seconde assignation, la Cour de cassation est amenée à préciser qu'en statuant ainsi qu'il l'a fait, le juge des référés n'a pas rendu une décision sur sa compétence mais une décision sur le fond même du référé, motivée par l'étendue de ses pouvoirs juridictionnels tout autant que par la nature du litige.
Dès lors, s'agissant d'une ordonnance rejetant le recours en référé, l'effet interruptif devait être regardé comme non avenu conformément aux dispositions de l'article 2247 du Code civil, de sorte que la seconde assignation, formée plus de deux mois après la décision de rejet contentieux, était effectivement tardive.
Les deux arrêts commentés confirment ainsi que tribunal de grande instance statuant à charge d'appel possède, en vertu des dispositions de l'article L. 199, alinéa 2 du LPF, une compétence exclusive pour connaître des demandes relatives à l'assiette des droits d'enregistrement, droit de timbre, impôt de solidarité sur la fortune, ainsi que des droits et taxes assimilés, et qu'il n'entre pas en particulier dans les pouvoirs du juge des référés de connaître de tels litiges.
Annoter : D.B. 13 O 411, n° 5 et 13 O 4221, n° 7 .
Le Chef de Service
Ph. DURAND
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ANNEXE
Com. 27 juin 2000 (n° 1377 F-D) :
« Attendu, selon le jugement déféré, que M. X... , imposable au titre de l'ISF pour l'année 1983 s'est vu notifier le 4 décembre 1995 une mise en demeure d'avoir à payer la somme de 10 286 F ; qu'après le rejet de sa réclamation par laquelle il invoquait l'irrégularité de la notification faite à une adresse erronée, la prescription de la créance de l'administration fiscale et le fait qu'il avait déjà acquitté le montant de l'impôt dû, M. X... a assigné le receveur principal des impôts de Yerres devant le TGI d'Evry en annulation de cette mise en demeure ;
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu les articles L 199 et L 281 du LPF et 885 D du CGI dans sa rédaction applicable à la cause ;
Attendu qu'il résulte de la combinaison de ces textes que les contestations relatives au recouvrement des impôts et portant sur l'existence de l'obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée sont de la compétence du juge de l'impôt, c'est à dire le TGI en matière d'ISF, et, lorsqu'elles portent sur la régularité en la forme de l'acte, sont de la compétence du juge de l'exécution ;
Attendu que le tribunal a déclaré la demande de M. X... irrecevable comme relevant de la juridiction administrative ; qu'ainsi, il a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE ... »
Com. 24 octobre 2000 (n° 1771 FS-P, Bull. IV n° 165, p. 147) :
« Sur la seconde branche du second moyen :
Vu l'article 2247 du Code civil ;
Attendu qu'aux termes de ce texte l'interruption de la prescription par une citation en justice est regardée comme non avenue si la demande est rejetée ;
Attendu, selon le jugement attaqué, rendu sur renvoi après cassation (Cour de Cassation, chambre commerciale, 13 février 1996, arrêt n° 286 D), qu'après la notification, le 9 mars 1993, du rejet de sa demande en décharge d'une imposition pour cession de droit au bail, la société Magne a, le 28 juin 1993, assigné le directeur des services fiscaux de la Gironde aux mêmes fins ; que celui-ci a conclu à l'irrecevabilité de cette demande formée après expiration du délai de deux mois prévu par l'article R* 199-1 du Livre des procédures fiscales ; que la société a fait valoir que le délai avait été interrompu par son assignation du 30 avril 1993 devant le juge des référés ;
Attendu que, pour décider que la société Magne était recevable en son action, le Tribunal a retenu que l'argumentation développée devant lui par les services fiscaux était la même que celle présentée devant la Cour, qui n'avait cependant émis aucune réserve sur l'application des principes rappelés dans son arrêt, de sorte qu'il ne pouvait qu'admettre que l'assignation en référé avait interrompu la prescription ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'ordonnance de référé du 3 juin 1993 ne constitue pas une décision sur la compétence mais une décision sur le fond même du référé, le juge ayant constaté qu'il était dépourvu de pouvoir juridictionnel pour statuer sur le fond du litige, le tribunal a violé le texte susvisé ;
Et attendu qu'en application de l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, la Cour est en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE ... »